Israël et L'Humanité - Le culte mosaïque facultatif pour le Gentil

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V.

Le culte mosaïque facultatif pour le Gentil.

Le mosaïsme est si loin de substituer ou d'absorber le noachisme que celui-ci au contraire nous est présenté, à l'avènement du mosaïsme lui-même, comme le premier degré d'une même échelle que l'Israélite doit franchir avant de professer la loi mosaïque. Cela est si vrai qu'Israël, à la sortie de l'Egypte, parcourt distinctement ces deux degrés; il est d'abord initié à la loi noachide et c'est seulement après cette initiation préalable qu'il reçoit la loi de Moïse. Il n'en aurait pas été ainsi si le noachisme et le mosaïsme s'étaient trouvés entre eux dans les mêmes rapports que le judaïsme avec le christianisme. On n'imagine point par exemple les évêques chrétiens initiant tout d'abord les païens aux pratiques et aux croyances juives avant de les admettre dans l'Eglise par le baptême. Or, sur le verset de l'Exode qui dit que Moïse rapporta au peuple toutes les paroles de l'Eternel et ses commandements, nous entendons les Docteurs nous dire: «  Les paroles de l'Eternel, ce sont les ordres relatifs à la pureté que le peuple devait observer et à son attente au pied du Sinaï; ses commandements, ce sont les sept préceptes des fils de Noé [1]».

Cette situation religieuse et légale des Gentils est affirmée maintes fois par les Rabbins. Il existe en outre une disposition [2]relative aux sacrifices qui contient implicitement la doctrine juive au sujet des noachides. C'est le principe que l'on doit accepter les victimes présentées au Temple par les Gentils, mais qu'il faut refuser celles qui seraient apportées par un Israélite apostat. Cela suppose évidemment que les commandements de la loi mosaïque ne sont point obligatoires pour le Gentil, car si, sans les accomplir, il n'était pas en règle avec celle-ci, il n'y aurait pas lieu d'établir une distinction entre lui et l'Israélite renégat et d'autre part on n'aurait pas à autoriser une pratique qui, serait alors pour lui non pas seulement un droit, mais un devoir. An contraire, le sacrifice que l'on accepte des mains du Gentil n'est de sa part que l'observation d'une partie de la Loi à laquelle il s'assujettit volontairement. Il renouvelle, ce faisant, cet état de choses antérieur au mosaïsme dans lequel vécurent les patriarches tantôt observant, tantôt négligeant ce qui devint plus tard la religion mosaïque et qui n'était alors qu'un état de perfection religieuse réservé à ceux qui, en tout ou en partie, s'y soumettaient de leur plein gré.

Le Talmud nous montre également un exemple d'observation partielle de la loi dans le cas de cette femme païenne, qui, ayant prononcé un vœu téméraire, a recours aux Rabbins pour être délivrée [3] .

Maimonide formule à son tour cette même doctrine, lorsqu'il déclare que si le Noachide, tout en observant sa propre loi, désire exécuter quelques uns des préceptes du judaïsme, on ne doit point le lui interdire [4]. Ainsi le judaïsme est si peu l'unique religion destinée à tout le monde que ses pratiques sont facultatives pour tous ceux qui ne sont pas Israélites de naissance.

Le refus d'accepter les sacrifices de l'apostat, contrairement à la régie suivie pour le non-Juif, prouve que le premier est considéré comme en état de rébellion contre la loi à laquelle il est astreint, tandis que le libre choix en est laissé au Gentil. Mais la distinction que l'on établit, relativement à ce dernier, entre les sacrifices qu'il peut offrir et ceux que l'on n'accepte pas de lui, est tout aussi instructive. La régie en effet est que l'on reçoit de ses mains les sacrifices votifs et de pure oblation, à l'exclusion des victimes présentées à titre d'expiation de quelque genre que ce soit. Si le mosaïsme était la seule voie de salut ouverte aux Gentils, les dispositions à leur égard seraient assurément toutes différentes et [5]

l'on aurait prescrit d'accepter d'eux avant tout les sacrifices propitiatoires imposés par la Loi pour la rémission des péchés.

