Israël et L'Humanité - L'Universalisme biblique

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III.

L'Universalisme biblique.

Le judaïsme, soit par ce que nous apprennent ses écrits sacrés, soit par ce que nous enseignent ses rabbins, a-t-il eu pleinement conscience que le Dieu qu'il proclamait était bien le Dieu universel? Il suffit d'ouvrir le recueil des psaumes et les livres prophétiques pour en trouver de nombreux et éclatants témoignages.

« Du levant au couchant le nom de l'Eternel est célébré » [1] Il ne faut pu croire que le mot mabo employé ici indique l'heure du coucher du soleil plutôt que le couchant; il s'emploie dans les deux sens et nous le trouvons avec la seconde acception dans le célèbre passage de Malachie que nous allons citer. Le verset suivant noue parait faire une allusion évidente au « Dieu Très-haut, »au Dieu suprême par tous adoré. « L'Eternel est élevé au-dessus de toutes les nations; sa gloire est au dessus des cieux».

Le Psaume VIII semble reconnaître implicitement que le vrai Dieu, d'une manière ou de l'autre, est universellement adoré. L'homme, comparé aux splendeurs du firmament, n'est que néant et cependant en réalité il n'est rien qui égale sa grandeur. Tout dans la création matérielle plie sous sa domination et les anges lui sont à peine supérieurs, parce qu'il est la voix intelligente qui proclame [2] partout ici-bas la majesté et la souveraine puissance du Créateur: « Eternel, notre Dieu, que ton nom, est magnifique sur toute la terre! ».

Mais nom avons hâte d'en venir au témoignage décisif de l'universelle adoration du vrai Dieu. Nous n'en pourrions souhaiter de plus beau, de plus expressif. Le souffle d'universalisme y est tel qu'Israël semble rejeté à l'arrière-plan pour ne laisser paraître que l'humanité dans son ensemble et, ce qui est plus étonnant encore, l'humanité païenne. C'est le prophète Malachie qui, à une époque de décadence générale, a rivalisé avec les aigles de la prophétie, Isaïe et Ezéchiel, dans leurs vols les plus sublimes, et ajouté par ce passage incomparable un joyau précieux entre tous à la couronne d'Israël. Il commence par se plaindre du mépris qu'on affectait pour l'autel modeste élevé, après Zorobabel, à la place de l'ancien. Pour un temple si peu grandiose on pensait qu'une victime présentant quelque tache était bien suffisante. « Offre la donc à ton gouverneur! Te recevra-t-il bien, te fera-t-il bon accueil? [3] » Amère allusion à l'asservissement dans lequel le gouvernement persan tenait alors les Juifs. Plutôt que de profaner ainsi le sanctuaire de l'Eternel que n'en ferme-t-on les portes! « Je ne prends aucun plaisir en vous, dit l'Eternel des armées, et les offrandes de votre main ne me sont point agréables [4]. » Quel langage le prophète va-t-il donc faire entendre au nom du Dieu national qui, ayant mis en Israël toutes ses complaisances, tenait pour rien, à ce qu'on prétend, le reste du monde ? Il s'exprime de telle façon que ce seul passage suffirait à confondre ceux qui osent nous parler ainsi du particularisme juif. « Depuis le lieu où le soleil se lève jusqu'à l'endroit où il se couche, mon nom est grand parmi les nations, et en tout lieu ou brûle de l'encens en l'honneur de mon nom et l'on présente des offrandes pures, car grand est mon nom parmi les gentils, dit l'Eternel des armées » [5]. Non seulement, pour ce juif qui parle, l'humanité n'est pas exclue des préoccupations divines, mais cette fois-ci c'est Israël lui-même qui semble l'être, du moins la rejection possible du peuple élu est indiquée si clairement que les apôtres chrétiens n'ont eu plus tard qu'a transformer en arrêt irrévocable et odieux ce qui n'est ici qu'une menace conditionnelle inspirée par l'amour blessé. [6] Il y a dans Jérémie un passage qu'on peut à juste raison rapprocher de celui de Malachie. « Nul n'est semblable à toi, ô Eternel! Tu es grand, et ton nom est grand par ta puissance. Qui ne te craindrait, roi des nations? C'est à toi que la crainte est due. Oui, parmi tous les sages des gentils et dans tous leurs royaumes on dit: Nul n'est semblable à toi ! » [7] Les mots que nous soulignons ne se trouvent pas dans le texte, mais ils nous paraissent toutefois indispensables pour rendre le véritable sens de ce passage rédigé dans le style ellyptique familier à l'hébreu. Imagine-t-on en effet une idée plus mesquine, plus éloignée du ton auquel nous ont habituée les prophètes quand ils nous parlent de la grandeur divine, que de célébrer le Créateur du ciel et de la terre en disant qu'il est sans égal parmi les sages des nations? Les versets qui suivent ne laissent d'ailleurs aucun doute sur la véritable interpré- tation de ce passage déjà, contenue par Maimonide et aussi par le Zohar. Après avoir reconnu ce qu'il y a de bon et de vrai dans les religions païennes, le culte universel de Dieu, le prophète condamne comme il convient l'erreur qui défigure ce culte et qui consiste à incarner dans l'idole de bois la divinité que l'on veut adorer.

