Israël et L'Humanité - Conclusion

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CONCLUSION [1]

CONCLUSION

Aucune religion n'a été plus méconnue, plus calomniée que le judaïsme et l'accusation de n'être qu'un culte entaché du plus étroit particularisme national est celle que lui ont adressée le plus souvent ses ennemis et ses détracteurs. La révélation mosaïque, nous répétait-on est indigne d'un Dieu souverainement bon. Le privilège religieux exclusif concédé à un seul peuple au préjudice de toutes les autres races de la terre constitue la plus flagrante des injustices; il est inadmissible en effet qu'un Créateur sage et impartial agisse comme un père capricieux et inhumain et que, pour enrichir son fils de prédilection, il dépouille les autres enfants. De telles idées sont incompatibles avec la perfection absolue qui règne dans les cieux et par conséquent le mosaïsme porte en lui la marque infaillible de l'erreur.

Certes, la conclusion serait exacte, si le reproche se trouvait le moins du monde fondé. La conception d'un Dieu créateur de tous les peuples qui, après avoir donné à tous les hommes indistinctement la même intelligence, le même cœur, les mêmes besoins, s'attacherait ensuite exclusivement à une nation, sans prendre le moindre souci d'instruire, de guider et d'élever les autres, une semblable croyance, dis-je, est bien faite pour révolter un sentiment de justice et ce serait blasphémer assurément que d'attribuer une pareille pensée à la Sagesse éternelle. Aussi, loin de condamner ceux qui se font de cette objection une arme contre le judaïsme, nous n'hésitons pas à déclarer qu'en repoussant de toute l'énergie de leur âme une religion ainsi comprise, ils rendent au vrai Dieu le plus bel hommage qu'il soit possible d'imaginer.

Mais nous ne croyons pas nous abuser en disant que le présent ouvrage, après toutes les preuves que nous avons accumulées, ne [2]laisse rien subsister de cette accusation imméritée. Dans les deux premières parties nous avons établi que les croyances de l'hébraïsme sur le Dieu d'Israël et les divinités du paganisme, puis sur l'homme et l'organisation de la société humaine, offrent tous les éléments essentiels d'une religion aux tendances nettement universelles. L'idée que le judaïsme s'est faite de la Loi et de la Révélation divine tant chez les Gentils que chez les Hébreux, telle que nous l'avons exposée dans notre troisième partie, a pleinement confirmé notre démonstration.

Ces doctrines ont nécessairement dû influer puissamment sur la conscience que les Israélites ont prise du caractère particulier et des destinées de leur religion. Il convient de rappeler qu'au point de vue spéculatif aussi bien que pratique, il n'existait dans le monde ancien aucun peuple qui ne professât des principes diamétralement opposés aux leurs, aucune race qui ne cherchât à s'isoler dans son égoïsme national, et par conséquent ce reproche qu'on adressait dès ce temps-là aux Juifs de se séparer des autres nations pouvait être, avec beaucoup plus de raison, retourné contre les accusateurs eux-mêmes. En réalité, le judaïsme fut le seul à avoir, dans toutes les directions de la pensée comme dans toutes les manifestations de la vie religieuse, l'intuition de l'universalisme et à se mettre ainsi en communion avec le genre humain tout entier. Qu'importe s'il fuyait le contact des autres peuples, alors souvent si dégradés? Il ne s'éloignait d'eux que pour mieux se rapprocher de l'humanité elle-même, telle que ses conceptions sublimes la lui faisaient entrevoir dans l'avenir.

Sans doute, toute la multitude en Israël ne parvenait pas à s'élever également à la compréhension de ces vérités qui, de nos jours encore, demeurent inaccessibles à un si grand nombre d'esprits. Il y a dans la connaissance de toute religion une gradation naturelle correspondant au développement intellectuel et spirituel des fidèles et cela devait être particulièrement vrai pour le judaïsme dont la doctrine dépassait infiniment le niveau des intelligences. Il est certain que des hommes tels que Samuel, David ou Isaïe ont dû se faire de la mission d'Israël une bien plus haute idée que le vulgaire. Mais c'est évidemment par les notions auxquelles s'élèvent les esprits d'élite que l'on doit juger la valeur d'une religion. Il suffit pour l'éternel honneur du judaïsme que cet idéal incomparablement supérieur à tout ce qui l'entourait ait été constamment entretenu dans son sein et que la voix de ses Prophètes [3]et de ses Docteurs n'ait cessé de le proclamer, malgré toutes les circonstances contraires.

Ainsi donc, tandis que tous les peuples de l'antiquité s'accordent pour ne reconnaître que des divinités locales dont l'empire ne s'étendait pas au delà de leurs frontières, tandis que tous fractionnaient à l'infini la conception de Dieu, le judaïsme seul a cru à l'unité en haut comme en bas et avec cette seule magique parole, il a fait descendre du ciel sur la terre les plus précieuses vérités. Si Dieu est un, s'il est le souverain Maître de l'univers comme l'a confessé Abraham, s'il n'est pas un lieu de ténèbres ou de lumière, de souffrance ou de joie, où Il ne soit présent, comme l'a chanté David, si à Lui seul appartiennent la louange et l'adoration comme l'ont répété à l'envi Moïse et les Prophètes, comment sa Providence ne serait-elle pas universelle? Cette ferme croyance du Juif que son Dieu était le Seul Dieu véritable ne lui permettait pas d'admettre que les autres peuples fussent étrangers à sa paternelle sollicitude.

Mais pour le judaïsme, l'unité n'est point seulement en Dieu, elle est encore dans le monde et dans tout le genre humain. L'image de la Divinité sur la terre, le coopérateur de l'Esprit créateur, ne n'est pas le Sémite, ce n'est pas l'Israélite, c'est l'homme. Aussi, longtemps avant la vocation d'Abraham, aux origines mêmes du monde, la Bible nous montre Dieu s'intéressant aux destinées de la race humaine créée par Lui et quand arrive Noé, l'homme juste, comme l'appelle l'Ecriture, il est honoré de révélations spéciales, de nouvelles lois lui sont données et Dieu conclut avec lui et toute sa descendance une alliance solennelle [4].Dans l'histoire même d'Abraham, un personnage remarquable, presque énigmatique, fait une brève apparition mais quelle lumière elle projette! Des sombres profondeurs du monde païen, du sein de la corruption et de l'erreur qui déjà prédominaient partout, voici avec Melchisédek, la trace indiscutable dans la Gentilité d'une institution antique et vénérable, d'un culte, d'un sacerdoce monothéiste, supérieur même à celui du patriarche hébreu, puisque Abraham reçoit la bénédiction de ce pontife d'El Elion, maître du ciel et de la terre, c'est-à-dire du Dieu le plus universel qui se puisse concevoir. [5]. Non seulement les Livres sacrés ont conservé le souvenir de cette mémorable[6]


References

  1. Page 713
  2. Page 715
  3. Page 716
  4. Genèse, IX, 8-17
  5. Genèse, XIV, 18-20.
  6. Page 717