Israël et L'Humanité - Préface

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PRÉFACE

I.

On croit généralement pouvoir se dispenser de la lecture d'une préface qui apparaît le plus souvent comme un hors‑d'œuvre n'offrant aucun lien nécessaire avec l'ouvrage qu'il s'agit de présenter au public. Nous osons toutefois prier le lecteur de ne pas ouvrir le présent volume sans avoir pris connaissance de celle‑ci. La personnalité exceptionnelle de l'auteur, le sujet qu'il a traité, la façon dont ce litre a été composé et révisé rendent quelques explications préliminaires indispensables. Ces lignes révéleront d'ailleurs tout un ensemble de circonstances qui, si nous ne nous abusons point, constituent déjà un éloquent commentaire de l'œuvre elle même.

Elie Benamozegh naquit en 1823 à Livourne. Sa famille était venue de Fez s'établir en Italie et l'on a dit, non sans raison peut‑tre, que cette origine marocaine n'a pas été sans influer considérablement sur le développement intellectuel de celui qui devait être nommé plus tard le Platon du judaïsme italien. [1] Il est certain que bien qu'il se soit assimilé d'une manière peu commune, toute la culture européenne, il garda toujours, soit dans ses procédés de travail, soit dans la tournure de son esprit, l'empreinte orientale.

Il perdit son père de bonne heure et fut élevé dans les sentiments d'une grande piété par sa mère, femme d'une foi digne des âges bibliques, pour laquelle il professa toujours un culte touchant et dont il a évoqué[2] le souvenir attendri dans les premières pages de son livre « Morale juive et morale chrétienne ».

Il avait été tout d'abord destiné au commerce, mais quoique il eût à sa disposition les moyens de se créer dans cette voie une carrière avantageuse, il l'abandonna, tout jeune encore, pour se consacrer aux études sacrées et profanes, pour lesquelles il se sentait un irrésistible attrait. Le rabbin Jehouda Coriat, son oncle maternel, l'initia à la science hébraïque, mais on peut dire que le jeune étudiant, mû par un désir de savoir qui s'étendait à toutes les branches de connaissances humaines, s'instruisit seul, sans maître et à proprement parler sans méthode, sa remarquable intelligence suppléant aux défauts de cette formation personnelle. A seize ans, il écrivait une préface au Maor Vaschemesch publié par le rabbin Coriat, [3] donnant déjà à cette occasion des preuves de son génie précoce et, quelques années plus tard, il obtenait de la façon la plus brillante des grades rabbiniques. Ce fut à Livourne même qu'il se voua au ministère sacré et qu'il dépensa pendant un demi‑siècle une activité religieuse à laquelle il ne semble pas que des contemporains aient toujours suffisamment rendu hommage.

Ce que cet homme a lu et écrit dans sa vie est véritablement incroyable. Dans un corps d'une apparence fragile rayonnait un esprit d'une extraordinaire puissance. Il n'est aucune science à laquelle il soit demeuré étranger, aucun domaine intellectuel où ne l'ait poussé son infatigable curiosité. Les œuvres des auteurs qu'il pouvait à juste titre considérer comme des adversaires, lui étaient aussi familières que celles où il retrouvait l'expression de ses propres convictions. Les matériaux, s'entassaient dans sa prodigieuse mémoire et si les travaux qu'il a publiés ou ceux, plus nombreux encore peut‑être, qui demeurent inédits, prêtent à une critique justifiée, c'est précisément à celle de présenter une excessive richesse.

Ce serait toutefois bien mal juger Elie Benamozegh que de ne voir en lui qu'un savant; ce fut un homme de Dieu dans toute l'acceptation du mot. Loin qu'il songeât à garder égoïstement pour lui‑même le trésor de science qu'il augmentait sans cesse, il brûlait du désir de le communiquer[4] aux autres et ne voyait là qu'un moyen de remplir plus dignement les obligations de sa charge dont il s'acquittait avec une scrupuleuse exactitude. Il avait coutume de prêcher dans le temple de Livourne le samedi qui précédait les fêtes principales. Certain sabbat d'hiver, la neige qui tombait en abondance avait rendu les chemins impraticables et la maison du rabbin était fort éloignée du temple. Elie Benamozegh, qui devait monter en chaire ce jour là, ne se laissa point arrêter par la perspective du long trajet à parcourir à pied dans ces conditions difficiles. Il réunit autour de lui ses cinq enfants, tous jeunes encore, organisa une petite caravane et tout courbé sous la rafale glaciale, chancelant dans l'épaisse couche blanche qui ensevelissait tout, il s'achemina vers le centre de la ville, pour se trouver à l'heure dite où l'appelait le devoir de son ministère.

Sa modestie n'était pas moindre que son zèle. « On m'appelle grand rabbin, disait‑il à ses élèves; mais cela ne fait‑il pas sourire? Qu'est‑ce en effet que le peu que je sais auprès de ce qui me reste à apprendre? »

C'est souvent dans de bien petits détails que se révèle le mieux le vrai caractère d'un homme. Le biographe italien d'Elie Benamozegh, le Professeur Guglielmo Lattes, qui a publié, dans une langue digne du beau ciel de Toscane, une très remarquable étude, que nous avons déjà citée, sur la vie et les œuvres de l'illustre rabbin, a relaté plusieurs traits qui présentent la physionomie de celui‑ci sous un jour plus aimable que ne semble le comporter l'austérité de ses travaux. Il en résulte que s'il n'a pas été plus populaire, si ses enseignements demeurant encore pour beaucoup d'esprits peu séduisants, cela tient, non point à la nature même des qualités capables de lui gagner les plus vives sympathies, mais bien à la nature même des sujets qu'il a traités dans ses écrits et plus encore aux moyens auxquels il a eu recours pour les exposer au public.

On sait en effet que c'est surtout comme kabbaliste qu'Elie Benamozegh est connu et que ce titre, qu'il a toujours hautement revendiqué, n'a pas été sans lui nuire considérablement dans l'opinion d'hommes tout aussi dévoués que lui d'ailleurs à la cause du judaïsme, mais ré- solument hostiles à l'école dont il se réclamait. Je ne serais même que médiocrement surpris que le discrédit communément jeté sur cette appellation[5] ne fût encore aujourd'hui, auprès de certains lecteurs, une cause de prévention contre le présent ouvrage. Il importe donc de faire remarquer avant toute chose que la Kabbale dans laquelle le savant rabbin n'a cessé de voir, selon ses propres paroles, « la théologie la plus légitime du judaïsme », n'est en aucune façon un amas de superstition et de puérilité capables de dénaturer fâcheusement la religion que l'on veut servir, mais bien un système de philosophie offrant plus d'un point de contact avec le platonisme et d'autres systèmes, encore et qu'un homme comme Benamozegh savait teindre fortement de culture moderne. Ce n'était même pas à ses yeux une science particulière; Il eût plutôt dit d'elle volontiers ce que Renan a dit de la philosophie en général « qu'elle est le résultat de toutes les sciences, le son, la lumière, la vibration qui sort de l'éther divin que tout porte en soi ».

