Israël et L'Humanité - Autres traces du monothéisme dans l'antiquité païenne

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VII.

Autres traces de monothéisme dans l'antiquité païenne.

Comme preuve de l'existence du monothéisme dans le paganisme antique, on peut citer l'absence pour certaines divinités, comme par exemple pour les plus anciens dieux des Védas, de caractère bien défini, d'individualité distincte. Les différences restent vagues et les rôles sont fréquemment intervertis. Le même fait se produisit après l'apparition du christianisme, alors qu'on invoquait indifféremment un dieu quelconque pour n'importe quel besoin par particulier, en sorte que la plénitude de pouvoir était successivement attribuée à tous.

L'usage qui prévalut partout aussi de réunir tous les dieux dans une demeure commune ou panthéon est également significatif et implique une certaine idée d'unité.

Enfin nous pouvons mettre au nombre de ces manifestations indirectes de l'unité religieuse la tendance qui s'observe un peu partout de rapprocher, confondre et identifier les dieux particuliers d'un peuple et ceux des autres nations. Cette tendance à l'unité, qu'elle soit le fruit du développement intellectuel, comme le veulent [1] les rationalistes, ou d'un monothéisme primitif dont les traces ne purent jamais s'effacer, comme l'affirme le judaïsme, semble avoir parcouru deux phases chez les païens, la phase nationale et la phase humanitaire. Comme étape de la première, nous pouvons citer l'amphictyonat hellénique. « Le serment par lequel les amphictyons s'engageaient à ne renverser aucune des villes honorées du droit d'amphictyonat, dit M. Maury, habituait naturellement les populations à avoir pour les dieux amphictyoniques une crainte et un respect extrêmes. Ces divinités devenaient en réalité les grandes divinités nationales; elles étaient jusqu'à un certain point regardées comme supérieures en puissance à celles qui étaient particulières à chaque Etat et à chaque peuple, puisqu'elles régissaient tous les Etats en commun, tandis que les autres prenaient un soin particulier des nations placées sous leur tutelle spéciale » [2]

Quant à la phase humanitaire, elle commença le jour ou la notion d'humanité vint se superposer à celle de nationalité, c'est-à-dire aux premiers jours de l'empire romain qui, rapprochant sous un même gouvernement les pays les plus lointains, habitua les esprits païens à considérer le monde comme la demeure d'une humanité unique, ainsi que l'avait fait depuis un temps immémorial le judaïsme. Pour présider à cette humanité une sur la terre, on n'eut pas de peine à imaginer alors un dieu unique dans le ciel. Voilà ce qu'il y a de vrai dans la conception chrétienne d'après laquelle l'unité de l'empire romain était un moyen providentiel destiné à préparer le monde à l'unité messianique. Pour le reste, l'histoire est là pour prouver qu'on ne peut voir à cette époque que l'éclosion du sentiment de grande solidarité humaine et non pas la plénitude des temps annoncée par les prophètes. Toujours est-il que la relation toute naturelle entre l'idée d'unité humaine et celle d'unité divine et pour ainsi dire la traduction en langage scientifique de cet article de foi israélite qui prédit pour les temps messianiques la confession de l'unité de Dieu par tous les hommes unis dans la justice et l'amour.

Il faut se garder de confondre avec les traces d'un monothéisme primitif un phénomène qui, à première vue, semble de même nature, mais qui suppose en réalité des idées bien différentes. Nous voulons parler de la prédominance de tel ou tel dieu sur les autres, par suite de la victoire du peuple qui l'adore sur les autres nations [3] On lit dans une inscription assyrienne: « C'est parce que les peuples ont refusé au dieu Assur, mon seigneur, les tributs et les redevances qui lui sont dus que le souverain de Ninive a mené contre eux ses armées. C'est parce qu'ils sont impies en même temps que rebelles qu'il se montre sans pitié ». Peut-être faut-il voir dans cette inscription et quelques autres le souvenir des guerres de propagande entreprises pour assujettir les peuples au culte des dieux de Ninive. En tout cas il y a loin de cette subordination d'un dieu à un autre, par droit de conquête et après des luttes sanglantes, à la domination toute naturelle qu'exerce le Dieu d'Israël dans la pensée de ses adorateurs. Les dieux du paganisme, combattent entre eux d'égal à égal, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus; le Dieu d'Israël les châtie. Tel est le sens du verset de l'Exode: « J'exercerai des jugements contre tous les dieux de l'Egypte » [4].

