Israël et L'Humanité - La liberté humaine

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IV.

La liberté humaine.

L'homme, pour Moïse, est-il libre? On a prétendu que non et l'on a fait du grand législateur le précurseur de cette école qui de nos jours croit possible l'existence sociale aussi bien que la vie individuelle et morale sans la liberté. Toutefois on ne saurait nier que le langage de Moïse ne soit de nature à nous faire supposer qu'il a cru à la liberté humaine et s'il n'avait pas sérieusement compté sur cette grande force, sur ce levier puissant pour élever et maintenir l'édifice social, on ne concevrait guère sa mission de législateur et d'instituteur religieux.

Sa philosophie du droit pénal nous le prouve également. Sans doute il vise à l'effet moral de ses peines comminatoires, à l'exemple salutaire que le châtiment du coupable doit avoir pour les autres, et cela pourrait se concilier avec la doctrine fataliste. Mais ce qui est plus certain encore, c'est que Moïse contemple un idéal de justice qui exige l'expiation de la faute commise et qui attache le châtiment au crime comme l'effet à sa cause. La peine du talion elle-même qui, s'il faut en croire la tradition rabbinique, n'est nullement dans l'intention du législateur hébreu, bien qu'elle soit dans son langage et dans ses formules, apparaît comme l'expression la plus énergique de la justice non utilitaire ni politique, mais idéale et métaphysique. Or cette théorie pénale ne peut se soutenir sans l'idée de liberté. Les exemples qui, dans la Bible, semblent mettre la volonté d'un homme à la merci de Dieu, comme l'endurcissement du cœur de Pharaon ou autres cas semblables, montrent ce que devient la nature humaine quand elle est livrée à elle-même ; c'est comme punition dernière que Dieu aveugle ou endurcit, en un mot l'exception confirme la règle, car on ne songerait certainement pas à parler de l'intervention divine dans un si petit nombre de circonstances, si tous les actes humains indistinctement, étaient l'effet, non du libre arbitre, mais du décret de Dieu ou d'une aveugle fatalité. [1]Nous trouvons une autre preuve de la foi de Moïse en la liberté humaine dans la proscription du culte des astres; c'est une condamnation du fatalisme qui, pour les anciens, dépendait de l'influence des corps célestes. Pour l'auteur du Pentateuque l'homme, au lieu d'être l'esclave du monde extérieur, lui demeure supérieur. « Regarde le ciel et compte les étoiles » dit Dieu à Abraham. Sur quoi les Rabbins, à propos du mot regarde, abbet, qui signifie regarder de haut en bas, disent que Dieu a élevé Abraham au-dessus des cieux [2], pour lui montrer qu'il leur est supérieur et qu'au lieu d'être sous le joug de la nature, comme il serait nécessairement si on le concevait dépourvu de liberté, il en reste le maître, étant appelé à la dominer et à la subjuguer. Peut-on imaginer un démenti plus formel au prétendu fatalisme mosaïque?

La liberté morale résulte si bien des textes du Pentateuque qu'elle constitue, à notre avis, un des meilleurs arguments à opposer à l'accusation de panthéisme que certains ont cru pouvoir lui faire. Il n'est pas douteux que si le panthéisme était le fond de la pensée hébraïque, la liberté n'occuperait pas dans l'Ecriture une si grande place, car il n'est rien qui répugne davantage au panthéisme que le libre arbitre. On peut même dire que la liberté en est la principale et peut-être la seule négation, puisqu'elle est la plus éclatante manifestation de la personnalité et de l'autonomie individuelle.

L'idée que l'hébraïsme s'est faite de la dignité de l'homme ne va donc pas sans l'affirmation solennelle de sa liberté, et c'est parce qu'il est libre qu'il est aussi perfectible, ainsi que nous allons l'examiner maintenant.


References

  1. Page 302
  2. Jalkout Schimoni, Leh Lehà, § 76.