Israël et L'Humanité - Monogamie et polygamie

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§ 2.

MONOGAMIE ET POLYGAMIE.

La loi noachide ne contient pas, à notre connaissance, de disposition spéciale concernant la polygamie. Toutefois il ne manque pas d'arguments, suffisants pour convaincre la critique impartiale, que s'il n'y avait pas d'interdiction formelle à ce sujet en Israël, c'est du moins la monogamie qui avait les sympathies de la loi et des plus éminents personnages.

Tout nous prouve qu'il n'en était pas autrement pour le noachisme ou catholicisme de ce temps là. Les textes les plus importants en faveur de la monogamie et les exemples les plus remarquables ne nous sont-ils pas fournis on effet par l'histoire antérieure à Moïse, c'est-à- dire par la vie noachide dans son plein épanouissement. Le récit de la création, entre autres passages, n'est certes pas indifférent pour juger de l'idée qu'on se faisait du mariage. Au point de vue biblique, il est si bien dans la nature de l'homme de n'avoir qu'une seule femme, que non seulement il n'en a été créé qu'une pour Adam, mais encore que cette épouse unique a été tirée de sa propre chair, en sorte qu'on peut dire à la rigueur qu'il n'y a eu à l'origine [1] qu'un seul être humain, homme et femme à la fois, un Adam androgyne, [2] comme l'ont écrit les Rabbins plus fidèles en cela au texte sacré qu'on ne serait tenté de le croire. Eu face de Lèmech qui a eu deux femmes, nous avons l'exemple bien plus concluant de Noé et de ses fils qui n'en ont eu chacun qu'une seule. Abraham n'en aurait eu qu'une également, si Sara ne l'avait obligé à prendre son esclave. Isaac à son tour n'eut qu'une seule épouse et l'on voit par l'histoire de Jacob que celui-ci n'eut quatre femmes que grâce à la tromperie de Laban d'abord, et ensuite au désir exprimé par Rachel et Léa. La mère de Moïse n'avait pas de rivale et quant à Moïse lui même, lors même que la femme éthiopienne, au sujet de laquelle Marie et Aaron murmurèrent à Hatséroth, serait autre que Tsippora, il n'est nullement prouvé qu'il l'ait eue du vivant de celle-ci. Pour ce qui est d'Aaron, nous ne lui connaissons qu'une seule femme, Elischéba, fille d'Amminadab.

Nous arrivons ainsi au seuil du mosaïsme avec une abondance de faits qui attestent qu'avant l'avènement du grand législateur la monogamie était déjà en honneur. Y a-t-il eu un changement à cet égard sous la loi mosaïque? On sait que les Sadducéens ont interprété dans le sens d'une interdiction formelle de la polygamie le verset défendent de prendre en même temps une femme et sa sœur, bien que, pour la tradition, et on peut ajouter même pour une saine exégèse, il n'y ait pas là autre chose que la prohibition d'épouser à la fois les deux encore, ce qui non seulement n'exclut point la polygamie, mais au contraire la suppose. Sans aller aussi loin, nous dirons cependant que cette doctrine des Sadducéens n'est pas sans importance; leur interprétation exagérée témoigne du moins de l'esprit qui dominait dans le judaïsme. Les Pharisiens de leur côté, n'ont pas fait dire aux textes plus qu'ils ne signifient; Ils se sont contentés de relever de plus en plus la valeur de la monogamie, sans toutefois interdire expressément la pluralité des femmes. Nous retrouvons constamment chez eux la distinction entre la loi et la morale qu'ils ont toujours soigneusement respectée et qui constitue la clef nous permettant de saisit exactement le sens d'un grand nombre de leurs institutions et de leurs maximes.

Chaque fois par exemple que la loi oblige quelqu'un au mariage, ce n'est pas de l'état polygamique que la tradition exige qu'il fasse la justification, preuve évidente qui si la polygamie est tolérée [3]comme un effet de la liberté individuelle, elle n'est cependant jamais imposée, sans doute parce qu'elle n'est pas considérée comme l'état le plus parfait. C'est ainsi qu'un homme était tenu d'épouser sa belle-sœur lorsque son frère défunt n'avait point laissé d'enfant; mais si par hasard celui-ci avait laissé deux ou trois femmes, le survivant ne pouvait en aucun cas épouser qu'une seule des veuves de son frère.

Voici d'ailleurs quelque chose de plus probant encore. Non seulement la loi se refuse à créer elle même l'état polygamique, mais nous trouvons des cas où elle l'interdit et les circonstances dans lesquelles elle impose alors la monogamie donnent une valeur toute particulière à ses dispositions prohibitives. Le grand prêtre qui officiait le jour de la fête des Expiations devait être marié, car la Loi dit: « Il fera expiation pour lui et pour sa maison [4]». Or le mot maison étant au singulier, la Tradition n'a pas hésité à forcer le texte pour en déduire que le souverain pontife à ce moment là tout au moins, ne pouvait avoir qu'une seule femme. [5].

Chacun comprend quelle éloquente signification une semblable loi, si impressionnante encore aujourd'hui pour celui qui l'étudie, devait revêtir à cette époque pour tous les esprits. Il est impossible que l'homme le plus élevé dans la hiérarchie sacerdotale, accomplissant les plus augustes fonctions de son ministère au jour le plus saint de l'année, fût obligé de n'avoir qu'une seule épouse, sans que la monogamie apparût évidemment comme un état supérieur.

Nous objectera-t-on que si tel était le sens de cette loi, la véritable perfection à ce point de vue là, pour le pontife appelé à ces hautes fonctions, consisterait non pas à n'avoir qu'une seule femme, mais à n'en avoir aucune? Nous ne nions pas que le judaïsme même mosaïque ne contienne non seulement le germe d'un semblable ascétisme, mais encore un commencement de développement et que les idées des Hassidim, des Esséniens, des Kabbalistes à cet égard ne soient l'application d'un principe authentiquement israélite, mais détaché d'une façon exagérée de quelques autres qui le tempèrent et le rectifient. Toutefois on se tromperait si l'on voulait rapporter à cet ordre de sentiments la loi qui règle l'état conjugal de grand prêtre officiant le jour des Expiations. Comme il représente dans cet acte solennel tous les chefs de famille, toute la nation juive, [6]on exige qu'il ait, lui aussi, sa maison , c'est-à-dire qu'il soit marié, et cela de la manière la plus digne et vraisemblablement la plus commune. Il n'est peut-être pas sans intérêt pour l'étude de la tradition pharisienne dont nous parlons de signaler qu'au dire de Diodore une loi interdisait aux prêtres égyptiens la polygamie.


References

  1. Page 696
  2. Bereschit Rabba , 8, § 1.
  3. Page 697
  4. Lévitique, XVI, 6.
  5. Joma, 23 <super>a </super>
  6. Page 698