Israël et L'Humanité - Le Pentateuque

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Le monothéisme dans la Bible.


§ 1.


     Il y a une distinction à faire entre les quatre premiers livres

du Pentateuque et le cinquième, ai différent des autres que Pou

   pourrait voir pour ainsi dire le premier monument de W Tra,
   itimL Dans ces quatre livres, la révélation de l'unité de Dieu,

au lien deaffecter la forme dl" enseignement doctrinal, se déduit

   utÔt comme une conséquence logique des faits rapportée et des


(~) ', 27 ‑,,, 5, 22.


LE DIEU UNIQUE 83

lois établies, tandis que le Deutéronome a un caractère moine lé­gislatif, mais plus moral et plus théologique. Le monothéisme Won est pas moins enseigné formellement d'un côté comme de Vautre et si les premiers écrits sacrés paraissent procéder à cet égard plutôt pu insinuations que par propositions explicites, il y faut voir un procédé dû rédaction propre aux anciens âges; cette ma­niêre de présenter la croyance au Dieu unique comme un principe incontestable et incontesté n'eu est que plus significative.

Une partie de Férule rationaliste voit d'ailleurs dans le Lévi­tique et dans certains fragments de l'Exode et de la Genèse des ouvrages postérieurs au Deutéronome, en sorte qfflune doctrine si clairement formulée dans celui‑ci ne saurait avoir étÙ étrangère àdes écrits plus récente. Il suffit pour Wen convaincre de citer un texte qui, au premier abord, semble consacrer pu une singulière contradiction la foi la plus exclusive au Dieu national en même temps qu'il proclame son unité. Lorsque Moïse pour la première fois annonce à Israël son élection, il a soin de déclarer que telle est la volonté du Dieu qui possède le monde entier: « Maintenant si voux êcoutes ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous m'appartiendrez entre tous les peuples, ou toute la tom est a moi > (1). Urne telle parole affirme sans hésitation possible Vanité de Dieu, soit qu'on veuille voir en elle le bon plaisir deun ~ave. rain qui, maître de toutes les nations sans exception, choisit orbi­trairement entre toutes celle qu'il préfère, soit qu'on reconnaisse dans ce choix lui‑même l'exercice d'une providence universelle. Elle ne peut signifier qu'une chose, c'est «Israël est élu pu Dieu entre tous les peuples de la terre qui lui appartient tout entière. D en faut conclure également qu'un Dieu dont Pempire est uni­versel ne murait jamais être une divinité exclusivement nationale, comme la prétend la critique rationaliste dont ce seul verset ren­verse de fond en comble les assertions.

Le quatrième chapitre du livre de la Genèse se termine par une phrase incidente que Von a considérée avec raison comme indiquant la début du polythéisme et de l'idolâtrie: « Oleet alors que l'on rom­monga à invoquer pu le nom de IlEternel ». S'il en est ainsi, nous avons la une prouve évidente que Facteur suppose Vexistence on­térieure du monothéisme et qWil le regarde comme ayant été gê­nêralement professé jusqu'à, cette époque. Et West~e pas dans ce


(1) E.,a" M', 5.


84 DIEU

même livre que nous trouvons encore cette foi exprimée, sous forme d'une prophétie annon~ant le rêgne universel du Dieu unique, du Dieu du têtragrammal Le texte dont nous parlons et qui est dans la Bible comme l'une des preiniêres lueurs messianiques, prédit que Marnai, Dieu de Sem, sera reconnu un jour comme le sent vrai Dieu par Cham aussi bien que par Japhet (~).

Butin, il y a dans les livres qui nous occupent un témoignage de monothéisme que nous avons déjà eu l'occasion de signaler et qu'on ne peut révoquer eu doute: c'est la prohibition du culte des images. On a essayé, il est vrai, d'éluder cette démonstration en disant que ce culte était défendu comme hostile à celui du dieu national. Mais pourquoi "tic interdiction superflue, puisque les divinités représentées par les images ne pouvaient elles‑mêmes être adorêest Les textes du Pentateuque ne distinguant nullement entre les dieux et leurs figures et l'histoire des religions montre, que, iYaprês la croyance générale des fétichistes, l'idole matérielle était le siêge de l'esprit du dieu qui devenait ainsi une seule et même chose avec l'image. Nous voyous d'autre part que la même défense s'étend aux figures qu7on aurait fabriquées pour représenter le vrai Dieu. Evidemment ce n'est point parce qu'elles eussent été hostiles à, son culte, mais parce qu'elles étaient vaines et contraires à sa spiritualité et à ses perfections infinies. Or, comme la loi était absolue, comme elle identifiait dans tous les cas ‑la divinité avec la forme sensible qu'on lui voulait donner, il en faut conclure que le vrai motif de l'interdiction des images, c'est que les dieux, que celles‑ci étaient censés$ représenter, n'existent pas pour le lêgialw leur israélite.

