Israël et L'Humanité - L'homme pontife et terme as la création

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II.

L'homme pontife et terme de la création.

L'homme, pour l'hébraïsme, n'est pas seulement le roi de la création, il en est encore le pontife. Le premier indice de ce caractère apparaît dans la bénédiction que Dieu lui confère et qui, en maints passages de la Bible, est comme un symbole d'investiture sacerdotale, comme par exemple celle de Melchisédek à Abraham ou celle d'Isaac à Jacob. Mais c'est surtout chez les Rabbins que l'idée est clairement indiquée: « Adam, nous disent-ils, est la gloire du monde et quand il s'approchait pour offrir le sacrifice, il revêtait les habits du souverain pontificat ». [1]Le Sacerdoce, d'après eux, passa de père en fils jusqu'à Noé exclusivement, car lorsque celui-ci sortit de l'arche, le lion le mordit et lui fracturant un membre le rendit inhabile aux fonctions de prêtre. C'est pourquoi Sem le remplaça dans la célébration des sacrifices. Ce qu'il est important de noter, c'est le lien qui unit le sacerdoce israélite au sacerdoce humanitaire, car Sem que nous voyons investi du sacerdoce à la place de Noé est, pour les Rabbins, le même personnage que Melchisédek. Or ce dernier qui, nous disent-ils était le représentant du sacerdoce de l'humanité, transmit cette dignité à Abraham qui l'attacha à sa famille et à ses descendants. Ils ajoutent qu'Abraham devint grand prêtre comme Adam l'avait été également: « Dieu dit à Abraham: Suis-moi! et je t'établirai souverain pontife comme le premier homme, car il est écrit: Et je ferai de toi une grande nation; et ailleurs il est dit: Tu es prêtre pour toujours selon l'ordre de Melchisédek [2]».

Au sujet de la transmission du sacerdoce de Melchisédek à Abraham, les Docteurs s'expriment en termes formels: « On lit dans L'Ecriture: Or Melchisédek, roi de Salem, présente le pain et le vin. Cela signifie qu'il transmit à Abraham les règles du souverain pontificat: le pain, c'est le pain de proposition, et le vin, c'est le vin des libations [3]» . Dans une autre circonstance, ils font remonter le sacerdoce d'Israël à Adam qu'ils désignent comme le premier grand prêtre, en sorte que c'est de lui qu'émane la dignité sacerdotale.

Enfin la Kabbale ne fait que confirmer ces traditions. Elle enseigne par l'organe de R. Isaac Loria que le grand prêtre Aaron, par une sorte d'application de la loi de réincarnation, représentait particulièrement le caractère [4] du premier homme, ce qui suppose non seulement qu'Adam est considéré comme prêtre, mais encore que l'on reconnaît expressément le lien qui rattache le sacerdoce israélite à celui de l'humanité. En outre, n'y a- t-il pas là une preuve évidente que l'hébraïsme admet, au moins jusqu'à Moïse, la présence d'une légitime prêtrise chez les Gentils? En attribuant au premier homme la double qualité de roi et de pontife, il reconnaît implicitement que ces prérogatives ont passé à sa descendance, c'est-à-dire à l'humanité tout entière. L'homme, au point de vue juif, est donc autonome soit politiquement, soit religieusement. [5]Mais de même que dans les sociétés les fonctions politiques et religieuses sont déléguées à un certain nombre d'hommes, qui les exercent au nom de tous et ne sont par conséquent que les représentants de la collectivité, de même quand il s'agit de l'humanité entière, le ministère religieux devait être spécialement attribué à un peuple choisi entre tous et qui, par ses conditions particulières, historiques et psychologiques, se trouvait plus apte à le remplir au nom de tous les autres.

L'homme, pontife de la création, en est par conséquent le terme en ce qui concerne cette terre, et cette éminente dignité, qui le fait coopérer avec Dieu dans l'accomplissement des vues de la Sagesse souveraine, rattache en lui la création terrestre au reste de l'univers. En esprit indépendant, qui se pose même en adversaire de la prétendue erreur mosaïque, nous fournit à cet égard un aveu précieux à recueillir. «Haeckel, nous dit-il, adresse à Moïse deux reproches qui seraient graves, s'ils étaient fondés; c'est ce qu'il appelle l'erreur géocentrique et l'erreur anthropocentrique. Cette dernière n'existe pas. Moïse, tout en donnant à l'homme une origine très humble, puisqu'il le sait sortir comme le reste de la création du limon de la terre, n'a rien dit de trop en le présentant comme le roi de la nature et le centre auquel aboutit toute l'animalité, fait attesté par l'expérience de tous les temps et plus visible aujourd'hui que jamais [6]  ». Un autre écrivain nous fait remarquer que la science n'a pas attendu Darwin pour soutenir que l'homme, dès la formation du premier organisme, était en idée présent sur la terre [7]. C'est dans ces limites d'ailleurs que le judaïsme considère l'homme comme fin de la création et il y a, au point de vue juif, une exagération certaine dans cette pensée de Blusche: « L'organisation parfaite et la culture de l'humanité entière sont aussi le dernier but et le plus élevé du développement des planètes [8] ».

L'homme, uni directement à Dieu par son esprit, contribue à unir à Dieu la nature en reliant d'abord la terre à l'univers, afin qu'il soit finalement rattaché à sa Cause première. Ainsi s'opère le ihoud , l'unification, que, selon le judaïsme orthodoxe, tout fidèle doit se proposer comme but de tous les actes qu'il déclare accomplir: « Afin, dit-il, d'unir le Saint, béni soit-il (l'Idéal, le Dieu transcendant) et sa Schechina (le Dieu immanent, le divin dans le monde)[9]. Sans doute, l'unité de la nature existe en soi, indépendamment de l'esprit humain qui ne fait que l'apercevoir et la réfléchir. Elle est dans la Schechina , dans l'immanence divine, que le christianisme n'a pas saisie ou pour mieux dire qu'il a transformée dans la conception de son homme-dieu, se condamnant, faute de croire à cette immanence, à creuser un abîme entre le monde et le Dieu transcendant qui reste en dehors du monde. Mais l'homme coopère à l'unité de la nature et par elle à l'union universelle avec Dieu qui devient ainsi la fin de toutes choses, la fin dernière et absolue, tout ayant été, selon le mot d'Isaïe, créé, formé, achevé pour sa gloire, ce qui comprend, comme l'interprètent les Kabbalistes, toutes les formes du fini, l'universalité des êtres. On ne contestera pas que l'idée théosophique ne soit tirée du texte biblique lui-même, car la distinction des existences en ordres de plus en plus élevés est sans aucun doute éminemment propre à un système de théologie fondée sur l'émanatisme.

Roi et prêtre, l'homme est donc à la fois le terme de la création terrestre et le moyen par lequel notre monde s'unit à l'ensemble de l'univers. Dans ce double rôle, sa fonction se résume dans la coopération avec Dieu, en élevant à lui la nature et en la reliant au Créateur.


References

  1. Page 358
  2. Yalcout, XVII, 3.
  3. Bereschit rabba X, 411.
  4. בחינה
  5. Page 359
  6. Revue scientifique, Mars 1875, p. 846.
  7. Ibid. Mars 1877.
  8. Philosophie de la Révélation , p. 158
  9. לשם יחוד קודשא בריך הוא ושכינתיה