Difference between revisions of "Israël et L'Humanité - Le prosélytisme juif"

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Le prosélytisme juif.
 
Le prosélytisme juif.
  
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La vocation d'Abraham et son apostolat auprès des Gentils nous amènent à parler du prosélytisme juif, car s'il a réellement existé aux différentes époques de l'histoire d'Israël, il constitue évidemment une preuve du caractère universel que les Juifs attribueraient à la Loi. Sans doute cette question sera mieux à sa place dans l'étude historique de l'universalisme hébraïque, mais il nous paraît utile d'en détacher ici une page, la première, qui regarde les temps antérieurs à Moïse.
 
 
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La vocation d'Abraham et son apostolat auprês des Gentils nous amènent à parler du prosélytisme juif, car s'il , réellement existé aux différentes époques de l'histoire d'Israël, il constitué évidemment une prouve du remettre universel que les Juifs attri­tenaient à la Loi. Sans doute cette question sera mien, à sa place dans pétrole historique de l'universalisme hébraïque, mais il nous pa,ait utile d'en détacher ici une page, la premiers, qui regarde les temps aidêrieurs à Moïse.
 
 
 
Le titre de pü,e d'une multitude de nations donné à Abraliam rappelle naturellement eue entre promesse analogue faite à Jacob. , Un peuple, lui (lit le Seigneur, et une congrégation de peuples sortiront de loi (') >. La prédiction divine est répétée par Jacob marrant dans son testament à Joseph ('). Qu'est‑ce que cette cou­grégorien de peuples à laquelle le patriarche doit donner naissance 1 Ces mots rapprochés du précédent, goï, ma peuple, ne peuvent pas signifier une simple confédération de tribus, car il serait contraire à toute logique de lem donner un sens plus restreint qu'à, te dernier. lie s'éclairent et lent véritable portée appâtait, lorsqu'on las compare aux termes de la bénédiction prophétique accordée àAbraham. Mais ce n'est pas tout. Jacob en bénissant Juda loi dit: ~ Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton de législateur d'entre ses pieds, jusqu'à ce que Schilo vienne et que les peuples se réunissent autour de lui > on, si l'on préfère cette traduction ~ que la réunion des peuples lui appartienne (3) ». Toute hésitation sur la signification de cette réunion des peuples dispa­toit en prêsonce du texte de Zacharie: ~ Une foule de nations s'attacheront à l'Eternel en cejour‑lâ et elles deviendront mon pouple (4) i. Voila donc, comme dans le passage du livre de la Genèse, I~indivîduaUtê israélite, Io peuple de Dieu, en face de la multitude des nations de la Centilité et en accomplissement des
 
 
 
 
 
 
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Il y a un texte des Psaunies qui projette une vive lumière soit sur ce que le livre de la Genèse nous dit de l'apostolat d'Abraham, soit a" tous 108 passages relatifs au résultat du prosélytisme juif Parmi les Gentils: e Les peuples de bonne volonté ~ ou encore ~ les hommes de bonne volonté d'Cette les peuples se réomsa«n~ le peuple du Dieu d'Abraham (4) >. Il n'y a évidemment aucune raison de nommer des Gentils peuple du Dieu d'Abraham, si ce n'est la croyance que la foi d'Israël est destinée à tous les peuples et que le patriarche hébreu est le premier apôtre qui les y ait aPl~Iês. (Vûst en vain qu'on chercherait à, découvrir an autre motif justifiant cette qualification.
 
 
 
Tous les efforts de la Critique pour détourner ces textes cependant si clairs de leur signification naturelle proviennent au fond d'un préjugé souvent inconscient, mais certain. On 80 refuse à croire qu'une, idée aussi sublime, dent l'humanité même de nos jours, sauf une infime minorité, n'est point encore capable, ait pu être hautement Proclamée Chez roi petit peuple de Sémites, il y a quoique trente On quarante siècles. Mais lorsque l'on a uns fois admis que Cette cOucePtiOll d'une 3dhêsiOn dû tous les peuples au Dieu d'Israël, bien mieux, d'une humanité devenue tout entière la Peuple de Dieu, appartient bien authentiquement à l'hébraïsme, si tardive d'ailleurs que l'on en juge Fapparition, ‑ et il y a vraiment des limites qui s'imposent, même à la critique la plus radicale, ‑ il devient au plus haut point illogique de donner une interprétation dif­férente aux textes da livre de la Genèse qui présentent évidemment un sens identique, sous le seul prétexte qu'ils remontant à une soit­quitê plus reeulée et qu'ils Contiendraient par conséquent une Pemba­tien plus extraordinaire. Si c'est d'ailleurs d~mm prévision tout humaine qu'il s'agit, il n'existe pas au point de vue psychologique, ni même au dire de certains critiques au point de vu, chronologique
 