Le Deutéronome qui proclame le néant de ces dieux « ouvrage de mains d'homme, de bois, de pierre, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni manger, ni sentir » (2), n'en déclare pas moins quelques lignes plus loin que l'Eternel est un Dieu jaloux (~). Mais cela n'est pas contradictoire comme on le croirait au premier abord, car s'il


(~) Le, ‑et, « Il lobiter, de‑, 11, t«.t., de se, ~ p,,~.,t " ,pp,nu àDie, eu,,[ bleu quâ Jphet. BI,, q.'O,kl", Ru,1,1, ta, B,r,,

          1, p~,lê,, I,É,rp~ti ... .... ,,y,,, ,,, le,                            do,t,m, d,,,Ir

préfêr., 1, "",de. Le B,,,àia Bbb, et le, de,, les me.tio»,,,t

Puee, et il,,tm et 1, p,rph,,,, de y ,It 11, ..................................... de 1,

de, 11flat, de Jpht et de W,r teitrée il........ le. t,,tu eu de Se,.

(‑) iv, 28.

(8) laid, v, 9.


Le DIEU UNIQUE


est vrai que l'on ne saurait être jaloux de ce qui n'existe pas, il as pouvait cependant que les idoles en question représentassent, non pu des dieux, mais des choses et des êtres réels et d'ailleurs c'est le sentiment desmour et d'adoration que Fauteur sacré entend réserver au vrai Dieu et dont il ne vent permettre le partage avec personne, môme avec des créatures imaginaires. Si le Ment des idoles est plus explicitement exprimé dans le Deutéronome que dans les premiers livres du Pentateuque, cela tient, nous le rêpê. tons, à la forme plus oratoire de cet écrit. On pourrait dire que Moïse y donne libre cours aux mouvements de son âme en Wen­tretenant paternellement avec son peuple, tandis que précédemment &était le législateur qui parlait pour codifier ses lois.

           Oontrairement à Popinion rapportée plus haut et qui fait du
  Deutéronome un ouvrage antérieur au reste du Pentateuque, ter­
   tains autres critiques rationalistes expliquent le ~rmtêre plus Se.
       centuâ de spirituallème que l'on remarque dans ce livre en lui
    attribuent une date de composition plus récents. Mais si au dire

ils ces mêmes critiques les quatre premiers sont Poeuvre d'Esdras

et si le monothéisme leur est si étranger qu'ils le prétendent, com.

      ment dans un laps de temps aussi court que celui qui, dans ce

eu, aurait séparé la rédaction de ces écrite, un pareil changement

    aurait,il pu se produire dans la manière de concevoir la Divinitêt
 Pour échapper à cette difficulté, ces auteurs Se refusent à voir le
  monothéisme même dans le Deutéronome: on ne trouverait dans
   ce livre, à les entendre, qu'une simple monolâtrie reconnaissant

toutefois la supériorité du dieu d'Israël sur les divinités étrangères.

Une semblable interprétation peut‑elle se soutenir en présence de

textes aussi forsoe]& que pu exemple: c L'Eto=el (filtre

        que désigne le têtragramme) est celui qui est Dieu, il n'y en a
       point d'autre que Luit » (‑). On encore celui où Moïse, parlant
         d'Israël séduit par les faux dieux, s'écris: c Ils ont excité maia­
      Mais par te qui n'est point Dieu; ils m'ont irrité par leurs vaines
  idoles » C). Traduire, comme Ils, fait M. Ravet, a qui %lext point

Dieu (‑) par an dieu dune autre motion, eest un expédient inadmis­

 sible et contraire à une saine critique, car cela équivaut à donner
  arbitrairement à une profession de ‑foi, formulée dans les termes


D,.tê, ............. 35.