Il ne m'appartient à aucun titre de décider dans quelle mesure cette prétention de voir dans la Kabbale la plus haute expression théologique de la doctrine juive se trouve justifiée, mais il me paraît bien, après toutes les preuves qu'en a fournies Benamozegh, dans tous ses écrits, que c'est se priver d'un précieux secours apologétique que de rejeter purement et simplement un enseignement qui, dans la pensée de notre auteur, concilie de si heureuse façon les exigences de la critique et les données de la libre science avec les affirmations de la foi traditionnelle. Une timide orthodoxie peut à bon droit s'effrayer l'appui inattendu qu'apporte à ses dogmes l'école kabbalistique qui se sert d'armes nouvelles forgées souvent par des adversaires et qui puise ses arguments à des sources dont elle avait lui‑même coutume de se tenir soigneusement écartée. De leur côté, les savants indépendants ont quelque raison de s'étonner de voir que les résultats des travaux qui leur paraissaient essentiellement destructifs des croyances religieuses, peuvent être vivifiés par un mysticisme dont ils seraient mal venus à récuser la légitimité, puisque ses fondements reposent dans un domaine inaccessible à leurs investigations, et qu'en cet état la science est précisément utilisée pour la défense d'une religion qu'ils s'imaginaient pouvoir confondre avec toutes les autres dans une même condamnation. Le kabbaliste ne se laisse pas plus déconcerter par les surprises du [6] savant que par les appréhensions du croyant craintif; il s'efforce de rassurer celles ci en dissipant celles‑là , par la conciliation toujours plus complète qu'il prétend opérer entre la science et la foi.[7]

Cette position qu'adopta toute sa vie Elie Benamozegh et qu'il a constamment justifiée dans ses écrits, lui donnait une force singulière. Si l'on a pu dire en effet avec quelque apparence de raison que l'homme d'un seul livre est redoutable on comprend quel précieux avantage devait lui conférer cette philosophie à laquelle il ramenait toute chose et qui lui permettait de tirer profit de tous les progrès scientifiques en même temps qu'elle lui fournissait une explication rationnelle des plus ardus problèmes religieux. Grâce aux habitudes d'esprit qu'il avait acquit à l'école des maîtres de la Kabbale, il retrouvait partout son bien propre; loin de fuir l'objection, il la recherchait avec une évidente complaisance, l'analysait, la retournait sous toutes ses faces pour se donner la satisfaction profonde d'en montrer les côtés défectueux et d'en faire sortir des arguments en faveur de la thèse orthodoxe. Ni le matérialisme, ni le panthéisme, ni l'athéisme lui‑même n'étaient de nature à l'épouvanter; aucune de ces catégories tranchées dans lesquelles se complaisent les esprits superficiels, aucune de ces massives constructions de l'irréligion que certaines gens s'imaginent naïvement appelées à remplacer les anciens édifices de la foi humaine, ne lui [8]faisaient la moindre illusion sur les vices de construction qui en compromettent la solidité aux yeux du penseur. Il ne craignait pas d'y pénétrer, il s'y mouvait avec sûreté et aisance, faisant avec soin la part de l'erreur et de la vérité. Pour lui, ce n'est pas nier Dieu que de nier une certaine conception de la Divinité; ce n'est pas d'avantage détruire son Unité que d'en diversifier les attributs et il a même poussé la hardiesse, jusqu' à montrer quelle secrète harmonie la Kabbale peut établir entre les diverses philosophies qui conçoivent Dieu chacune à sa manière et même entre les idées polythéistes et le monothéisme absolu.

Non seulement les doctrines juives prennent ainsi une ampleur et une force que l'exégèse anti kabbalistique est impuissante à leur communiquer, mais les pratiques religieuses elles mêmes que l'on est tenté de considérer comme surannées, lorsqu'on les juge dépourvues de tout contenu, se justifient parfaitement au regard de la saine raison, non plus simplement comme un legs des ancêtres, comme un lien qui rattache le présent au passé, mais parce qu'elles ont une valeur intrinsèque, une importance universelle, ontologique même, selon l'expression de notre auteur. « Notre foi, avait‑il coutume de dire à ses enfants, est claire, simple, rationnelle dans les principes et mystérieuse dans le culte ». Mais ce qui est mystérieux n'est point absurde. Le mystère est tout ce qui dépasse l'entendement humain dans l'état présent de nos connaissances et comme d'après Benamozegh « le génie religieux d'Israël fonctionne en vue du perfectionnement de tout le genre humain », comme il a pour mission spéciale de relier entre elles les diverses parties du fini et les différentes phases de l'évolution universelle, le judaïsme doit nécessairement contenir « un élément surnaturel ou supra rationnel », à l'étude duquel l'intelligence peut et doit s'appliquer, tandis que la piété s'y alimente, sans risquer de l'épuiser jamais.

Cette théologie ésotérique, qui est pour le savant rabbin, la véritable tradition dogmatique de la religion israélite, comme le Talmud en est la tradition pratique, donne ainsi un sens profond à tous les préceptes, à toutes les prières liturgiques: « Réduire les prescriptions rituelles, à l'état de simples observances nationales, écrivait il à Luzzatto, [9] C'est les dépouiller des trois quarts de leur valeur; c'est abaisser Dieu au rang d'un Licurge ou d'un Romulus; c'est lier aux circonstances extérieures, qui n'ont rien de stable, le sort de la religion qui est éternelle [10] ».

On voit donc que la Kabbale philosophique d'Elie Benamozegh lui permettait de porter avec assurance ses recherches dans tous les domaines et que, grâce à elle, la foi se révélait chez lui comme le courage de l'esprit s'élançant résolument en avant avec l'absolue certitude de trouver la Vérité. Aussi nul n'a‑t‑il pu prononcer avec plus d'autorité que lui la parole de réconciliation entre la religion et la science: « Embrassez‑vous dans une fraternelle étreinte, car vous êtes l'une et l'autre filles du ciel ».

Mais si cette position présentait de grands avantages, elle n'était pas sans offrir aussi de sérieux inconvénients. La science et la philosophie constituent en somme le privilège d'un petit nombre d'esprits. Plus rares encore sont ceux qui réussissent à les unir d'une façon si harmonieuse qu'elles peuvent se pénétrer et se vivifier mutuellement. L'illustre rabbin, chez qui elles s'accompagnaient encore d'une mysticité transcendante non moins exceptionnelle, se condamnait donc à n'être point compris et même à voir parfois suspecter la pureté de sa foi. On sait que son commentaire hébreu sur le Pentateuque Em lammicra fut réprouvé comme hétérodoxe par les rabbins palestiniens [11]

La discipline intellectuelle et religieuse qu'il devait à la Kabbale et à laquelle il soumettait tout le savoir humain aussi bien que la science juive, est d'ailleurs de nature si spéciale que, malgré ses vastes connaissances il ne pouvait songer à avoir, en dehors du cercle de ses disciple, une action étendue. Il eût été nécessaire pour cela qu'en puisant à cette source et en utilisant ses données essentielles, il parvînt à communiquer à sa pensée une forme entièrement appropriée à la culture moderne; il [12] eût fallu traduire en langage intelligible pour les hommes du XX<super>ème</super> siècle ce qu'il était accoutumé à exprimer dans le style talmudique et zoharistique.

Dans l'enseignement et dans la conversation toujours attrayante et instructive, ses élèves ne se lassaient d'admirer la clarté avec laquelle il savait traduire et présenter les plus obscures conceptions de la Kabbale dans le langage précis des écoles philosophiques de la Grèce et de l'Allemagne, en réussissant à insinuer surtout la conviction que la Kabbale - à part sa haute antiquité et son authenticité hébraïque qu'il admettait désormais entièrement - soit tout au moins, un grand système philosophique qui mérite toute la considération des savants.

Si telle avait été toujours sa voie, qui sait si, avec sa prodigieuse érudition et l'ardeur de son zèle, il n'eût pas été capable de révolutionner le monde religieux et d'exercer en tout cas sur le judaïsme une influence plus décisive peut‑être que Maïmonide lui‑même?

Mais les moyens qu'il employait quelquefois ne le prédisposaient point à ce rôle, malgré l'aisance remarquable avec laquelle il s'exprimait dans les langues modernes. Il n'est pas jusqu à la phraséologie même dont il se servait qui ne fût un obstacle à la diffusion des idées qu'il voulait défendre.

Je risque assurément de surprendre la majeure partie de mes lecteurs en disent par exemple qu'il fut un apôtre du noachisme; en fait, la plupart d'entre eux ne soupçonneront pas au premier abord ce qu'il mettait sous ce nom‑là et pourtant l'idée qui s'y cache est d'une importance considérable et elle constitue, à mon avis, la véritable originalité de l'œuvre religieuse de ce puissant penseur.

