Israël et L'Humanité - La Révélation et les peuples gentils

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IV.

La Révélation et les peuples gentils.

Si les Docteurs prétendent que Dieu a parlé sur le Sinaï toutes les langues connues et s'ils insistent particulièrement sur les plus importantes d'entre elles, c'est manifestement parce que, d'après eux, la révélation divine s'adressait aux autres peuples aussi bien qu'à Israël, autrement l'affirmation rabbinique n'aurait pas de sens. Mais voici qui est bien plus remarquable encore: ils vont jusqu'à dire qu'avant de proposer la Loi à Israël, le Seigneur l'offrit à toutes les autres nations de la terre qui n'ont point voulu l'accepter [1].

Cette idée se trouve dans le Talmud comme dans la Pesikta et il n'y a guère de Midrasch qui, d'une manière ou de l'autre, ne la reproduise. On rencontre même à ce propos chez un rabbin cette phrase significative: « C'est que le Saint, bénit soit-il, n'agit pas tyranniquement avec ses créatures. » [2] Si le texte de la bénédiction mosaïque ne mentionne avec le Sinaï que Séir et Paran, ces deux noms suffisent aux commentateurs pour désigner l'humanité entière, car ils représentent à leurs yeux les deux grandes puissances qui se disputaient de leur temps la domination de leur pays, l'Orient et l'Occident, les Arabes et les Romains. La Pesikta s'appuie en outre sur ce passage des Psaumes: « Tous les rois de la terre te louent, ô Eternel, car ils ont entendu les paroles de ta bouche. [3] Ils ont célébré les voies de l'Eternel, car la gloire de l'Eternel est grande [4] ».

L'offre que Dieu fait de sa Loi aux peuples gentils, au moment même d'apparaître sur le Sinaï, a une beauté dramatique qui rehausse la valeur philosophique et historique de l'idée rabbinique.Veut-on cependant voir celle-ci sous une forme plus rationnelle? Qu'on lise ces mémorables paroles: « Sache et apprends que depuis le jour où Dieu a créé le monde jusqu'au moment où Israël sortit d'Egypte, Dieu est allé tour à tour chez toutes les nations du monde pour leur offrir sa loi, mais elles n'ont pas voulu l'accepter. Aussi dans chaque génération, des témoins se lèvent pour l'attester; ce sont Eliphaz de Théman, Bildad de Schuach, Tsophar de Naama, Job du pays d'Uts et le dernier de tous, Balaam fils de Béor [5].Ainsi, ce qui nous est présenté ailleurs comme un incident de la scène du Sinaï se développe ici dans toute la durée de l'histoire antérieure à Moïse. C'est à toutes les nations successivement que la Loi a été proposée et elles ont refusé. Mais ce qu'il y a de particulier dans cette haggada, c'est ce détail que des témoins de l'impartialité divine ont surgi à toutes les époques au milieu des Gentils en la personne des prophètes gentils eux-mêmes. Nous trouvons là une frappante analogie avec les célèbres paroles de l'apôtre Paul disant aux païens que les penseurs et les philosophes que Dieu dans tous les temps a fait naître parmi eux pour leur rappeler la vérité divine, seront un jour leur condamnation. [6] Cette conception de l'économie de la Révélation, ne peut avoir été empruntée qu'au fond même du judaïsme et le mot de Paul aussi bien que le texte du Midrasch attestent les croyances universalistes qui régnaient dans ce milieu pharisaïque où Saul de Tarse avait puisé ses inspirations.


References

  1. Jalkout Schimeoni Sect. Itro, § 286.
  2. Ps. CXXXVIII, 4, 5.
  3. Page 566
  4. Seder Eliahu Zuta, XI.
  5. Jalkout Schimeoni, Sect. Vezot Abberacha, 951.
  6. Epitre aux Romains, I, 19, 20; Voir aussi Actes, XVII, 23, 28.