Israël et L'Humanité - Existencede l'inspiration chez les Gentils et sa disparition d'aprês les Rabbins

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V.

Les révélations divines dans la Gentilité.

§ 1.

EXISTENCE DE L'INSPIRATION CHEZ LES GENTILS

ET SA DISPARITION D'APRÈS LES RABBINS

Le caractère universel de la loi nous est démontré par l'apostolat des patriarches hébreux auprès des Gentils, mais il ressort d'une manière non moins évidente des révélations directes du Dieu d'Israël dans le monde païen qui ont été régulières et continues, au moins jusqu'à l'élection du peuple juif. Il suffit de rappeler des faits que nous avons déjà eu l'occasion de mentionner: la présence d'oracles et d'enseignements religieux dans la gentilité, ce qui suppose des communications divines, le personnage et le rôle de Melchisédek, les manifestations dont Abimélek, Laban, Pharaon sont favorisés et qui prouvent non seulement, comme nous l'avons dit, l'universalité du Dieu d'Israël, mais encore de la loi par laquelle il gouverne les humains.

Ecoutons les paroles de Moïse lui-même, lorsqu'il demande à Dieu d'accompagner son peuple dans son périlleux voyage: « Si tu ne marches pas toi-même avec nous, ne nous fais point partir d'ici. Comment saurait-on autrement de façon certaine que j'ai trouvé grâce à tes yeux, moi et ton peuple? Ne sera-ce pas quand tu marcheras avec nous et que nous serons distingués, moi et ton peuple, de tous les peuples qui sont sur la face de la terre [1]? » Moïse n'ignorait donc pas et était bien loin de nier que Dieu se fût directement occupé avant lui des Gentils. Ce n'est pas une simple révélation qu'il sollicite pour Israël, comme si les Gentils n'en avaient jamais obtenue aucune de la part de Dieu dans le passé et n'en devaient plus jamais recevoir à l'avenir , mais une révélation qui fût en même temps un privilège dont aucun autre peuple ne jouirait désormais. Ce qu'il demande, c'est que l'inspiration divine, de générale qu'elle était auparavant, soit circonscrite à son peuple. Cela est si vrai que lorsque les [2]Prophètes d'Israël décrivent l'ère messianique qui devra remettre l'humanité au point où elle était avant l'élection d'Israël, avec celui-ci en plus comme centre d'unité, ils disent que Dieu répandra son esprit sur toute chair, que tous, vieillards et jeunes gens et même les serviteurs et leurs servantes, seront doués du don de prophétie.

Les Rabbins, renchérissant sur la Bible, nous disent que « Dieu suscita des prophètes aux Gentils comme il en suscita à Israël » et ils nous en nomment même quelques-uns que la Bible ignore, au moins comme tels. Il fallait que l'idée de la religion universelle fut bien profondément établie chez eux pour qu'ils reconnussent aux païens des titres dont l'Ecriture ne parlait nullement. Sem, de même que son ancêtre Eber, devient, pour eux un prédicateur des Gentils: Eliphaz de Teman, Bildad de Suah, Sofar de Naama, Elihu fils de Barabel de Buz, Job de Uz et après eux Balaam sont mentionnés comme prophètes [3]. « Nos Docteurs de bienheureuse mémoire, écrit le rabbin Abraham Abulaffia, ont dit: La Thora a été donnée aux chefs de chaque génération, c'est-à-dire que les Anciens aussi ont été doués de sagesse et d'intelligence et qu'ils possédaient la connaissance de la vérité [4]. Voici un autre texte rabbinique non moins concluant, « R Isaac dit: Tant que le Tabernacle du désert n'a pas été érigé, l'inspiration existait chez les Gentils; elle cessa après la construction du Tabernacle ». Ces paroles disent assez clairement quel lien logique et providentiel rattache ces deux faits. La Révélation est d'abord générale et les Gentils la reçoivent directement; puis par suite du mouvement toujours plus marqué de spécialisation, de différentiation, qui s'opère dans tous les domaines, elle se particularise et l'humanité dans son ensemble l'obtient indirectement et par représentation, après la distribution providentielle des rôles concourant à l'harmonie générale; ainsi en est-il dans la société civile où chacun fait d'abord toutes choses pour lui seul et n'en fait plus ensuite qu'une seule pour tout le monde.

Dira-t-on que nous faisons trop d'honneur aux Rabbins en leur attribuant ces nobles intentions et qu'ils ne laissent pas de nous montrer Dieu imitant la conduite d'un père qui préfère injustement un de ses fils à tous les autres? On ne saurait le soutenir [5]car s'il en était ainsi, ce n'est point à la construction du Tabernacle qu'ils auraient rattaché la cessation des oracles chez les païens et la substitution d'Israël à la Gentilité pour les révélations divines, mais bien plutôt à l'élection d'Abraham ou à tout autre fait attestant les faveurs divines. On connaît le récit de Plutarque d'après lequel une voix se fit entendre du fond de la mer qui disait: Le grand Pan est mort! et à ce même instant les oracles cessèrent de donner leur réponse. Le christianisme, acceptant le fait, l'interpréta dans le sens de la disparition du paganisme à la vue du triomphe de Jésus. C'est quelque chose d'analogue que la tradition rabbinique a voulu exprimer en faisant coïncider la suppression des révélations chez les Gentils avec l'édification du Tabernacle, mais il y a cependant entre les deux idées une très notable différence; c'est qu'au point de vue juif, paganisme et hébraïsme sont deux formes également légitimes de la vraie religion, chacune à son époque, tandis que pour les chrétiens, c'est l'erreur et la puissance du démon qui disparaissent avec le paga- nisme à l'avènement du christianisme.

Mais voici une autre preuve du sentiment véritable qui anime les Rabbins: « Tous les prophètes, lisons-nous au Midrasch Rabba, témoignèrent de la charité envers Israël aussi bien qu'envers les nations de la terre. Au contraire cet homme cruel (Balak) se leva pour détruire un peuple tout entier sans aucune faute de sa part. C'est pour cela qu'a été écrite l'histoire de Balaam, afin de faire connaître pour quelle raison Dieu a retiré l'Esprit Saint des peuples Gentils [6]» . Toutes les hypothèses que nous venons d'exposer trouvent ici leur confirmation. Ce Midrasch suppose évidemment la continuation de l'inspiration chez les Gentils après Adam et Noé et fixe sa cessation à l'époque de Moïse. En outre, c'est le mauvais usage du ministère prophétique, c'est l'indignité du prophète qui sont assignés comme cause de cette disparition. La même chose est enseignée à peu près dans les mêmes termes par le Jalcut à propos du verset des Nombres: «  Balaam se leva le matin, sella son ânesse et partit avec les chefs de Moab [7].» «  Nous apprenons par là, dit ce Midrasch , que l'Esprit Saint se retira de lui et dès ce moment l'Esprit Saint se retira des peuples du monde » . [8]


References

  1. Exode, XXXIII, 15-16 .
  2. Page 447
  3. V. Jalkout, I, et le livre Tanna debè Elihaou
  4. Haiè haolam habba, XIV <super> e </super> siècle.
  5. Page 448
  6. Section Balak
  7. Nombres, XXII, 21.
  8. Page 449