On ignore trop en général qu' Elie Benamozegh ne fut pas seulement un savant kabbaliste, mais qu'il s'était formé surtout, grâce à ses connaissances philosophiques et religieuses aussi bien que scientifiques et grâce aussi, ou ne saurait le contester, à cette théosophie hébraïque qui éveille tant de préventions, un système très compliqué, très profond et cependant parfaitement coordonné, qui lui permettait d'expliquer admirablement le judaïsme dans toutes ses parties, même les plus obscures et les plus déconcertantes d'ordinaire pour ses apologistes. Il était fort éloigné d'ailleurs de présenter ce système comme le produit de ses conceptions[13] personnelles; ce n'était pas autre chose pour lui que l'édifice religieux résultant du majestueux ensemble des enseignements bibliques et traditionnels. Le judaïsme n'est plus une religion particulière dont il s'agit de défendre la position vis à vis des cultes concurrents en démontrant les erreurs de ces derniers. C'est la Religion même; toutes les autres, comme autant de manifestations spéciales répondant aux besoins des différentes races, se groupent autour d'elle dans une relation plus ou moins étroite, selon qu'elles s'écartent ou se rapprochent davantage des vérités fondamentales dont elle a la garde et toute l'humanité se trouve ainsi religieusement organisée dans une unité très réelle, bien qu'elle implique, par la nature même des choses, des diversités nombreuses et nécessaires.

Toute cette construction idéale s'explique par la notion des deux lois ou plutôt du double aspect de la Loi unique et éternelle qui est à la fois sacerdotale et laïque, selon qu'elle s'adresse spécialement à Israël ou à l'humanité tout entière. La forme qu'elle revêt dans le culte juif proprement dit se justifie par la mission particulière d'Israël dans le monde, mais elle n'est nullement obligatoire pour tous les hommes, qui demeurent libres au contraire d'exprimer diversement leurs sentiments religieux selon les besoins variés des époques et des races, pourvu qu'ils obéissent à la Loi morale et rationnelle qui seule leur est prescrite. De là ce respect que le judaïsme toujours professé pour les autres cultes et cette affirmation répétée de ses Docteurs que pour être juste et agréable à Dieu, pour appartenir à la véritable religion, il n'est aucunement besoin de pratiquer les rites israélites.

On voit ainsi combien fausse est cette opinion de certains critiques que le monothéisme sémitique engendrait forcément l'intolérance. Si l'on consent à aller au fond des choses, cela ne paraît guère exact même pour l'Islam, mais en ce qui concerne le judaïsme rien n'est plus formellement démenti par les faits. L'attitude d'Israël est même beaucoup plus qu'une simple tolérance, comme on en peut heureusement trouver d'autres exemples imposés par la force des circonstances plutôt que par les convictions elles‑mêmes; c'est la mise en pratique de cette idée que le judaïsme est le foyer, le centre de la religion universelle et que les [14]autres cultes se trouvent rattachés à lui et par conséquent légitimes dans la mesure où ils sont fidèles à ses principes. L'étude des religions comparées apparaît aujourd'hui comme une nouvelle branche de la science; ce n'est qu'au XIX <super>ème</super> siècle que la critique s'est mise à fouiller avec impartialité et discernement les mythologies anciennes et qu'elle a fini par y découvrir autre chose qu'un tissu de fables incohérentes et grossières, indignes de retenir un instant l'attention. Or l'antique judaïsme avait tracé depuis de longs siècles les linéaments de cette science dans sa théologie, et ne peut‑on pas dire que la Kabbale, qui nous apprend à voir sous le nom de toute divinité païenne une étincelle de vérité, avait déjà donné en substance le résultat des travaux de nos savants modernes?[15]

Est‑ce à dire qu'il n'y a pas des erreurs à corriger ? Non, certes; en fractionnant à l'infini l'idée de Dieu, le paganisme avait complètement perdu, du moins sous sa forme populaire, la notion de l'Unité divine et avec elle la base fondamentale de la fraternité humaine et du véritable progrès. De même, en rompant avec Israël, les grandes religions issues de lui ont toutes ou plus ou moins dévié des enseignements de la Religion universelle dont il a le dépôt; pour se réformer, elles doivent donc remonter à leurs origines, car c'est dans le judaïsme que [16]se trouve la clé des rénovations de l'avenir. Mais tout infidèles qu'elles apparaissent, elles sont cependant les filles de l'Eglise‑mère et ce que l'ignorance, les préjugés, les passions ont séparé doit être réuni un jour.

Aussi, plein de confiance dans les destinées religieuses d'Israël, Elie Benamozegh travailla avec ardeur à préparer la réconciliation du christianisme et du judaïsme, but suprême qui donna un ressort particulier à son activité et qui pour tous les croyants et les penseurs restera son meilleur titre de gloire. Il voyait dans le christianisme et l'islamisme non pas des religions quelconques, dignes de respect, comme toute aspiration de l'âme humaine vers l'Infini, mais un acheminement providentiel vers la constitution de cette religion universelle que les prophètes d'Israël ont annoncée à l'humanité. Si vives étaient en particulier ses sympathies pour la religion chrétienne, qu'il a été jusqu' à dire et répéter que si le christianisme consent à se réformer sur l'idéal hébraïque, il sera toujours la vraie religion des peuples gentils. De telles expressions, peuvent surprendre chez un rabbin et elles prêteraient même à une fâcheuse confusion si l'on prenait ce mot de christianisme comme impliquant nécessairement l'adoration, de Jésus ou du moins une croyance se rattachant dans une plus ou moins large mesure aux enseignements vrais ou supposés de ce personnage. Mais pour que nul ne songe à se prévaloir de ces déclarations que l'amour de la paix inspirait à notre auteur, il suffit de faire observer que le ferme de christianisme était pour lui synonyme de messianisme , les deux mots ayant exactement le même sens avec cette seule différence que le premier trahit toute l'influence hellénique subie par les disciples de Jésus et l'importance exagérée progressivement attribuée au rôle de ce dernier, tandis que le second nous ramène à la pure pensée hébraïque.

Dans les derniers jours de sa vie l'illustre rabbin vivait retiré dans une maisonnette solitaire entourée de verdure, dans un quartier de Livourne. Chaque matin, à l'aube, alors que, ceint des tefillin et enveloppé de son ample taled, il disait ses prières, le son des cloches d'une église voisine lui arrivait avec une mélodieuse douceur qui donnait à toute la nature une voix religieuse, et il semblait qu'en entendant cet [17] appel des cloches catholiques, le grand penseur priait avec une plus intense ferveur.

Par cette voix argentine, qui faisait résonner dans ma mémoire les vers harmonieux du poète Dante Aligilieri

… come orologio che ne chiami
Nell'ora che la sposa di Dio surge
A mattinar lo sposo perch è l'ami
[18]

Il se voyait en communion spirituelle non seulement avec tous ses frères israélites de tous les pays, priants à la même heure, mais encore avec tous les croyants répandus sur la surface de la terre qui, en choisissant pour la prière les premières heures du jour, se montrent, sans le savoir, les disciples fidèles des anciens maîtres d'Israël. [19]

Je crois sentir quelque chose de ce qui se passait alors dans son âme : cette voix lui rappelait peut‑être tout le plan de Dieu sur l'humanité et la mission spéciale d'Israël et le lien profond, indissoluble, qui rattache à Sion tous les peuples de la terre. La constitution du véritable messianisme est commencée; bien des causes humaines en ont entravé la marche et compromis la réalisation, mais son achèvement néanmoins est certain. Le Messie va venir, que dis‑je? Le Messie vient! Vérité, justice, paix, fraternité voilà ce que devait proclamer aux oreilles du pieux Rabbin chaque tintement de la cloche chrétienne; les jours arrivent, comme l'a prédit le prophète, où la terre sera remplie de la connaissance de Dieu, comme le fond de la mer par les flots qui le couvrent...[20]