Ibid., xxxur, 21.


86 DTJEV


les plu claire, un sens que rien n'autorise à mettre dans la pensée de l'autour et que le contexte est bien loin de suggérer.

Oomment parler encore de monolâtrie dans le Deutéronome, lorsque nous voyons que le mot dieu y est pris comme syno. nyme de vanité, pur néant, avec une préoccupation de monothéisme aussi évidente que dans les textes des prophètes on, parmi les apo­cryphes, de Baruch discourant sur les aberrations de l'idolâtrie t (') Voie! d'ailleurs un passage qui coupe court à toute discussion àcet égard, car l'idée de Pêleation spéciale d'Israël, et par conséquent du culte national, s'y trouve exprimée en même temps que la croyance au Dieu unique, dans nue synthèse parfaite des deux notions: C Voici, à pliternel, ton Dieu, appartiennent les cieux et les cieux des cieux, la terre et tout ce qu'elle renferme, et c'est à Les pères seulement qne lEternel s'est attaché pour les aimer, et après eux, c'est leur postérité, c'est vous qu'il a choisis entre tous les peuples > (% De quelque manière que l'on entende un tel texte, il exclut logiquement toute possibilité de polythéisme.

Il y a, nous en convenons, des passages dons le Pentateuque où Fexistence des dieux, non seulement n'est pas niés, mais semble admise au contraire, comme dans ce verset qui sait de près celui que nous venons de citer: « L'Eterul, votre Dieu, est le Dieu des dieux, le Soignour des seigneurs, le Dieu grand, fort et ado­rable » C). Mais peut~n imaginer une manière plue satisfaisante et plus énergique de sanctionner le dogme de l'unité de Dieu que de faire de ces êtres adorés comme dieux par log hommes autant de créatures, de sujets, de serviteurs du Dieu unique qui est élevé ainsi deutant plus haut que les prétendues divinités dont Il est le souverain Molles sont plus sublimes ellegmêmest Dao dieux qui ont un Dieu sont‑ils encore des dieux f

Nom appelons l'attention des critiques sur Deutéronome rv, 35 que nons mentiannions plus haut: « Tu as été rendu témoin de ces choses, afin que tu reconnusses que c'est IlEternel qui est Dieu et qWil ney an a point d'autre ». Ils avoueront qu'il est ici­possible d'être plus formel; le ])ton au nom incommunicable et qui, à leur dire, neaurait été que la divinité nationale des Hébreux,


(~) « 0" dieux solt semblabla, oarx pierres de la niontagne.... moussas do" croire on diM que os sont a" aieux t » Barach, Il, 38, 39 et tout se êhs. pitre IL

(2) 14, 15.

(3) Ibid., Vers. 17.


LB BrEu UMQ~ 87

est expressément désigné comme le Dieu unique; en iVautres terme, comme il ne peut y avoir qu'un seul Dieu, ce Dieu est celui du tétragramme (') et tel Font révélé à Imël les prodiges qu~il a opérée et dont Pénumération précède. « Il n'existe pu d'autre Dieu que Lui >, où qui pourrait même, une forcer aucu. nement le une, se traduire ainsi: , hors de Lui, il n'y a rien >, profession d'unité si absolue qu'elle ne lahmeraît pu dêtre embar­remonte, si le sens général de la Bible Won limitait et n'en pré. cisait la portée. Un pou plus loin, un autre texte reproduit la même idée fondamntale: c Sache donc en ce jour et rotions dans ton mur que eut PEternel qui est Dieu, en haut dans le ciel et en bas Bar la terre et qu'il n'y en a point d~autM , (1), mais nous y remarquons de plus que dans le mosaïsme, Dieu est am la taire aussi bien que dans le ciel, il est à la fois transcendant et baron­nent, ce qui est une façon expressive d'affirmer Bon unité. Com­ment ne pas être frappé de voir que Mai parle comme Abrû. hm (% que le Deutéronome emploie ainsi du termes identiqueB à ceux de la Genèse et que cas deux livres emieurdent avec PExod& où nous trouvons, dans le d6"log", cette déclaration que rien au ciel ni sur la terre ieest digne d'adoration que Dieu seull

