Israël et L'Humanité - Monothéisme noahide et monothéisme israélite

From Hareidi English
Jump to: navigation, search

II.

Interdiction du polythéisme.

§ 1.

MONOTHÉISME NOACHIDE ET MONOTHÉISME ISRAÉLITE.

Le second précepte noachide proscrit le polythéisme et oblige le Gentil aussi bien que l'israélite à ne reconnaître qu'un seul Dieu.

Hâtons-nous d'ajouter toutefois que la religion noachide est infiniment plus large à cet égard que le judaïsme proprement dit. Tandis que l'unité la plus exclusive est rigoureusement imposée à Israël, sans aucune association possible d'autres êtres divins, du moins dans l'adoration, le Gentil au contraire, quelle que soit la cause de ce phénomène singulier et pourvu qu'il ne reconnaisse et n'adore qu'un seul Dieu suprême, n'est point censé commettre de pêché si, dans son culte, il associe au vrai Dieu d'autres divinités. Est-ce là une exception doctrinale résultant de la situation spéciale du Gentil ou plutôt une condescendance qu'exigeaient les habitudes et les préjugés de la gentilité? On ne sait; toujours est-il que le fait est certain et qu'il dépasse incomparablement tout ce que le christianisme a imaginé de plus tolérant pour attirer les païens dans son sein. « L'association n'a pas été interdite aux enfants de Noé », tel est le grand principe que nous avons plusieurs fois rappelé et à la lumière duquel s'expliquent nombre de passages des Ecritures et une foule de circonstances historiques [1].

Ce principe, dont nous avons déjà pu apprécier la haute valeur dans plus d'une question importante, n'est sûrement dû à aucune [2]influence païenne et il n'implique pas davantage au regard de l'hébraïsme une idée de dégradation religieuse des Gentils. Il semble destiné à donner satisfaction, dans les limites possibles, à cette tendance que l'on a cru reconnaître chez les races non sémitiques, et particulièrement chez les Aryens, à professer le polythéisme plutôt que le monothéisme ou du moins un monothéisme mitigé. Mais ce qui prouve bien que l'hébraïsme n'est pas plus indifférent pour la pureté de la foi religieuse des Gentils que pour celle d'Israël, c'est qu'à part cette concession, capitale il est vrai, la plus complète égalité règne entre les Israélites et les non juifs relativement au culte et à la profession du monothéisme. Les actes que les tribunaux israélites punissent de mort sont également interdits au Noachides; ceux qui n'entraînent pas pour l'Israélite le châtiment capital ne sont point objet de prescription pour le Gentil. Tel est le principe talmudique [3]. Maïmonide va plus loin encore [4]; il existe, d'après lui, des actes qui, tout en n'entraînant pas la peine de mort pour le Gentil, lui sont nonobstant rigoureusement interdits, comme par exemple l'érection de statues, la plantation de bosquets sacrés et il ajoute même à ces prohibitions la défense de faire des images.

Si nous ne nous abusons point, ces dernières interdictions ne nous paraissent concerner que les Gentils qui habitent la Palestine, quoique à vrai dire, comme nous l'avons déjà fait remarquer, elles semblent, même dans ce cas, contredites par une foule d'indices qui porteraient plutôt à croire que la profession du polythéisme et son culte étaient tolérés pour les Gentils résidant en Palestine. Il était donc impossible de pousser plus loin, en même temps que l'esprit de tolérance, le zèle pour la pureté du culte noachide, ni de mieux montrer que dans l'étranger, l'idolâtre, qui était souvent même un ennemi national, l'hébraïsme reconnaissait l'homme, enfant de Dieu, et le jugeait comme tel digne de la plus grande sollicitude.

Ces nobles dispositions vont jusqu'à transformer les prescriptions en apparence les plus sévères de la Bible en mesures suggérées par une délicate attention. Moïse avait dit: « Vous détruirez tous les lieux où les nations que vous allez chasser servent leurs dieux, sur les hautes montagnes, sur les collines et sous tout arbre verdoyant. Vous démolirez leurs autels, vous briserez leurs statues, vous livrerez aux flammes leurs idoles, vous abattrez les images [5]taillées de leurs dieux et vous ferez disparaître leurs noms de ces lieux-là.[6]» Est-ce là l'indice d'un zèle ardent et d'une aversion implacable contre les religions étrangères? On le croirait sans la tradition rabbinique. Mais celle-ci fait preuve au contraire d'une magnanimité admirable. Elle nous dit à propos de l'homme qui fait tomber son semblable dans l'erreur : « Si pour des arbres qui ne boivent, ne mangent ni ne sentent, la Loi a dit: détruis, brûle, extermine, parce qu'ils ont servi à l'homme de pierre d'achoppement à plus forte raison cela s'applique-t-il à celui qui détourne son semblable des sentiers de la vie pour le fourvoyer dans les chemins de la mort [7]. Ainsi le véritable but des prescriptions mosaïques c'est, d'après les Rabbins, de sauvegarder la dignité humaine. Ce n'est pas tout; une objection soulevée par le Talmud nous fait comprendre comment les Docteurs entendent l'application de ces ordonnances. « Doivent-elles donc s'exécuter, se demandent-ils, à l'égard de l'animal dont on aurait fait un objet d'adoration? Non, car le Miséricordieux a respecté la vie des animaux en prescrivant qu'ils ne soient mis à mort, s'ils sont cause de quelque malheur, qu'après une déposition de témoins et une condamnation régulière de vingt trois juges [8]».

Sans doute cette idée de jugement solennel dans une semblable circonstance a quelque chose qui fait sourire, mais il n'en est pas moins vrai qu'il faut admirer cette pensée que Dieu exerce la miséricorde envers toutes ses créatures et que par conséquent nous devons professer le plus grand respect pour la vie.

C'est ainsi que, tout en défendant la pureté du monothéisme pour les Gentils noachides comme pour les Israélites, les Rabbins se sont efforcés de maintenir cette universelle charité qui, contrairement à une opinion trop répandue, fait le fond du judaïsme.


References

  1. V. R. Nissim, Aboda Zara ch. I, sub fine; R. Jeroham, Natib, XVII; Tosafot sur Berachot, ch. I; Isserles, Orah haïm, 156; Olat tamid, ibid.
  2. Page 670
  3. Sanhédrin, 57 b
  4. Melachim, IX, 2.
  5. Page 671
  6. Deutéronome, XII, 3.
  7. Sanhédrin, 55 <super> a </super>
  8. Ibidem et Raschi In loco