 
 
 
 
 
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Si l'apostolat d'Abraham résulte des données à, la fois bibliques et traditionnelles, on en peut dire autant de celai d'Imm, de Jacob et, de Joseph, du moins quand on consulte les commentaires des Rabbins. Maimonide résumant ce que les anciens douleurs avaient dit à ce sujet adopte à peu près leur langage. « Jamais, dit‑il, l'enseignement ne cessa che, nos Patriarches. Après Abraham, Isaac suivit son exemple et Jacob fit de même après Isaac ~. A propos de ce dernier nous lisons dans le Pentateuque q,711 ~ éleva un autel et proclama le nom de VEteruel (') > et tout ce que nous avons dit sa, la portée de cette phrase trouve également ici son application. Le lieu dont il est question est Beer‑Schéba. Peut‑être est‑ce la raison pour laquelle, lorsque vint,, le tour de Jacob de passer en ce même endroit, l'écrivain sacrê nous apprend ~ qu'il offrit là des sacri­fices au Dieu de son père Isaac (~) ». Cette phrase signifie très vraisemblablement que le vrai Dieu était connu dans cette tonalité sous le nom de Dieu d'Isaac, grâce à, la connaissance qu'Isaa, en avait répandue parmi les Gentils.
 
 
 
L'idée de l'influence exercée par les patriarches est si bien enracinée dans l'esprit des Docteurs qu'ils veut jusqu'à attribuer à Jacob une action salutaire sur la monde puise, même en dehors des intérêts parement religieux. C'est lui, nous disent‑ils, qui apprit aux Sichêmites à frapper monnaie, à ouvrir des bains et des
 
 
 
 
 
 
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elle trouverait sa cause dans la grandeur future de l'élu de Dis,
 
  
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Le titre de père d'une multitude de nations donné à Abraham rappelle naturellement une autre promesse analogue faite à Jacob. « Un peuple, lui dit le Seigneur, et une congrégation de peuples sortiront de toi <ref> Genèse, XXXV, 10. </ref> ». La prédiction divine est répétée par Jacob mourant dans son testament à Joseph <ref> Ibid. XLVIII, 4. </ref>. Qu'est-ce que cette congrégation de peuples à laquelle le patriarche doit donner naissance ? Ces mots rapprochés du précédent, <i>goï</i>, un peuple, ne peuvent pas signifier une simple confédération de tribus, car il serait contraire à toute logique de leur donner un sens plus restreint qu'à ce dernier. Ils s'éclairent et leur véritable portée apparaît, lorsqu'on les compare aux termes de la bénédiction prophétique accordée à Abraham. Mais ce n'est pas tout. Jacob en bénissant Juda lui dit: « Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton de législateur d'entre ses pieds, jusqu'à ce que Schilo vienne et que les peuples se réunissent autour de lui » ou, si l'on préfère cette traduction «  que la réunion des peuples lui appartienne <ref> Genèse, XLIX, 10, יקהת que nous traduisons par « réunion » renferme la racine primitive קהה<i> Kaa</i>, qui réapparaît dans קהל <i> Kaal</i>, assemblée, congrégations </ref>.» Toute hésitation sur la signification de cette réunion des peuples disparaît en présence du texte de Zacharie: «  Une foule de nations s'attacheront à l'Eternel en ce jour-là et elles deviendront mon peuple <ref> Zacharie , II, 11. </ref>. Voilà donc, comme dans le passage du livre de la Genèse, l'individualité israélite, le peuple de Dieu, en face de la multitude des nations de la Gentilité et en accomplissement des <ref> Page 443 </ref>promesses faites à Abraham et à Jacob, celles-ci doivent se réunir à celui-là. Un passage semblable du même prophète exprime encore cette idée de conversion de la Gentilité: « En ces jours là dix hommes de toutes les langues de l'humanité s'attacheront au vêtement de chaque Juif en lui disant: Nous irons avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous <ref> Zacharie, VIII, 23 </ref>».
  
