Israël et L'Humanité - Le théorie de l'assimilations

From Hareidi English
Jump to: navigation, search

III.

La théorie de l'assimilation.

Nous avons dit que dans l'esprit de l'hébraïsme toutes les divinités païennes sont un résidu d'une conception de Dieu plus ancienne et plus complète. Montrons maintenant que l'idée de Dieu en Israël est la synthèse de toutes les autres.

On connaît l'importante doctrine théosophique du birour , choix, séparation, d'après laquelle Israël serait chargé, dans tous les lieux et à toutes les époques de sa dispersion, de trier le vrai du faux, le sacré du profane, et ce qui est par de ce qui est impur. Elle réfute toutes les attaques des critiques rationalistes à propos de ce qu'ils appellent les importations étrangères, égyptiennes, assyriennes, persanes, grecques ou romaines, au sein du judaïsme. Ces importations dans ce qu'elles ont d'indéniable, deviennent, au point de vue de cette doctrine, parfaitement légitimes et orthodoxes. Bien plus, elles furent jugées telles, longtemps avant que la critique négative ait fait sentir le besoin de cette théorie, ce qui prouve que celle-ci n'est point un expédient de polémique, mais bien l'une des données fondamentales de la théologie kabbalistique. Reconnaître cela, c'est reconnaître en même temps que la Dieu d'Israël est l'[1], la synthèse de tous les autres. Il l'est non seulement en ce sens que l'idée primitive a donné naissance à toutes les différenciations religieuses, ce qui répond au développement analytique et déductif, mais aussi dans le sens que cette idée est en voie de se constituer d'une manière toujours plus riche et plus consciente par l'œuvre du temps et par la puissance de critique et l'assimilation attribuée à Israël, ce qui répond à l'évolution synthétique et inductive.

On se tromperait grandement si l'on supposait que cette doctrine théosophique de l'assimilation n'a point de fondement dans l'hébraïsme en dehors de la kabbale; nous avons déjà eu l'occasion de citer des preuves du contraire tirées des plus anciens documents, notamment l'épisode de Moïse et de Jéthro. Cette assimilation devait s'opérer par loi d'affinité naturelle, d'une manière spontanée et impersonnelle, par une sorte d'action et de réaction mystérieuse où la volonté humaine n'entrait pour rien et que dirigeait seule la sagesse divine. [2]Tout esprit réfléchi se sera déjà aperçu que cette manière de comprendre l'influence des autres religions sur le judaïsme ne nuit en rien à l'originalité de celui-ci et à son autonomie. Au contraire il n'y a pas d'autre façon de se rendre compte de faits d'ailleurs incontestables et de sauver l'intégrité du génie hébraïque et l'immutabilité, de la révélation mosaïque.

Un organisme a besoin pour vivre de s'assimiler des éléments étrangers et il se fortifie d'autant plus que ceux-ci s'incorporent à lui davantage. Nous n'exagérons donc rien en disant que la religion la plus élevée doit pouvoir adopter tout ce qu'il y a de bon dans les autres et l'on ne saurait croire par conséquent que le judaïsme occupe cette place suréminente, sans admettre aussi qu'il possède au plus haut degré cette faculté d'assimilation.

La critique moderne reconnaît cette loi de mutuelle pénétration religieuse. « Les révolutions les plus radicales, dit M. Réville, se rattachent au passé par des liens étroits et nombreux. Une religion peut se transformer, s'approprier même des éléments hétérogènes sans rompre avec son principe essentiel et par conséquent sans perdre son identité ». Ailleurs il ajoute: « On peut évidemment assimiler l'influence de la Perse sur le judaïsme à celle d'une atmosphère plus chaude, amenée par un courant d'air sur un sol déjà planté et hâtant le développement des plantes déjà sorties de terre, mais ces plantes existaient déjà ». Et il confirme notre assertion sur la manière de juger la puissance d'une doctrine d'après sa faculté assimilatrice en disant: « Dans le monde moral comme dans le monde physique, il y a pour ainsi dire une loi de gravitation qui fait que les doctrines plus puissantes attirent à elles et retiennent les éléments épars et flottants des doctrines moins consistantes »[3]

Il n'est pas jusqu'à la façon dont s'opère cette assimilation, que les critiques ne reconnaissent conforme à celle que nous décrivons. « Il ne faudrait pas, dit le même auteur, se représenter ce genre d'emprunt comme réfléchi et calculé. Le sens aristocratique du Juif se fût révolté à l'idée qu'il gagnait à se conformer à des mœurs étrangères. C'est par une action indirecte souvent inconsciente que des coutumes et des croyances nouvelles purent s'infiltrer chez quelques juifs, acquérir ainsi une espèce de naturalisation [4]et s'enraciner enfin dans la majorité comme une plante poussée spontanément » [5]

Certains écrivains retrouvant à un degré considérable cette faculté d'assimilation dans le christianisme, et en particulier dans le catholicisme, ont voulu voir là une preuve de la supériorité de cette religion. Ils ne s'aperçoivent pas que, pour distinguer ce qu'il y a à repousser ou à accepter des apports des autres religions, il faut un critérium naturel qui ne peut être fourni que par une puissance supérieure, par une révélation intime ou un instinct de race éminemment religieux. - En outre la qualité que l'on retrouve dans une certaine mesure dans le christianisme ayant été héritée du judaïsme, il est raisonnable de croire que celui-ci la possède d'une manière beaucoup plus complète et qu'il ne s'en est point dessaisi, à un moment de son histoire, au profit d'une religion nouvelle que nous savons d'ailleurs lui être si infidèle à tant d'égards.

Il n'était pas inutile d'insister ici sur cette doctrine de l'assimilation, car elle nous aide à comprendre comment le Dieu d'Israël a pu être appelé le Dieu des dieux sans que cette expression compromette en rien le monothéisme mosaïque.

References

  1. Elohè-ha-Elohim
  2. Page 162
  3. Revue des Deux Mondes , Mai 1875.
  4. Page 163
  5. Ibid., p 135.