Israël et L'Humanité - L'immortalité de l'âme dans ses rapports avec la dignité humains

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VI.

L'immortalité de l'âme dans ses rapports avec la dignité humaine.

Ce n'est pas ici le lieu d'examiner les preuves aussi fortes que nombreuses que l'on peut alléguer en faveur de la croyance à l'immortalité de l'âme dans le judaïsme biblique. Nous les avons-nous-même étudié ailleurs en détail [1]et nous croyons qu'elles sont de nature à convaincre tout homme de bonne foi, si persuadé qu'il soit du silence de Moïse et de L'Ecriture en général à ce sujet. Nous nous bornerons à dire que la haute idée que l'hébraïsme s'est faite de la dignité de l'homme implique cette croyance et qu'il est aisé de le prouver par nos livres sacrés.

Lorsque Adam est chassé du Paradis terrestre, Dieu dit: « Empêchons le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger et de vivre éternellement [2]». L'homme est donc susceptible de vie immortelle. Mais ce qui est devenu pour lui dans ce texte une simple puissance était en lui en acte, qu'on le remarque bien, quand il fut placé au paradis. La seule interdiction qui lui est faite, c'est celle de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Tous les autres, celui de la vie y compris, lui étaient donc permis. Cela résulte non seulement d'une manière indirecte de la prohibition elle-même, mais encore directement de la permission précédente qui prend même la forme d'un ordre, d'une injonction, puisque Dieu lui dit: « Tu mangeras de tous les arbres du jardin [3] ». Si donc Adam n'était pas immortel par nature, il le serait devenu en mangeant de l'arbre de la vie. Ce n'est que par l'effet de la déchéance résultant de son péché qu'il perd cette prérogative, mais comme ce n'est pas en vain que le dessein primitif de Dieu nous a été raconté et que tôt ou tard il doit être [4]réalisé d'autant plus que ces chapitres de la Genèse nous semblent offrir pour cela un idéal et un programme, il s'ensuit que la destinée de l'homme est de devenir immortel. Si on se rappelle en outre que la Loi est nommée arbre de vie [5]que ses préceptes donnent à l'homme la vie [6], on n'hésitera pas à voir dans la vie éternelle dont Adam est en possession l'idéal qui nous est proposé. Cela éclaire aussi d'une manière inattendue cette promesse de vie que le Pentateuque répète si fréquemment pour les observateurs de la Loi.

Nous ne contestons pas que dans ces différents passages et autres semblables l'idée de la vie nationale en Palestine et celle de la longévité même individuelle ne sont pas entièrement absentes, mais le texte du Lévitique que nous venons de citer et où il n'est question ni de l'une ni de l'autre, prouve que Moïse connaissait une autre vie qui n'est pas la vie physique de l'individu, ni la vie politique de la nation. Celle à laquelle il fait allusion offre une analogie qu'on ne saurait méconnaître avec la vie dont Adam était doué, qu'il a perdue par sa faute et qu'il est déclaré capable de reconquérir, même après la chute, en mangeant de l'arbre de vie, don divin qu'il est même destiné à retrouver, car si le rôle de l'homme, est d'écraser la tête du serpent, c'est-à-dire de détruire la cause du mal, le principe de sa déchéance, il est évident que les prérogatives de sa condition antérieure doivent lui être rendues.

