Israël et L'Humanité - Le Mont Meria et la sacrifice d'Abraham

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IV.

Jérusalem dans l'histoire patriarcale et mosaïque.

§ 1.

LE MONT MORIA ET LE SACRIFICE D'ABRAHAM.

Entre l'époque de Melehisédek et celle de Moïse, il est facile de trouver des faits qui confirment le choix de Jérusalem comme siège du judaïsme et qui prouvent que les Israélites, dans leur [1]vénération pour cette ville n'ont fait que suivre l'exemple de leurs ancêtres.

La tradition hébraïque rapporte que le mont Moria, sur lequel, d'après les Chroniques, le Temple avait été édifié, était le lieu où Abraham s'était disposé à immoler son fils et où Jacob eut plus tard sa célèbre vision. On objectera peut-être que ce sont là des légendes postérieures à l'établissement de Jérusalem comme capitale et qu'elles n'ont été inventées que pour rehausser la sainteté de ce lien en lui créant un passé digne de sa haute destination. Mais ce besoin d'exalter davantage encore une ville devenue déjà fameuse est par lui-même assez significatif après le silence que l'Ecriture observe à son égard. Ne faut-il voir cependant que de pures légendes dans cette concordance de lieux? L'identité du mont Moria, célèbre par le sacrifice d'Abraham, et de l'emplacement du temple de Jérusalem est attestée d'un côté par le livre de la Genèse et de l'autre par les Chroniques, et la tradition était si bien établie à ce sujet que Josèphe lui-même s'en fait l'écho dans ses Antiquités judaïques.

Le récit de l'épreuve à laquelle Dieu soumit le patriarche hébreu porte des traces visibles de la sainteté antérieure du lieu vers lequel celui ci se rendit pour obéir à l'ordre divin. « Le troisième jour, dit le texte sacré, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin [2]». Comment donc le reconnut-il? Raschi dit qu'une nuée en couvrait le sommet. Il est plus simple d'admettre qu'Abraham connaissait précédemment cet endroit comme un but de pèlerinage où l'on se rendait pour offrir des sacrifices. Ce qui le prouve, c'est le langage qu'il tient aux domestiques qui l'accompagnent: « Restez ici avec l'âne, leur dit-il, moi et l'enfant, nous irons jusque-là pour adorer, et nous reviendrons auprès de vous [3]». Ces paroles adressées à deux gentils ne supposent-elles pas que la croyance que c'était là un lieu saint se trouvait déjà répandue? Nous ne prétendons pas que le sanctuaire qui s'y élevait peut-être en ce temps-là fut l'enceinte choisie par Abraham pour la préparation de son sacrifier, car dans ce cas le texte ne dirait pas que le patriarche y construisit un autel. En édifiant un autel particulier, Abraham, qui ne pouvait s'enrôler sous l'étendard d'aucun des cultes existants, préluda peut-être d'une certaine manière en cette circonstance au [4]séparatisme israélite. Mais il n'en est pas moins vrai que pour lui comme pour les Gentils, ses contemporains, ce lien était saint et que c'est là qu'il se rendit pour sacrifier. Si donc cet endroit, déjà célèbre par sa sainteté, fut témoin de ce mémorable événement de l'histoire de leur ancêtre, il est infiniment probable que les Israélites devaient le choisir de préférence pour y établir le siège du culte divin.

Il est un verset de ce même chapitre de la Genèse qui mérite une attention particulière; c'est celui où Abraham donne un nom à ce lieu où il vient de prouver son héroïque obéissance au Seigneur: « Abraham donna à ce lieu le nom de d'Avay-Jiré (l'Eternel verra ou pourvoira) ». Et le texte sacré ajoute: C'est pourquoi on dit aujourd'hui: « A la montagne d'Avaya-Jéraé (l'Eternel est vu, est manifesté) [5]». Ce simple changement dans la ponctuation massorétique du dernier mot revêt une haute signification. Il indique la destination nouvelle que l'on prévoyait pour cette montagne, celle d'un sanctuaire public. Auparavant c'était, il est vrai, un lien saint d'où Dieu voyait tout et pourvoyait à tout (Avaya-Jiré), mais à l'avenir ce sera sa résidence même où afflueront les adorateurs, soit que l'on traduise la fin du verset comme nous venons de le faire: « A la montagne d'Avaya-Jéraé (l'Eternel est vu), soit que l'on sépare les deux derniers mots, ce qui ferait lire: « A la montagne d'Avaya, on sera vu ou on se montrera ( yéraé ) », car de toute façon la présence du fidèle se trouve impliquée. N'est-il pas curieux de voir que la même expression est précisément employée dans le Pentateuque pour prescrire la triple visite annuelle au Temple: « Trois fois par an, tout mâle sera vu, se montrera (yéraé) devant le Seigneur, l'Eternel [6] »? Et la tradition joue sur ce mot, par une sorte de réminiscence de l'ancienne dénomination donnée par Abraham: Jiré (il voit), pour exonérer de cette visite ceux qui sont privés d'un œil. Luzzatto a vu, dans la substitution du passif (yéraé) à l'actif (yiré), une variante introduite postérieurement pour échapper à l'idée anthropomorphique de voir Dieu. Mais ce n'est pas un semblable scrupule qui a produit cette modification, c'est le changement de destination du lieu, Jérusalem étant devenue un sanctuaire public où le peuple allait adorer Dieu et la seconde désignation (yéraé) ajoutait une idée de dépendance, [7]d'hommage, comme celui du serviteur qui fait note de présence devant son maître. L'étude philologique des trois textes dans lesquels se retrouve l'expression exclut toute autre supposition.

Le nom même du mont Moria, sur lequel Salomon construisit le Temple [8]et que la tradition désigne comme le lieu du sacrifice d'Abraham, justifie cette identification, car on y découvre également cette idée de vision. Gesenius, s'appuyant sur Symmaque, sur Jérôme, sur les Samaritains, tenu sur l'étymologie hébraïque elle-même, le fait dériver des deux mots mare-ya « celui qui montre, qui manifeste Dieu ». De leur, côté, les Rabbins disent: « Il est appelé Moria, parce que c'est de là que devait sortir la doctrine Cite error: Closing </ref> missing for <ref> tag ».


References

  1. Page 517
  2. Genèse, XXII, 4.
  3. Id. verset 5.
  4. Page 518
  5. Ibid. verset 14.
  6. V. Exode, XXXIII, 17 et XXXIV, 23. Deutéronome, XIV, 16.
  7. Page 519
  8. II Chroniques III, 1.