Israël et L'Humanité - Unité de loi dans l'univers et dans l'humanité

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III.

La loi de l'organisation humaine.

§ 1.

UNITÉ DE LOI DANS L'UNIVERS ET DANS L'HUMANITÉ.

Nous devons étudier maintenant la loi de l'organisation humaine d'après l'hébraïsme. Nous savons déjà qu'au point de vue juif l'homme est pour le globe terrestre ce que l'âme est par rapport au corps; son apparition sur la terre, de quelque façon que la science l'envisage, constitue la plus haute manifestation de la force que Kiefer a appelée tellurique, ou, si l'on préfère, marque le moment de l'évolution cosmique dans lequel cette force, qui jusqu'alors s'est inconsciemment développée, prend finalement conscience d'elle-même. Nous avons dit aussi qu'une même loi régit par conséquent l'humanité et l'ensemble de l'univers et que l'homme, l'Adam primitif, acquiert la conscience de sa propre loi par le fait même qu'il a conscience de son existence individuelle. Avant d'examiner à ce sujet les documents hébraïques, il convient de prévenir une objection. Cette identité de loi pour le monde en général et pour l'homme n'est-elle pas un obstacle à la perfectibilité que l'on disait caractériser l'humanité et ne peut-on pas soutenir d'autre part avec Geoffroy Saint-Hilaire que l'état du genre humain n'est point en harmonie avec le reste du système de la nature?

A cette objection Edgard Quinet a fort justement répondu que l'homme, comme couronnement et résumé de la nature dont il est [1]le microcosme, doit réaliser en lui-même toute l'évolution dont la nature est susceptible et qui ne se rencontre dans aucune autre espèce. S'il en est ainsi, il s'ensuit que l'histoire humaine est également soumise aux mêmes lois qui président aux évolutions cosmiques et qui constituent, vis-à-vis de chaque période organique particulière, la plume créative, autrement dit le Surnaturel. Il en résulte que le caractère général de l'espèce, la mutabilité, comme celui de l'individu, la liberté, dont le premier n'est que la manifestation extérieure, placent la créature humaine dans certaines conditions qui sont en dehors et au dessus des règles constantes et fatales de chaque période organique. Mais l'identité de loi n'en reste pas moins démontrée. L'homme et la nature sont également progressifs, seulement ce caractère de perfectibilité, qui, dans l'homme, est permanent, répond non pas à la phase d'évolution de la nature dans laquelle il vit, mais à la succession de toutes ses phases; il est en apparente contradiction avec la nature actuelle soumise à des lois invariables, mais en réalité il est en harmonie avec la Nature en général, considérée comme une succession de mondes toujours plus parfaits. La nature humaine possède donc dès maintenant ce que la Nature acquiert dans la suite de ses évolutions, en d'autres termes, elle répond non seulement à la présente phase d' existence, mais encore à celles qui doivent lui succéder et c'est ce que les Rabbins ont affirmé à leur manière en disant que l'homme a une part dans le monde à venir.

Si la perfectibilité dans la loi humaine n'empêche nullement l'identité fondamentale de celle-ci avec la loi universelle, cette identité à son tour ne contredit point la supériorité de l'homme sur la nature et le rôle que le judaïsme théosophique, d'accord en cela avec les philosophes mystiques, assigne à l'homme dans la rédemption de la Nature elle-même. Quand on parle d'identité de loi, il ne faut pas oublier en effet que cette loi unique prend des formes différentes selon les sujets auxquels elle s'applique et non seulement ces variétés ne détruisent point l'identité suprême, mais elles en sont la conséquence rigoureuse et une condition essentielle. En effet, la loi ne demeurerait point identique si, agissant dans des circonstances et sur des sujets divers, elle ne revêtait les formes nécessaires pour faire servir les unes à ses fins et soumettre les autres à ses obligations. Ainsi en est-il également dans la question de la Révélation, pourvu toutefois que dans ce qui modifie les applications on ne comprenne point le produit de [2]l'activité humaine ou des conventions sociales, mais seulement l'œuvre de la Nature, c'est-à-dire que la loi humaine doit être à l'unisson de celle de l'univers, puisqu'elles ne font qu'une Seule et même loi.

On ne saurait imaginer assurément une différence plus sensible que celle qui existe entre un être aveugle et gouverné par la fatalité et un autre sujet raisonnable et libre et il n'est pas surprenant que la loi de celui-ci confère une supériorité sur le premier. Or c'est dans l'homme que l'idéal selon lequel le monde a été créé, devient conscient, prend possession de lui-même , se connaît, se mesure et se réfléchit, non point sans doute de la manière dont il se connaît dans l'absolu, mais autant du moins qu'on est capable un être relatif; et comme l'Idéal est toujours supérieur au Réel, comme la Nature ne répond pas parfaitement à son modèle, il en résulte que prendre connaissance de son idéal, c'est connaître à la fois ce qui est et ce qui peut et doit être, c'est acquérir par la capacité de pousser la nature à la réalisation de plus en plus parfaite de son propre idéal. Voilà comment l'être intelligent et libre, l'homme, tout en obéissant à la même loi qui régit la nature, ne laisse pas d'être supérieur à celle-ci, puisqu'il a le pouvoir de travailler à son perfectionnement en même temps qu'il se perfectionne lui même; en un mot c'est en lui et par lui que la loi reçoit sa plus haute et sa plus complète application.


References

  1. Page 411
  2. Page 412