Peut‑être commence‑t'‑on à entrevoir ce qu'Elie Benamozegh entendait par ce nom de noachisme qui fait l'effet d'une très vieille chose dont on a désappris l'usage. Ce n'est ni plus ni moins que le vrai catholicisme dont l'Eglise romaine a donné au monde une si choquante contrefaçon; c'est la religion universelle débarrassée des erreurs des cultes locaux et nationaux et reliée de la façon la plus intime à cette foi d'Israël dont la Bible et la tradition sont unanimes à annoncer le triomphe final; c'est l'organisation religieuse de la famille humaine par la combinaison harmonieuse des deux éléments laïque et sacerdotal, qui ont chacun leur rôle et leur raison d'être. Sans que l'accomplissement des préceptes mosaïques propres à l'Israélite de naissance lui soit aucunement imposé, le non‑juif se voit conférer par l'adoration du Dieu unique et véritable le droit d'être considéré comme appartenant à la vraie religion, comme participant réellement au culte dont la famille d'Aaron, au nom de tous, célébrait autrefois les rites extérieurs et dont le judaïsme actuel reste l'expression légitime et nécessaire. Ainsi s'expliquent les maximes des Docteurs de la Synagogue: « Quiconque abjure l'idolâtrie est un véritable juif. Quiconque rejette le polythéisme confesse toute la Loi ». Ainsi ne réalise la parole du prophète à l'adresse des étrangers qui s'attachent à l'Eternel pour le servir et pour l'aimer: « Ma maison sera appelée une maison de prière pour tous les peuples ».

Benamozegh, n'eut pas de plus chère ambition que de grouper autour de la Synagogue, dans une étroite union avec l'Israël religieux, des chrétiens de naissance convertis à cette grande idée qui était l'âme de son âme. Il me souvient d'un après midi d'été – c'était sur la fin de sa vie ; nous avions eu ensemble sur ces graves questions un long entretien. Il parlait lentement, les yeux comme rivés sur quelque but invisible; il m'exposait quelle est, vis‑à‑vis d'Israël, la situation des non‑juifs et comment ils sont appelés à constituer, avec une liberté plus grande au point de vue culturel, la seconde face d'une même religion divine. Soudain ses regards se fixèrent sur moi et il me dit: « Oui, et c'est par vous que je voudrais commencer ».

Ces paroles, il me les répéta plus d'une fois dans les lettres qu'il[21] me fit l'honneur de m'adresser et j'avoue à ma honte que je ne les compris point tout d'abord. Dans la persuasion où j'étais qu'il est de l'essence d'une religion d'exiger une croyance absolue en ses dogmes et une entière soumission à ses pratiques, de s'attribuer le monopole de la vérité et d'anathématiser comme fausses toutes les autres confessions, je ne parvenais pas à concevoir que le judaïsme pût observer une attitude sensiblement différente et, malgré toute l'admiration que déjà je professais pour ses doctrines, je ne le voyais pas encore sous son véritable jour; je continuais à le rapetisser en le jugeant avec une mentalité chrétienne ou catholique, c'est‑à‑dire comme une Eglise aux cadres bien définis en dehors desquels il ne saurait exister, pour l'âme parvenue ou degré de foi où je me trouvais, ni paix intérieure, ni activité féconde. Il fallut, pour que je saisisse mieux le plan divin, tel que me l'expliquait le maître vénéré, bien des réflexions et bien des études encore. Il fallut surtout que j'entreprisse la révision de son manuscrit « Israël et Humanité », travail auquel m'appela la confiance de son fils, M. Emmanuel Benamozegh, de qui je tiens les détails intimes insérés dans la présente préface et qui, avec une piété toute filiale et une persévérance qu'aucune difficulté n'a pu rebuter, s'est employé depuis quatre ans à mener à bonne fin la publication de cet ouvrage [22] Je dois maintenant au lecteur quelques explications à ce sujet.[23]

Le livre qui voit aujourd'hui le jour a occupé Elie Benamozegh pendant de nombreuses années. Il y a condensé toute sa pensée religieuse, tout ce vaste système dont je viens d'essayer de dégager les idées principales et d'esquisser les grandes lignes. On comprend donc l'intérêt qui s'attachait à cette publication.

Il s'en fallait de beaucoup cependant que le manuscrit fût en état d'être livré à l'impression. Tel qu'il existait à la mort de l'illustre rabbin, il ressemblait plutôt à un volumineux canevas dont l'auteur se réservait de faire ultérieurement la rédaction définitive. Il ne comprenait[24] pas moins de dix‑neuf cents grandes pages d'une écriture compacte, sans alinéa, coupure, ni division d'aucune sorte, les feuillets étant écrits au recto et au verso, ce qui indique bien qu'il n'entrait nullement dans la pensée de l'auteur de le donner au public sous cette forme. L'aspect de ce manuscrit faisait tout naturellement songer à quelque traité du Talmud, les matières y étant emmêlées, les digressions nombreuses, les répétitions, les détours fréquents. En outre, ce travail qui paraissait ainsi préparé en vue d'un enseignement oral, demeurait inachevé. Après avoir étudié l'universalisme israélite dans le domaine spéculatif, c'est à dire l'idée que le judaïsme s'est faite de Dieu et des dieux , de l'homme et de l'humanité, et dans le domaine pratique, autrement dit dans la conception juive de la Loi, de la Révélation, du mosaïsme et de la religion universelle, Elie Benamozegh se proposait de rechercher dans une troisième partie les traces de cet universalisme dans l'idée que le judaïsme s'est faite de lui‑même et de ses rapports avec le reste du genre humain, et de montrer comment dans sa vie intellectuelle, morale et civile, il a pris conscience de son caractère universel, comment enfin ce caractère s'est manifesté dans les croyances relatives à sa vocation, dans son histoire, dans l'accomplissement de sa mission et dans sa conception de l'état futur et définitif de l'humanité qu'il prépare et qui est le messianisme ou royaume de Dieu.

Malheureusement cette dernière partie qui s'annonçait comme la plus importante n'a pas été rédigée par l'auteur; les notes informes qu'il avait commencé à recueillir n'ont pas permis de la reconstituer. Sans doute tous les éléments qui devaient y figurer se trouvent déjà disséminés dans le reste de l'ouvrage, mais il eût été intéressant de les voir réunis, condensés en un corps de doctrine qui aurait donné de la sorte à cette magistrale étude son complet achèvement. Malgré cette lacune considérable, on devait à la mémoire d'Elie Benamozegh, de ne point laisser perdre le fruit de tant de travaux, de tant de recherches, et de faire paraître, même sous ces proportions réduites, cette œuvre si impatiemment attendue par ses disciples et dont il avait lui‑même si vivement désiré la publication.

Mais comment l'ouvrage du savant rabbin allait‑il voir le jour ?[25]

On pouvait le publier tel quel, en se bornant à lui faire subir, page après page, les corrections indispensables au point de rue du langage et en y introduisant les divisions nécessaires, ou bien le refondre entièrement et en exposer sous une forme plus littéraire, plus moderne, les idées essentielles en supprimant certains développements accessoires. Aucun de ces procédés ne pouvaient donner satisfaction aux disciples et aux amis de l'auteur, parce qu'ils ne respectaient ni l'un ni l'autre suffisamment la pensée de ce dernier. C'était la trahir en effet que d'éditer sans modifications une œuvre dont la forme restait si imparfaite et qui présentait en grand nombre des répétitions, des longueurs, des interventions et des obscurités résultant inévitablement du manque de rédaction soignée. Et d'autre part, ce n'était pas lui être plus fidèle que de publier un livre nouveau, ne ressemblent plus en somme à l'original que part les données fondamentales.

Dans ces conditions, je ne vis pas d'autre parti à prendre que d'employer une méthode de révision incontestablement plus difficile, mais qui au fond combinait les deux autres de la seule manière acceptable. Il s'agissait de corriger le style de l'ouvrage et de rédiger celui‑ci aussi complètement que possible en suivant exactement l'ordre du manuscrit primitif et en faisant ce que vraisemblablement l'auteur eût fait lui‑même, s'il lui avait été donné de mettre la dernière main à l' œuvre commencée. Les intercalations, les digressions devaient être les unes supprimées, les autres ramenées à leur place naturelle. Certains passages, qui semblaient destinés à figurer plus tard comme notes additionnelles, ne pouvaient qu'être retranchés complètement comme allongeant d'une façon inutile le travail. Je ne me suis cru toutefois autorisé à faire des coupures que lorsqu'elles m'ont paru absolument nécessaires pour la bonne marche de l'exposition.

