Israël et L'Humanité - Les périodes cosmiques selon les Rabbins

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§. 2.

LES PÉRIODES COSMIQUES SUIVANT LES RABBINS.


«  Nous apprenons, dit un Midraseh, que le Saint, béni soit-Il, fabriquait des mondes et les détruisait. Et Il disait: Je suis content, de ceux-ci; ceux-là ne me plaisent point [1]. Il existe donc une progressivité dans la création, car les mondes qui se suivent sont de plus en plus parfaits. Mais à nous en tenir au seul texte biblique, n'y voyons nous pas établi d'une manière formelle le principe du progrès? Chaque création nouvelle dans l'œuvre des six jours marque un pas en avant sur les créations précédentes. La vie apparaît après les êtres inanimés et dans les manifestations de la vie animale il y a une progression, jusqu'à l'apparition de l'homme, le dernier et le plus parfait des êtres. L'Exameron ou période des six jours de la Genèse nous paraît être ainsi, par rapport à Dieu, force créatrice, une représentation chronologique de la progressivité de la création, les six jours correspondant à la période créative et le sabbat à la période cosmique. Pour ce qui est de l'homme, force créée, l'Exameron se développe au contraire durant la période cosmique elle-même, et c'est ce que les théologiens juifs disent quand ils affirment que les six jours de la création sont l'image de l'histoire du monde et de l'humanité, tandis que le sabbat représente la période chaotique ou créative, les derniers mille ans durant lesquels la force créée se repose pendant que la force créatrice est en travail.

Quel qu'il en soit, la progression dans les formes de la vie est, dans le récit de livre de la Genèse, un fait qui a toujours attiré l'attention. Il y a là une admirable intuition, de ce que la science devait constater après tant de siècles de recherches. Anaximandre, qu'on a cité parfois comme un précurseur des doctrines darwiniennes, n'a eu réalité qu'une vague idée de cette progression. Selon lui l'action du soleil sur la terre alors couverte par les eaux fit jaillir des pellicules qui produisirent des organismes imparfaits, quelque chose comme le protoplasme des modernes, et ces organismes en se dévoloppant ensuite graduellement donnèrent naissance à toutes les espèces actuellement existantes. Les ancêtres de l'homme furent [2]ainsi des animaux aquatiques analogues aux poissons. Il n'y a qu'à relire la première page du Pentateuque pour se convaincre de la supériorité des données bibliques sur les théories du philosophe ionien.

De même que l'ordre actuel des choses réalise un progrès sur ceux qui l'ont précédé, de même aussi celui qui lui succédera marquera, vis-à-vis de lui un progrès nouveau. Dans l'histoire de la terre, chaque période constitue donc une palingenèse ou régénération par rapport aux précédentes, tandis qu'elle n'est qu'une genèse relativement à celles qui suivront. La succession des mondes et leur perfection croissante, soit dans le passé, soit dans l'avenir, sont indéfinies. C'est une évolution régie par des lois qui sont représentées dans la Kabbale par les diverses sephirot, éons, hypostases ou émanations. Il n'y a là qu'une plus vaste application de ce que l'Ecriture elle-même nous enseigne sur les divers âges de l'humanité dans chacun desquels Dieu est adoré sous un nom différent, El-ohieme, Schaddaï, le Tétragramme enfin. La raison humaine par des voix venues de points opposés de l'horizon nous fournit la formule philosophique de cette doctrine. « L'idée dit progrès, dit Hartmann, apparaît surtout dans la philosophie de Hegel pour qui la vie universelle n'est que l'évolution progressive et spontanée de l'idée » [3]. Et un catholique, M. Fornari, nous dit de son côté: « Cette même hiérarchie (des idées divines) transportée de l'espace dans le temps et des substances aux actions s'appelle le progrès » [4], p.46. </ref>.