Telles sont les qualités psychologique de l'homme sur lesquelles se fonde sa nature intellectuelle et morale. C'est cette dernière, soit avant soit après le péché, qui nous intéresse particulièrement. De l'état moral de l'homme après la chute dépend l'avenir du genre humain, car ce n'est qu'autant qu'il a conservé l'aptitude à aimer le bien qu'on peut espérer le lui voir réaliser sur la terre. Pour résoudre la question, nous sommes donc amenés à nous en poser une autre d'ordre a la fois historique et métaphysique: qu'est-ce que le pêché d'Adam pour l'hébraïsme? Ce qu'on peut affirmer, c'est que quelque idée qu'on s'en forme, il n'a pas eu au point de vue juif des conséquences si funestes que la nature de l'homme ait été irréparablement corrompue par lui et que l'existence et les destinées humaines se soient trouvées par son influence empoisonnées[7] à jamais. «Le mosaïsme, dit Hartmann, exprime de la façon la plus nette la foi dans la possibilité de réaliser ici-bas la félicité de l'individu, soit dans les espérances qu'il enseigne, soit dans l'optimisme de ses conceptions générales sur le monde qui n'ont rien de transcendant [8]. Raisonner ainsi, c'est n'envisager qu'un côté du problème. Moïse n'a pas seulement foi au progrès; il a foi encore en la nature humaine qui en est la principale ouvrière et qui, si elle était irrémédiablement viciée, ne pourrait rien opérer de bien. Le Péché originel, nous le répétons, n'est donc nullement pour l'hébraïsme ce qu'il est devenu plus tard dans le christianisme et la corruption morale que lui attribue la croyance chrétienne est étrangère à la pensée juive.

De même qu'en théologie l'immanence n'exclut pas la transcendance divine, de même que pour la science contemporains la matière et l'esprit sont comme les deux côtés d'un sujet unique, de même aussi pour le judaïsme, ce monde-ci ne se sépare point de l'autre monde; tous deux demeurent au contraire unis soit dans l'ordre de l'espace comme le dedans et le dehors d'une même chose, soit dans l'ordre du temps comme le présent et l'avenir, double continuité que l'hébraïsme atteste, le première par la croyance à la métempsycose ou réincarnation, la seconde par la foi à la résurrection et à la palingenèse, l'une et l'autre réalisables sur le théâtre même où se déploie la phénoménologie du monde présent.

Voilà donc les prérogatives que l'hébraïsme attribue à l'homme. Elles sont résumées dans un titre que l'Ecriture lui donne volontiers: celui de gloire, noblesse, honneur, dignité. « L'homme est dans la gloire et il ne le comprend pas [9]» et avec une légère variante: « L'homme est dans la gloire et n'y demeure point [10] ». Le psaume qui énumère les grandeurs de l'homme déclaré de bien peu inférieur aux El-ohieme dit aussi qu'il a été couronné de gloire et de majesté [11].Un tel être ne peut etre destiné qu'à l'immortalité. Cette Bible, que certains critiques prétendent si matérialiste, donne d'ailleurs à l'âme humaine un nom qui n'a rien de comparable dans aucune langue, ni dans aucune école spiritualiste. Elle l'appelle Kabod , « la gloire » et les Rabbins en disant, ainsi [12]que nous le verrons bientôt, qu'Adam était la gloire de la terre, n'ont fait qu'imiter le langage et les idées de la Bible.

Rien de plus glorieux que l'homme pour l'hébraïsme, nous disons l'homme comme tel et non l'Israélite. Après avoir vu quelle idée le judaïsme s'est faite de la dignité de l'homme, de sa perfectibilité et de ses destinées immortelles, il nous faut étudier maintenant plus en détail la notion israélite du progrès humain: ce sera l'objet du chapitre suivant.[13]


References

  1. De l'âme dans la bible , Bibliothèque de l'Hébraïsme, par E. Benamozegh, Livourne, Belforte, 1897.
  2. Genèse, III, 22.
  3. Genèse, II,16. La forme donnée dans le texte hébreu a cette parole אכל תאכלpeut s'entendre comme un commandement.
  4. Page 310
  5. Proverbes, III, 18
  6. « L'homme qui les mettra en pratique (mes lois) aura la vie en elles » Levitique, XVIII, 5
  7. Page 312
  8. HARTMANN, Philosophie de l'Inconscient , tome II, p.435.
  9. ,אדם ביקר ולא יבין PS. XLIX, 21.
  10. ואדם ביקר בל יליןIbid. Vers. 13.
  11. Psaume VIII, 5, 6
  12. Page 312
  13. Page 313