Israël et L'Humanité - Examen de quelques textes établissant la doctrine le Pentateuque

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II.

Examen de quelques textes établissant la doctrine.

§ 1.

LE PENTATEUQUE.

La doctrine des sarim, ou anges gardiens des nations nous paraît assez clairement exprimée dans ce passage du dernier cantique de Moïse que nous avons déjà cité en étudiant la signification du mot Elion : « Quand le Très-Haut donna un héritage aux nations, quand il sépara les enfants des hommes, il fixa les limites des peuples d'après le nombre des enfants d'Israël » [1]»

Les premiers mots de ce texte: « Quand le Très-Haut donna un héritage aux nations » pourraient également se rendre ainsi: « Quand le Très-Haut donna les nations en héritage ». Mais quelque traduction que l'on adopte, nous estimons qu'il s'agit encore ici des anges, soit que l'on veuille voir là, comme dans les deux autres versets du Deutéronome précédemment rappelés, la distribution que Dieu en a faite aux différents peuples de la terre, soit que l'on préfère y trouver l'idée que les diverses nations sont respectivement confiées à leur garde. Et la preuve que cette interprétation est exacte apparaît, à notre avis, dans les paroles qui suivent: « Car la part de l'Eternel [2], c'est son peuple, Jacob est la portion de son héritage » [3]. Ainsi Israël est l'héritage spécial de l'Eternel, comme les divers peuples de la Gentilité sont l'héritage des dieux ou anges qui leur sont répartis. L'analogie avec les deux autres textes du Deutéronome des chapitres IV et XXIX n'est-elle pas frappante?

Mais la tendance de la critique moderne à faire de ce livre un document à part pour la date de composition nous oblige à chercher, dans d'autres parties de la Bible, des textes à l'appui de ceux que nous avons cités jusqu'ici.

Nous lisons ailleurs ces paroles de Caleb conjurant le peuple de ne point se laisser décourager dans la conquête de la Palestine [4]par les rapports des explorateurs: « Seulement ne soyez point rebelles contre l'Eternel et ne craignez point les gens de ce pays, car ils nous serviront de nourriture; celui qui les couvre de son ombre s'est retiré d'eux et l'Eternel est avec vous, ne les craignez pas » [5]. Parmi les anciens commentateurs, Abrabanel est le seul qui ait vu dans ces paroles: « celui qui les couvre de son ombre » [6], le sar, l'ange gardien des peuples cananéens. C'est là cependant l'interprétation qui paraît la plus juste et il faut remarquer que ce dieu de Canaan est entièrement subordonné au Dieu suprême des Hébreux, puisque c'est par la volonté d'Avaya qu'il cesse de protéger le peuple confié à sa garde. Le rôle de ces divinités des nations étant ainsi établi par le Pentateuque, il est clair que ces noms de Dieu Très-haut et Dieu des dieux donnés au Dieu d'Israël et dont nous avons fait une étude spéciale désignent, au point de vue biblique, un Dieu souverain ayant sous sa domination des dieux inférieurs qu'il a préposés au gouvernement des peuples. Il ne serait en effet ni le Dieu des dieux ni supérieur à eux, s'il n'avait la suprême direction de tout ce qu'ils font. Il y a donc dans la conception hébraïque une sorte d'amphictyonie divine analogue à celle des Grecs, mais avec cette différence qu'en Grèce, où régnait le polythéisme, on pouvait, sans sortir du pays, comprendre parfaitement une semblable théorie, tandis que cela est impossible pour le monothéisme juif, si l'on ne consent pas à franchir les frontières nationales : l'Eternel, en Israël, ne peut-être appelé le Dieu des dieux que parce que la Bible reconnaît formellement l'existence des divinités des Gentils.

Le passage de l'Exode relatif à la sortie d'Egypte ne laisse aucun doute à cet égard: « Je frapperai tous les premiers-nés du pays d'Egypte depuis les hommes jusqu'aux animaux, et j'exercerai des jugements contre tous les dieux de l'Egypte » [7]. Il s'agit évidemment ici d'autre chose que des dieux de bois, de pierre et de métal auxquels s'adressait le culte populaire. Les anciens rabbins ont bien vu dans ce verset une menace contre les idoles égyptiennes, mais c'est que, dans leur pensée, à la destruction matérielle de ces images grossières correspondait, sur le plan invisible [8], le châtiment des puissances spirituelles dont elles étaient la représentation. Et cela est si vrai qu'ils nous parlent d'un sar, ange gardien de l'Egypte, qu'ils nomment tantôt Raab, tantôt Uzza, et dont ils nous décrivent la chute, au moment de la délivrance des Hébreux.

Rappelons encore les paroles de Jacob qui rencontré, nous dit la Genèse, par des anges de Dieu s'écrie: « C'est ici le camp de Dieu ( El-ohieme!) ». Et plus loin, après le mystérieux combat soutenu contre l'ange qui reconnaît qu'il a victorieusement lutté avec les El-ohieme et avec les hommes, nous lisons: «  Jacob appela ce lieu du nom de Peniel; car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée »[9]. Que signifie ce singulier épisode de la vie du patriarche hébreu? Nous voyons là, quant à nous, la lutte de l'Israélite avec les dieux du paganisme qui ne sont, nous l'avons dit, que des anges divinisés. L'Ecriture nous indique par là que le juif, bien loin d'adresser son culte à l'un des aspects particuliers de la Divinité comme font les païens, adore l'Unité elle-même, le Centre auquel tout aboutit. Sa conception du vrai Dieu étant élevée à cette hauteur, il voit au dessous de lui, comme dans la célèbre vision de Jacob, les anges tantôt monter et tantôt descendre, c'est-à-dire les diverses religions, les différentes notions de la Divinité se rapprocher ou s'éloigner plus ou moins de sa foi monothéiste, mais le gage du triomphe définitif de celle-ci, c'est le nom même qui lui a été donné «Tu seras appelé Israël, vainqueur des anges » .


References

  1. Deutéronome, XXXII, 8.
  2. כי חלק י--------י עמוc'est le même mot qu'aux chapitre IV et XXIX.
  3. Deutéronome, XXXII, 8.
  4. Page 244
  5. Nombres, XIV, 9.
  6. Littéralement: leur ombre s'est retirée d'eux סר צלם מעליהם
  7. Exode, XII, 12. Ce passage est rappelé dans Nombres (XXXIII, 4) en ces termes : «Les Egyptiens enterraient ceux que l'Eternel avait frappés parmi eux, tous les premiers-nés; l'Eternel exerçait aussi des jugements contres leurs dieux »
  8. Page 245
  9. Genèse, XXXII, 30