Je me suis efforcé de rendre la lecture de ces pages aussi facile que le comportait la nature des sujets traités, en leur communiquant, dans la mesure du possible, cette forme française que l'auteur souhaitait tant leur pouvoir donner et en pratiquant de nombreuses divisions et subdivisions propres à guider et à reposer l'esprit dans cette laborieuse étude. Comme les titres des chapitres et des paragraphes ont été ainsi[26] ajoutés dans un but d'ordre et de clarté, il ne faut pas trop s'étonner si le contenu de ces différentes parties ne correspond pas toujours rigoureusement d'un bout à l'autre aux brèves indications données. Lorsqu'il m'a paru tout à fait indispensable, sous peine de compromettre gravement la forme et avec elle la valeur même de l'ouvrage, de compléter ce qui demeurait inachevé et de relier entre eux des passages qui autrement eussent fait l'effet de morceaux détachés, comme l'auteur n'eût certainement pas manqué de le faire en reprenant la rédaction de son manuscrit, je me suis appliqué à répondre à cette nécessité littéraire au moyen de phrases courtes résumant exactement les développements qui précèdent ou introduisant ceux qui devaient suivre. Mais dans tous ces détails, comme dans l'ensemble de l'œuvre j'ai toujours reproduit avec une fidélité scrupuleuse la pensée de l'original. Ma préoccupation d'entière exactitude a été telle que j'ai laissé subsister bien des choses qu'il eût été préférable peut être d'abréger ou de supprimer, mais qui, en raison de la place qui leur avait été donnée par l'auteur, ne m'ont pas semblé devoir être éliminées entièrement.

J'ai maintenu la division en trois parties principales qui était dans le plan primitif, mais celles‑ci, vu l'état incomplet du manuscrit, reproduisent seulement la matière des deux premières dont le savant rabbin avait terminé la compilation et qui se trouve actuellement ré‑partie sous ces trois titres généraux: Dieu. – L'Homme. – La Loi. Enfin, pour remplacer dans une certaine mesure la troisième partie, qui faisait malheureusement défaut, et donner tout au moins une forme achevée, j'ai ajouté une conclusion pour laquelle il m'a fallu utiliser, soit les notes informes dont je parlais plus haut, soit les cinq conférences d'Elie Benamozegh sur la Pentecôte qui figurent dans la collection de ses œuvres imprimées, soit enfin les lettres personnelles qu'il me fit le grand honneur de m'adresser, en sorte que ces dernières pages rendent non moins fidèlement que le reste du volume la pensée de l'auteur.

La somme de travail que l'ouvrage actuel représente serait peut‑être jugée considérable, si l'on pouvait s'en faire une juste idée; cependant [27] elle est à mes yeux peu de chose en comparaison de celle que le sujet lui‑même me paraît mériter. Je n'ai pas eu d'autre prétention que de rendre possible la publication et la lecture du précieux manuscrit d'Elie Benamozegh que l'on ne pouvait songer à imprimer dans l'état où il se trouvait à la mort de ce dernier. Je ne me flatte certainement pas d'avoir fait disparaître toutes les obscurités. Indépendamment de celles qui peut‑être sont à mes scrupules de rédacteur ou a mon insuffisance personnelle, il en est d'autres qui tiennent aux causes que j'ai indiquées en parlant du caractère et des méthodes de l'auteur. Le rappel constant aux principes kabbalistiques déroutera sans doute certains lecteurs peu préparés et en offusquer d'autres qui sont portés à juger ces idées d'une manière défavorable. Il vaut toutefois la peine de faire taire les impatiences et les préjugés, quand il s'agit d'un sujet qui intéresse au plus haut degré tous les hommes religieux, tous les penseurs, d'un problème auquel un savant de la valeur d'Elie Benamozegh s'est appliqué à donner une solution singulièrement belle et profonde .[28].

A tous ceux qui ne se contenteront pas d'examiner superficiellement ce livre, mais qui consentiront à lui consacrer une étude attentive, j'ose promettre un dédommagement pour leur fatigue. Une grande idée se dégagera de cette masse de matériaux, de ces discussions et de[29] ces textes; après les hésitations, les tâtonnements d'une route longue et difficile, une lumière brillera.

Je dois exprimer ici ma reconnaissance à M. le grand rabbin Samuel Colombo de Livourne, disciple de l'illustre Benamozegh et héritier de sa science et de sa piété dans le ministère sacré, lequel a bien voulu relire mon travail et m'aider plusieurs fois de ses conseils.

Soient remerciés également au nom des amis et admirateurs dElie Benamozegh et en particulier au nom de son fils M. Emmanuel Benamozegh, tous ceux qui ont contribué aux frais de publication du présent ouvrage:

M. le Baron Edmond de Rothschild, de Paris; M. Raffaello Ottolenghi, d'Acqui; M. Raffaello Rosselli, de Livourne; M. Salvatore Disegni de Livourne; M. M. Angiolo et Ugo Levi, de Venise; M. Giuseppe Archivolti, de Livourne; M. Cesare Tedesco, de Livourne; M. Emmanuel Pardo Roques, de Pise; M. Eugène Mirtil, de Paris; La communauté israélite de Livourne et celles de Gènes, de Vercelli et de Venise.[30]

III.

On trouvera bien inusité assurément le fait de donner une introduction à une préface, et pourtant il était écrit au livre des destinées qu'il en serait cette fois ainsi, celui qui devait rédiger entièrement ces pages préliminaires ayant été appelé, avant de pouvoir achever le travail qu'il projetait, à recevoir le baiser suprême de son Créateur.

Parmi tous les hommes éminents, qui au siècle dernier, ont joué un rôle important dans le domaine religieux, il en est un dont l'exemple me paraît particulièrement instructif, non seulement parce qu'il fut vraiment grand par la noblesse du caractère, par le rayonnement d'une âme éprise du plus pur idéal et par le don d'une incomparable éloquence mise au service de la plus sainte des causes, mais parce qu'aucun autre penseur peut‑être, au cours d'une longue évolution spirituelle, ne s'est rapproché davantage des immortels principes qui sont l'essence même de la foi d'Israël. Cette individualité religieuse qui peut sembler à certains égards indécise, flottante, a admirablement représenté au contraire les combats et les aspirations de l'élite actuelle de l'humanité. En elle s'est incarnée l'âme de toute une époque; toute me génération de chrétiens vit, palpite là avec ses incertitudes et ses doutes et se débat entre les définitions d'une dogmatique désormais inacceptable et les besoins nouveaux de la conscience religieuse. J'ai nommé M. Hyacinthe Loyson, qui, malgré les multiples changements dont il a donné pendant un demi siècle le spectacle, est néanmoins toujours demeuré si bien le même qu'il est resté pour tous, et jusqu'à la fin, le père Hyacinthe.

Trois phases principales partagent l'existence de ce grand chrétien qui fut vraiment, lui aussi, un homme de Dieu dans toute la force du terme. Durant la première, il dépensa, comme prêtre et comme moine, son activité au service de l'Eglise romaine, qui était celle de sa naissance, et il n'a cessé de répéter qu'il devait à ces vingt années de sacerdoce quelques‑unes de ses joies les plus pures et les plus profondes. Puis, quand il vit que la religion qu'il voulait servir était compromise par des préoccupations d'ambition temporelle et par une autorité despotique, n'ayant en réalité rien de commun avec la foi, quand il sentit [31] que ses tendances libérales devaient être fatalement étouffées par le système de compression intellectuelle et morale que Rome déjà renforçait de plus en plus et que, selon ses propres paroles, « la cause de l'anarchie sociale, morale et religieuse, qui mine les races latines en général, est, dans la manière dont le catholicisme est depuis longtemps compris et pratiqué », il chercha à donner à celui‑ci une forme plus souple, plus acceptable et plus conforme ‑ il le croyait du moins alors ‑ à l'idéal évangélique; ce fut l'époque des tentatives de réforme à Genève et à Paris et la période la plus agitée de sa vie.

