Israël et L'Humanité - L'homme image de Dieu et résumé de l'univers

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CHAPITRE DEUXIÈME

L'IDÉE DE L'HOMME DANS L'HÉBRAÏSME

DIGNITÉ DE L'HOMME

I.

L'homme image de Dieu et résumé de l'univers.

Si le judaïsme a été la seule religion de l'antiquité à s'occuper de l'origine et de l'histoire primitive de tout le genre humain, on peut dire également qu'il n'est pas de religion ni de philosophie qui ait poussé plus loin que lui le respect pour la dignité de l'homme, et même pour la forme humaine. La valeur de celle-ci et sa sainteté ont inspiré plusieurs doctrines toutes plus expressives les unes que les autres.

Nous avons vu que pour les Rabbins toutes les âmes étaient contenues dans celle d'Adam. Ils vont même jusqu'à faire pénétrer la forme humaine dans ce monde spirituel pour composer l'homme céleste que toutes les âmes contribuent à façonner: « Sache qu'il y a en haut un dépôt qui s'appelle le corps> (gouf), dans lequel se trouvent renfermées toutes les âmes destinées à vivre, selon ce que les Docteurs [1]ont enseigné: le fils de David ne viendra pas avant que toutes les âmes qui sont dans le gouf aient fini de descendre sur la terre ». Or ce dépôt céleste a précisément la forme, la taille et tous les membres d'un homme véritable; c'est pourquoi il s'appelle gouf (corps) [2] [3] Mais qu'avons-nous nous besoin de ces doctrines singulières, puisque nous voyons que la Bible, en nous racontant les révélations de Dieu, le fait toujours se manifester sous la forme humaine? L'homme, dans la Genèse, apparaît non seulement comme la créature la plus parfaite en raison de la place qu'il occupe dans l'ordre de la création, mais il est proclamé en propres termes l'image et la ressemblance de Dieu. Il est vrai que Moïse semble n'être pas le seul à déclarer que l'homme est créé à l'image de Dieu. D'autres venus après lui, mais probablement étrangers à ses enseignements, ont dit quelque chose d'approchant. Mais les païens en relevant la dignité de l'homme entendaient parler de son attitude, de sa faculté de marcher debout, alors que les animaux ont la tête inclinée en bas et ils ne s'occupaient nullement de sa nature intime, de son esprit, de son être moral. La ressemblance de l'homme avec Dieu est au contraire pour Moïse d'un degré bien supérieur. Nous n'ignorons pas qu'aux yeux de certains critiques les récits du Pentateuque offrent de simples anthropomorphismes, Dieu ayant été conçu par l'écrivain sacré sous une forme corporelle à l'égal de plaisance, tandis que pour d'autres exégètes, il s'agit dans la pensée de Moïse d'une ressemblance purement spirituelle. Nous croyons, quant à nous, que le véritable sens des récits bibliques doit être cherché dans le système des Kabbalistes qui ne séparent pas la ressemblance corporelle de la ressemblance spirituelle, pas plus qu'ils ne séparent l'âme du corps, et la déclaration de Moïse que l'homme est créé à l'image de Dieu concernerait ainsi aussi bien l'un que l'autre.

Ce n'est pas que les théosophes hébraïques aient jamais songé à attribuer à Dieu aucune corporéité; ils seraient plutôt porté à nier celle-ci même dans les créatures, du moins dans le sens où le mot est pris vulgairement. Mais ils croient que le corps, lui aussi, est fait à l'image de Dieu dans le même sens qu'ils le croient fait à l'image de l'âme ou de l'esprit qui se façonne matériellement selon sa propre nature ; c'est-à-dire qu'il n'y a pour eux ni force, ni fonction, ni forme, ni aptitude dans le corps humain qui ne soient une réalisation, dans la matière, d'aptitudes, de forces, de vertus correspondantes dans l'Etre divin. Il n'est nul besoin d'ajouter qu'il en est de même pour les facultés morales et intellectuelles, car la vie et ces fonctions aussi bien que la pensée et ses manifestations sont modelées d'après l'Archétype suprême de toutes choses.