Il est important de remarquer que les cycles établis par la loi civile en Palestine sont organisés sur le type de ces périodes cosmiques. Chaque monde ou cosmos répond à une schemitta ou semaine d'années et sept périodes cosmiques représentent un yobel, jubilé, de manière que l'univers se développe par espaces septénaires. C'est le système des Kabbalistes, mais on en retrouve aussi quelque chose dans le Talmud, tout au moins l'idée du septénaire cosmique. On lit également au traité Sanhédrin, 97: «  Ce n'est qu'après sept mille ans que Dieu renouvellera son monde » . Et R. Katthia demande à ce propos: « Que font donc les justes pendant les mille ans que Dieu emploie à renouveler son monde? ». Dans un autre passage on trouve cette proposition: « Il a existé un ordre des temps avant la Genèse. [5]Et l'auteur des Anafim [6]sur le livre des Principes (Ikkarim) de Joseph Albo dit en commentant le premier de ces textes: « Nous apprenons que le monde a une durée indéfinie, qu'il est édifié, détruit et réédifié de nouveau; autrement on lirait dans le Talmud: Après six mille ans d'existence, le monde sera détruit. Mais comme on ne lit rien de semblable il en faut conclure que le monde ne restera détruit que mille ans et qu'ensuite il sera de nouveau réédifié ». Enfin dans le Bereschit rabba, R Hiya dit: «  <i>Au commencement Dieu créa; voilà la création. La terre était informe et vide ; voilà la destruction du monde. Et Dieu dit: Que la lumière soit ! voilà la réédification ».

Les schemittot et les yobelim juifs sont certainement bien différents de l'idée que les païens se faisaient du mouvement de l'histoire: « De naturelles et trompeuses analogies, nous dit-on à ce propos, analogies tirées du conte de la vie humaine, des révolutions célestes, du retour périodique des saisons, expliquent suffisamment que les Grecs et les Romains se soient souvent représenté le mouvement de l'histoire comme circulaire ou rétrograde »[7]. Les païens en effet assimilaient l'histoire du monde à celle de l'individu, du ciel ou de la nature; les Juifs au contraire le rapprochaient de l'histoire de la collectivité humaine, c'est-à-dire de ce qu'il y a de vraiment progressif dans humanité. Les institutions civiles de la schemitta et du yobel, les rapprochements que faisaient continuellement les Prophètes entre la palingenèse sociale et la palingenèse terrestre, tout nous prouve qu'au point de vue juif, le monde et l'humanité, ces deux grands êtres collectifs, si toutefois il y a là deux êtres et non point un seul, ont une même destinée. D'ailleurs puisque le caractère progressif des cosmogonies bibliques successives ne fait pas de doute, il n'y a aucune raison de supposer qu'entre les mains des Rabbins le judaïsme ait rétrogradé sur ce point. Les preuves du contraire au surplus ne font pas défaut.

Le millénarisme rabbinique, le monde futur, nous est toujours dépeint comme une amélioration de l'état actuel et il n'y a pas lieu de croire que cela ne concerne qu'une période unique ou notre planète seulement. Nous avons dit plus haut que selon R. Abhu, Dieu disait invariablement à chaque monde qu'il créait avant le nôtre: Celui-ci me plaît, les autres ne me convenaient pas! On ne saurait indiquer sous une forme plus naïve l'idée de progressivité générale dans la création. L'auteur des Anafim, que nous avons [8] déjà cité, écrit à ce sujet: « Dans chaque monde nouveau créé après la destruction du précédent, l'humanité était plus élevée et plus apte à la perfection que celle à laquelle elle succédait. Voilà précisément ce que signifient les paroles attribuées au Seigneur: « Je suis content de ce monde, les autres ne me plaisaient point ».


References

  1. Jalkout Schimoni , Bereschit, § 16 .
  2. Page 339
  3. Philosophie de l'inconscient,p. 455, vol 2 <super> o</super>
  4. Armonia Universale
  5. Yalkut Shimoni, bereschit, § 5.
  6. Page 340
  7. Revue des deux Mondes , Oct, 1875, p. 570.
  8. Page 341