Israël et L'Humanité - Examen de quelques textes établissant la doctrine Isaïe et Daniel

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§ 2.

ISAÏE ET DANIEL.

Nous trouvons dans Isaïe un passage qui rappelle celui de l'Exode cité plus haut: «  En ce temps-là l'Eternel châtiera dans le ciel l'armée d'en haut et les rois de la terre ici-bas » [1]. Qu'est-ce que cette armée d'en haut (צבא המרום ) que Dieu punit en même temps qu'il frappe les rois de la terre, sinon les sarim qui président dans le ciel aux destinées des peuples que les souverains gouvernent en ce monde? Le verset suivant confirme cette interprétation; il annonce [2] en strict l'humiliation du soleil et de la lune, les deux principaux objets d'adoration de l'antiquité païenne: « La lune sera couverte de honte et le soleil de confusion; car L'Eternel Sabaoth régnera sur la montagne de Sion et à Jérusalem resplendissant de gloire en présence de ses anciens » [3]. Ce texte d'Isaïe démontre donc, d'une part, l'existence des sarim , des principautés célestes préposées au gouvernement des nations et que la foule adorait dans son culte astrolâtrique et, d'autre part, la souveraine juridiction du Dieu unique qui châtie à la fois ces puissances angéliques et les peuples confiés à leur garde.

Deux autres passages du même livre ne sont pas moins instructifs à cet égard: « Voici Avaya est monté sur une nuée rapide, il vient en Egypte; et les faux dieux [4] de l'Egypte tremblent devant lui et le cœur des Egyptiens tombe en défaillance [5] Ainsi les premiers coups des vengeances divines sont destinés aux dieux et le peuple qui les adore est ensuite frappé à son tour. Au chapitre XXXIV <super> e </super> nous voyons décrit avec de grandioses images le châtiment des El-ohieme: « Tout l'armée des cieux se dissout, les cieux sont roulés comme un parchemin et toute leur armée tombe, comme tombe la feuille de la vigne, comme tombe celle du figuier. Car mon épée s'est rassasiée dans les cieux » [6]. Ce dernier texte peut-être rapproché de celui des Psaumes qui parle en termes fort clairs de l'abaissement des anges ou sarim : «  J'avais dit: Vous êtes des El-ohieme, vous êtes tous des fils d'Elion; cependant vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme n'importe lequel des sarim» [7]

Le livre de Daniel est certainement le plus riche, en notions explicites sur les sarim, mais les preuves que nous avons déjà fournies de la préexistence de cette doctrine ne permettent pas de croire, comme le voudraient certains critiques, qu'elle constitue dans cet ouvrage une nouveauté, une importation étrangère. Le sujet même du livre, qui traite de la chute et de l'élévation des empires, explique suffisamment le développement donné à la théorie qui nous occupe. Certes, nous ne nions pas pour cela l'évolution des idées religieuses sous l'action des lois et des événements réglés [8]par la divine Providence; nous soutenons seulement que cette évolution, comme celle des êtres organiques, laisse intacte l'individualité.

Voici donc les restes dont il s'agit. Au chapitre X <super>e</super> l'ange dit à Daniel: «  Le sar du royaume de Perse m'a résisté durant vingt-et-un jours; mais voici, Michaël, l'un des principaux sarim, est venu à mon secours et je suis demeuré là auprès des rois de Perse » [9]. Et quelques versets plus loin le même ange poursuit: «Sais-tu pourquoi je suis venu vers toi? Maintenant, je m'en retourne pour combattre le sar de la Perse et, moi parti, le sar de la Grèce viendra. Mais je veux te faire connaître ce qui est écrit dans le livre de vérité: Personne ne vient à mon aide contre ceux-là, excepté Michaël, votre sar . Et moi, la première année de Darius, le Mède, j'étais auprès de lui pour l'aider et le soutenir » [10]. Et au chapitre XII <super> e</super>nous lisons: « En ce temps-là se lèvera Michaël, le grand sar, le défenseur des enfants de ton peuple » [11]

Tous ces sarim qui entrent ici en scène comme des personnages bien connus luttent donc entre eux et contractent des alliances, Qu'est-ce que ces combats sinon le symbole de la lutte des forces, des principes contraires, que l'ancienne philosophie grecque considérait comme l'une des lois de la vie universelle? On peut rapprocher de ces textes de Daniel, qui nous parlent de conflits de juridiction entre les sarim , d'autres passages des Ecritures, celui du livre des Rois par exemple où Michée, à propos de l'expédition contre Ramoth en Galaad, dit avoir vu l'Eternel assis sur son trône et « toute l'armée des cieux se tenant auprès de lui, à sa droite et à sa gauche » [12]. Une discussion s'étant élevée entre les esprits célestes sur la manière de séduire Achab, ils répondaient, dit le texte « l'un d'une manière et l'autre d'une autre » [13]. Le prologue du livre de Job: « Lesbenè El-ohiemevinrent un jour se présenter devant Avaya, et Satan vint aussi au milieu d'eux » [14] et le début du LXXXII <super>e</super> psaume: « Dieu (El-ohieme) se tient dans l'assemblée divine [15], il juge au milieu des El-ohieme , offrent aussi de frappantes analogies avec ces textes.[16]Peut- être ces citations rendent-elles plus intelligibles les différents passages cités dans un précédent chapitre où Dieu, parlant au pluriel, semble délibérer et demander une coopération: « Faisons l'homme à notre image... Voici que l'homme est devenu comme l'un de nous... Allons! descendons et là confondons leur langage...»

Les rabbins, en étudiant ces versets, ont souvent donné une interprétation qui confirme notre manière de voir dans les dieux, anges ou sarim, des attributs divins personnifiés. C'est ainsi qu'ils nous disent, à propos du premier de ces passages, que la Charité et la Vérité consultées sur l'opportunité de créer Adam répondirent, la première: Qu'il soit créé! et la seconde: Qu'il ne le soit point! [17]. Voilà donc des noms abstraits, de véritables attributs mis à la place de noms d'anges, ce qui nous justifie de considérer les luttes entre sarim relatées au livre de Daniel comme portion antagoniste des idées, puis des forces, ainsi que nous aurons l'occasion de l'expliquer plus loin.


References

  1. Isaïe, XXIV, 21.
  2. Page 246
  3. Ibid., vers. 23.
  4. אלילי מצרים
  5. Isaïe, XIX, 1.
  6. Ibid., XXXIV, 4-5
  7. PS., LXXXII, 6-7
  8. Page 247
  9. Daniel, X, 13-14.
  10. Ibid., 20-21, XI,1.
  11. Ibid., XII, 1.
  12. I Rois, XXI, 19.
  13. Ibid., vers. 20.
  14. Job., I, 6.
  15. בעדת א-ל
  16. Page 248
  17. חסד אומר יברא אמת אל יברא