Israël et L'Humanité - Identité de la loi divine et humaine d'après la Bible

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§ 3

IDENTITE DE LA LOI DIVINE ET HUMAINE D'APRES LA BIBLE.

Cette doctrine de pointé de la loi existe-t-elle dans la Bible comme dans la Kabbale et dans les haggadoth talmudiques et midraschiques ? Nous en trouvons tout d'abord le reflet pour ainsi dire dans cette idée, si fréquente dans les Ecritures et à laquelle on n'accorde pas généralement l'attention qu'elle mérite, que la voie de Dieu est la voie de l'homme, que celui-ci doit suivre le même chemin que son Créateur, qu'en un mot sa vocation est d'imiter Dieu. Si donc la voie est la même, la loi est identique aussi; ce sont là, deux noms d'une seule et même chose.

La Bible nous montre Dieu pratiquant tout ce qu'il prescrit à l'homme d'observer, la justice, la charité, la sainteté, le pardon des offenses, la perfection morale. Abraham s'écrie: « Celui qui juge toute la terre n'exercera-t-il pas la justice? «  c'est-à-dire, comme le comprendrait nos intelligence moderne: celui qui soutient le monde par la justice serait-il le seul à ne la point observer ? La texte du Lévitique: «Soyez saints, parce que je suis saint, moi l'Eternel, votre Dieu » exprime l'idée aussi clairement que possible.

La conséquence qui se présente naturellement à l'esprit est qu'il n'y a aucune raison pour qu'il n'en soit pas de même des autres préceptes que Dieu a commandés à l'homme et que tous sans exception sont observés par Dieu, en d'autres termes que la loi qu'il a donnée aux hommes est celle qu'il suit lui-même dans la nature et le gouvernement de l'univers. Sans doute, c'est d'une manière conforme à la nature divine que Dieu observe la loi, de même que tous les êtres de l'univers l'accomplissent à leur tour de la façon propre à leur nature spéciale. La prière, les sacrifices, les ordonnances diététiques et domestiques, les lois civiles, politiques et cérémonielles varient dans la pratique selon le caractère particulier de ceux qui les observent. Les lois morales elles-mêmes ne doivent donc pas être comprises par Dieu comme elles sont comprises et pratiquées par l'homme et c'est en ce sens que Maïmonide et d'autres commentateurs ont interprété, ce verset d'Isaïe: « Mes pensées ne sont pas vos pensées et vos voies ne sont pas mes voies, dit lEternel; autant les cieux sont élevés [1] Au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies et mes pensées au-dessus de vos pensées [2]». Mais cette diversité dans les degrés n'empêche point l'identité et, comme nous l'avons dit, celle-ci est d'autant plus parfaite qu'elle prend toutes les formes pour s'adapter à toutes les différentes natures des êtres, depuis la nature de Dieu jusqu'à celle du grain de sable.

On nous objectera sans doute que des dédutions si raisonnables qu'elles soient ne valent pas des textes et l'on demandera s'il existe réellement dans la Bible des exemples qui nous montrent Dieu observant la loi. La question est nouvelle et singulière assurément, mais elle ne restera pas sans réponse. On n'a pas remarqué, semble-t-il, que le sabbat a été observé par Dieu avant de l'être par Moïse et que c'est justement parce que Dieu l'a observé qu'il a été commandé à l'homme de l'observer à son tour. N'y a-t-il là qu'un fait isolé qui attend son explication ou cet exemple biblique ne rentre-t-il pas plutôt dans un système parfaitement coordonné et homogène? L'idée de ne voir dans cette commune observation du sabbat qu'un artifice moral pour encourager l'homme à se perfectionner de plus en plus ne résiste, croyons-nous, ni aux justes exigences de la foi en la révélation, ni aux objections de la critique indépendante qui fait de l'anthropomorphisme ou de l'assimilation de Dieu à l'homme l'un des caractères distinctifs des anciennes religions.

