Israël et L'Humanité - Dieu créateur du monde et de l'humanité

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II.

Le Dieu créateur du monde et de l'humanité.

Une thèse très en faveur aujourd'hui auprès des critiques est celle qui consiste à reconnaître en Israël un dieu suprême n'excluant pas l'existence d'autres dieux moins puissants qui présidaient aux destinées des autres nations. Lors même qu'on nous démontrerait la justesse de cette assertion, cela ne prouverait point que la croyance de Juifs n'était pas en définitive le monothéisme. En effet, cette conception d'un Dieu supérieur, maintenant sous sa dépendance des divinités subalternes, éveille l'idée d'une organisation qui réaliserait l'unité des fonctions inférieures sous la direction d'une souveraine autorité.

Mais Indépendamment de cette considération, il est aisé de voir que si certaines forces secondaires sont en quelque sorte divinisées dans la Bible, les éléments constitutifs de la notion de divinité elle‑même, les diverses perfections à l'état absolu n'appartiennent qu'au seul Dieu suprême. La grandeur, la sagesse, la beauté, la bonté ne sont adorées que comme attributs divins on plutôt comme émanations de Dieu dans le monde, comme constituent la Schechina . De fait, lorsqu'il s'agit d'un acte vraiment divin, comme la création par exemple, il n'est jamais attribué qu'à Dieu seul et non à un autre être quel qu'il soit.

Dans le récit de la Genèse on remarque un soin tout particulier d'éviter tout ce qui pourrait faire naître le soupçon que la création entière n'est pas l'œuvre exclusive de Dieu. Bien que la Bible atteste l'existence des anges qui y remplissent de très hantes missions, bien qu'ils ne soient peut‑être pour les auteurs sacrés que des idées divines personnifiées, ainsi que le prétend Philon, jamais ils ne sont représentés comme faisant acte de créateurs et même leur origine et tout ce qui constitue leur existence propre sont complètement passés sous silence. Il en est ainsi chez les Prophètes et quand bien même il ne faudrait voir dans le livre de la Genèse, avec certains critiques modernes, que l'écho des enseignements prophétiques, la notion de Dieu en Israël resterait toujours celle de l'Etre unique, auteur de toutes choses, « C'est Toi, Eternel, Toi seul qui as fait les cieux, les cieux des cieux et toute leur armée, la terre et tout ce qu'elles sur elle, les mers et tout ce qu'elles[1] renferment. Tu donnes la vie à toutes ces choses et l'armée des cieux se prosterne devant toi »[2] . Et dans Isaïe : « C'est moi l'Eternel qui ai fait toutes choses; seul j'ai déployé les cieux, seul j'ai étendu la terre » [3]

Cette dernière parole acquiert une importance toute spéciale de ce fait qu'elle est adressée à Cyrus le mazdéen pour lui faire connaître la Dieu unique. Le prophète se hâte de tirer lui‑ même la conséquence de cette doctrine de la création: l'unité de Dieu. « Je suis l'Eternel et il n'en y a point d'autre; hors de moi, il n'y a point de Dieu. [4]. Les mots en'od que nous rendons par: « il n'y en a point d'autres» pourraient même se traduire ainsi: « rien d'autre n'existe », de même qu'on peut traduire par: « il n'y a rien hors de moi» les mots efes bil'adaï qui se lisent au verset suivant: «Je t'ai ceint de force, alors que tu ne me connaissais pas; c'est afin qu'on sache du soleil levant au soleil couchant que hors de moi il n'y a point de Dieu. je suis l'Eternel et il n'y en a point d'autre. Je forme la lumière et je crée les ténèbres; je fais la prospérité et je crée l'adversité. C'est moi l'Eternel, qui fais toutes ces choses » [5] L'idée de l'unité de Dieu ne saurait être plus fortement exprimée que dans ce passage, puisque l'auteur va jusqu'à attribuer à Dieu les ténèbres et aussi les maux qui s'opposent au bonheur terrestre[6], audacieux défi jeté à la religion du dualisme. Et plus loin: « C'est en Toi seul qu'est la divinité, il n'y a pas d'autre Dieu que Toi » »[7]. Puis revenant sur la création « Ainsi parle l'Eternel, le Créateur des cieux, le Dieu unique qui a formé la terre, qui l'a faite et qui l'a affermie... N'est‑ce pas moi l'Eternel? Il n'y a point d'autre Dieu que moi; je suis le Dieu juste et sauveur; hors de moi, rien! Tournez‑vous vers moi et vous serez sauvés, vous tous qui êtes aux extrémités de la terre, car c'est moi qui suis Dieu et nul autre »[8]. Enfin:[9] « Souvenez‑vous des choses anciennes; car je suis Dieu et il n'y a pas d'autre divinité; nul n'est semblable à moi » [10]