Il y a lieu de se demander si l'antiquité païenne avait conscience de l'identité primitive et fondamentale des diverses religions. Rien n'autorise à croire qu'elle soit arrivée à cette conclusion, mais on pourrait trouver çà et là le pressentiment de cette identité qui se manifestait en certaines circonstances, lorsque les peuples gentils entrant en contact les uns avec les autres venaient à prendre connaissance de leurs cultes respectifs. Ainsi en était-il par exemple des Etrusques qui avaient, paraît-il, l'habitude de comparer avec leurs anciens dieux nationaux les dieux étrangers dont ils admettaient chez eux le culte et, quand l'identité leur semblait évidente, de leur imposer les noms des anciennes divinités. Quant aux Grecs, nous savons qu'au temps d'Hérodote ils étaient répandus en Egypte et qu'ils comparaient les divinités et les pratiques religieuses de ce pays avec celles de l'hellénisme. Les voyageurs et, les conquérants Grecs et Romains découvraient leurs propres dieux partout. Ils retrouvaient tour à tour Vénus, Mars, Neptune, Mercure. Tacite prenait la déesse Hertha adorée chez les anciens Saxons pour la Mater Tellus de Rome et sa conjecture était fondée.

Non seulement les anciens identifiaient facilement tours propres dieux avec ceux des autres nations, mais il n'était pas rare qu'un peuple adoptât les divinités de ses voisins, soit qu'il leur trouvât quelque point de ressemblance avec les siennes, soit qu'il y eût dans son olympe quelque vide à combler, soit enfin que les dieux [5]de l'humanité fussent conçus comme organisés hiérarchiquement et ethnographiquement, mais destinés à être peu à peu adorés partout. C'est ce qui arriva pour l'empire romain qui comprenait tant de nationalités et de races diverses. Dès que l'unité de l'empire commença à s'établir, nous voyons se produire un phénomène entièrement différent de celui que l'on observe à l'origine. Tandis qu'aux premiers temps de l'histoire de Rome, l'individualisme national se montrait réfractaire à toute influence du dehors, le résultat des conquêtes romaines fut au contraire d'introduire dans la république le sentiment de l'universalité et l'on accueillit volontiers les divinités étrangères, à tel point que l'empereur Héliogabale voulut donner une place dans le Panthéon aux statues d'Abraham et de Jésus.

L'identification des diverses divinités était-elle une illusion des anciens ou repose-t-elle sur un fondement scientifique? Tout porte à croire que sous leurs noms variés les dieux de l'antiquité païenne peuvent se ramener à certains types généraux et un critique moderne a prétendu retrouver dans toutes les déesses la figure d'Isis dont l'histoire, les inclinations et les emplois ont été diversifiés avec les changements de pays, d'habit et de nom. Ces équivalences que nous parvenons à établir non sans peine à force de recherches et de comparaisons supposent à l'origine soit une unité historique, Dieu s'étant fait connaître aux divers peuples sous des noms variés, soit une unité idéologique de types qui se répéteraient partout où il y a une humanité pensante.

La notion de l'unité religieuse chez les païens était en tout cas obscure et circonscrite à une certaine élite; de plus elle ne se révélait que par intervalles. L'idée qu'ils avaient d'un Dieu universel était la plupart du temps implicite et quand ils s'élevaient à la conception d'une Divinité suprême, ils l'entrevoyaient presque toujours comme purement passive: c'était comme un Dieu immobilisé dans l'attente d'une humanité qui n'existait pas encore. Chez les juifs au contraire cette croyance était claire, ininterrompue et répandue dans tout le peuple. Non seulement ils avaient fait de l'existence d'une doctrine anciennement commune à tout le genre humain un article de leur foi, mais ils affirmaient être les seuls et légitimes dépositaires de cette tradition religieuse et la tenir en réserve pour les siècles à venir.[6]

References

  1. Page 129
  2. Religions de la Grèce. Vol. II, p. 13.
  3. Page 130
  4. Exode , XII, 12
  5. Page 131
  6. Page 132