de persévérer dans la vole tracée par                            Ces faits Wout
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Il y a un texte des Psaumes qui projette une vive lumière soit sur ce que le livre de la Genèse nous dit de l'apostolat d'Abraham, soit à tous les passages relatifs au résultat du prosélytisme juif parmi les Gentils: « Les peuples de bonne volonté »  ou encore «  les hommes de bonne volonté d'entre les peuples se réunissent, le peuple du Dieu d'Abraham <ref> Psaume XLVII, 10 </ref> ». Il n'y a évidemment aucune raison de nommer des Gentils peuple du Dieu d'Abraham, si ce n'est la croyance que la foi d'Israël est destinée à tous les peuples et que le patriarche hébreu est le premier apôtre qui les y ait appelés. C'est en vain qu'on chercherait à découvrir un autre motif justifiant cette qualification.
  
plus de lien qui les rattacha et tout devient inexplicable, taudis
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Tous les efforts de la critique pour détourner ces textes cependant si clairs de leur signification naturelle proviennent au fond d'un préjugé souvent inconscient, mais certain. On se refuse à croire qu'une idée aussi sublime, dont l'humanité même de nos jours, sauf une infime minorité, n'est point encore capable, ait pu être hautement proclamée chez un petit peuple de Sémites, il y a quelque trente ou quarante siècles. Mais lorsque l'on a une fois admis que cette conception d'une adhésion de tous les peuples au Dieu d'Israël, bien mieux, d'une humanité devenue tout entière le peuple de Dieu, appartient bien authentiquement à l'hébraïsme, si tardive d'ailleurs que l'on en juge l'apparition, - et il y a vraiment des limites qui s'imposent, même à la critique la plus radicale, - il devient au plus haut point illogique de donner une interprétation différente aux textes du livre de la Genèse qui présentent évidemment un sens identique, sous le seul prétexte qu'ils remontant à une antiquité plus reculée et qu'ils contiendraient par conséquent une prédiction plus extraordinaire. Si c'est d'ailleurs d'une prévision tout humaine qu'il s'agit, il n'existe pas au point de vue psychologique, ni même au dire de certains critiques au point de vue chronologique <ref> Page 444 </ref>de différence appréciable entre la date de rédaction du livre de la Genèse et celle que l'on assigne au livre de Zacharie.
  
que si l'on ne perd pas de vue la vocation religieuse d'Abraham
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Voilà donc une conséquence imprévue peut-être, mais incontestable, des audaces que la critique rationaliste se permet sur le terrain biblique. En jugeant aussi récentes que possible les idées d'universalisme religieux distribuées, selon l'ancien Canon, sur une vaste échelle, elle ne fait que nous obliger davantage à comprendre de la même manière des textes non plus seulement analogues, mais contemporains; elle rend par cela même plus arbitraire l'adoption de procédés différents quand il s'agit de les interpréter. Si au contraire on considère les Ecritures en se plaçant au point de vue de la révolution mosaïque, l'antiquité plus ou moins grande de tels ou tels livres ne doit plus peser pour rien dans la question de l'exégèse. Les textes dont il s'agit ne sauraient donc en aucun cas changer de sens selon la place qu'ils occupent dans la Bible.
  
et de an descendance, tout, dans cette admirable page du livre de
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Si l'apostolat d'Abraham résulte des données à la fois bibliques et traditionnelles, on en peut dire autant de celui d'Isaac, de Jacob et de Joseph, du moins quand on consulte les commentaires des Rabbins. Maïmonide résumant ce que les anciens docteurs avaient dit à ce sujet adopte à peu près leur langage. « Jamais, dit-il, l'enseignement ne cessa chez nos Patriarches. Après Abraham, Isaac suivit son exemple et Jacob fit de même après Isaac » . A propos de ce dernier nous lisons dans le Pentateuque qu'il « éleva un autel et proclama le nom de l'Eternel <ref> Genèse, XXVI, 25 </ref> » et tout ce que nous avons dit sur la portée de cette phrase trouve également ici son application. Le lieu dont il est question est <i>Beer-Schéba</i>. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, lorsque vint le tour de Jacob de passer en ce même endroit, l'écrivain sacré nous apprend « qu'il offrit là des sacrifices au Dieu de son père Isaac <ref> Ibid, XLIV, 1. </ref> ». Cette phrase signifie très vraisemblablement que le vrai Dieu était connu dans cette localité sous le nom de Dieu d'Isaac, grâce à la connaissance qu'Isaac en avait répandue parmi les Gentils.
  
