Ce devrait être la préoccupation constante de notre christianisme de se réformer sans cesse. Comme il y a chez lui, à côté de l'élément divin, un élément humain qui participe inévitablement à l'instabilité et aux imperfections des choses de ce monde et qui d'ailleurs est appelé à se modifier pour pouvoir s'adapter au développement intellectuel, il est tou­jours toujours nécessaire de travailler à concilier la science et la foi, comme il est indispensable aussi de lutter contre les abus éventuels par un rappel fréquent aux principes constitutifs.En fait, on sait qu'il n'en est pas habituellement ainsi, car la religion étant aussi la tradition des <ref>Page XXXVI</ref> ancêtres, l'instinct légitime de conservation ne dégénère que trop aisément en formalisme et en routine.

En fait, on sait qu'il Le besoin n'en est subsiste pas habituellement ainsimoins et l'histoire du christianisme avec ses sectes innombrables l'atteste éloquemment. Le protestantisme, car qui en a donné la religion étant aussi la tradition des ancêtresformule en quelque sorte définitive, l'instinct légitime de conservation ne dégé­nère se présente pas autrement que trop aisément en formalisme comme un retour au christianisme de St Paul, des apôtres et en routinede Jésus.

Le besoin nA une époque où les excès de l'absolutisme papal me sont clairement apparus, je me suis efforcé de faire quelque chose de semblable dans cette Eglise catholique que j'en subsiste pas moins ai toujours profondément aimée et lma tentative est peut être précisément intéressante par son insuccès lui‑même, car il montre qu'histoire du il y a dans le christianisme avec ses sectes innombrables ld'atteste éloquemmentautres points vitaux qui demandent à être corrigés également. Le Et cette nécessité est pareillement ressentie par le protestantisme, qui en a donné la forma le en quelque sorte définitive, ne se présente pas autrement que comme un retour au christianisme de St Paultous côtés, des apôtres et réclame à son tour une réforme de Jésusla Réforme.

A une époque où les excès Il est extrêmement intéressant de voir un rabbin, un représentant autorisé de lla Synagogue, exprimer son avis sur cette importante question. On peut certes adresser aux juifs le reproche d'absolutisme papal me avoir trop longtemps gardé le silence. Sans doute les conditions difficiles dans lesquelles ils se sont clairement apparustrouvés, je me suis efforcé pendant tant de faire quelque chose de semblable siècles, dans les milieux chrétiens, et où les maintenaient nos préjugés et nos haines injustes, les contraignaient à cette Eglise catholique que jattitude effacée. Mais aujourd'hui qu'ils jouissent d'ai toujours profondément aimée et ma tentative est peut‑être précisément intéressante par son insuccès lui‑mêmeune liberté entière, car il montre est nécessaire qu'il y a dans ils fassent entendre leur voix. Nécessaire,<ref>Page XXXVII</ref> dis‑je, car comment comprendrons nous le christianisme d'autres points vitaux qui de­mandent à être corrigés également. Et cette nécessité est pareillement ressentie par , si le protestantismejudaïsme, quila religion dont il est issu, de tous côtésest méconnu? On oublie trop que Jésus fut juif. Qu'on le veuille ou non, réclame on n'y changera rien. Les israélites sont nos pères dans la foi; c'est à son tour une réforme eux que nous sommes redevables du don inestimable de la Réformecroyance au Dieu unique. Ils nous doivent aujourd'hui la raison de leur protestation séculaire contre notre interprétation du rôle et des enseignements de Jésus.

Il est extrêmement intéressant de voir un rabbin, un représentant autorisé de la Synagogue, exprimer son avis sur cette importante question. On peut certes adresser aux juifs le reproche d'avoir trop longtemps gardé le silence. Sans doute les conditions difficiles dans lesquelles ils se sont trouvés, pendant tant de siècles, dans les milieux chrétiens, et où les maintenaient nos préjugés et nos haines injustes, les contraignaient à cette attitude effacée. Mais aujour­d'hui qu'ils jouissent d'une liberté entière, il est né­cessaire qu'ils fassent entendre leur voix. Nécessaire, dis‑je, car comment comprendrons‑nous le cliristia, nisme, si le judaïsme, la religion dont il est issu, est méconnu? On oublie trop que Jésus fut juif. Qu'on le veuille ou non, on n'y changera rien. Les israélites sont nos pères dans la foi; c'est à eux que nous sommes redevables du don inestimable de la cro yance au Dieu unique. Ils Aussi nous doivent aujourd'hui la raison de leur protestation séculaire contre notre interprétation du rôle et des enseignements de Jésus. Aussi réjouissons nous réjouissons‑nous de voir un savant de son peuple nous donner son avis sur notre crise reli gieuse religieuse et en chercher la solution.

Je n'ai pas eu la satisfaction de connaître person­nellement personnellement le rabbin Elie Benamozegh et je le regrette d'autant plus que j'ai su qu'il s'était intéressé à mes expériences religieuses. En outre, ce que j'ai lu des écrits de ce grand penseur, et en particulier de cet important ouvrage « Israël et l'Humanité », m'a vive­ment vivement frappé.