Enfin, il comprit peu à peu que cette réforme sur les bases conciliaires était incomplète, qu'il y a à corriger d'autres erreurs non moins graves que celle de l'infaillibilité pontificale et qu'ainsi le malaise dont souffre la chrétienté ne date pas de la proclamation de ce dogme, accident tout à fait normal, ce me semble, dans l'histoire du christianisme, puisqu'il est l'application logique d'un principe poussé à ses dernières conséquences. Les barrières dogmatiques tombant peu à peu à ses yeux, son horizon religieux s'élargit. De toutes les incarnations imaginées par les hommes pour rapprocher d'eux l'infini, il sépara résolument, et sans jamais revenir en arrière, le Dieu vivant et éternel qui est « en toutes les belles choses et toutes les belles âmes, parce qu'Il est Celui qui est ». Sa notion de la vraie religion se modifia entièrement; il entrevit alors la véritable Eglise catholique, invisible encore, mais très réelle cependant, qui, fidèle à sa définition même, ne connaît aucune frontière ecclésiastique. Et sa foi au Dieu unique aboutissant, comme on l'a fort bien dit, à un impérieux besoin de fraternité religieuse, on put le voir prier en Orient dans les mosquées musulmanes, communier dans l'église copte du Caire, prêcher dans les temples protestants, fréquenter la Synagogue avec une grande édification et entretenir les relations les plus affectueuses avec des représentants de toutes les confessions, aussi bien qu'avec des prêtres de l'Eglise romaine qui lui sont demeurés fidèles jusqu'à la fin.

Le Père Hyacinthe, dans ces différentes périodes de sa vie, n'a créé aucune autre œuvre qui représente aujourd'hui sa pensée. Il apparaît ainsi[32] à quelques‑uns comme un homme qui n'a trouvé nulle part la place qui lui convenait. Mais dans l'état présent du monde religieux, il n'en pouvait être autrement. En localisant son action, il eût diminué la portée de son exemple; toute Eglise ayant nécessairement un côté étroit, particulier, son âme de prophète n'eût pu y respirer complètement à l'aise. Il était appelé à servir l'idée même d'une Eglise universelle et non point une secte déterminée. L'homme voué au culte d'un tel idéal se trouve par le fait même condamné à un certain isolement et en ce sens on peut soutenir avec raison que la largeur d'esprit n'est pas immédiatement créatrice. Mais s'il n'a rien fondé, il a fait quelque chose de plus utile encore. Il a prouvé l'insuffisance et l'impossibilité de la réforme tenté au début de sa rupture avec Rome; il a surtout montré dans quel sens doit se transformer le christianisme pour devenir enfin le messianisme dont les disciples de Jésus avaient la prétention d'inaugurer le règne. A ce point de vue là sa vie est l'illustration singulièrement éloquente de la doctrine qu'Elie Benamozegh a constamment prêchée en apôtre convaincu.

Si jamais deux croyants semblent avoir été destinés à se rencontrer, c'est bien assurément le Père Hyacinthe et l'illustre rabbin livournais. Celui‑ci en effet ne s'est‑il pas efforcé dans ses longs et persévérants travaux, de dégager des mouvements bibliques et traditionnels la formule du vrai catholicisme dont celui‑là, de son côté, a poursuivi sans relâche, durant toute son existence, une réalisation de plus en plus conforme au plan divin qui se révélait à lui? Ils ne se sont pourtant jamais vus ici‑bas, mais ils n'en ont pas moins communié l'un et l'autre dans la foi à un même idéal.

L'ancien orateur de Notre‑Dame, admirateur du prophète et héritier de leur souffle puissant, devait être logiquement amené à considérer comme, parfaitement normale, et même évangélique en un sens, cette évolution religieuse dont le savant fils d'Israël avait tracé les lignes. Tout le poussait dans cette voie; sa passion de l'unité divine, fondement de l'unité humaine, y trouvait la meilleure réponse à ses aspirations. Ou a prétendu que sa croyance au Dieu unique, vivant et personnel et à l'âme immortelle appelée à se perfectionner dans les[33] mystérieuses dispensations de l'au‑delà, croyance qui résume toute sa théologie, ne représente que le déisme de Jules Simon et de Victor Cousin sans aucune originalité. C'était bien mal le connaître. Une foi qui vivifie et sanctifie toutes les pensées et tous les actes d'un homme et que proclame chaque battement de son cœur, est tout autre chose qu'une conception théorique, si belle et si respectable soit‑elle. Un Dieu auquel l'âme, consent les sacrifices que le Père Hyacinthe n'a pas hésité à accomplir et qui, avec le sentiment de son unité, de sa sainteté et de son amour, inspire d'une manière si profonde le désir d'une réconciliation universelle, n'est pas simplement le Dieu de la philosophie. En réalité, la religion du grand orateur était celle que prêchait Elie Benamozegh, celle qui fait des livres sacrés d'Israël un monument absolument à part dans la littérature de tous les peuples, religion dont il aimait à rechercher encore un épanouissement dans les Evangiles.

Sa piété personnelle était du reste essentiellement juive; la lecture de la Bible et en particulier des Psaumes, en formait l'élément quotidien et je tiens de lui‑même que jadis ses supérieurs ecclésiastiques lui reprochaient avec surprise « de citer plus fréquemment dans ses sermons l'Ancien Testament que le Nouveau ». Cette affinité de sa grands âme avec la foi d'Israël s'affirmait déjà en 1878 dans une déclaration tombée de sa bouche, publiée à l'époque par les journaux et de laquelle il résulte qu'à ce moment là déjà, il ne restait à ses yeux d'autre abri religieux pour l'humanité, après l'abandon du christianisme de la Trinité et de l'Incarnation, que le judaïsme, non pas tout entier sans doute, mais du moins la religion universelle qu'il renferme [34]. « Si je voulais être théiste dans un sens positif et vivant, je ne le serais pas avec les philosophes spiritualistes, encore moins avec les déistes chrétiens; je le serais avec les juifs et les musulmans, deux religions sorties, non pas du cerveau abstrait d'un penseur, mais des flancs robustes du patriarche sémite, l'une avec Israël, l'autre avec Ismaël, ou plutôt, parce que la première et au‑dessus[35] de la seconde, Comme la femme libre est au‑dessus de l'esclave, j'irais m'asseoir à l'ombre de la Synagogue, français de nation, juif de religion, je m'attacherais au théisme de la révélation et du miracle, j'adorerais avec Israël ce Dieu de Moïse plus grand que le Dieu de Platon, qui s'est nommé lui‑même: « Je sais celui qui est ». (Revue Politique 6 Juillet, 1878, pag. 12)

Je les avais trouvées, ces lignes significatives, reproduites en note par Elie Benamozegh dans une brochure publiée par lui comme introduction au présent ouvrage. Après la mort du savant rabbin livournais survenue en février 1900, je mis sous les yeux de M Hyacinthe Loyson que je connaissais déjà, mais d'une façon beaucoup moins intime, la citation dont il s'agit et plus tard l'étude que je publiai moi même sur la solution de la crise chrétienne d'après les conceptions du maître qui avait eu une influence si décisive sur mon évolution religieuse [36]. Le Père Hyacinthe en fut extrêmement frappé. Au retour d'un voyage à Rome, il s'arrêta tout spécialement à Livourne pour interroger le fils et les disciples du grand penseur religieux qui venait de lui être révélé. Rapproché ainsi de moi par les circonstances, il ne cessa pas de témoigner une affection croissante et un intérêt toujours plus grand à celui qui n'était rien, mais qui représentait à ses yeux, une idée importante: la réforme du christianisme par le retour aux principes du judaïsme. Vaguement entrevue par lui jusqu'alors, cette nécessité ne tarda pas à s'imposer à son esprit.