la Genèse, s'enchaîne parfaitement.
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L'idée de l'influence exercée par les patriarches est si bien enracinée dans l'esprit des Docteurs qu'ils vont jusqu'à attribuer à Jacob une action salutaire sur le monde païen, même en dehors des intérêts purement religieux. C'est lui, nous disent-ils, qui apprit aux Sichémites à frapper monnaie, à ouvrir des bains et des <ref> Page 445 </ref>marchés, en un mot à développer leurs institutions civiles et commerciales.
  
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Avant de terminer, nous voulons attirer l'attention sur un texte qui, convenablement interprété, prouve que le prosélytisme des Patriarches, d'Abraham, en particulier, est un prélude et une confirmation de la mission sacerdotale dont leurs descendants
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furent investis plus tard dans l'humanité. A cette lumière on comprend pourquoi, sur le point de communiquer à Abraham les destinées de la Pentapole, Dieu dit, dans un monologue sublime dont chaque parole a sa valeur: « Je l'ai élu, afin qu'il recommande à ses enfants et à sa famille après lui de garder la voie de L'Eternel, en pratiquant la droiture et la justice, et qu'ainsi l'Eternel réalise en Abraham les promesses qu'il lui a faites <ref> Genèse, XYIII, 19 </ref>».
  
(~) Glcê~,               19.
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Ce qui revient à dira que Dieu choisit Abraham, afin que la vraie religion se perpétuât en lui et que par lui s'accomplît la promesse divine de donner naissance à un peuple qui serait une source de bénédiction pour toute la terre. Car il ne faut pas l'oublier. Avant les paroles que nous venons d'entendre, on en trouve d'autres qui ne leur cédant en rien en éloquence et en sublimité: « Comment cacherais-je à Abraham ce que je vais faire ?... dit le Seigneur. Abraham va pourtant devenir un peuple grand et puissant et en lui seront bénies toutes les nations de la terre <ref> Ibid. XVIII, 18 </ref>. Si l'on s'écarte de l'interprétation qui fait le sujet même de ce chapitre, le caractère universel de la loi motivant l'apostolat d'Abraham et
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le prosélytisme de ses descendants, on ne parvient plus à comprendre ni pourquoi cette communication divine est faite au patriarche dans les termes que nous venons de rappeler, ni comment elle trouverait sa cause dans la grandeur future de l'élu de Dieu et encore moins dans l'obligation qu'il imposerait à sa postérité de persévérer dans la voie tracée par l'Eternel. Ces faits n'ont plus de lien qui les rattacha et tout devient inexplicable, tandis que si l'on ne perd pas de vue la vocation religieuse d'Abraham et de sa descendance, tout, dans cette admirable page du livre de la Genèse, s'enchaîne parfaitement. <ref> Page 446 </ref>
  
(2) Ibid, xvm~ 18,
 
  
 
==References==
 
==References==

Latest revision as of 16:01, 18 October 2010

III.

Le prosélytisme juif.

La vocation d'Abraham et son apostolat auprès des Gentils nous amènent à parler du prosélytisme juif, car s'il a réellement existé aux différentes époques de l'histoire d'Israël, il constitue évidemment une preuve du caractère universel que les Juifs attribueraient à la Loi. Sans doute cette question sera mieux à sa place dans l'étude historique de l'universalisme hébraïque, mais il nous paraît utile d'en détacher ici une page, la première, qui regarde les temps antérieurs à Moïse.