Le verset de Zacharie qui annonce le triomphe futur du monothéisme implique bien également qu'il existe dès maintenant une certaine connaissance de Dieu chez les gentils. «L'Eternel sera roi de toute la terre. En ce jour là, l'Eternel sera un et un sera son nom » [8]. Cela ne peut signifier qu'une chose, à savoir que le nom de Dieu, c'est à dire son véritable caractère, plus ou moins méconnu présentement par des peuples qui l'adorent encore sous de faux noms, autrement dit de fausses représentations, sera finalement reconnu par tous et universellement adoré. Nous citerons à l'appui de cette interprétation deux passages fort remarquables des psaumes.

Le Premier nous est fourni par le Psaume XLVIII composé au retour d'une expédition des Israélites avec les Phéniciens. « L'Eternel est grand, il est l'objet de toutes les louanges... Voici, les rois (c'est-à-dire apparemment Salomon et Huram) s'étaient concertés: ils n'ont fait que passer ensemble; ils ont regardé, tout stupéfaits... O Dieu! nous pensons à ta bonté au milieu de ton [9] temple. Comme ton nom, ô Dieu! ainsi ta louange retentit jusqu'aux extrémités de la terre ». Les Israélites à leur retour exprimaient donc leur étonnement d'avoir retrouvé le nom et la louange du vrai Dieu jusque dans les plus lointaines contrées.

L'autre passage auquel nous faisons allusion se trouve au psaume LXXXVII. « Je proclame l'Egypte et Babylone parmi ceux qui me connaissent. Voici, le pays des Philistins, Tyr, avec l'Ethiopie; c'est là qu'ils sont nés. Et de Sion il est dit: Tous y sont nés, et c'est le Très-Haut qui l'affermit. L'Eternel compte en inscrivant les peuples: c'est là qu'ils sont nés ». Sans doute le psalmiste fait ressortir dans ce dernier verset le petit nombre des païens craignant Dieu et qui peuvent être par conséquent considérés comme s'ils étaient eux-mêmes fils de Sion, mais il reconnaît non moins expressément qu'il en existe et qu'ainsi de vrais adorateurs de Dieu se rencontrent dans tous les peuples.

References

  1. Ps. CXIII, 3.
  2. Page 109
  3. Malachie, I, 8.
  4. Ibid. vers. 10.
  5. Ibid. vers. 11.
  6. Page 110
  7. Jérémie X, 6,7. Zohar Sect. Mishpatim
  8. Zacharie, XIV, 9.
  9. Page 111