Israël et L'Humanité - Israël et les mystères du paganisme

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VI.

Israël et les mystères du paganisme.

Le prosélytisme et les mariages avec païens convertis nous prouvent qu'Israël est entré en communication avec le reste de l'humanité et nous montrent dans quelle mesure ce rapprochement a eu lieu. Ces contacts des Juifs avec les Gentils se sont continués sans interruption au cours de leur existence politique et après leur dispersion. Si, par la situation géographique de leur pays et leurs vicissitudes historiques, ils se sont constamment trouvés en relations avec les autres peuples, le travail réciproque d'échange et[1] d'assimilation n'est devenu que plus intense, on le conçoit, depuis la disparition de leur nationalité.

Il y a donc en trois phases successives pour cette pénétration mutuelle d'Israël et de la Gentilité: l'époque de l'indépendance politique des Juifs; celle de la domination étrangère qui se distingue par une activité de prosélytisme plus grande et de plus nombreuses conversions; enfin, la dispersion d'Israël parmi les nations. A chacune de ces époques, l'action s'est fait sentir simultanément en haut et en bas, dans la foule et chez les esprits d'élite et nous pouvons même dire, pour mieux illustrer notre pensée, à la fois dans la mythologie et dans la théologie, chacun prenant ce qui convenait de mieux à sa nature; le vulgaire, l'enveloppe extérieure ou symbolique, les intelligences cultivées, la doctrine cachée sous le mythe. Un coup d'œil jeté sur les mystères du paganisme nous fera fort bien comprendre l'imminence exercée par la Gentilité, sur les classes instruites d'Israël. Peut‑être parviendrons nous aussi à dissiper certains doutes sur la possibilité de concilier la dualité que nous avons signalée dans le judaïsme avec l'unité d'origine de l'espèce humaine et l'unité de révélation, précieux enseignement qui sont la gloire et la vie de la religion juive en même temps que l'espoir de l'humanité.

C'est un fait que dans l'antiquité partout où Israël a dressé sa tente, il a rencontré les mystères païens, en Egypte comme en Syrie, à, Babylone et en Perse comme dans le monde gréco‑ romain. Qu'était au juste que ces mystères? Bien des hypothèses ont été émises tant sur leurs sources historiques que sur leur nature; mais ce qui nous semble le mieux établi, c'est qu'ils contenaient, sur les problèmes religieux et sous des formes appropriées aux temps et aux diverses contrées, des enseignements incomparablement plus purs et plus élevés que les cultes populaires. C'est là une considération très importante, Si l'on songe que les Juifs, qui faisaient eux‑mêmes profession de croyances supérieures sous tous les rapports, se sont trouvés en relation avec les païens initiés à l'ésotérisme des mystères et que, par conséquent, ils n'ont pu manquer de s'y intéresser. La ressemblance était d'ailleurs si frappante entre les doctrines des uns et des autres qu'on pourrait se demander au premier abord si d'un côté ou de l'autre il n'y a pas eu imitation. Mais ne faut‑il pas plutôt voir là le dédoublement d'une croyance ancienne et unique et comme le rayonnement d'une seule lumière réfléchie en des milieux différents sous des couleurs variées? A[2] l'unité primitive du genre humain répond l'unité primitive de la doctrine; aux fractionnements successifs, à la différenciation des races correspondent les diverses tendances religieuses. Telle est la marche de tous les développements naturels qui, commencés dans l'unité de germe où toutes les qualités existent en puissance, se poursuivent par les manifestations de plus en plus marquées des différences accidentelles et se terminent enfin par un retour à l'unité, harmonisant toutes tes conceptions divergentes dans une conception plus haute qui les embrasse.

L'opposition entre la religion des Sémites et celle des Aryens appartient à la seconde phase du développement historique et la troisième, la période d'unification, comporte l'action réciproque de l'une sur l'autre pour aboutir à la doctrine synthétique où l'humanité reconquerra son unité première. Et c'est ce qui a commencé à se produire lorsque le judaïsme, avec sa grande base monothéiste chercha parmi les cultes étrangers ce qui pouvait s'adapter à sa foi et qu'il rencontra les mystères du paganisme, cette sorte d'hébraïsme au milieu de la Gentilité. N'était‑il pas lui‑même, par sa constitution religieuse, un mystère dans l'humanité et sa nature ne la prédisposait‑il pas à s'assimiler ce qu'il y avait de vrai dans les autres? En ce sens, la plus rigoureuse Orthodoxie ne peut se refuser à reconnaître l'influence des mystères égyptiens sur le législateur des Hébreux et les emprunts faits par ceux‑ci, que le rationalisme croyait présenter comme une objection décisive contre la révélation mosaïque, apparaissent au contraire comme une confirmation éclatante de nos principes.

