Israël et L'Humanité - L'homme considéré comme le temple de Dieu

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II.

L'homme considéré comme le temple de Dieu.

L'hébraïsme donne même à l'homme un titre plus auguste encore, en faisant de lui le temple de Dieu sur la terre, parce que, comme nous l'avons dit, il résume toutes les parties de la création et qu'il remplit en quelque sorte les conditions organiques nécessaires pour recevoir et abriter l'esprit qui l'anime, à la manière de l'âme humaine qui, attachée à un certain organisme, ne peut sans lui entrer en relation avec la nature. Ce n'est pas là une idée professée par les seuls Kabbalistes, mais encore par des théologiens hébraïques qui, sans se réclamer de la Kabbale, enseignent comme l'auteur du Kozari [1]que la forme, l'organisation matérielle est une condition de la descente et de l'habitation de l'esprit. Il faut d'ailleurs s'attendre, en repoussant obstinément la Kabbale, à perdre une source abondante des plus nobles et des plus profondes doctrines.

Aux yeux des théosophes, l'organisme du corps humain et ses facultés physiques sont les sièges et les vêtements de la spiritualité. Fait à l'image des choses célestes, l'homme en est la réalisation dans la matière. Non seulement les Rabbins talmudiques et midraschiques s'accordent sur ce point, mais la Bible elle-même [2]n'est pas étrangère à cette idée, puisque la notion de la présence de Dieu, de l'immanence de la schechina dont les Livres saints sont remplis, se confond avec elle. Sans doute, dans l'Ecriture, c'est plutôt la Nature, la collectivité des choses créées qui nous est représentée comme le temple de Dieu. Mais cette sorte de présence divine suppose l'autre, du moins dans une certaine mesure. Il ne faut pas oublier que la Bible s'adresse à la nation tout entière, qu'elle vise à la généralité; c'est là une constatation qui peut-être faite dans tous les autres ordres d'idées et qui n'a pas échappé à la pénétration de la critique religieuse et scientifique. Mais on ne doit pas croire pour cela que l'hébraïsme néglige l'individu; ce serait une anomalie choquante dont l'histoire des religions ne nous offre aucun exemple. Il est au contraire très juste d'appliquer à l'homme en particulier ce que l'Ecriture dit du peuple tout entier.

Assurément le Temple parfait, c'est la nation sainte elle-même , en attendant que ce soit l'Humanité entière; mais l'individu étant une des pierres de l'édifice, il est, lui aussi, un temple, non seulement à titre d'élément ou de partie constitutive, mais comme reproduisant, en ce qui le concerne et dans une sphère plus restreinte, le divin. Car le monde moral a cela de particulier que les matériaux ou éléments, unis entre eux pour former l'être supérieur, ne sont pas de simples moyens; ils ont leur fin en eux-mêmes et gardent leur valeur propre, en même temps qu'ils concourent avec les autres à la composition de l'ensemble. Cela est admis aujourd'hui par une certaine école pour les éléments de la matière doués eux aussi de qualités supérieures et surtout pour le corps humain, gigantesque confédération des mondes subalternes, qui aboutissent à une monade suprême les résumant tous. En réalité, pour l'hébraïsme, l'univers, l'humanité , la nation et l'homme, sont autant de degrés dans lesquels le divin se manifeste et où il réside; il est par conséquent exact de voir en eux autant de parties du Temple de Dieu.

Cette théorie de l'homme considéré comme le temple de Dieu a fait son apparition ailleurs que dans le Judaïsme. Sans doute lorsque Jésus, interrogé sur l'avènement du royaume de Dieu, répond: « Le royaume de Dieu est au dedans de vous » [3], il ne fait que répéter ce que mille voix proclamaient autour de lui et avant lui. Mais le paganisme lui-même, par la bouche de ses plus illustres [4]penseurs, a parlé quelquefois avec une intuition certaine de cette vérité. Deus in vire bono sedet ; c'est Zénon qui s'exprime ainsi, et Démosthène a dit aussi cette belle parole: « Les autels les plus beaux et le plus saints sont dans l'âme même de l'homme » [5]. L'hébraïsme ne conteste point aux sages du paganisme la gloire qui leur appartient; il revendique seulement celle d'avoir dit tout cela avant eux et d'avoir dit tout ce que chacun d'eux a dit séparément.


References

  1. Jehouda Hallevi, né en Castille vers 1085. Son ouvrage, le Kozari, est une apologie du judaïsme devenue célèbre. Juda ibn Tibbon a publié en 1167 la première traduction hébraïque de ce livre écrit originairement en arabe.
  2. Page 298
  3. S. Lue, XVII, 20-21.
  4. Page 299
  5. I Contre Aristogitone, p.35.