Israël et L'Humanité - Paternité spirituelle d'Abraham

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§ 2.

PATERNITÉ SPERITUELLE D'ABRAHAM.

« On ne t'appellera plus Abram, dit le Seigneur, mais ton nom sera Abraham, car je te rendrai père d'nue multitude de nations [1]» . Il ne saurait être question dans cette phrase simplement des familles ou tribus composant Israël ou des Ismaélites et Edomites [2]auxquels le patriarche devait donner naissance. La promesse est faite d'une façon trop solennelle pour cela. Lorsqu'il s'agit d'Ismaël l'expression est en effet toute différente: «  Il engendrera douze princes, dit le texte sacré, et je ferai de lui une grande nation [3] ».

Que faut-il donc entendre par cette paternité promise à Abraham? Quelque chose de bien plus grand sans aucun doute. Maïmonide dit que cela signifie qu'il a enseigné la vraie foi aux Gentils ou encore que toutes les nations sont destinées à se ranger sous sa bannière, à entrer par conséquent dans sa famille spirituelle et à devenir ses enfants d'adoption. Les anciens Rabbins ne l'ont pas compris autrement. Nous lisons dans le Talmud que le prosélyte dira comme l'Israélite de naissance, en portant au Temple les prémices de ses champs: « Regarde, ô Dieu, du haut de ta céleste demeure, et bénis ton peuple d'Israël et la terre que tu nous a donné comme tu l'avais juré à nos pères ». Il appellera donc Abraham son père, ajoute le Talmud, car Abraham a été appelé par Dieu le père d'une multitude de nations ou, comme dit le Midrasch de toutes les nations.

Il est impossible de méconnaître le lien étroit qui rattache la promesse faite à Abraham à cette autre bénédiction dont il est également l'objet de la part de Dieu et qui a donne lieu à tant de controverses: « Toutes les familles de la terre seront bénies en toi [4]» . De quelque façon que l'on entende ce texte, il prouvera du moins toujours que la pensée de l'écrivain sacré, la pensée hébraïque embrassait déjà tout l'horizon de l'humanité. Dès lors il ne peut être question de rétrécir l'interprétation de la paternité d'Abraham, comme si la promesse qui lui est faite ne pouvait, sans jurer avec le contexte, comporter une aussi vaste conception. Sans doute il y a dans cette promesse quelque chose de plus que l'idée pourtant si large d'une paternité spirituelle s'étendant à tous les peuples; nous y découvrons celle d'une fraternité humaine, d'une unité dont Israël doit être le centre. Mais il suffit d'un peu d'attention pour voir que la même conception se trouve déjà implicitement contenue dans cette assurance formée au patriarche hébreu que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui. [5]Certes, pour que l'humanité arrive à considérer Israël comme un modèle enviable, il ne suffirait point qu'il eût atteint un degré de grandeur, de puissance, de prospérité matérielles supérieur à celui des plus grands empires. Cela ne pouvait rentrer dans les aspirations de l'hébraïsme, d'abord parce que tous ces biens possédés dans une plus ou moins large mesure par ses ennemis politiques et religieux n'auraient pu passer à leurs yeux pour un exemple de bénédiction spéciale, ensuite parce qu'il n' a jamais existé à aucune époque un peuple qui ait regardé ces biens comme les seuls désirables. La science, la religion, la vertu, les qualités morales, selon ce que chaque nation d'après son degré de culture pouvait entendre par ces mots, permettaient seules de donner une véritable valeur à ces avantages temporels et constituaient elles-mêmes les biens les plus éminents sans lesquels les autres ne devaient point avoir d'existence durable. On est donc bien forcé d'admettre que si le judaïsme prédit dès sa naissance que tous les peuples de la terre se considéreraient un jour comme bénis en lui, les biens moraux qu'il glorifiait au-dessus, sinon à l'exclusion de tous les autres, devaient figurer en première ligne dans l'accomplissement de cette bénédiction. On voit donc que c'est uniquement dans ce sens que tous les peuples devaient s'honorer de se dire fils d'Abraham et que la paternité promise au patriarche est une paternité spirituelle, parce que la foi dont il était l'apôtre était destinée à l'humanité tout entière.

La Bible nous montre d'ailleurs comment Abraham a compris la bénédiction dont il était l'objet. Que signifie autrement son intercession en faveur de Sodome? Il ne se borne pas à demander la préservation de Lot et des siens; il s'efforce d'obtenir la grâce de tout le pays coupable. Ce chapitre du livre de la Genèse que tout le monde lit et admire, sans chercher à diminuer la portée de l'acte du patriarche hébreu, n'est certainement pas moins étonnant que la promesse qui lui est faite de voir un jour tous les peuples s'appeler ses enfants. La conduite d'Abraham révèle la véritable signification de cette prédiction. [6]


References

  1. Genèse, XVII, 5
  2. Page 437
  3. Ibid, XVII, 20.
  4. Genèse, XII, 3.
  5. Page 438
  6. Page 439