Comment imaginer un instant que le mosaïsme est obligatoire pour tout le monde dans l'esprit de ses Docteurs, lorsqu'on voit les rites fixés par eux pour la conversion du Gentil? C'est l'histoire de Ruth, qui leur en a suggéré toutes les règles et qui devient ainsi le type de conversion normale. Au nombre des demandes et des instructions adressées au néophyte, nous trouvons un avertissement qui suffirait à lui seul à prouver que le mosaïsme, de l'aveu de ses adeptes, n'est nullement imposé au Gentil et qu'il y a pour lui, en dehors de ses prescriptions légales, un autre aspect de la loi divine. « Tant que tu n'acceptes pas le mosaïsme, loi dit-on, si tu manges des viandes qu'il interdit, tu n'es pas punissable; si tu violes le sabbat, tu n'encours pas de châtiment [6] » et ainsi pour tous les autres préceptes, ce qui revient à dire que tant que le Gentil ne se soumet point de son plein gré à toutes les charges du Mosaïsme, il n'est nullement tenu de l'observer.

Les anciens Rabbins, on le voit, sont formels sur ce point. Les Docteurs postérieurs en tiennent pas un autre langage. « Moïse, nous dit l'auteur du Cuzari, n'a appelé à l'exécution de ses lois que son peuple et ceux qui parlaient sa propre langue ». Quant à Maïmonide nous avons trouvé sous sa plume une profession de foi non moins explicite.

La religion destinée à tous les peuples est si peu le mosaïsme que nous voyons la rigueur théologique de celui ci se relâcher, quand il s'agit de l'humanité, sur un point d'une importance si capitale et pour lequel il a toujours déployé tant de zèle que l'on s'attendrait précisément à le trouver plus intransigeant; nous voulons parler du monothéisme. Le fait est que bien que le judaïsme ait horreur d'associer dans son adoration aucun être à l'Etre su- prême, par une sorte d'intuition de la tendance métaphysique que l'on constate actuellement dans les autres races et notamment chez la race aryenne, la plus noble de toutes avec la race sémitique, il a cependant proclamé, ainsi que nous l'avons rappelé dans la première partie de cet ouvrage, que le Noachide ne commet point de blasphème si, tout en adressant son culte à la Puissance souveraine et créatrice, il lui associe d'autres êtres, forces ou divinités, car selon la formule juive que nous avons déjà citée en parlant [7]du monothéisme israélite, « l'association (d'autres dieux à l'adoration (le Dieu unique) n'a pas été interdite au noachide [8]»

Ainsi non seulement les prescriptions de la loi mosaïque sont facultatives pour le Gentil, mais celui-ci jouit, au point de vue juif, même dans la croyance, d'une liberté qui est refusée à l'Israélite. Les deux aspects de la loi universelle, mosaïsme et noachisme, commencent donc à se préciser; ils ressortiront mieux encore des chapitres suivants.[9]


References

  1. Voir Raschi dans Exode XXIV, 3.
  2. Page 472
  3. Jérusalem, Nazir, IX, 1.
  4. Melachim, X, 10.
  5. Page 473
  6. Talmud de Babylone, Jebamot, 47 <super> a </super>
  7. Page 474
  8. Isserles, dans Schulchan Aruch, Orach Chaïm, 156.
    Cette formule ne se lit nulle part dans le Talmud, mais elle est sous-entendue dans plusieurs de ses propositions. Il existait, dans le manuscrit primitif des répétitions, et celle-ci est du nombre, qui ne nous ont pas paru accidentelles, et que nous avons cru devoir respecter pour rester entièrement fidèles à la pensée de l'auteur. (Note des Editeurs).
  9. Page 475