Israël et L'Humanité - La doctrine de la coopération humaine et L'Ecriture

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IV.

La doctrine de la coopération humaine et l'Ecriture.

Si l'imitation de Dieu est, selon la Bible et les Rabbins, le principe directif de la conduite de l'homme, il n'est pas douteux que la coopération humaine ne soit par là même implicitement enseigné, car travailler comme Dieu et sur le même champ d'activité, obéir à la même loi en vertu de la ressemblance que nous avons avec lui, cela ne peut s'appeler autrement qu'une coopération. Tel est, semble-t-il, le sens de ce verset: Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu'en ce jour il se reposa de toute son œuvre qu'il avait créée pour faire [1] ». Ces derniers mots ne signifient-ils pas que le monde a été créé, préparé pour l'œuvre de l'homme et que les ouvrages de Dieu sont les moyens d'action que le Créateur lui fournit?

Nous retrouvons cette idée chez les sages du paganisme. Sénèque par exemple a dit que nous imitons les dieux autant que le comporte la faiblesse humaine [2]. Ce philosophe, il est vrai, a pu être en rapport avec des chrétiens et par eux avec les doctrines hébraïques, mais Platon avant lui avait déjà fait consister le perfectionnement humain dans l'imitation de la Divinité et nous lisons dans l'hymne de Pythagore que « la fin de la vie, c'est de devenir semblable à Dieu ». On a voulu identifier cette doctrine avec les promesses brahmaniques et y voir par conséquent l'antithèse de l'enseignement juif, car, dit-on, elle est si formellement condamnée par les Hébreux, qu'ils l'ont mise sur la bouche du serpent tentateur. Celui-ci, en effet, invite la femme à manger du fruit défendu, en promettant à Adam et Eve que le jour où ils en mangeraient, ils deviendraient semblables à Dieu; Mais la conséquence à tirer de ce passage est précisément le contraire de ce qu'on nous dit. C'est justement parce que le serpent tient ce langage qu'il faut supposer que la volonté de Dieu, contrairement à ce que le séducteur affirme, est que les hommes deviennent semblables à Lui, car les Hébreux n'auraient jamais mis la vérité dans la bouche [3]du serpent. Ce qui est proposé à Eve comme le résultat de la désobéissance à l'ordre de Dieu, doit donc être en réalité la conséquence de la soumission parfaite à la Loi divine et loin de contredire ce qu'il y a de juste sur ce point dans les idées des philosophes païens, l'hébraïsme y voit la confirmation de ses doctrines.

Les Rabbins, en commentant ce passage, ont dit que Dieu en créant le monde a donné au fruit de l'arbre de la connaissance une vertu créatrice. Mais, alors, nous objectera-t-on, pourquoi défend-il à l'homme de manger de ce fruit? N'est-ce pas une preuve que le Dieu des Juifs ne veut point qu'on lui ressemble? Que devient en ce cas la doctrine de la coopération à laquelle l'homme aurait été appelé ? Nous pourrions répondre que dans le mot El-ohieme du verset biblique: « Vous serez comme El-ohieme, connaissant le bien et le mal », il s'agit non pas de Dieu, mais des anges, et que le récit de la Genèse traçant, comme nous l'avons dit, le programme de l'humanité, l'homme transformé par le fruit apparaît justement comme l'être intelligent et libre rentrant dans les vues providentielles. Nous croyons cependant pouvoir hasarder une autre hypothèse. Elle a pour base la signification symbolique des deux arbres; l'un, celui de la vie, représente l'Idéal; l'autre, celui de la connaissance du bien et du mal, représente le Réel; et, en langage théosophique, le premier est le Tipheret, le Logos ; le second le Malkhout, la nature. Pourquoi donc est-il permis à Adam de se nourrir du fruit de l'arbre de vie, de l'Idéal, tandis qu'il lui est défendu de toucher à celui de la connaissance du bien et du mal, c'est-à-dire au Réel? C'est que le rôle de l'homme ici-bas est bien en effet l'imitation de Dieu, mais du Dieu Idéal, du Logos ou Tipheret, et non pas du Dieu de la nature, de la Réalité matérielle, car c'est dans l'Idéal qu'il doit puiser ses inspirations; c'est par lui et par lui seul qu'il peut maîtriser, perfectionner la nature elle-même, en la dominant de toute la hauteur du Logos qui doit l'illuminer et demeurer en lui.

Ainsi, l'homme est appelé à imiter non pas tant ce que Dieu a fait, que ce qu'il pense, ce qu'il conçoit, c'est-à-dire l'Idéal [4]. C'est dans cette distinction que gît le fondement de l'art et de la morale désintéressée, ce qu'on a nomme l'impératif catégorique, [5]qui consiste dans l'imitation intelligente, non pas de la copie, mais du type lui-même contemplé par l'Esprit, non de la natura naturata, mais de la natura naturans des Anciens. Et comme les choses créées sont, vis-à-vis de l'idéal, comme des copies en face du Modèle, on peut dire avec le philosophe italien Fornari que Dieu en créent l'univers s'imita lui-même . C'est précisément là la doctrine de la Kabbale d'après laquelle Dieu, dans la création du monde, contempla et imita la Thora [6], la Loi, autrement dit le Verbe ou Monde intelligible, ce qui a fait dire aux théosophes qu'en conservant la monde par sa souveraine Providence, Dieu médite la Loi.


References

  1. לעשות Genèse II, 3.
  2. Hos (deos) sequamur duces quantum humana imbecillitas patitur V. Ritter, vol. IV, p. 156.
  3. Page 367
  4. C'est ce que les Kabbalistes appellent Acia et Yetsira
  5. Page 368
  6. Jalkout dans Bereschit I, § 2 et Prov. Chap VIII.