Moïse a pris dans la religion égyptienne ce qui était le monopole d'une caste hiératique pour le transférer à Israël, la nation sacerdotale tout entière. La circoncision par exemple, signe distinctif des initiés, devient la loi commune des Juifs; ce qui était le privilège de quelques adeptes est désormais le patrimoine de tout un peuple, constitué ainsi prêtre de l'humanité et appelé à prêcher à tous cette foi au Dieu Un que le pontife égyptien réservait à de rares fidèles dans le secret du sanctuaire. Faut‑il s'étonner après cela que le judaïsme ait été accusé de former une sorte de franc‑maçonnerie? Ce qu'il y a de certain, c'est que la théologie franc‑maçonnique [3] n'est au fond que de la théosophie et correspond[4] assez bien à celle de la Kabbale. D'autre part, une étude approfondie des monuments rabbiniques aux premiers siècles de l'ère chrétienne fournit des preuves nombreuses que l'Haggada était la forme populaire d'une science réservée offrant, par les méthodes d'initiation, les plus frappantes ressemblances avec l'institution franc‑maçonnique.

Ceux qui voudront prendre la peine d'examiner avec soin cette question des rapports. du judaïsme avec la franc‑maçonnerie philosophique, la théosophie et les mystères en général, perdront nous en sommes convaincus, un peu de leur superbe dédain pour la Kabbale. Ils cesseront de sourire de pitié à la pensée que la théologie kabbalistique puisse avoir un rôle à jouer dans la transformation religieuse de l'avenir. Au lieu de voir uniquement en elle ce que les hassidim on rabbins thaumaturges de Russie et de Pologne leur ont appris à connaître, ils se rendront mieux compte de la valeur réelle d'un enseignement dont les résultats actuel‑ lement obtenue par l'étude des religions comparées tendent de plus en plus à mettre en lumière l'importance et la haute antiquité. Nous ne nous lasserons pas de répéter que cette doctrine, qui rapproche au sein du judaïsme l'élément sémitique et l'élément aryen soutient aussi la clef du problème religieux moderne. Elle donne en même temps la solution des difficultés que rencontrent ceux qui s'occupent de la réforme du christianisme partagé en tant de sectes ennemies.

Des divergences signalées par Burnouf entre les Eglises d'Orient qui ont conservé dans leur métaphysique une forte tendance alexandrine et par conséquent panthéiste et celle de Rome plus rapprochée du sémitisme[5] » prouvent que certaines Eglises ont mieux gardé l'esprit de la tradition antique, tandis que les autres se sont plutôt constituées d'après la lettre des Ecritures. [6]

Mais elles reposent néanmoins sur une confusion, en ce sens que le sémitisme dont on nous parle n'est point le véritable hébraïsme qui, dans une certaine mesure, se rattache, nous l'avons dit, aux mystères du paganisme. Si même on veut entendre par sémitisme le monothéisme populaire, en dehors de la Tradition, on pourrait soutenir qu'il se retrouve plus complet, plus absolu dans le christianisme que dans le judaïsme lui‑même, car c'est principalement au christianisme qu'il doit le dogme de la création ex nihilo qui, dans son acception littérale, est la forme la plus rigide du monothéisme. C'est ce dogme en effet qui sépare Dieu du monde, en supprimant la théorie de l'émanation qui unit le monde à Dieu, alors qu'au contraire la vraie tradition hébraïque reconnaît à la fois l'immanence et la transcendance de Dieu et unit ainsi le panthéisme, dans ce qu'il a de raisonnable, avec le monothéisme. La véritable croyance au Dieu Un, telle qu'Israël la garde, harmonise donc les exigences de la science et les besoins de la foi religieuse et elle pourra aussi réconcilier un jour les Eglises divisées.[7]

References

  1. Page 68
  2. Page 69
  3. Pour ceux qu'une telle expression surprendrait, il convient de dire qu'il y a une théologie franc‑maçonnerique en ce sens qu'il existe dans la Franc‑Maçonnerie un doctrine secrète, philosophique et religieuse, introduite par les RoseCroix gnostiques lors de leur fusion avec les Maçons libres en 1717. Cette doctrine secrète ou gnose est l'apanage exclusif de la Franc‑Maçonnerie des hauts grades ou Maçonnerie philosophique. Parmi les modernes auteurs maçons traitant de cette théologie franc‑maçonnique , il faut citer: en Amérique, Albert Pike, Grand commandeur du Suprême Conseil de Charleston, dans Sepher ha Debarim: Ritual of Prince of Royal Secret; A. Pierson, Grand Maître de l'Ordre du Temple, dans The tradition of Freemasonry; The Rosicrucian and Masonic record; en France: Theory, Acta Latomorum, et surtout Ragon, surnommé « l'auteur sacré de la Maç..» dans son Tuileur Général de la Fr .. Maç ..; Cours Philosophique et interprétatif des Initiations anciennes et modernes ( Note des éditeurs).
  4. Page 70
  5. </i> Revue des Deux Mondes,</i> 1 Mai 1868.
  6. Page 71
  7. Page 72