Le titre de père d'une multitude de nations donné à Abraham rappelle naturellement une autre promesse analogue faite à Jacob. « Un peuple, lui dit le Seigneur, et une congrégation de peuples sortiront de toi [1] ». La prédiction divine est répétée par Jacob mourant dans son testament à Joseph [2]. Qu'est-ce que cette congrégation de peuples à laquelle le patriarche doit donner naissance ? Ces mots rapprochés du précédent, goï, un peuple, ne peuvent pas signifier une simple confédération de tribus, car il serait contraire à toute logique de leur donner un sens plus restreint qu'à ce dernier. Ils s'éclairent et leur véritable portée apparaît, lorsqu'on les compare aux termes de la bénédiction prophétique accordée à Abraham. Mais ce n'est pas tout. Jacob en bénissant Juda lui dit: « Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, ni le bâton de législateur d'entre ses pieds, jusqu'à ce que Schilo vienne et que les peuples se réunissent autour de lui » ou, si l'on préfère cette traduction «  que la réunion des peuples lui appartienne [3].» Toute hésitation sur la signification de cette réunion des peuples disparaît en présence du texte de Zacharie: «  Une foule de nations s'attacheront à l'Eternel en ce jour-là et elles deviendront mon peuple [4]. Voilà donc, comme dans le passage du livre de la Genèse, l'individualité israélite, le peuple de Dieu, en face de la multitude des nations de la Gentilité et en accomplissement des [5]promesses faites à Abraham et à Jacob, celles-ci doivent se réunir à celui-là. Un passage semblable du même prophète exprime encore cette idée de conversion de la Gentilité: « En ces jours là dix hommes de toutes les langues de l'humanité s'attacheront au vêtement de chaque Juif en lui disant: Nous irons avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous [6]».

Il y a un texte des Psaumes qui projette une vive lumière soit sur ce que le livre de la Genèse nous dit de l'apostolat d'Abraham, soit à tous les passages relatifs au résultat du prosélytisme juif parmi les Gentils: « Les peuples de bonne volonté » ou encore «  les hommes de bonne volonté d'entre les peuples se réunissent, le peuple du Dieu d'Abraham [7] ». Il n'y a évidemment aucune raison de nommer des Gentils peuple du Dieu d'Abraham, si ce n'est la croyance que la foi d'Israël est destinée à tous les peuples et que le patriarche hébreu est le premier apôtre qui les y ait appelés. C'est en vain qu'on chercherait à découvrir un autre motif justifiant cette qualification.

Tous les efforts de la critique pour détourner ces textes cependant si clairs de leur signification naturelle proviennent au fond d'un préjugé souvent inconscient, mais certain. On se refuse à croire qu'une idée aussi sublime, dont l'humanité même de nos jours, sauf une infime minorité, n'est point encore capable, ait pu être hautement proclamée chez un petit peuple de Sémites, il y a quelque trente ou quarante siècles. Mais lorsque l'on a une fois admis que cette conception d'une adhésion de tous les peuples au Dieu d'Israël, bien mieux, d'une humanité devenue tout entière le peuple de Dieu, appartient bien authentiquement à l'hébraïsme, si tardive d'ailleurs que l'on en juge l'apparition, - et il y a vraiment des limites qui s'imposent, même à la critique la plus radicale, - il devient au plus haut point illogique de donner une interprétation différente aux textes du livre de la Genèse qui présentent évidemment un sens identique, sous le seul prétexte qu'ils remontant à une antiquité plus reculée et qu'ils contiendraient par conséquent une prédiction plus extraordinaire. Si c'est d'ailleurs d'une prévision tout humaine qu'il s'agit, il n'existe pas au point de vue psychologique, ni même au dire de certains critiques au point de vue chronologique [8]de différence appréciable entre la date de rédaction du livre de la Genèse et celle que l'on assigne au livre de Zacharie.

Voilà donc une conséquence imprévue peut-être, mais incontestable, des audaces que la critique rationaliste se permet sur le terrain biblique. En jugeant aussi récentes que possible les idées d'universalisme religieux distribuées, selon l'ancien Canon, sur une vaste échelle, elle ne fait que nous obliger davantage à comprendre de la même manière des textes non plus seulement analogues, mais contemporains; elle rend par cela même plus arbitraire l'adoption de procédés différents quand il s'agit de les interpréter. Si au contraire on considère les Ecritures en se plaçant au point de vue de la révolution mosaïque, l'antiquité plus ou moins grande de tels ou tels livres ne doit plus peser pour rien dans la question de l'exégèse. Les textes dont il s'agit ne sauraient donc en aucun cas changer de sens selon la place qu'ils occupent dans la Bible.