Quelle que soit d'ailleurs la manière de comprendre la ressemblance avec Dieu proclamée par Moïse, l'éminente dignité de l'homme [4] n'en est pas moins relevée et les conséquences de cette doctrine ne sont pas moins précieuses. Mais pour l'hébraïsme, l'homme n'est pas seulement créé à l'image de Dieu, il est encore considéré comme un microcosme, c'est-à-dire comme un résumé de l'univers. Cette idée rabbinique nous paraît avoir ses fondements dans l'Ecriture. La place occupée par l'homme, le dernier venu dans la création et par conséquent sa nature synthétique; le mot: « Faisons l'homme », adressé, d'après un commentateur [5] à toutes les forces de l'univers, ce qui dans le langage théologique des Rabbins est une invitation aux anges à coopérer à la création d'Adam, précisément parce que c'est en lui que ces forces se résument, tout cela nous donne à croire que cette notion n'est pas étrangère à la Bible. Nous aurions là une confirmation de l'idée que nous nous sommes faite des anges ou El-ohieme, personnifications partielles des vertus ou idées divines. Cette conception de l'homme se retrouve d'ailleurs dans l'antiquité: « C'est une théorie profonde, dit un savant, que celle du Stagirite qui, considérant l'homme comme le terme le plus élevé de la série organique, voit réunie en lui la nature de tous les êtres inférieurs; des plantes (nutrition, vie régétative) et des animaux (sensation, mouvement, désir, vie sensitive). Ce qui le distingue, c'est l'âme rationnelle » [6].

En termes qui semblent rappeler à la lettre la phraséologie rabbinique, la science moderne s'exprime d'une manière encore plus concluante: « Nous avons admis, dit M. Léard, que l'individu était le produit d'une société coopérative de lois générales » [7]. Et un autre savant écrit: « Le développement de l'homme dans l'utérus est l'image du développement de tout le monde animal en commençant par la simple cellule jusqu'à la merveilleuse perfection de l'homme. Si nous pouvions l'interpréter dans toutes ses phases les plus minimes, elle serait la clef de l'histoire naturelle, de l'origine et du développement de la vie sur notre planète. La nature répète ici en miniature et dans l'espace de peu de mois ces grandes évolutions et ces développements dont l'accomplissement a exigé des millions de siècles » [8]. Ainsi, même au point de vue de la science contemporaine, les formes subalternes des créatures inférieures sont comme des essais de la nature se disposant à faire son chef-d'œuvre[9] qui est l'homme, et le corps humain apparaît finalement comme le sommaire, l'abrégé de tout le règne animal. « La nature, dit le même auteur, en réalisant séparément les éléments qui constituent l'idée de l'individu parfait, reproduit fidèlement la hiérarchie de l'idée divine de la création » [10]

L'homme, image de Dieu et résumé de l'univers, a donc pour le judaïsme une noblesse, une grandeur incomparables, et quand on songe que, d'après ses traditions et ses textes sacrés, ces sublimes prérogatives n'appartiennent pas aux seuls Juifs, mais aux païens et aux barbares également, on se demande avec stupéfaction comment une religion vieille de quatre mille ans a pu enseigner de telles doctrines et comment il est possible après cela de douter encore de ses aspirations universelles.


References

  1. Jebamot 63, Aboda Zara, 5<super>e</super>
  2. Selah Ishak sur le Perek Shira, 15 <super> b</super>
  3. Page 295
  4. Page 296
  5. Nachmanide dans Genèse, I, 26 – Bereschit R. VIII, 2.
  6. Revue philosophique, tome I, n<super>0 </super> 11; SOURY, Histoire du matérialisme
  7. Ibid., Notions des espèces et des genres, tome I, n<super>0</super> 4
  8. Eléments des sciences sociales , p. 82 .
  9. Page 297
  10. Ibid., p. 127.