Israël et L'Humanité - Le « sar » on ange gardien Israël

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III.

Le sar ou ange gardien d'Israël.

Il résulte des textes que nous avons examinés qu'Israël a, lui aussi, un sar, ange gardien, à la protection duquel il est confié. Cette idée mérite d'être étudiée, car elle semble contredire formellement les nombreux passages bibliques, et surtout mosaïques, d'après lesquels Dieu s'est réservé, pour lui seul un gouvernement d'Israël, tandis qu'il a confié à tel ou tel d'entre les anges la direction des autres peuples.

Il faut remarquer tout d'abord que nous trouvons, même dans le Pentateuque des traces indiscutables de cette doctrine. « Voici, j'envoie un ange devant toi pour te protéger en chemin, et pour te faire arriver au lieu que j'ai préparé. Tiens-toi sur tes gardes en sa présence et écoute sa voix; ne lui résiste point, parce qu'il ne tolérera pas vos pêchés, car mon nom est en lui. Mais si tu écoutes sa voix, et si tu fais tout ce que je te dirai, je serai l'ennemi de tes ennemis et l'adversaire de tes adversaires. Mon ange marchera devant toi et te conduira [1] ». Et ailleurs: « Va donc, [2]conduis le peuple où je t'ai dit. Voici, mon ange marchera devant toi [3]Certains commentateurs ont voulu retrouver dans le nom de l'ange Michael du livre de Daniel le malachi (mon ange) de l'Exode, par une simple transposition de lettres [4]. Les deux conceptions sont en tout cas identiques. Il s'agit en effet dans l'Exode d'un rôle offensif contre les Egyptiens; l'ange est en la circonstance un destructeur (masch'hit ), puisqu'on lui attribue la mort des premiers-nés. Cela n'empêche pas que dans un même verset, Dieu appelé de son nom d'Avaya figure à côté de l'ange masch'hit comme auteur direct et unique de cet acte qui a tant exercé la pénétration des exégètes: « Quand Avaya passera pour frapper l'Egypte, et verra le sang sur le linteau et sur les deux poteaux, l'Eternel passera par-dessus la porte, et il ne permettra pas au destructeur (masch'hit) d'entrer dans vos maisons pour frapper [5] ». Dans cet autre passage de l'Exode cité plus haut nous voyons les honneurs divins déférés à l'ange envoyé à la conquête de la Palestine, car, dit Moïse « le nom de Dieu est en lui ».

Ainsi il y a, aux yeux de l'écrivain sacré, une sorte d'identification entre l'ange dont il parle et Dieu lui-même . Si l'on compare par exemple le double récit fait par le 2<super>e</super> livre de Samuel et par les Chroniques de l'épidémie qui éclata à Jérusalem, lors du recensement de la population ordonné par David, on constate que la première relation attribue ce châtiment à Avaya: « l'Eternel envoya la peste en Israël, depuis le matin jusqu'au temps fixé [6]» , tandis que la seconde ajoute: « Dieu (littéralement: les El-ohieme ) envoya un ange à Jérusalem pour la détruire [7] ». En maints passages l'ange s'exprime et on s'adresse à lui, comme s'il était Dieu en personne. Bien plus, Dieu même est appelé ange, malach . En effet, lorsque le vieux Jacob dit en bénissant les fils de Joseph: « Que L'ange qui m'a délivré de tout mal bénisse ces enfants [8]!» , il est hors de doute que c'est de Dieu seul qu'il s'agit, car c'est par le nom de Dieu que débute la bénédiction: « Que le Dieu [9] (El-ohieme) en présence duquel ont marché mes pères, Abraham et Isaac, que le Dieu (El-ohieme) qui m'a conduit depuis que j'existe jusqu'à ce jour, que l'ange, etc.» et le rôle, le pouvoir de ce prétendu ange sont tels qu'ils ne peuvent appartenir à un autre qu'à Dieu.

Comment donc ce nom de malach , ange, envoyé, qui, par sa signification littérale, indique une certaine subordination, peut-il dans ces conditions s'appliquer à Dieu? La Kabbale seule est en état de nous fournir le mot de l'énigme. De fait, tous ces textes nous paraissent confirmer d'une manière éclatante ce que nous avons dit des rapports des sarim, anges, fils de Dieu, avec le Dieu unique de la Bible et cette identification du masch'hit, destructeur, avec le tétragramme, corrobore également les explications que nous avons données à propos d'Azazel qui, bien qu'en apparence distinct d'Avaya, vis-à-vis duquel il semble jouer le rôle d'adversaire, n'est en realité qu'une face du même être dont le tétragramme représente l'autre côté. Il suffit de rappeler cette notion très simple et que l'on n'accorde généralement à reconnaître comme caractéristique de la théosophie hébraïque, c'est qu'elle admet, outre le Dieu transcendant, hors du monde et au dessus du monde, le Dieu immanent qui habite avec nous, qui est dans le monde ou plutôt en qui et par qui le monde existe, en un mot la Schechina (littéralement immanence). C'est la Schechina qui est, pour les kabbalistes, l'ange, le sar d'Israël, auteur des théophanies, des manifestations divines dans le monde sensible. Certaines conceptions rabbiniques intermédiaires, comme celle du « prince du monde »,sar aolam [10] nom donné à l'ange Metatron , agent divin dans l'univers matériel, celle de « prince de l'armée de l'Eternel» empruntée à Josué et où Raschi retrouve le Michaël du livre de Daniel - car il dit en propres termes: « Le prince de l'armée de l'Eternel, c'est Michaël, comme il est écrit: Et Michaël, votre sar , - enfin celle de l'archange auquel les divers anges obéissant, rappellent la théorie que nous avons exposée sur les rapports entre Dieu et les dieux ou fils de Dieu.

Aucun nom d'ailleurs ne saurait mieux convenir à la schechina , au divin dans le monde, que celui de malach,ange, envoyé, car [11]14 SEPT il exprime le rapprochement de l'infini vers le fini, du Créateur vers la créature. Ce sont évidemment ces traditions rabbiniques qui ont inspiré le christianisme primitif, quand il a élaboré sa doctrine du Verbe incarné, avec cette énorme différence que le Verbe incarné du christianisme, c'est un homme, tandis que celui de la théosophie hébraïque, c'est l'ensemble de l'univers.

Quoi qu'il en soit, on comprend maintenant comment, sans contradiction réelle, on a pu dire qu'Israël a un sar, ange protecteur, et d'autre part, qu'il est l'héritage de Dieu seul, car l'ange d'Israël, c'est la schechina , le divin dans le monde, c'est-à-dire la plénitude de la Divinité dans ses relations avec le créé, tandis que les autres nations, dans leurs diverses conceptions religieuses, n'adorent de Dieu que des aspects partiels.


References

  1. Exode, XXIII, 20.
  2. Page 249
  3. Ibid., XXXII, 34.
  4. מלאכי מיכאל.
  5. Exode, XII, 23
  6. II Samuel, XXIV, 15.
  7. I Chron. XXI, 15
  8. Genèse, XLVIII, 16
  9. Page 250
  10. Il y a lieu de faire remarquer que dans l'évangile de St Jean Satan est désigne sous ce même nom :« Maintenant le prince de ce monde va être chassé », XII, 31. « Je ne parlerai plus guère avec vous, car le prince du monde vient », XIV, 30. « Le prince de ce monde est jugé », XVI, 11.
  11. Page 251