Israël et L'Humanité - Vanité des dieux du paganisme d'après les conception bibliques

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V.

Vanité des dieux du paganisme d'après les conceptions bibliques.

Nous aurions pu réfuter les objections qui sont faites au monothéisme mosaïque en prouvant simplement, ce qui nous eût été facile, que d'une manière générale les dieux du paganisme ne sont, aux yeux des écrivains sacrés, qu'un pur néant. Mais tant d'autres [1] textes semblent établir le contraire que nous avons cru suivre un procédé plus scientifique et obtenir une démonstration plus complète en étudiant avec soin les passages allégués en faveur de prétendu polythéisme israélite. L'examen que nous avons fait de ces dossiers nous permet du moins, nous semble-t-il, de conclure qu'au point de vue de la religion d'Israël les divinités païennes étaient conçues tout autrement que par les Gentils eux-mêmes. C'est ce que nous nous sommes efforcés jusqu'à présent de mettre en lumière et en étudiant maintenant brièvement les textes qui prouvent l'inanité des dieux du paganisme, nous achèverons de donner à cet égard la véritable physionomie du judaïsme antique, en même temps que nous repousserons définitivement l'accusation de polythéisme.

Peut-être entrevoit-on déjà, ce que nous espérons démontrer clairement plus tard, que tous ces passages en apparence contradictoires se concilient parfaitement dans une doctrine supérieure, d'après laquelle la Bible affirme la réalité des dieux et le rôle qu'ils jouent dans l'ordre universel, lorsqu'elle s'exprime librement au point de vue strictement israélite en dehors de toute controverse avec les païens, tandis qu'elle nie énergiquement leur existence quand il s'agit de combattre les prétentions des polythéistes d'égaler leurs divinités particulières au Dieu unique, dont celles-ci n'étaient que des attributs ou des aspects détachés.

Rappelons en premier lieu les textes innombrables où la divinité est revendiquée pour Avaya seul. Les noms mêmes que portent en hébreu les dieux des Gentils prouvent que pour les Juifs les dieux, tels que se les imaginent les païens, ne sont rien. Le mot elil, idole, que nous trouvons dans le Pentateuque, dans les prophètes et dans les psaumes, est à notre avis composé de al, négation et el, dieu, al-el, non-dieu. L'euphonie avec El-ohieme doit avoir contribué au choix de ce nom, car l'on sait la prédilection de la Bible pour ces sortes d'assonances quand il s'agit d'exprimer des idées opposées, probablement pour mettre l'antithèse plus en relief par le contraste de la ressemblance du son. Un texte du Deutéronome confirme notre interprétation étymologique: « Ils ont excité ma jalousie par ce qui n'est point Dieu; ils m'ont irrité par leurs vaines idoles; et moi, j'exciterai leur jalousie, par ce qui n'est point un peuple, je les irriterai par une nation insensée ». [2] [3]De même dans Osée, la fille de Gomer porte le nom symbolique de Lo-Ruschama (non prise en piété) et son fils celui de Lo-Ammi (non mon peuple). Un verset de Jérémie traduit en termes aussi clairs que possible ce nom d'elil, non-dieu :« Y a-til une nation qui change ses dieux, quoiqu'ils ne soient pas des Dieux et mon peuple a changé sa gloire contre ce qui n'est d'aucun secours ».[4]Les faux dieux ont un autre nom qu'il nous faut mentionner, bien qu'il ne figure que rarement dans la Bible; n'est celui de mèthim, morts. Au psaume CVI e nous lisons: « Ils s'attachèrent à Baal-Peor et mangèrent des victimes sacrifiées aux morts (mèthim) »[5]; et dans Isaïe: « Un peuple ne consultera-t-il pas son Dieu ? S'adressera-t-il aux morts en faveur des vivants?» [6] Ce nom de morts parait donné ici aux faux dieux par opposition au nom de Dieu vivant, El-Haï que porte souvent le vrai Dieu dans la Bible; peut-être aussi faut-il y voir une allusion aux fables païennes qui parlaient de naissance et de mort des dieux. Quelle que soit l'hypothèse que l'on adopte, l'intention de leur dénier non seulement la divinité, mais l'existence même, est manifeste.

