Israël et L'Humanité - Le Créateur d'après la Bible

From Hareidi English
Jump to: navigation, search

CHAPITRE TROISIÈME

L'IDÉE DE DIEU EN ISRAËL

LE DIEU UNIVERSEL

I.

Le Créateur d'après la Bible.

Le Dieu d'Israël, qui est unique et un dans son essence, est un Dieu universel. Cette conséquence naturelle du dogme monothéiste mérite d'être étudiée plus attentivement dans les manifestations de la foi juive au Dieu créateur, Providence, Législateur, Révélateur.

L'idée même de création est déjà une preuve de la croyance au Dieu universel, comme l'a fait très justement remarquer un auteur qui n'est pas suspect de partialité pour le judaïsme: « Si, dans l'Ancien Testament, le Dieu enseigné par les législateurs et prêché par les Prophètes nous apparaît d'abord comme le dieu national du peuple hébreu, il n'en est pas moins vrai qu'étant proclamé créateur de l'univers, il est par cela même reconnu comme le Dieu de toutes les nations. C'est là le côté véritablement messianique de l'Ancien Testament qui fait sans contredit de celui‑ci le livre de tous les temps et de tous les lieux » [1] Nous ne savons si en disant que le Dieu de Moïse et des Prophètes apparaît d'abord comme Dieu national, on entend faire allusion aux développements historiques du monothéisme en Israël on si l'on veut indiquer simplement que cet aspect de la Divinité est celui qui prédomine dans la croyance juive; il n'en est pas moins certain[2] que la Bible reconnaît à son Dieu le caractère de Créateur universel, lorsqu'elle emploie les expressions de Dieu du ciel et de la terre, Seigneur, possesseur, littéralement acquéreur du ciel et de la terre, et celle de « Dieu du monde » notamment dans une circonstance où l'intention de prosélytisme est évidente. Il s'agit d'Abraham qui, passant d'un pays dans un autre, élevait des autels et proclamait l'Eternel sous ce nom de Dieu du monde, El olam [3]

L'idée de création pour la Bible comprend non seulement l'univers matériel, mais encore le genre humain, en sorte que le Dieu créateur est nécessairement le Dieu de l'humanité tout entière. Veut‑on reprendre l'hypothèse des préadamites, d'après laquelle l'Adam biblique ne serait point le père commun de tous les hommes, mais bien le premier ancêtre d'un groupe particulier ? Que l'on juge le récit de la Genèse faux ou incomplet, il n'importe; ce qui nous intéresse, c'est la notion que la Genèse a voulu donner de Dieu; or il est incontestable que, pour le narrateur biblique, Adam a été le premier homme de qui sont descendues toutes les familles de la terre et cela suffit pour établir le caractère universel du Dieu de la Bible.

S'il est le souverain Créateur, c'est à lui qu'a dû s'adresser le culte des premiers hommes. A quel moment le livre de la Genèse place t'il l'apparition du polythéisme? Les rabbins prétendent que c'est à l'époque d'Enosch. Il se serait donc écoulé, depuis la création, un long espace de temps pendant lequel le Dieu d'Israël a été, non seulement de droit, mais de fait, le Dieu de toute l'humanité. Le sens littéral du passage relatif à Enosch [4] est bien loin toutefois de justifier cette interprétation et s'il doit être entendu autrement, il est certain qu'il faut retarder encore les débuts du polythéisme. Il est question en effet de divers péchés dans ces temps recalés, mais jamais de celui d'idolâtrie. Les coupables faiblesses des Bené Elohim, la corruption morale, la violence, l'orgueil qui poussait les hommes à s'opposer aux desseins du Très‑Haut comme le prouve l'histoire de la construction de la tour, voilà les sujets des reproches que la Bible adresse aux humains, mais il n'est pas dit un mot du culte de fausses divinités. L'empire universel du Dieu Créateur n'aurait‑il eu d'ailleurs, d'après le témoignage biblique, qu'une durée extrêmement courte, c'en serait assez encore pour repousser victorieusement[5] l'accusation de particularisme et prouver que le Dieu d'Israël est bien le Dieu de l'humanité.

On nous objectera que le Dieu reconnu comme universel peut avoir cependant, dans la foi de ses adorateurs, une prédilection spéciale pour une certaine race et que cela s'est vu au sein de L'hellénisme où Zeus était censé regarder les Grecs comme ses enfants privilégiés. On a même cité cet exemple pour excuser les Juifs de s'être crus le peuple élu de Dieu. Nous ignorons jusqu'à quel point il est vrai de dire que Zeus était pour les Grecs le Dieu universel en même temps que leur Dieu particulier; le fait serait-il-établi que cela démontrerait simplement qu'une certaine trace de la foi au Dieu unique subsistait chez les Gentils. Pour nous qui croyons même que le monothéisme était formellement enseigné parmi les nations sous forme de mystère, nous ne saurions en être aucunement troublé. Cela ne prouve-t-il pas, contrairement aux assertions rationalistes, que l'humanité, à ses origines, fût plus près de la vérité qu'on ne pense et les enseignements du judaïsme ne s'en trouvent-ils pas confirmés?

Mais la question est de savoir si, dans les exemples cités, le monothéisme apparaît comme loi fondamentale et organique ou seulement comme un pâle vestige de l'antiquité, que tout, dans les institutions, les mœurs et les croyances communes, contredit manifestement. Il n'est pas douteux que pour les Grecs l'idée monothéiste n'ait été étouffée au dedans par la multiplicité des dieux qui rivalisaient avec Zeus, au dehors par toutes les divinités nationales dont les Grecs reconnaissaient la légitimité du culte chez les autres peuples, preuve évidente que leur Zeus n'était point pour eux le Dieu universel. Il est vrai que plus tard un travail très remarquable s'opéra dans les esprits, réminiscence lointaine de la véritable religion; les dieux des différentes nations furent assimilés et comme fondus en un seul, ainsi qu'on l'observe chez Hérodote. Mais jamais ces deux conceptions d'un Zeus universel et d'un Zeus divinité particulière des Grecs ne parvinrent à s'harmoniser pour la foi populaire dans une synthèse semblable à celle que présente le judaïsme: le Dieu du genre humain ayant un peuple prêtre, Israël; le Dieu unique régnant sur tous les hommes comme créateur universel et demeurant en même temps le Dieu particulier des Juifs en raison de leur sacerdoce.

Ce fait, absolument unique dans l'histoire d'un peuple qui se proclame prêtre de l'humanité, est une des preuves les plus éclatantes [6] du caractère universel du Dieu de la Bible. Le particularisme juif tend à des fins universelles; il n'a pas d'autre raison d'être que la foi au Dieu unique, pas d'autre but que l'établissement de son règne chez tous les peuples.

References

  1. Castelli, Poesia Biblica , p. 200
  2. Page 99
  3. Genèse, XXI, 33.
  4. Genèse, IV, 26.
  5. Page 100
  6. Page 101