Mais ce n'est pas tout. La Bible oppose quelquefois, par manière d'antithèse, le Dieu d'Israël aux dieux locaux et nationaux du paganisme, en attribuant à Lui seul l'acte de la création. Nous lisons dans la prière d'Ezéchias: « O Eternel, Dieu d'Israël (dieu national), toi qui es assis sur les chérubins (dieu incontestablement local), c'est Toi seul qui es Dieu de tous les royaumes de la terre ». [11]. Et Jérémie est peut‑être plus formel encore lorsqu'il dit: « Vous leur parlerez ainsi: Les dieux qui n'ont point fait les cieux et la terre, qu'ils disparaissent de la surface de la terre et de dessous les cieux » [12] Voilà donc la création donnée aux Gentils comme preuve de l'existence du Dieu unique, si comme le fait supposer l'emploi de la langue araméenne dans ce passage, ce qui est le seul cas de ce genre dans tout le livre, ces paroles du prophète constituent un message adressé aux populations païennes de la Babylonie.

Rien de plus naturel après cela que le nom de Dieu de l'univers, El'olam , déjà employé à propos d'Abraham que le livre de la Genèse nous représente proclamant au milieu des Philistins «le nom de l'Eternel, Dieu de l'univers » [13].

Ce sens est confirmé par ces autres expression de « Dieu très‑haut, acquéreur (ou possesseur, Koné) des cieux et de la terre » mises également dans la bouche d'Abraham et de Melchisédek [14] Il est plus douteux que Koné,[15] possesseur, acquéreur, ne soit ici synonyme d'auteur, créateur, car c'est en créant le monde que Dieu l'a fait sien. Enfin, dans un passage du Deutéronome qu'on a signalé à tort Comme caracté‑ ristique de ce livre, puisque la Genèse elle‑même nous venons de le voir, offre des textes semblables, nous lisons : « Voici, à l'Eternel ton Dieu appartiennent les cieux et les Cieux des cieux, la terre et tout ce quelle renferme » [16] L'importance de ces textes apparaît plus grande encore, si nous les rapprochons des croyances païennes à ce sujet. Car pour les Gentils les cieux et la terre ont partout des dieux distincts et souvent ennemis, et qui ne sait que, dans le christianisme même, la terre demeure constamment en antagonisme théologique avec le ciel? Pour l'hébraïsme au contraire, les cieux et la terre constituent un seul royaume, ils sont le domaine du même Dieu.

On a objecté [17] que cette croyance à la création universelle n'implique pas nécessairement celle de l'unité de Dieu, puisque les Mazdéens, qui proclament Ahura‑Mazda créateur du ciel et de la terre, n'en reconnaissent pas moins l'existence d'Agra‑Maïnyous qui s'applique à détruire l'œuvre du premier. Mais on se tromperait grandement en confondent la religion du dualisme avec le polythéisme. Il ne s'agit point dans le mazdéisme de dieux égaux coexistant paisiblement ensemble, mais de deux divinités rivales, qui sont perpétuellement en état de guerre et d'empiètement l'une sur l'autre, et le but du Dieu Créateur est l'absorption, l'anéantissement définitif de son adversaire.

