Israël et L'Humanité - Economie morale de l'homme

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CHAPITRE CINQUIÈME

L'IDÉE DE NATIONALITÉ DANS LE JUDAÏSME

I.

Economie morale de l'homme.

L'individu, la nation, l'humanité, tels sont les trois degrés du développement de la nature humaine sur notre terre. D'après la Bible, ils sont parcourus successivement dans les deux sens, par un double mouvement de descente et d'ascension. L'humanité personnifiée et concentrée d'abord en Adam donne naissance aux patriarches des diverses nations et ceux-ci à la multitude des individus. Cette première évolution accomplie, une autre commence; les individus, se groupant de plus en plus, constituent des nations, et les nations à leur tour tendent toujours davantage à rétablir entre elles les liens de l'humanité.

On voit ainsi que l'idée intermédiaire qui sert à joindre l'individu à la nation, et la nation à l'immunité en général est celle de l'unité originaire en Adam. Elle nous explique non seulement l'unité fondamentale de la nature humaine et l'unité synthétique ou collective du genre humain unifié et l'effort continu vers cette unification, mais encore les variétés nationales elles-mêmes, Adam représentant, soit qu'on veuille voir en lui un personnage mythique, soit qu'on admette son existence historique, l'unité d'origine qui se fractionne dans ses divers éléments pour se reconstituer finalement dans le second Adam ou le Messie. C'est ce qu'expriment par anagramme les trois lettres du mot Adam en hébreu [1]; Adam, [2]David, le Messie, l'état initial de l'humanité et l'unité finale des races.

Voilà la loi de l'évolution anthropologique. Nous en retrouvons des traces ailleurs que dans les croyances bibliques, mais alors cette idée a l'apparence d'une importation étrangère et surtout elle manque de consistance, parce que la prémisse indispensable, la foi à l'unité d'origine dans l'Adam primitif sans laquelle on ne s'expliquerait pas le mouvement d'unification de l'humanité, lui fait généralement défaut.

Cette loi s'observe dans l'ordre théologique comme dans l'ordre ontologique et l'on peut remarquer dans celui-là un parallélisme historique et réel des plus importants avec l'évolution humaine. L'idée de Dieu suit le même sort que l'humanité dans ses divers degrés de développement. A l'unité humaine primordiale en Adam, correspond la première conception monothéiste; dans celle-là nous avons le germe de la véritable humanité, dans celle-ci, celui de la vraie religion. La division des humains en nations succède à l'unité primitive; c'est alors le morcellement, la multitude sans cohésion, l'isolement et les haines nationales du monde ancien. Il était naturel que cet état entraînât le fractionnement polythéiste de l'idée de Dieu, dont les divers éléments ou attributs se trouvent alors séparés, chaque nation en emportant un avec elle, pour en faire son dieu, son génie, sa religion particulière. Le mouvement de reconstitution de l'humanité, le retour à l'unité adamique se produit enfin et à cette nouvelle étape de l'évolution humaine correspond la reconstitution de l'idée monothéiste élaborée par le travail historique de toute l'humanité et dont chaque nation aura spécialement cultivé une partie. L'humanité évoluée, qui est elle-même la synthèse du monde des nations, reconstitue la fusion des diverses conceptions de Dieu. L'unité de Dieu universellement reconnue apparaît comme le résultat final de l'unité humaine et les Prophètes ont raison, même au simple point de vue du développement historique, quand ils font coïncider les deux événements. On peut dire qu'il y a là au fond une seule et même évolution considérée alternativement du côté extérieur et social et du côté intérieur et idéal.

Au-dessus de l'une et de l'autre, l'évolution ontologique, qui en est le modèle, présente les mêmes phases et celles-ci se renouvelleront, selon leur nature spéciale, dans tous les ordres de l'univers. En effet, nous trouvons dans la loi des êtres les trois degrés [3]qui répondent à ceux que nous avons constatés dans le développement de l'homme au moral comme au physique: unité primitive, évolution émanatiste et unité filiale ou synthèse. Ce triple développement ontologique, théologique et anthropologique dont nous avons tracé la loi peut donc se résumer ainsi: l'être humain ou Adam primitif représente l'unité initiale des races et la première conception monothéiste; l'évolution émanatiste, le fractionnement polythéiste et la division du monde en nations distinctes forment la seconde étape, la troisième est constituée par l'harmonie du fini et de l'Infini, la synthèse religieuse aboutissant au vrai monothéisme et l'unité humaine filiale. S'il est permis de voir là une analogie, nous dirons que c'est ainsi que l'Intelligence infinie, universelle, ayant créé le monde dont notre système solaire est une petite partie, celui-ci a donné naissance aux créations diverses parmi lesquelles figure notre terre et la création terrestre aboutit finalement à l'homme, intelligence créée, finie, mais qui prend connaissance de l'univers dans son ensemble. N'y a-t-il pas, à ce dernier moment, comme un retour à l'Intelligence initiale qui a imprimé au cosmos son premier mouvement?


References

  1. אדם דוד משיח D'après la Kabbale, c'est Adam qui se réincarne en David et doit se réincarner encore en la personne du Messie. On sait que le nom de second Adam a été donné à Jésus
  2. Page 385
  3. Page 386