Israël et L'Humanité - Rapporte du mosaïme avec la révélation noachide ou universelle

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Rapports du Mosaïsme avec la révélation noachide ou universelle.

La coexistence d'une loi obligatoire, dont nous venons d'étudier en détail les divers commandements, et d'une règle de piété individuelle pour ceux qui inspiraient à une plus grande perfection religieuse, nous amène à rechercher dans quels rapports se trouvait exactement la loi de Moïse avec la révélation primitive considérée sous ce double aspect.

Après tout ce que nous avons dit, l'hypothèse d'une substitution du mosaïsme à la religion noachide ou universelle comme valable pour tout le monde indistinctement doit être, croyons- nous, définitivement écartée. Nous avons vu que, bien différent en cela du christianisme, qui a prétendu établir l'unité religieuse sur les ruines de tout ce qui existait avant lui tant chez les Israélites que chez les païens, le judaïsme, en respectant la loi noachide, a consacré le principe d'une dualité extérieure qui se justifie à tous les points de vue; il n'a nullement cherché à faire entrer de force l'humanité dans l'Eglise qu'il constituait, pas plus qu'il n'a voulu confondre cette Eglise d'Israël dans le catholicisme de ce temps-là. D'un côté il affirmait, sous le nom de noachisme, la loi universelle obligatoire, de l'autre il s'affirmait lui-même comme loi sacerdotale, donnant ainsi, à une distance de près de quatorze siècles, un démenti aux prétentions des propagateurs du christianisme qui, à l'apparition de cette religion aux aspirations universalistes, déclarèrent le mosaïsme déclin comme religion particulière du peuple élu. La religion universelle est si peu une nouveauté qu'elle a précédé le judaïsme; celui-ci marque un progrès à son égard en ce sens qu'il a constitué, pour employer le langage scientifique, un travail de spécialisation, de différenciation: à la place d'une religion uniforme, inorganique, dans laquelle les peuples au point de vue de l'existence nationale, n'entraient absolument pour rien, ce qui, de l'aveu de tous, est précisément le caractère dominant du christianisme à partir du moment où il consomma sa rupture avec Israël [1] à [2]la place d'un culte qui ne considère que les individus, il organise l'humanité en une grande Eglise comprenant une nation de prêtres et des peuples laïques. Et cette dualité qu'il établit ainsi définitivement n'est au fond que la très simple et très naturelle distinction entre la loi commune à tous et la règle purement sacerdotale.

Dans ces conditions, quels sont donc les rapports du mosaïsme avec la révélation primitive telle qu'il l'a lui même conçue, c'est-à-dire avec l'état religieux du genre humain à l'époque de son avènement? Le présent travail nous paraît avoir élucidé considérablement la question. Le judaïsme trouva l'humanité régie par cette révélation primitive qu'on peut appeler adamitique, patriarcale ou noachide, et qui en tout cas est la seule qui mérite véritablement le nom de catholique. Mais à côté de la loi obligatoire pour tous, on distinguait des règles de perfection propres aux hommes plus pieux et tout au moins aux prêtres de ce temps là. Jusqu'à Moïse cette distinction était tout individuelle et se retrouvait dans les cultes de toutes les nations. Il y avait partout des prêtres et des laïques, un ensemble de prescriptions imposées à tous les hommes indistinctement et une loi de morale supérieure pour les âmes spirituelles, un code général et un idéal de vie sainte; mais la société humaine n'était point encore organisée avec son sacerdoce tel que le conçut le grand législateur. Ce fut le mosaïsme en effet qui, dès sa naissance, fit faire ce pas gigantesque à l'humanité. Les différents peuples devinrent à ses yeux les membres d'une seule grande famille terrestre [3] créée, nous disent les Rabbins, à l'image du monde divin [4]. Et dans cette famille, il désigna un frère aîné, Israël, qui à l'instar de tous les aînés dans l'antiquité fut chargé, pour le compte de tous, des fonctions de la prêtrise. C'est à lui qu'il assigna comme statut particulier cette loi de perfection que les prêtres gentils observaient avant Moïse; ainsi le sacerdoce, dont les éléments étaient jusqu'alors dispersés chez tous les peuples, prit définitivement corps et la nation israélite l'exerça dorénavant au nom de la famille humaine tout entière.