Nous trouvons un autre exemple biblique d'observance commune, conséquence légitime de l'unité de loi, dans les sabbats d'années ou jubilés, schemittot et yobelin, qui sont, parmi les institutions civiles des anciens peuples, comme le reflet de leur cosmologie religieuse. Comme ces sabbats d'années ou jubilés étaient évidemment calqués sur le sabbat hebdomadaire, il s'ensuit naturellement que puisque ce dernier répond, d'après la Bible, à un sabbat divin, les autres doivent correspondre également à d'autres sabbats de Dieu. Si les sept jours de la Genèse doivent être compris comme des périodes divines de mille ans ou plus, l'analogie entre les sabbats cosmogoniques et le repos du septième jour n'est que plus complète. Il ne faut pas oublier non plus que les sabbats qui ouvrent et clôturent les semaines solennelles de la Pâque et des Tabernacles rentrent aussi dans ce même ordre d'idées.[3]Un savant indépendant, parlant de l'antiquité en général et par conséquent aussi de l'hébraïsme pour lequel on ne peut songer à faire une exception en dehors de la croyance à la révélation, dit que la constitution civile se reflète dans la constitution divine et que l'Olympe avec toutes ses traditions n'est point la reproduction d'une révélation primitive, mais bien le reflet plus ou moins précis d'une époque historique [4]». Ainsi le Ciel serait constitué à l'imitation de la terre, de la société humaine; c'est justement le contraire de ce que nous affirmons, mais nonobstant cette différence, ce que nous tenons à constater dans ce témoignage de la science, c'est l'idée de conformité d'unité des deux lois. il faut remarquer aussi que les prophètes confondent habituellement dans une même conception les changements sidéraux, cosmiques, géologiques avec les évolutions politiques, la chute et la résurrection des empires, en un mot la vie humaine et sociale avec la vie universelle ou, pour employer leur langage, les cieux nouveaux et les terres nouvelles avec les rénovations religieuses ou civiles, autrement dit les transformations de l'humanité. Cette manière de concevoir se rattache évidemment à ce que nous venons de dire sur l'harmonie existant entre les institutions humaines et les croyances cosmologiques et les unes et les autres sont intimement liées à l'idée d'unité de loi qui, dans la réalité à venir, se traduit pour les voyants d'Israël par l'avènement simultané de la rénovation terrestre ou palingenèse proprement dite et de la rénovation du genre humain ou résurrection.

Le principe de l'unité de loi a encore été professé par le judaïsme sous une autre forme, puisqu'il a eu cette idée, qui, si étrange que cela paraisse, remonte jusqu'à Moïse, d'une Jérusalem et d'un Temple célestes. Dans plusieurs passages de l'Exode nous lisons que Dieu montra à Moïse, le modèle du tabernacle et de tout ce qu'il devait contenir: « Regarde, et fais d'après le modèle qui t'est montré sur la montagne [5]» c'est-à-dire au lieu où résidait la gloire de l'Eternel. Est-ce là une vision passagère destinée uniquement à mieux instruire Moïse sur la construction de tabernacle et de ses dépendance? Cette hypothèse est bien improbable si l'on songe qu'on peut signaler dans la Bible une foule d'autres allusions non moins concluantes, comme par exemple celle de la [6]vision d'Isaïe: « Je voyais le Seigneur siégeant sur un trône très élevé et les pans de sa robe remplissaient le temple.... Or, l'un des séraphins vola vers moi tenant à la main la braise qu'il avait prise sur l'autel [7] ». Il y avait donc là un autel et sur l'autel du feu précisément comme dans le temple de Jérusalem.

Ce n'est pas tout; nous trouvons deux psaumes qu'il est bien difficile de comprendre en dehors de ce système de transposition des choses terrestres dans le domaine céleste. « O Eternel! s'écrit David, qui séjournera dans ta tente ? Qui demeurera sur ta montagne sainte [8]». Suit une longue énumération des qualités morales nécessaires qui aboutit à cette conclusion: «  Celui qui fera ces choses ne chancellera jamais ». L'autre psaume débute d'une manière analogue: « Qui pourra monter à la montagne de l'Eternel? Qui s'élèvera jusqu'à son lieu saint? Celui qui a les mains innocentes et le cœur pur; celui qui ne livre pas son âme au mensonge [9] ». Il nous paraît absolument impossible de voir dans cette tente, dans cette montagne de Dieu, dans ce lieu saint soit Jérusalem, soit le tabernacle ou le Temple et par conséquent il doit s'agir ici de leurs équivalents célestes.

La vision de Jacob elle-même n'est pas sans importance. Ces degrés qui unissent le ciel à la terre, ces anges qui les gravissent et les descendent, le nom même de porte des cieux donné au sanctuaire sont évidemment significatifs. On peut, pour l'éclairer, rapprocher de ce dernier passage les paroles du Psalmiste préoccupé de connaître le mystère de la prospérité des méchants : « Quand j'ai réfléchi pour comprendre cela j'ai vu que la difficulté est grande, jusqu'à ce que je pénètre dans les sanctuaires de Dieu, alors je verrai quel est leur sort final [10]».

