Israël et L'Humanité - Conception du sacerdoce chez lesJuifs et chez les Gentils

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III.

Conception du sacerdoce chez les Juifs et chez les Gentils.

Nous avons dit plus haut que le sacerdoce israélite se rapproche davantage de la conception des peuples occidentaux que de celle de l'Orient. Voici un point sur lequel l'accord est complet.

On a déjà observé avec raison que les Grecs et les Latins différaient des Orientaux en ce sens qu'ils ne connaissaient point de collège de prêtres constitués comme médiateurs entre Dieu et les hommes, dépositaires jaloux et interprètes de mystérieuses révélations. Chaque père de famille dans l'enceinte de sa maison administrait les choses sacrées. Il existait, il est vrai, chez les Romains des corporations de pontifes, comme celles des Saliens et des Aruspices, mais les uns et les autres étaient élus par les comices ou relevaient sous tous les rapports de l'autorité laïque. Chez les Grecs la ressemblance était plus frappante encore. Il y avait des familles privilégiées investies d'une charge sacerdotale, comme à Athènes les Eumolpides; d'autres se vouaient à la consultation des oracles, à la garde des sanctuaires, à l'art de la divination, mais elles ne formaient pas de hiérarchie et toutes étaient également soumises aux pouvoirs publics.

M Maury dit quelque part que la transmission héréditaire, par laquelle le sacerdoce grec se rapproche du sacerdoce juif, était souvent maintenue dans une même famille par un effet de la croyance existant déjà aux temps homériques que la vertu nécessaire aux fonctions sacrées se transmet par le sang et que cela est particulièrement vraisemblable pour le ministère de prophète et de voyant [1]. Il n'y a rien à objecter quant à la réunion des deux fonctions en Grèce, mais dans l'hébraïsme nous savons que les[2]choses se passaient autrement; le sacerdoce était héréditaire, le prophétisme ne l'était point, et pourtant le principe, vrai en lui-même, de la transmission du sacerdoce, qui est que l'aptitude se transmet et augmente même par l'hérédité, aurait dû s'appliquer avec plus d'efficacité encore quand il s'agissait d'attributions toutes morales et intellectuelles comme celles des prophètes. Pourquoi donc ne trouve-t-on pas en Israël de famille spécialement destinée au prophétisme comme il y en avait qui étaient exclusivement vouées au sacerdoce? En réalité, le prophétisme était aussi héréditaire que la prêtrise, seulement au lieu d'appartenir uniquement à certaines familles particulières, il était le privilège des Sémites d'abord, puis, d'une manière plus spéciale, de la race juive tout entière.

Ce point est heureusement l'un de ceux sur lesquels la science moderne la plus indépendante et la doctrine juive la plus orthodoxe sont parfaitement d'accord. C'est un fait acquis aujourd'hui que le nabi ou prophète, est un phénomène juif qui n'a aucun équivalent dans l'histoire des autres peuples. Aussi doit-on juger d'autant plus remarquables les anciennes et invariables affirmations des Israélites à cet égard, alors que la science restait encore muette ou semblait plutôt considérer cette prétention comme une folle présomption du nationalisme juif. Sous cette aptitude générale de la race, on ne laissait pas toutefois de distinguer des dispositions plus marquées au don prophétique dans certaines familles qui en avaient joui pendant une suite de générations. Nous en avons la preuve dans ces paroles d'Amos: « Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète [3]. Cette dernière qualité était donc déjà considérée par elle-même comme une condition favorable au développement de ce don religieux.

Malgré l'hérédité du sacerdoce israélite qui paraît donner à celui-ci un pouvoir supérieur à celui dont jouissait le sacerdoce romain, si l'on examine de près les fonctions et les prérogatives de l'un et de l'autre, on voit au contraire que cet avantage du premier était considérablement atténué par une infériorité sensible dans l'étendue de l'autorité. Bien qu'ils relevassent, comme citoyens, du gouvernement national, en dehors de certaines attributions qui les rapprochaient du sacerdoce juif, les prêtres romains en avaient encore d'autres qui, tout en ayant un caractère religieux, leur [4]conféraient une influence exagérée sur la chose publique. Non seulement il leur appartenait de régler le calendrier, de fixer les jours fastes et néfastes, d'élire le grand prêtre et de déterminer les conditions de pureté ou d'impureté légale, mais ils avaient encore le droit de dissoudre les comices, d'annuler les actes publics, d'arrêter les entreprises les plus importantes par un simple ordre verbal et d'abroger les lois publiées sans l'observation des rites prescrits. De toutes ces prérogatives, il n'y en a qu'une seule qui trouve son équivalent dans le judaïsme si encore n'est-ce pas sans une appréciable différence; nous voulons parler du droit du sacerdoce d'intervenir dans l'entreprise d'une guerre par la consultation des Urim et Tummim.


References

  1. Religions de la Grèce, II, p. 393
  2. Page 645
  3. VII, 14.
  4. Page 646