Israël et L'Humanité - Le témoignage de Philon

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CHAPITRE SEPTIÈME

CARACTÈRE UNIVERSEL DE LA LOI SELON L'HÉBRAÏSME

I.

Le témoignage de Philon.

Dans tout ce que nous avons dit précédemment sur l'identité des lois divine et humaine, le caractère universel que le judaïsme attribue à la Loi dans l'organisation de l'humanité apparaît déjà d'une manière si éclatante que nul ne songerait à nier l'existence de cette grandiose conception; on objectera simplement peut-être que, soit incohérence, soit préjugé national, elle se rapetisse dès que l'on passe à l'application du principe et qu'elle se localise au point de devenir purement israélite.

Une telle contradiction est bien improbable et si l'on en pouvait donner des preuves, nous aurions encore toute raison de croire qu'elle est simplement à la surface et n'atteint pas le fond même, la nature intime de la doctrine. Mais il n'y a pas de contradiction. La vérité est que, si à la hauteur sublime à laquelle nous a élevés l'hébraïsme, la Thora embrasse l'ensemble de la création, l'être tout entier, Dieu lui-même, elle se circonscrit inévitablement en devenant la loi de l'homme, mais sans perdre, même dans ce degré inférieur, l'universalité, puisqu'elle s'étend jusqu'aux bornes les plus reculées que la notion d'humanité comporte. Car si relativement à la création, la loi de l'homme est comme la face intérieure de l'univers qui prend conscience de lui-même, quand elle règle au contraire les rapports entre l'espèce et l'individu, qui sont le problème fondamental de la loi humaine, elle devient alors la révélation [1]du type et de la loi spécifique [2]. Une pareille définition implique évidemment l'idée qu'elle est essentiellement humaine, qu'elle n'a pas d'autre but que la formation de l'homme et que seuls ses fidèles observateurs sont vraiment dignes d'être appelés de ce nom, tellement que Celui qui la communique porte lui-même le titre d'homme idéal et divin.

Les témoignages de source biblique et rabbinique se présentent en foule, mais les paroles de Philon nous paraissent avoir une importance spéciale postérieures à la Bible et à une partie des écrits des Rabbins, elles peignent l'attitude que le judaïsme prenait, même avant l'avènement du christianisme, en s'adressant aux païens, et par conséquent son but et son action au sujet de la conversion des Gentils. Si on les compare aux conceptions analogues des Ecritures et des Docteurs, elles offrent avec les unes et les autres une si parfaite conformité qu'il est impossible d'y voir une tactique habile pour attirer la sympathie de la Gentilité; aussi les avons-nous choisies pour servir d'introduction à ce que avons à dire sur cette capitale question. Voici donc ce que dit Philon dans sa Vie de Moïse, opposant précisément la loi mosaïque à celles des Gentils: « Notre loi est bien différente. Elle exhorte tout le monde à se conduire comme il convient: les Barbares comme les Grecs, les habitants du continent et des îles, de l'Orient et de l'Occident, ceux de l'Europe et ceux de l'Asie, en un mot toute la terre habitée jusqu'aux extrémités les plus lointaines » .

Philon a sans doute ici en vue, non pas la loi de Moïse en tant que code particulier des Juifs, mais cette religion universelle que le judaïsme possède et dont le mosaïsme n'est lui-même qu'un aspect spécial. Fidèle aux doctrines que nous retrouvons en Palestine, il croit que cette religion est le patrimoine commun de tous les hommes et que tous par conséquent sont appelés à l'observer. C'est dans ce sens aussi qu'il répète ailleurs ce que proclamaient également les rabbins palestiniens, à savoir que la philosophie, en enseignant le monothéisme, enseignait le judaïsme. Les Docteurs disaient en effet que « quiconque rejette le polythéisme mérite le nom de juif » on encore que « celui qui abjure l'idolâtrie confesse eu même temps toute la Loi » [3][4]Le philosophe alexandrin, qui se faisait ainsi l'interprète de l'enseignement des Rabbins, devait avoir plus tard lui-même un écho en la personne de Tertullien, lorsque celui-ci dit de Socrate et de Platon qu'étant justes, ils furent naturellement chrétiens.


References

  1. Page 433
  2. V. le Credo philosophico-religieux de l'Auteur, 1 <super>e</super> vol. de Teologia in fine.
  3. Nissim in Aboda Zara 357 <super> e</super>
  4. Page 434