Aussi me demandait‑il avec une sollicitude constante de le tenir au courant du travail entrepris en vue de la publication du présent ouvrage que l'auteur appelait son suprême effort. Lorsque l'offre lui en fut faite, il accepta avec empressement d'en composer la préface et, dans sa pensée, ce n'était point là une simple marque de sympathie pour ceux qui avaient sollicité cette faveur; en associant son nom à celui d'Elie Benamozegh, il entendait marquer que l'idéal proposé par ce dernier avait rencontré l'assentiment de son âme.[37]

Je vois déjà encore avec quelle attention soutenue il écoutait la lecture des pages du volume en préparation et le résumé de nos causeries que je rédigeais pour cette préface qu'il allait lui donner. Avec quel accent de conviction profonde il me dit un jour: «  Mais c'est beaucoup plus qu'un livre! C'est une grande chose et qui suffirait à occuper toute une vie ».

Hélas! la mort se lui laissa pas le temps de mettre la dernière main au travail commencé. Les pages, en forme de canevas, que l'on va lire, ne purent recevoir les développements qu'il comptait leur donner; elles restèrent jusqu'au dernier moment sur sa table de travail, à portée de sa main, et les lettres qu'il m'écrivait encore peu de jours avant son départ de ce monde [38] attestent qu'elles occupaient constamment sa pensée. Au cours de l'un de nos derniers entretiens à ce sujet, qui avaient lieu dans sa tranquille chambre de la maison familiale, rue du Bac, si paisible avec sa vue des grands arbres du jardin des Missions, si bien préservée des bruits du grand Paris grondant alentour, qu'on eût dit encore une cellule monacale, il me dit comme mû par un secret pressentiment: « Si je viens à mourir, publiez cela. Ces lignes résument bien nos causeries et reproduisent fidèlement les idées que je voulais exposer ». Ce furent ses propres paroles.

En remplissant aujourd'hui les intentions de mon vénéré ami, j'ai conscience d'accomplir quelque chose de plus qu'un acte de piété filiale. Qu'on veuille bien en effet se représenter les sentiments qu'aurait éprouvés Elie Benamozegh s'il avait pu prévoir dans quelles conditions son grand ouvrage serait publié et comment la Préface en allait être rédigée. Ce concours que des chrétiens de naissance devaient apporter à son œuvre, réalisant ainsi son plus ardent désir, n'eût‑il pas comblé de joie son âme? N'eût‑il pas vu là le « commencement » de cette grande chose qu'il appelait de tous ses vœux? Lui qui ne demandait à ses efforts en faveur des idées qui lui étaient chères d'autre récompense que le triomphe de ces idées elles‑ mêmes, il n'eût jamais espéré, même[39] aux heures du labeur le plus enthousiaste, un meilleur dédommagement à ses peines que le résultat obtenu par son ouvrage avant d'avoir été livré au public.

‑Elie Benamozegh, Hyacinthe Loyson! Le Dieu de vérité qu'ils ont aimé ici‑bas et pour la gloire duquel ils ont vécu, les a accueillis l'un et l'autre dans ses demeures éternelles, et devant le monde qui pense, qui cherche, qui soupire après une rénovation religieuse, voici que leurs deux noms se trouvent associés désormais. Pour moi, je considère le fait d'avoir pu être un trait d'union entre eux comme un privilège et une bénédiction dont je remercie avec une humilité profonde le Maître souverain de nos destinées. Le lecteur établira de lui‑même les rapprochements qui s'imposent entre ces deux vies dépensées au service de causes diverses en en apparence, mais qui en réalité se fondent en une même Cause supérieure et éternelle. Le Dr Berliner, à la fin d'une étude consacrée au savant rabbin livournais [40]
s'exprime ainsi: « Dans le domaine des connaissances humaines et surtout dans celui de la science juive proprement dite, Elie Benamozegh s'est proposé de grandes choses et il en a réalisé quelques‑unes. Pour tout ce qu'il lui a été impossible d'atteindre, pour tout ce que nous considérons comme inachevé dans son œuvre, attendons, selon le Talmud, la venue du véritable Elie, מונח עד שיבא אליהו  !» Ces paroles ne pourraient‑elles en grande partie s'appliquer exactement aussi au Père Hyacinthe?[41]

Attendons, mais certes; puisque aussi bien la perfection est devant nous et non pas dans les brumes du passé, puisque le plan divin est à peine ébauché et que nous ne faisons qu'entrevoir encore l'aurore des temps messianiques. Mais que cette attente ne soit point passive et stérile. Recueillons pieusement les leçons qui se dégagent de ces pages dans lesquelles deux grands croyants réunis comme autrefois Melchisédek et Abraham, nous ont livré le fruit de leurs méditations religieuses. Ce n'est pas seulement leurs voix que nous y entendons encore; c'est l'Eglise des Gentils adorateurs du vrai Dieu, c'est toute l'antique Israël, avec sa qualité de prêtre de l'humanité, qui, fraternellement rapprochés, nous lèguent ensemble, au milieu de nos incertitudes, un encouragement dans le présent, un enseignement pour l'avenir.

AIMÉ PALLIERE (Loetmol)


