Israël et L'Humanité - Etat des esclaves étrangers en Palestine

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§ 4.

ETAT DES ESCLAVES ÉTRANGERS EN PALESTINE.

Il est impossible d'admettre qu'aucune loi ne régissait la situation religieuse de l'esclave étranger dans la société juive. Le silence de la Bible sur ce point prouve une fois de plus la nécessité de la Tradition. Il laisserait supposer en effet que la liberté religieuse de ces esclaves était illimitée et s'étendait par conséquent jusqu'à la pratique de l'idolâtrie, ce qui n'est guère vraisemblable, d'autant moins qu'il ne manque pas de faits pour nous démontrer le contraire. [1]La seule indication que l'Ecriture nous fournisse sur la religion de l'esclave semblerait assimiler complètement ce dernier à l'Israélite de naissance, s'il est vrai que la circoncision soit imposée à Abraham même pour les esclaves achetés ou nés dans la maison. Lors même que cette obligation serait absolue, ce qui n'est nullement établi, elle n'enlèverait rien, au contraire, au caractère d'universalité du judaïsme dont elle entraînerait nécessairement la complète acceptation. La circoncision étant en effet le signe de l'alliance entre Dieu et l'homme, elle implique l'observation de toutes ses conditions, quelles qu'elles soient, et garde toujours sa haute signification. Et qu'on ne s'imagine pas que pour les Gentils, par exemple pour les esclaves d'Abraham, elle ne constituait qu'une charge seulement; la forme solennelle de l'institution lui donne une tout autre portée: « On devra circoncire celui qui est né dans la maison et celui qui est acheté à prix d'argent et mon alliance sera dans votre chair un pacte éternel [2]».

En réalité, contrairement à ce qu'on pourrait supposer, la circoncision subsistait dans le mosaïsme comme dans les temps antérieurs à Moïse sans que l'esclave, qui avait le devoir de s'y soumettre, fût pour cela tenu dans la suite d'observer les autres préceptes du judaïsme. Une des preuves de cette indépendance de la circoncision vis-à-vis de l'ensemble de la loi mosaïque, c'est que la Bible nous parle de peuples restés Gentils, quoique issus d'Abraham, auxquels la circoncision seule est imposée; ce sont les descendants d'Ismaël et de Ketura, et l'on sait que la tradition en fait aujourd'hui encore une obligation à la race qui reconnaît le fils d'Agar pour ancêtre.

L'enseignement oral en Israël supplée au silence de l'Ecriture qui, à part ce qui nous est dit du devoir de la circoncision, ne renferme aucune donnée positive relativement à la religion de l'esclave. Celui-ci, d'après la Tradition, était invité à abandonner le polythéisme et à entrer dans la famille israélite en ne s'obligeant toutefois qu'à l'accomplissement des devoirs imposés à la femme juive . Cette disposition légale qui serait assez indifférente, s'il s'agissait d'une Eglise dénuée de tout caractère politique, acquiert une importance exceptionnelle dans une religion nationale, jalouse du privilège religieux de la race. Cet état d'infériorité ne durait d'ailleurs chez l'esclave étranger que tant qu'il demeurait soumis à un maître [3]israélite. D'autre part, l'esclave juif lui-même jouissait de certaines exemptions religieuses que l'on jugeait indispensables à la fidèle exécution de ses devoirs de serviteur et il est à présumer que la liberté laissée à l'esclave cananéen, vis-à-vis des préceptes auxquels la femme n'était point soumise, n'avait pas d'autre motif. Cette assimilation elle-même aux conditions de la femme israélite parle assez éloquemment en faveur de notre thèse, car elle est uniquement à cause de son état de subordination et de ses obligations multiples et minutieuses au foyer domestique que la Loi l'exonère de toutes les pratiques religieuses qui doivent s'accomplir à heure fixe. La limitation de l'exemption pour l'esclave cananéen était si bien inspirée par les mêmes considérations que, dès qu'il était émancipé, il redevenait sous tous les rapports semblable à l'Israélite de naissance et à tout Gentil, cananéen ou non, qui était agrégé à la communion d'Israël.