Après la création du monde, celle de l'homme nous est racontée dans la Bible en des termes tels qu'ils ne laissent pas de doute sur la croyance au Dieu unique. N'y lisons‑nous pas à la première page cet ordre donné à l'humanité, ordre répété après le déluge et qui est en même temps une promesse et une bénédiction, de remplir la terre, de l'assujettir et de dominer sur tous les animaux qui la peuplent? Le Dieu qui dispose ainsi au profit de l'homme (les êtres qu'il vient de créer en est donc bien le maître absolu. L'auteur du psaume qui paraît avoir ou sous les yeux le récit du livre de la Genèse on du moins s'être fait l'écho de la même tradition. La splendeur de la création lui arrache un cri de pitié pour l'homme favorisé pourtant de dons si magnifiques qu'il n'est que[18] de bien peu inférieur aux Elohim , allusion évidente soit au mot de la Genèse I, 27: « il les créa à l'image d' Elohim » ou encore; « vous serez comme des Elokim», soit à la parole de Dieu même après la chute: « Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous pour la connaissance du bien et du mal »[19]. Les versets qui suivent dans ce même psaume: « Tu lui as donné l'empire sur les œuvres de tes mains et tu lui as soumis toute chose » rappellent manifestement le privilège conféré à Adam dans le passage que nous venons de citer.

En outre, le Dieu qui a créé l'homme et lui a donné ses ordres, le juge aussi et le punit; à Lui appartient ainsi la souveraine puissance. Caïn craignant d'être tué par ceux qui le rencontreraient, Dieu lui applique un signe qui partout le préservera: c'est donc que tout obéit à sa volonté. Dans l'histoire du déluge, non seulement l'humanité, mais les animaux et la terre lui‑même sont compris dans la nouvelle alliance; Dieu par conséquent gouverne le monde à son gré et embrasse tous les êtres, grands et petits, dans sa providence. Et lorsque l'humanité naissante et non divisée encore cherche à se fixer dans un endroit déterminé, Il intervient de nouveau pour la disperser, afin que le genre humain prenne possession de toute l'étendue de son domaine. Ainsi les grands faits bibliques, comme les moindres détails de leur narration, nous montrent que la croyance à l'unité de Dieu est l'âme même des plus antiques traditions du judaïsme.

References

  1. Page 78
  2. Néhémie, IX, 6.
  3. Isaïe , XLIV, 24.
  4. Isaïe , XLV, 5.
  5. Isaïe , XLV, 5‑7.
  6. Au verset 7ème le mot ra' רע qui désigne le mal moral aussi bien que le malheur, est oppose au mot schalom, paix, bonheur; c'est donc le second sens que, d'après les lois du parallélisme hébraïque, il faut lui donner dans ce passage. (Note des éditeurs).
  7. Ibid., vers. 14
  8. Ibid., vers. 18, 21, 22
  9. Page 79
  10. Ibid., XLVI, 9. Il faut remarquer que dans ce verset le comparatif: « nul n'est semblable à moi » est rapproché du superlatif: « il n'y en a pas d'autre » et que par conséquent il a la même signification. Cela répond a ceux qui prétendraient, d'après certains passages ou une comparaison semble être établie entre le Dieu d'Israël et d'autres divinités, que le judaïsme, tout en proclamant son Dieu supérieur aux autres , admettait l'existence des dieux étrangers.
  11. II, Rois, XIX, 15.
  12. Jérémie, X, 11.
  13. אל עולם GENESE, XXI, 33. C'est ainsi que ces mots doivent être traduits et non par: Dieu eternel, comme on le fait quelquefois, l'expression Elohè Kedem , le Dieu antique, le Dieu d'auparavant, étant plutôt employée pour designer son éternité
  14. GENESE, XIV, 19, 20. Raschi remarque à ce propos que le verbe faire, עשה, se prend aussi pour acquérir. V. XII, 5. Dieu ne serait‑il pas ainsi appelé dans l'hébraïsme acquéreur du monde en ce sens qu'il l'aurait tire du chaos, rachète de l'empire des puissances désordonnées qui y régnaient auparavant? Il apparaitrait donc, dès l'origine, comme le Dieu sauveur, l'Eon Messie du plérome gnostique, le rédempteur du monde et de l'Eon Eglise.
  15. Page 80
  16. X, 14. V. à ce sujet M HAVET: Le christianisme et ses origines, t.III, p.142.
  17. C'est ce que donne a entendre le Hire, Etudes bibliques, t. II, p. 209.
  18. Page 81
  19. Genèse, I, 27 – III, 5, 22.