Israël et L'Humanité - Leur coexistence et leur sêparation à la naissance du christianisme

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II
Les deux éléments de la religion d'Israël.

§ 1.

LEUR COEXISTENCE ET LEUR SÉPARATION À LA NAISSANCE DU CHRISTIANISME

Les caractères les plus saillants de la loi mosaïque contredisent formellement l'hypothèse de la soumission de tous les peuples à cette même loi, car ils portent tous l'empreinte du particularisme juif. C'est la vie individuelle israélite qui respire dans le mosaïstes; en lui se reflètent l'histoire, les intérêts, les espérances d'Israël, non pas que cette vie toute particulière ne se relie à la vie universelle de l'humanité, car c'est dans ce lien au contraire que consistent la grandeur et les meilleures aspirations du judaïsme, mais du moins l'humanité n'est nullement destinée à venir s'y perdre, pas plus que la vie d'Israël ne doit se confondre dans l'humanité. L'union la plus étroite doit exister entre les deux, sans que l'un soit sacrifié à l'autre.

Cet aspect éminemment ethnique du mosaïsme est sans doute compatible avec l'affiliation restreinte d'un petit nombre de prosélytes, mais il s'oppose d'une façon irréductible à la conversion en masse de tout le genre humain. L'histoire du christianisme le démontre clairement. Faute de n'avoir point vu ou du moins pas apprécié convenablement le double culte que le judaïsme suppose, le culte laïque, noachide, de l'humanité et le culte sacerdotal d'Israël, qu'est ce que les fondateurs du christianisme ont été obligés de faire dans leur désir de voir se réaliser, malgré tout, les promesses de religion universelle dont les Livres sacrés sont rempli? Ils ont d'abord hésite pendant quelque temps entre les deux partis extrêmes, celui d'imposer le mosaïsme à tout le monde et celui de l'abolir même pour Israël. Mais la première tentative devait fatalement échouer, et après avoir constaté leur insuccès à cet égard, il ne resta pas aux chrétiens d'autre alternative que de [1]proclamer l'abolition du judaïsme et de le rayer en quelque sorte de l'histoire pour ramener tous les hommes au pur noachisme, comme si un fait d'une aussi capitale importance que le mosaïsme devait être compté pour rien. Cette conduite n'a pas d'autre cause que l'ignorance de double aspect de la Loi divine, d'après lequel la coexistence des deux cultes devient non seulement possible, mais indispensable, grâce à l'organisation du genre humain, nécessairement hiérarchique comme toute organisation, en laïques et en prêtres.

Ce double élément de judaïsme apparaît dans le fait même de son abolition que l'on tenta de réaliser à cette époque, si l'on veut bien prendre la peine de réfléchir attentivement à la contradiction intrinsèque que renferme la formule même de cette abolition et qui, pour n'avoir peut être pas été alors clairement aperçue, n'en résume pas moins à nos yeux ce mémorable événement. C'est en effet l'hébraïsme qui nie l'hébraïsme. Pour que la chose fût possible, et l'on ne saurait contester que ces mots dépeignent exactement la situation, il fallait bien que sous ce nom d'hébraïsme se cachât une dualité, grâce à laquelle les deux éléments jusqu'alors réunis, le particularisme et l'universalisme, la religion d'Israël et celle de la Gentilité, ont fini par se dédoubler au point que le second a renié le premier. Mais le lien qui, dans le judaïsme, rattachait les deux cultes n'a pas été, nous le répétons, aperçu par les premiers chrétiens, pas plus que ne le comprennent aujourd'hui les théologiens chrétiens ou les critiques rationalistes qui reconnaissent d'ailleurs l'existence de ce double élément en Israël. Et cependant ils sont doués l'un et l'autre d'une telle vitalité qu'il est impossible de songer qu'aucun lien n'existe entre eux. L'hébraïsme, au lieu d'être cette institution si homogène que l'histoire nous révèle, apparaîtrait plutôt comme le royaume divisé dont parle l'Evangile, si ces deux aspects de l'antique religion également nécessaires à sa constitution n'étaient parvenus à composer un tout harmonique. Ce lien, nous l'avons déjà vu, c'est l'organisation hiérarchique du genre humain en prêtres et en laïques et c'est le méconnaître complètement que d'écrire comme l'a fait un auteur catholique, M. Conti, que le particularisme et l'universalisme ne pouvaient s'identifier dans la nationalité hébraïque [2] Histoire de la philosophie tome I, p. 417. </i>, car il ne s'agit nullement d'identifier [3] deux choses distinctes, mais de les harmoniser, ce qui était indispensable à la vie même de l'hébraïsme.

Le même écrivain ajoute qu'au surplus les juifs étaient incapables de concevoir la religion universelle sous la forme d'une grande fraternité humaine et que cette notion ne renfermait pas pour eux autre chose que l'idée d'un empire qu'ils exerceraient sur le monde entier. Une pareille conception est étrangère au judaïsme. Les Juifs en effet ont fort bien pu nourrir à certaines époques des espérances chimériques d'universelle domination, sans que pour cela le judaïsme soit aucunement rendu responsable de ces rêves du patriotisme israélite. Ce sont au contraire ces rêves eux-mêmes qui attestent l'existence d'une doctrine plus raisonnable et même si élevée qu'elle dégénérait inévitablement chez les esprits inférieurs en images plus flatteuses pour l'orgueil national.


References

  1. Page 459
  2. « Ora umanamente quei due lati (particolarismo e niversalimo) non si potevano identificare; la nazionalità ebraica… non poteva correre da sè all'universalità ».
  3. Page 460