Ce qui se passa à l'époque de la révélation mosaïque dans le domaine religieux est semblable au procédé qui se révèle dans l'univers physique où les phénomènes vont de l'homogène à l'hétérogène et réalisent des spécialisations successives qui, loin de [5]nuire à l'harmonie et à l'unité véritables, ne font que les rendre l'une et l'autre plus riches et plus fécondes. Lorsqu'il s'agit de les maintenir sous une plus grande multiplicité de formes, le lien central destiné à les réunir doit être lui-même d'autant plus fort et plus indivisible. Cette vérité précieuse, que la critique indépendante confirme pleinement, nous fait comprendre pourquoi le judaïsme a du prendre un caractère essentiellement particulariste en ce qui concerne la nation sacerdotale, en même temps qu'il donnait aux autres peuples, comme membres laïques de l'Eglise universelle fondée par lui, la loi noachide, cette vraie loi catholique dont nous venons de tracer à grands traits les lignes principales.

Sans doute nous ne prétendons pas que Moïse ait conçu dans tous ses détails ce plan grandiose, mais celui-ci apparaîtra néanmoins très visiblement, ce nous semble, à tous ceux qui auront bien voulu suivre sans parti pris et jusqu'au bout notre longue mais soigneuse démonstration. Dans l'œuvre du législateur hébreu, qui eut d'ailleurs sous les yeux, dans le spectacle offert par les constructions cyclopéennes de l'Egypte, l'imposante vision des destinées futures du monde, tout est fait en vue de l'avenir. Ses efforts pour organiser la race sacerdotale, la maintenir intacte au milieu de l'humanité et la rendre capable de se plier à toutes les exigences des temps et des lieux et de s'adapter à tous les changements qui pouvaient survenir dans le cours des âges, revêtent une souplesse et une sagesse admirables.

Aussi la tradition rabbinique ne s'y est point trompée. Elle a parfaitement compris la nature différente des deux parties de l'œuvre mosaïque: d'un côté, le code civil destiné à régler les rapports de l'homme avec ses semblables et les conditions de la société israélite; de l'autre, la loi morale et religieuse dont le but supérieur dépasse infiniment les frontières nationales et les limites de l'existence terrestre. Dans l'esprit des Docteurs de la Synagogue, la première partie était nécessairement ouverte à toutes les modifications qui ne pouvaient manquer de se produire dans la vie du peuple qu'elle était appelés à gouverner; la seconde au contraire, en raison de son essence qui échappe aux contingences sociales, ne devait être altérée en aucune manière par les changements survenus dans la nation elle-même: de nouvelles conditions biologiques, géologiques ou cosmologiques en pouvaient seules modifier l'aspect. Encore, même dans ce dernier cas, le principe de l'immutabilité de la Loi n'en subsiste pas moins; comme nous [6]avons eu l'occasion de le dire, c'est précisément parce que la loi est immuable que la manière de l'observer doit changer conformément à la situation nouvelle des sujets qu'elle a la mission de diriger. Pourrait-on soutenir en effet que c'est toujours la même loi, si en présence d'un sujet complètement différent de ce qu'il était auparavant, elle continuait a édicter les mêmes règles de conduite?

Nous ne saurions trop insister sur cette distinction qui, dans la véritable théorie de l'hébraïsme, nous paraît capitale. C'est elle qui contient la clef nous permettant de résoudre les différents problèmes soulevés par l'œuvre de Moïse et de préserver cette œuvre elle-même des fausses interprétations qui l'exposeraient à divers dangers et finirait par la dénaturer entièrement. Elle nous fait comprendre en tout cas que le judaïsme, dans ses rapports avec la loi noachide ou universelle toujours intimement rattachée à sa propre constitution, nourrissait un idéal qui ne s'arrêtait point aux frontières palestiniennes, mais qui embrassait au contraire toute l'humanité dans son évolution future. [7]


References

  1. V. St Paul aux Romains, X,12: Il n'y a aucune différence en effet entre le Juif et le Grec. Et ailleurs: Il n'y a plus ni Juif ni Grec. Ep. Aux Galates, III, 28; Collosiens, III, 11.
  2. Page 708
  3. פמליא של מטה
  4. פמליא של מעלה
  5. Page 709
  6. Page 710
  7. Page 711