On ne saurait s'attendre assurément à ce qu'uw un rabbin parlant du christianisme se place au même point de vue qu'un théologien chrétien. Cependant la doctrine d'Elie Benamozogh est au fond beaucoup moins destructive du christianisme qu'on ne serait tenté de le croire au premier abord.

Les théologiens chrétiens ne voyaient autrefois dans l'Ancien Testament qu'une préfiguration du Nouveau. C'est Jésus que les prophètes ont annoncé. Le Christ venu, la mission du judaïsme est terminée; une nouvelle alliance se substitue à l'ancienne. Jésus <ref>Page XXXVIII</ref> fonde l'Eglise avec sa hiérarchie et ses sacrements; un jour viendra où le chef de cette Eglise se don­nera donnera comme l'interprète infaillible de la doctrine révélée. On ne sait que trop que l'exégèse indépen­dante indépendante et en particulier la critique des Evangiles ont ruiné de fond en comble ces données traditionnelles. Mais alors, avec elles, c'est le christianisme tout entier qui s'écroule comme une construction arbi­trairearbitraire, factice, inconsistante.

Elie Bonamozegh Benamozegh prétend en sauver la meilleure part. Il transporte les racines, les fondements du christianisme dans la plus haute tradition hébrWfquehébraïque. La Révélation de Dieu est unique, sa Loi également; mais cette Révélation et cette Loi ont une double face: l'une qui ne regarde qu'Israël, la race sacer­dotalesacerdotale, et l'autre destinée à l'humanité tout entière. Cette dernière n'est autre que lé le messianisme, autre­ment autrement dit la religion universelle.

Or le christianisme, dans la conception hébralfque hébraïque telle que nous l'expose l'auteur d«d'e Israël et l'Huma­nité Humanité », apparaît, de même que l'islamisme, cette autre grande et puissante religion apparaîtra plus tard, comme un essai de réalisation du messianisme israii­liteisraélite. Dans la mesure où il est fidèle à l'idéal pro­phétiqueprophétique, il doit subsister; dans la mesure où il s'en écarte, il est appelé à se réformer.

Comment le christianisme ainsi conçu peut se rattacher encore à la personnalité de Jésus, c'est une question que la piéM piété individuelle peut trancher pour son propre compte, mais dont la solution n'intéresseplus intéresse<ref>Page XXXIX</ref> plus directement le messianisme dans son évolution historique. Quelque radicale que soit alors la critique scientifique dans son étude des origines chrétiennes, du earactère caractère et du rôle de Jésus, le christianisme demeure, non plus il est vrai comme une religion achevée, parfaite, définitive, parce que divinement révélée dans toutes ses parties, mais comme un coin­mencement commencement de réalisation d'un plan ‑bien bien antérieur à la venue de Jésus.

En envisageant les choses sous ce jour‑làjour là, on voit que la porte reste ouverte à toutes les réformes, àtoutes,à toutes les améliorations nécessaires, car puisqu'il Ss'agit d'un essai, on comprend qu'il peut avoir été sur tel ou tel point malheureux et rien ne s'oppose à ce qu'on révise, pour employer l'expression de Benamozegh, la copie sur l'original.

Au contraire, tout ce qu'il y a de meilleur dans la piété chrétienne, la foi en la paternité de Dieu, à la régénération humaine, au triomphe de la paix, de la justice, de la fraternité universelle, tous ces trésors qui ne nous viennent certainement pas du paganisme grec ou romain, mais bien de la tradition, du patrimoine hébrWiquehébraïque, subsistent et peuvent en­core encore légitimement s'appeler la religion de Jésus, car nous ne voyons pas qu'il en eût. ni qu'il en pût avoir une autre. Dans la réalité historique, nous savons qu'il n'a institw~ institué aucun rite, aucun sacrement, aucune Eglise. Né juif, il voulut vivre et mourir juif, et depuis les langes sanglants de sa circoncision <ref>Page XL</ref> jusqu'au suaire embaumé de sa sépulture, accomplir les seuls rites de sa nation (1)<ref> Tout ce passage a été, peu de jours après la rédaction de ces lignes, répété textuellement par M. Hyacinthe Loyson dans la conférence qu'il donne le 3 décembre 1911 à l'Union des Libres penseurs et des Libres croyants pour la culture morale et qui fut le dernier discours public de l'inoubliable orateur</ref>.

Elie BenainozeghBenamozegh, par le présent ouvrage, a fait justice d'une erreur communément répandue chez nous autres, chrétiens: celle qui consiste à ne voir dans le j udaïsme judaïsme qu'un monothéisme national, qu'une religion ethnique. Il nous montre dans l'antique tra­dition tradition d'Israël les aspirations les plus nettement uni­versalistesuniversalistes, sans aucune arrière‑pensée arrière pensée d'assujetisse­ment assujettissement des Gentils au mosaïsme. Il apporte ainsi une contribution précieuse à l'étude du problème reli­gieuxreligieux.

Hyacinthe Loyson. <br> (t) Tout ce passage a été, peu de jours après la rêdaction de ces lignes, répété textuellement par M. Hyacinthe I»yw, dans la confê­rence qu'il donne le 8 dêcembre 1911 à l'Union des Libres penseurs et des Libres croyants pour la culture morale et qui fot le dernier discours publie de l'inoubliable orateur.<ref>Page XLI</ref>