Nous avons dit que dans le Pentateuque lui-même Dieu montre à Moïse le modèle du Tabernacle et de tous ses ustensiles sacrés. Le grand législateur a donc vu sur la montagne, dont le sommet se confond avec le ciel, l'arche sainte, les tables et le livre de la Loi, ce qui nous prépare à voir la Thora figurer à côté de Dieu comme sa science et sa conseillère. Serait-il téméraire d'ajouter que le livre tant de fois mentionné dans la Bible, où les noms des justes sont inscrits, n'est au fond que le livre de la loi universelle,[11] de la loi divine et humaine? Ce qui est certain, c'est que les commentateurs ont pris tour à tour ce livre pour celui de la Loi et pour celui du destin. Si donc la Loi préexiste au ciel, il est naturel qu'on ait appliqué à Moïse ce verset des psaumes: « Tu es monté au ciel, tu en as remporté les dépouilles; tu as reçu des dons pour l'homme et même pour les rebelles, afin que Jah El-ohieme y pût habiter [12] ». Dans ce magnifique éloge de la loi divine qui est le Psaume 119 on lit également « Eternellement, ô Avaya! La parole est présente dans les cieux [13]» .

Mais voici un fait qui réclame toute notre attention. Cette conception d'un sanctuaire céleste sur le modèle du temple de Jérusalem n'est nullement isolée; elle fait en réalité partie d'un système général d'après lequel les localités terrestres, des parties de la ville sainte, de la Palestine, sont considérées comme des copies et représentations des conditions morales, des états spirituels de l'autre vie, en sorte que l'idée d'identité de la loi divine et humaine se retrouve jusque dans les formes et les détails les plus minimes. Un judicieux auteur écrit par exemple à propos de la vallée de Josaphat: « Cette vallée mentionnée par Joël n'est pas le nom propre de la vallée qui se trouve entre Jérusalem et le mont des Oliviers, mais le nom symbolique et fictif pour signaler le lieu où l'Eternel devait juger et châtier les ennemis de son peuple et la preuve, c'est qu'au verset 14 on substitue à ce nom celui de la vallée de la rescision, c'est-à-dire où les peuples devront être battus et mis en pièces. C'est pourquoi Théodotion traduisait la vallée de Josaphat de Joël par in locum judicii et la paraphrase chaldéenne in valle divisionis judicii, c'est-à-dire qu'à chacun sera appliqué la peine proportionnellement à son démérite [14]» . Nous ne nions pas, quant à nous, l'existence d'une vallée de Josaphat à Jérusalem; nous croyons au contraire que la vallée qui portait ce nom significatif a servi de symbole pour représenter le jugement entre les Gentils et Israël. Quoi qu'il en soit, voilà un exemple d'un point géographique pris comme représentation d'un état moral.

En voici un autre; on ne contestera pas que Tophet était une localité réelle des environs de Jérusalem, dans la vallée de Hinom où l'on brûlait les enfants en l'honneur de Moloch. Cependant [15]ce nom a été employé par Isaïe pour signifier le lieu de punition des ennemis de Dieu, soit en ce monde, soit, comme il paraît plus probable, dans la demeure des trépassés, de sorte que ce nom de Ghé-Hinnom, vallée de Hinnom, donné, par les Rabbins à l'enfer se trouve sous l'équivalent de Tophet dans la prophétie d'Isaïe [16]

Voyons maintenant les textes dans lesquels l'unité de loi est considérée en elle-même ; ils achèveront d'établir que la Kabbale et les Rabbins sont sur ce point en parfait accord avec la Bible.


References

  1. Page 417
  2. Isaïe, LV, 8,9.
  3. Page 418
  4. Alcide Oliari, Dei volghi pelasgici, p. 37
  5. Exode, XXV, 40
  6. Page 419
  7. Isaïe, VI, 1, 6.
  8. Ps. XV, 1.
  9. Ps. XXIV. 3, 4.
  10. Ps. LXXIII, 16, 1.
  11. Page 420
  12. Ps. LXVIII, 19
  13. Ps. CXIX, 89
  14. Tiboni, Misticismo biblico, p. 536
  15. Page 421
  16. XXX, 33.