Deux autres appellations moins négatives à proprement parler, mais plus concluantes en faveur de notre thèse, sont celles de schèdim et seïrim . Nous trouvons la première d'abord dans le Pentateuque, puis dans les Psaumes: « Ils ont sacrifié aux idoles (schèdim ) qui ne sont pas Dieu (El-oha, au singulier), à des El-ohiemequ'ils ne connaissaient point »[7] « Ils sacrifièrent leurs fils et leurs filles aux idoles (schèdim ), ils répandirent le sang innocent, le sang de leurs fils et de leurs filles qu'ils immolèrent aux idoles de Canaan » [8] L'étymologie de ce mot schèdim nous révèle l'idée de force et, dans son application aux dieux du paganisme, de puissance malfaisante [9], car c'était sous ce caractère-là que l'on envisageait à l'ordinaire les dieux des peuples vaincus, des ennemis ou simplement des étrangers.

La seconde épithète se trouve dans le Lévitique: « Ils n'offriront plus leurs sacrifices aux seïrim , avec lesquels ils se [10] prostituent » [11]. La suite du passage du Deutéronome plus haut cité renferme une allusion évidente au culte des seïrim: « Ils ont sacrifié aux schèdim qui ne sont pas Dieu, à des El-ohieme qu'ils ne connaissaient point, nouveaux, venus depuis peu et que vos pères n'avaient pas craints », et, pour traduire littéralement - car le mot employé ici est celui dont dérive le nom des seïrim- « que vos pères n'avaient point séiré » [12]. D'après la racine du mot, c'est, comme pour les schèdim , de la force désordonnée qu'il s'agit ici [13].

La Bible ne se borne pas à proclamer l'inanité des dieux du paganisme par les termes qu'elle emploie, pour les désigner; elle nie encore leur divinité de la façon la plus formelle. Nous laisserons de côté les innombrables passages qui jettent sur les idoles l'opprobre et le ridicule, car on pourrait nous objecter que les écrivains sacrés ont seulement en vue les statues ou les images et non point les dieux eux-mêmes dont elles étaient la représentation. Voici quelques exemples qui paraîtront plus probants. « Samuel dit au peuple: N'ayez point de crainte ! Vous avez fait tout ce mal, mais ne vous détournez pas de l'Eternel, et servez l'Eternel de tout votre cœur. Ne vous en détournez pas , sinon vous iriez après des choses du néant [14]qui n'apportent ni profit ni délivrance, parce que ce sont des choses de néant » [15]. Et Ezéchias, dans sa prière: « Il est vrai, ô Eternel! que les rois d'Assyrie ont détruit les nations et ravagé leur pays, et qu'ils ont jeté leurs dieux dans le feu; mais ce n'étaient point des dieux, c'étaient des ouvrages de mains d'homme, du bois et de la pierre, et ils les ont anéantis » [16]. Dans ce passage, bien qu'il soit question des images, il n'est pas douteux que les divinités elles-mêmes ne soient considérées comme inexistantes. Ecoutons encore les paroles de David: « L'Eternel est grand et très digne de louange, il est redoutable par dessus tous les dieux; car tous les dieux des gentils sont de vaines idoles (élilim ), mais l'Eternel a créé les cieux » .[17]Aux yeux de l'écrivain sacré, celui qui a créé les cieux n'est pas seulement Dieu, il est le seul Dieu possible, puisqu'il a appelé à l'existence la totalité [18] des êtres et qu'ainsi il n'en est aucun qui ne lui doive la vie. Enfin, lorsque Elie reproche au peuple de clocher des deux côtés, il s'écrie: « Si c'est Avaya qui est Dieu, allez après lui! si c'est Baal, allez après lui! ». Et l'épreuve terminée, toute la foule confesse d'une seule voix; « C'est Avaya qui est Dieu! c'est Avaya qui est Dieu! » [19]. Pour les Juifs, comme pour Elie qui leur adresse la parole, il ne peut être question de plusieurs dieux, même inégaux en puissance; il n'y a qu'un seul Dieu, et c'est celui qu'adore Israël. [20]


References

  1. Page 217
  2. Deutéronome XXXII, 21.
  3. Page 218
  4. Jérémie, II, 11.
  5. Psaume CVI, 28
  6. Isaïe, VIII, 19.
  7. Deutéronome, XXXII, 17.
  8. Psaume CVI, 37 .
  9. La racine שדד ou שוד a le sens de valius fuit, vim intulit, violenter agit. Les LXX traduisent le mot Schèdim par word in greek
  10. Page 219
  11. Lévitique, XVII, 7.
  12. לא שערום אבותיכם Deutéronome, XXXII, 17.
  13. La racine שער exprime l'idée de bouleversement, tempête.
  14. Tohu תהו c'est le mot du début de la Genèse: La terre était tohu-bohu.
  15. I Samuel, XII, 20.
  16. II Rois, XIX, 18.
  17. I Chroniques, XVI, 26
  18. Page 220
  19. I Rois, XVIII, 39
  20. Page 221