Telle était la loi à laquelle se trouvait soumis l'esclave étranger, lorsqu'il avait accepté l'invitation de son maître de renoncer au polythéisme. Nous employons à dessein le mot d'invitation, car en réalité ce n'était pas autre chose, si toutefois ce terme convient pour désigner une offre que l'esclave avait la faculté de repousser une année durant, en continuant à professer pendant toute cette période librement et publiquement son culte idolâtrique. On sait que l'année écoulée, il pouvait décliner définitivement la proposition de conversion au mosaïsme, pourvu qu'il acceptât alors la religion naturelle des noachide et que, des le début de son esclavage, il lui était loisible de protester de son attachement à cette religion, de refuser la circoncision tout en restant chez son maître et de grossir ainsi le nombre des prosélytes de la porte en Palestine. Tout cela est parfaitement établi par le Talmud et par Maïmonide [4]48 <super> b </super> . Maïmonide, Abadim VIII, 12. </ref>.

L'Ecriture elle-même, si l'on examine de près les textes, témoigne de la présence de l'esclave noachide non circoncis en Terre sainte. La disposition suivante relative à la célébration de la Pâque suppose par exemple sans doute possible l'existence légale de ces esclaves: « Aucun étranger ( ben nechar ) n'en mangera. Quant à tout esclave acheté à prix d'argent, si tu le circoncis, alors il en mangera [5]» Si le gentil dont il s'agit était nécessairement soumis au mosaïsme, le texte n'aurait pas parlé de lui. En outre, il résulte évidemment [6]des termes même de ce passage que la circoncision était pour lui facultative. Elle est exigée seulement dans le cas où il désirait participer au banquet pascal et l'on doit remarquer qu'elle n'avait pas en cette circonstance la valeur d'une affiliation complète au judaïsme, autrement elle n'aurait point été mentionnée de cette manière, l'esclave devenant alors par le fait même un Israélite comme les autres. Il est même douteux que cette participation à la cérémonie doive s'entendre comme une obligation pour le Gentil en esclavage chez un maître israélite. Il semble plus probable qu'il n'y ait là qu'une simple autorisation analogue à celle qui est accordée au même esclave de manger de la terouma, si son maître est cohen, (prêtre) ou aaronide.

On a relevé avec juste raison tout ce qu'il y a de charitable dans ces dispositions légales concernant le sort de l'esclave étranger, soit qu'il se convertît entièrement au mosaïsme, soit que son affiliation se réduisît à certains points seulement. « La circoncision des esclaves, dit à ce propos Luzzatto, est un devoir du maître israélite depuis l'époque d'Abraham. il nous est ordonné aussi de les faire reposer les jours de Sabbat et de fête et tout cela élève leur dignité en rapprochant leur situation de celle de leurs maîtres. C'est pourquoi, à peine circoncis, ils prennent part comme ces derniers au festin pascal ». Le croirait-on? Tous les anciens Docteurs, à l'exception de R. Eliézer, vont jusqu'à exclure le maître lui-même de la célébration de la Pâque, s'il refuse la circoncision à l'esclave, qui la demande. «Aux derniers jours du second Temple, explique Luzzatto, quand les qualités morales se corrompirent en Israël, il se rencontrait des maîtres qui ne voulaient pas circoncire leurs esclaves, afin de ne pas avoir à les considérer comme Israélites. Aussi les Docteurs établiront-ils que tout maître qui n'aurait pas fait circoncire ses esclaves ne serait pas admis, lui non plus, à célébrer la Pâque. R. Eliézer n'était point de cet avis, car il suivait le système de Schammaï qui était de ne rien innover dans la Loi soit écrite, soit traditionnelle et de ne rien enseigner qu'il n'eût appris des Docteurs l'ayant précédé en Israël, en quoi il s'écartait de l'opinion des autres Rabbins qui créaient des institutions nouvelles selon les exigences des temps; c'est ce qui le fit excommunier », Nous serions plutôt portés, quant à nous, à ne voir dans les dispositions rabbiniques relatives à la situation religieuse des [7] [8] esclaves qu'un exemple, entre tant d'autres, de développement naturel des principes mosaïques constituant l'une des formes de la Tradition.

Disons en terminant que soit que l'on s'attache à l'Ecriture seule, soit qu'on lui associe l'enseignement oral de la Synagogue, on peut voir que la présence en Palestine d'esclaves d'origine étrangère tendait à établir peu à peu une classe de citoyens non soumis au mosaïsme, mais vivant sous l'empire de leur statut personnel qui n'est autre que la loi noachide, pout être légèrement mélangés parfois de judaïsme par l'adoption de certaines pratiques, comme la circoncision ou le sabbat.


References

  1. Page 589
  2. Genèse, XVII, 13.
  3. Page 590
  4. Jebamot
  5. Exode, XII, 44
  6. Page 591
  7. Page 592
  8. Maïmonide, Teroumot XII, 22.