Si l'apostolat d'Abraham résulte des données à la fois bibliques et traditionnelles, on en peut dire autant de celui d'Isaac, de Jacob et de Joseph, du moins quand on consulte les commentaires des Rabbins. Maïmonide résumant ce que les anciens docteurs avaient dit à ce sujet adopte à peu près leur langage. « Jamais, dit-il, l'enseignement ne cessa chez nos Patriarches. Après Abraham, Isaac suivit son exemple et Jacob fit de même après Isaac » . A propos de ce dernier nous lisons dans le Pentateuque qu'il « éleva un autel et proclama le nom de l'Eternel [9] » et tout ce que nous avons dit sur la portée de cette phrase trouve également ici son application. Le lieu dont il est question est Beer-Schéba. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, lorsque vint le tour de Jacob de passer en ce même endroit, l'écrivain sacré nous apprend « qu'il offrit là des sacrifices au Dieu de son père Isaac [10] ». Cette phrase signifie très vraisemblablement que le vrai Dieu était connu dans cette localité sous le nom de Dieu d'Isaac, grâce à la connaissance qu'Isaac en avait répandue parmi les Gentils.

L'idée de l'influence exercée par les patriarches est si bien enracinée dans l'esprit des Docteurs qu'ils vont jusqu'à attribuer à Jacob une action salutaire sur le monde païen, même en dehors des intérêts purement religieux. C'est lui, nous disent-ils, qui apprit aux Sichémites à frapper monnaie, à ouvrir des bains et des [11]marchés, en un mot à développer leurs institutions civiles et commerciales.

Avant de terminer, nous voulons attirer l'attention sur un texte qui, convenablement interprété, prouve que le prosélytisme des Patriarches, d'Abraham, en particulier, est un prélude et une confirmation de la mission sacerdotale dont leurs descendants furent investis plus tard dans l'humanité. A cette lumière on comprend pourquoi, sur le point de communiquer à Abraham les destinées de la Pentapole, Dieu dit, dans un monologue sublime dont chaque parole a sa valeur: « Je l'ai élu, afin qu'il recommande à ses enfants et à sa famille après lui de garder la voie de L'Eternel, en pratiquant la droiture et la justice, et qu'ainsi l'Eternel réalise en Abraham les promesses qu'il lui a faites [12]».

Ce qui revient à dira que Dieu choisit Abraham, afin que la vraie religion se perpétuât en lui et que par lui s'accomplît la promesse divine de donner naissance à un peuple qui serait une source de bénédiction pour toute la terre. Car il ne faut pas l'oublier. Avant les paroles que nous venons d'entendre, on en trouve d'autres qui ne leur cédant en rien en éloquence et en sublimité: « Comment cacherais-je à Abraham ce que je vais faire ?... dit le Seigneur. Abraham va pourtant devenir un peuple grand et puissant et en lui seront bénies toutes les nations de la terre [13]. Si l'on s'écarte de l'interprétation qui fait le sujet même de ce chapitre, le caractère universel de la loi motivant l'apostolat d'Abraham et le prosélytisme de ses descendants, on ne parvient plus à comprendre ni pourquoi cette communication divine est faite au patriarche dans les termes que nous venons de rappeler, ni comment elle trouverait sa cause dans la grandeur future de l'élu de Dieu et encore moins dans l'obligation qu'il imposerait à sa postérité de persévérer dans la voie tracée par l'Eternel. Ces faits n'ont plus de lien qui les rattacha et tout devient inexplicable, tandis que si l'on ne perd pas de vue la vocation religieuse d'Abraham et de sa descendance, tout, dans cette admirable page du livre de la Genèse, s'enchaîne parfaitement. [14]


References

  1. Genèse, XXXV, 10.
  2. Ibid. XLVIII, 4.
  3. Genèse, XLIX, 10, יקהת que nous traduisons par « réunion » renferme la racine primitive קהה Kaa, qui réapparaît dans קהל Kaal, assemblée, congrégations
  4. Zacharie , II, 11.
  5. Page 443
  6. Zacharie, VIII, 23
  7. Psaume XLVII, 10
  8. Page 444
  9. Genèse, XXVI, 25
  10. Ibid, XLIV, 1.
  11. Page 445
  12. Genèse, XYIII, 19
  13. Ibid. XVIII, 18
  14. Page 446