Dans ce verset que nous lisons également au Deutéronome: « Sachez dono‑~ que c'est moi qui sais Dieu et qu'il n'y a point de dieu près de moi; c'est moi qui fais vivre et qui fais mourir, moi qui blesse et qui guéris, et personne ne sauve de mes mains , ~), nous avons signalé précédemment une preuve de la foi au Dieu un; mais la croyance au Dieu unique y uteelle moins clairement expriméel neerolat‑il pu toute idée de polythéismet Le dualisme lui‑même, qui n'est pas amis! madéen qu'on le pense, nous y paratt exclusivement condmné par l'attribution faite à Dieu uni de la prospérité et du malheur, de la mort et de la vie. Oela est parfaitement conforme à Pesprit de Phébraïsme qui, ainsi que Va remarqué entre autres Spinoza, n'hésite pu à reconnaltre Dieu pour Pauteur de tout phénomène naturel, queil soit bienfaisant ou funeste, et cela sans aucun des ménagements que nos modernes théodicées apportent à l'étude da problème du mal. Tel était en effet Pasoeudant da monothéisme aur les anciens Juifs que l'idée ne leur vomit pu qu'ils passent offenser le Dieu unique en le


0, déig» ainsi 1, nom M". Ibid.,,"r,. 29. G,,ê«e, ~, 22. D,nt4""Me, xxxiii, 39.


88 MEU

proclamant autour de toute chose. Le rituel mosaïque exprime symboliquement cette croyance par l'offrande du boue pour Azazel qui était faite dans le même temple, par le même Pontife et edmme partie da même cérémonial que le sacrifice à Dieu lui‑même au jour solennel des Bxpiations.

On a' étonnera peut‑être que dans cet examen des textes du Deutéronome, nous Wayons rien dit encore du verset monothéiste par excellence, celui qui est devenu la profession de foi dujudaïsme; * Econte, laraël, l'Eternel notre Diene pEternel est Un > ('). Il y * de sérieux motifs de croire que c'est l'unité de Dieu envisagée dans son essence qn?on a en vue dans ce passage. Mais le mono­théisme ne s'en déduit pas avec moins de raison.. Précisément parcs que Dieu est le point indivisible vers lequel tout converge, la monade universelle, le contre d'an rayonne tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera, Il ne peut être quuuique, c'cet. à‑dire qWil ne saurait y avoir deux centres~ deux: foyers de vie. D'ailleurs une religion qui s'est élevée jusqWâ la conception du Dieu Un dans sa nature tel que le proclame le (‑,élêbre verset, ne munit avoir admis en même temps la croyance grossiêre au polythéisme.

Ceux qn4 par d'injustifiables préventions, sa refusent à voir dans la religion des Hébreux autre chose qu'une simple monolâtrie convertie plus tard en monothéisme an contact de la philosophie grecque, nous conftrmeut, s'il est possible, dans nos convictions pu la pauvreté de leurs arguments. On nous objecte par exemple qu'il faut se délier des hyperboles du style biblique et que Wil est dit dans Isaïe: z Il n'y a pas d'autre Dieu que moi » le même livre fait dire à la ville de Babylone : c Moi, et rien que moi! > (3). A cela nous répondons que si la Bible est suspecte d'hyperbolisme quand elle parle de Vanité de son Dieu, elle doit l'être jégalement quand elle semble attribuer le caraetêre divin àd'autres êtres, à des anges, des héros, môme à des abstractions. Pour es qui est du passage relatif à Babylone, qui ne voit que dans ce casi l'hyperbole est justement voulue par le prophête, afin de mieux faire ressortir Porgueil et l'absurdité d'un tel langagee personne Wignorant qu'il existait, en dehors de Babylone, d'autres


(1) Ibid., V4 4.

l"I', ~,, 21.

Ibid, xrvu, 10.


LE DInu ~IQUE 89

grandes et puissantes cités, taudis que, lorsque la Bible dit de Dieu qu'il est unique, c'est avec l'intention manifeste de nier toute proposition contraire et de réserver à Lui seul l'adoration. Ses affirmations à cet égard sont si catégoriques et répêtées aveu une telle insistance que les objectiona rationalistes ne se peuvent raison­nablement soutenir, à moins que l'on ne veuille voir une byper­bois ininterrompue dans le Pentateuque tout entier.

References

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