References

  1. LATTES, Vita e opere di Elia Benamozegh, 1 vol. édit. Belforte, Livorno, 1901, pag. 20.
  2. Page VIII
  3. Imprimerie Ottolenghi, Livourne, 1839.
  4. Page X
  5. Page X
  6. Page XI
  7. La Kabbale comprend deux éléments: l'un purement spéculatif qui peut être considéré comme une théologie véritable destinée à nous instruire de ce qui nous devons croire de Dieu aussi bien que de la nature et de l'homme dans leur rapports avec Dieu; l'autre essentiellement pratique, qui n'est pas autre chose que l'application des principes de théologie spéculative. Celle‑ci nous enseigne en effet que de même que le grand homme, dans le domaine scientifique, artistique ou militaire gouverne la foule de ses semblables, ainsi dans le domaine religieux qui embrasse et dépasse l'ordre social comme l'ordre naturel, l'homme supérieur, le saint, le prophète, peut dominer la nature extérieure lui‑même plus ou moins complètement selon son degré d'élévation spirituelle et l'étendre du champs où s'exerce son action. On consultera utilement sur cette question dans la Nuova Antologia, année 1896, p. 763, une très remarquable étude signée Un Orientalista sur l'ouvrage d'Isaac Myer: The philosophical writings of Salomon Ben Jeudah Ibn Gebirol, Philapdelphia, 1888 (Note des éditeurs).
  8. Page XII
  9. Page XIII
  10. Lettere a S. D. Luzzatto - Livorno, 1890, p. 78.
  11. Voir Zori Gilead de notre auteur, apologie victorieuse de son Em lammicrà aux grands rabbins de Jérusalem qui a paru dans le journal Lebanon après les invitations réitérées de plusieurs missionnaires de Palestine – Voir aussi la préface en français de notre auteur au livre «  Zichron Jeruscialaim » du rabbin Elie Hazan - Livourne, 1874.
  12. Page XIV
  13. Page XV
  14. Page XVII
  15. Quand en 1902 et 1903 Fréderic Delitzsch, tint à Berlin à la Singakademie, en présence de l'empereur et de l'impératrice d'Allemagne, ses deux célèbres conférences sous le titre de Babel und Bibel, dans lesquels il pensait démontrer que la loi et la civilisation hébraïque n'étaient qu'une copie tardive de la civilisation et de la loi assyro‑babyloniennes, il se trouva assurément des critiques de valeur, allemands et étrangers, tels que J. Barth, Fr. Hommel, Alfred Jeremias, D. R. Kittel, M. Knieschke et beaucoup d'autres pour prouver la faiblesse des conclusions de Delitzsch. Il n'en est pas moins vrai qu'une foule de gens, croyants ou incrédules, savants ou ignorants, s'émurent comme s'il s'agissait d'une découverte capable de ruiner les bases de la religion ou de jeter du moins l'inquiétude dans les consciences. Mais au contraire ceux qui connaissaient et avaient déjà accepté les doctrines d'Elie Benamozegh, n'éprouvèrent aucune surprise, préparés qu'ils étaient précisément à certaines objections. Ils découvrirent même dans les conclusions de Delitzsch de nouveaux et puissants arguments pour confirmer leur foi dans l'esprit qui anime toute la tradition hébraïque. Voir, Dr S. Colombo –Nozze CavFranco – Tip. Belforte, Livorno, 1904.
  16. Page XVIII
  17. Page XVII
  18. Paradiso, X, 139
  19. Il est dans la tradition israélite de considérer la prière en commun comme plus agréable à Dieu. Aussi quelle émotion et quelle joie notre pieux maître ne devait‑il pas éprouver quand il sentait que sa pensée s'élevait ainsi vers Dieu en union avec toutes les âmes croyantes! Il n'ignorait pas non plus et il répétait souvent à ses disciples que les prières chrétiennes s'inspirent fréquemment des pensées et des sentiments de nos vieux Psaumes, bien mieux, qu'elles ne sont la plupart du temps qu'une traduction de ces psaumes eux‑mêmes. Il voyait ainsi s'accomplir la parole des prophètes annonçant la conversation des nations au vrai Dieu. Les anciens prophètes et les auteurs inspirés de la Bible devenus les maîtres religieux des peuples modernes, quelle consolation pour le grand et vénéré rabbin et quelle gloire pour Israël!
  20. Page XVIII
  21. Page XIX
  22. Voici la liste des ouvrages d'Elie Benamozegh, telle qu'il l'a donnée lui‑même dans sa Bibliothèque de l'Hébraïsme (Belforte, 1897) recueil périodique qui devait publier ses différentes œuvres inédites:
    Spinoza et la Kabbale – brochure détachée de l'Univers Israélite.
    La tradition Mosaïque – dans l'Univers Israélite.
    Morale juive et Morale chrétienne –édit. Kauffman, Paris 1867 – ouvrage couronné par l'Alliance Israélite.
    Le crime de la guerre dénoncé à l'humanité – ouvrage qui a obtenu médaille et mention honorable dans le concours de la ligue de la Paix, sur le rapport de Jules Simon, d'Ed. Laboulaye et de M. le sénateur Fréderic Passy.
    Introduction à Israël et l'Humanité.
    Storia degli Esseni, édit. Le Monnier, Firenze, 1865.
    Cinque conferenze sulla Pentecoste , Livorno, tip. Benamozegh, 1886.
    Teologia dogmatica, Dio – ed. Vigo, Livorno, 1877.
    Lettere a S.D. Luzzatto, Livorno, 1890.
    Dans la Rivista Bolognese années 1868‑70 de M. Panzacchi, divers articles:
    Fréderic II de Sicile et les études hébraïques.
    Plotin et Samuel (du Talmud).
    De la période mitoyenne entre la Bible et les Rabbins.
    Dans la Rivista Bolognese de M. de Gubernatis:
    La création selon l'Hébraïsme (théosophique).
    Le Fonti del diritto ebraico e il testamento Samama – 1 vol. Livourne, Zecchini, 1882
    Contro replica sull'argomento stesso Vigo, 1883.
    Critica criticabile – Apologia contro la Rev. Europ.
    La verita sulla querele Tubiana 1861.
    La verita sulle due tipografie Tubiana e Benamozegh.
    Le Pentateuque ou Em Lammicra – texte et notes en hébreu, 5 vol.
    Emat mafghia – Réponse à l'ouvrage antikabbalistique de Leon de Modene, en hébreu, 1855.
    Taam lechad – Réfutation des Dialogues sur la Kabbale du Prof. Luzzatto, en hébreu.
    Jaané beasch – sur la crémation, en hébreu, réimprimé par le fils de l'auteur, Livourne 1906.
    Introduction générale à tous les monuments de la Tradition, en hébreu, publié en partie dans le Lebanon
    Zori Ghilead – Apologie de l'Em Lammicra en réponse aux grands rabbins de Jérusalem.
    Ne sont pas compris dans cette liste divers écrits de moindre importance, parmi lesquels l'Eloge de Victor Emmanuel II, que M. Emm. Benamozegh compte réunir en un volume.
  23. Page XXII
  24. Page XXIII
  25. Page XXII
  26. Page XXIV
  27. Page XXIV
  28. Pour répondre aux exigences actuelles de la science qui n'affirme rien qu'elle ne puisse exactement prouver d'après les monuments littéraires, historiques et artistiques de l'époque ou du peuple qu'il s'agit d'étudier, notre grande préoccupation, avant de publier cet ouvrage, était d'y ajouter toutes les citations nécessaires, notamment celles des sources hébraïques où notre auteur a puisé la plupart de ses arguments les plus importants. Il avait songé lui‑même à compléter ainsi son œuvre, car il possédait si parfaitement les matières dont il parlait qu'il n'avait nul besoin d'avoir habituellement sous les yeux les textes originaux auxquels il s'en référait. Certain de ne rien citer du Talmud, de la Kabbale et des autres écrits rabbiniques qui ne fut rigoureusement exact, il n'a donc pas toujours indiqué dans son manuscrit la provenance de ses citations. Nous aurions désiré suppléer entièrement à cette lacune, mais la difficulté et la longueur des recherches dans un domaine si vaste, la nécessité pressante de ne pas retarder plus longtemps la publication de l'ouvrage annoncé et attendu depuis tant d'années, le désir de voir enfin se réaliser le vœu le plus cher de notre maître, tout cela nous a contraints à renoncer au travail de documentation que nous aurions voulu entreprendre. Mais de même que le grand docteur de la Mischna, R. Eliezer, n'affirmait rien qu'il n'eut entendu de la bouche de ses maîtres, de même le lecteur peut être assuré qu'Elie Benamozegh n'avançait rien non plus qu'il ne fut en état de prouver par les grands monuments de notre tradition religieuse et pas les diverses productions philosophiques et littéraires des peuples anciens et modernes. Pour les lecteurs qui ont un besoin inné de croire et de raisonner, d'être des hommes de lumière et de progrès, sans cesser pour cela d'être des juifs religieux "Israël et l'Humanité" constitue déjà un document de premier ordre. Cette œuvre établit clairement en effet ce que pensait, sur ces graves sujets, un de nos plus illustres savants, élevé aux pieds des maîtres de la précédente génération, qui, dans son amour pour la Thora, est parvenu à s'assimiler toute la philosophie des siècles passés et toute la culture moderne et qui, pour tout dire, sut garder la foi des anciens âges tout en raisonnant selon les nécessités de la science actuelle
  29. Page XXV
  30. Page XXVI
  31. Page XXVII
  32. Page XXVII
  33. Page XXVIII
  34. Ce sont là les propres paroles de Benamozegh comme préambule à la citation qu'il a faite de ce passage
  35. Page XXIX
  36. Elie Benamozegh et la solution de la crise chrétienne, par Loetmol – Univers Israélite, Août 1902.
  37. Page XXX
  38. M. Hyacinthe Loyson est mort le 9 février 1912 et sa dernière missive à ce sujet est du 25 Janvier.
  39. Page XXXI
  40. Jüdische Presse, août 1900. – Indépendamment de cet article et de celui de l'Univers Israélite cité plus haut, on peut encore consulter sur la vie et les œuvres d'Elie Benamozegh: Un article de Flaminio Servi – dans le « Vessillo Israelitico ».
    Angiolo de Gubernatis – dans le Dizionario biografico
    Francesco Pera – dans ses «Biografe Livornesi ».
    M. le Sénateur Guido Mazzoni dans la revue italienne «  L'Ottocento  ».
    « Il pensiero religioso di Elia Benamozegh » ‑ conférences de M. le rabbin Samuele
    Colombo de Livourne.
  41. Page XXXV