Israël et L'Humanité - Le précepte contre la vol

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VIII.

Le précepte contre le vol.

§ 1.

Il est curieux de voir l'origine assignés par les Rabbins à la prohibition du vol faite aux Noachides. Elle remonte d'après eux jusqu'au paradis terrestre. Ils la découvrent en effet dans l'autorisation accordée à Adam de se nourrir de tous les arbres du jardin, à l'exception de celui de la science du bien et du mal. [1]. Tout ce que contenait l'Eden n'était donc point la propriété du premier homme, puisqu'il lui a fallu la permission divine pour en pouvoir disposer légitimement.

Le vol proprement dit n'est cependant pas la seule forme d'appropriation coupable qui soit défendue au Noachide. Il va sans dire que toute rapine ou vol à main armée n'est qu'une aggravation du même crime, mais l'enlèvement d'une femme prisonnière l'est aussi. De même, le maître qui refuserait de payer au serviteur le salaire de son travail, l'ouvrier qui, pendant les heures de repos dans les vignes, mangerait les raisins du propriétaire, se rendraient coupables de vol. Pour constituer un larcin chez l'Israélite, il faut que la valeur de la chose prise soit au moins d'une petite monnaie de[2]cuivre ou peruta; pour la loi noachide il n'y a aucune exception de ce genre. Mais ce qui est extrêmement caractéristique, c'est que d'accord en cela avec la tradition hébraïque qui, à son éternel honneur, a sanctionné également la même disposition, elle a compris le commerce des esclaves dans la défense de voler [3]. Il est superflu de faire remarquer tout ce que cette condamnation formelle de l'esclavage a d'admirable à une telle époque et dans un tel milieu.

La sanction pénale que la loi noachide attache selon le judaïsme au vol sous toutes ses formes ne saurait être plus rigoureuse: elle va en effet jusqu'à la peine capitale. A notre avis, c'est là un maximumdont la société dispose pour se défendre dans les cas où elle le jugerait nécessaire, mais il n'y faut pas voir le châtiment applicable indistinctement dans toutes les circonstances. Cette règle ainsi comprise se justifie parfaitement; il suffit pour s'en convaincre d'invoquer le témoignage de l'histoire. Nous voyons des peuples dont les conditions d'existence étaient telles que la plus grande sévérité à l'égard du vol apparaissait comme une nécessité. « Lorsqu'on viole la sûreté à l'égard des biens, dit Montesquieu, il peut y avoir des raisons pour que la peine soit capitale [4] ». On a fait observer avec raison que le crime accidentel est dix fois plus digne d'indulgence que le délit professionnel et que, tout compte fait, c'est ce dernier qui cause le plus de dommage à la société.

§ 2.

Ce n'est pas sortir de notre sujet que de rappeler ici l'idée que le judaïsme se fait de la propriété. Pour la Tradition comme pour la Bible, il y a une corrélation entre la notion d'acquérir et celle de travailler; c'est par le travail qu'on arrive à la propriété et la transformation d'un objet est le titre de possession. Ce système n'est pas inconnu à la philosophie économique de notre époque et un penseur original en a tire les conséquences naturelles en distinguant entre la terre et les productions du travail humain. « Les principes exposés par Stuart Mill, dit-il, sur le droit absolu de propriété, ne sauraient s'appliquer à ce qui n'est pas le produit du travail, la matière première de la terre. Aucun homme n'a fait la terre, elle est donc l'héritage primitif de tout le genre humain [5]» [6]Le droit de propriété foncière par conséquent ne peut pas être absolu pour l'individu comme l'est la création de son propre travail; des raisons d'utilité générale peuvent seules justifier la possession individuelle exclusive du sol. Lorsque la propriété privée de la terre n'est pas utile, elle est injuste. A la lumière de ces notions fondamentales, on comprend la profonde différence que la loi hébraïque a établie entre les biens meubles et les immeubles, les uns appartenant sans retour à l'individu, les autres revenant après une certaine période à la communauté. Il est superflu d'ajouter que cette distinction comportant l'inaliénabilité de la propriété foncière n'est pas un fait isolé dans l'histoire. Certaines lois anciennes interdisaient la vente de la terre. Le régime de possession collective du sol par la tribu, tel qu'on le rencontre encore aujourd'hui en quelques contrées est, au dire des savants, une étape de la civilisation par laquelle tous les peuples ont passé.


References

  1. Sanhédrin, 56 <super> b</super>
  2. Page 701
  3. Ibid. 57 <super> a</super>; Maïmonide, Melachim , IX, 9.
  4. Esprit des lois, XII 4.
  5. Revue des deux Mondes, avril 1875.
  6. Page 702