Israël et L'Humanité - Rôle dIsraël dans l'umanitê

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CHAPITRE SIXIÈME

ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ HUMAINE

I.

Rôle d'Israël dans l'humanité.

Nous venons de voir quelle idée l'hébraïsme se fait de la nationalité et comment tous les peuples constituent, au point de vue juif, une grande famille dont Dieu est le Père commun. A quel moment ce monde des nations commence-t-il à exister? Si l'état normal de l'humanité est dans un certain sens, comme nous avons eu l'occasion de le dire, celui qui a précédé l'élection d'Israël, puisqu'il n'y avait pas alors de dualité, nous croyons que cette dualité même qui a résulté de la vocation israélite en face de la gentilité polythéiste, a été comme dans tous les ordres de la nature la source et la condition d'une plus grande fécondité et d'un retour à une unité non plus rudimentaire, homogène, comme il en existe dans les degrés inférieurs de la création, mais harmonique, complexe comme celle des êtres les plus élevés et les plus parfaits.

L'élection israélite marque donc l'instant où le monde des nations est conçu; l'humanité devient alors un véritable organisme en se coordonnant autour de son centre naturel. Le lien qui doit rattacher toutes les parties du grand corps social est créé et c'est le sacerdoce juif. Aussi la naissance d'Israël et son élection sont-elles simultanées, car il est formé uniquement en vue de la mission universelle qu'il a à remplir. Cette mission est la raison d'être du peuple élu et non pas une faveur arbitraire de la part de la Providence. Si le Pentateuque nous parle de l'amour que Dieu a témoigné aux patriarches, il ne nous cache pas non plus que les [1]Hébreux n'étaient point meilleurs que les autres peuples et que rien en eux ne méritait particulièrement le choix divin. Il ne s'agit par conséquent dans l'élection israélite que d'une aptitude spéciale pour réaliser un jour dans le monde les fins providentielles. Dieu a créé Israël pour servir d'instrument à l'accomplissement de ses desseins et c'est pourquoi la Bible nous répète en maints passages qu'il a été élu avant de naître.

Cela nous explique aussi l'apparition relativement tardive de la Loi et du sacerdoce ou, pour mieux dire, de l'organisation définitive de la Parole créatrice. C'est qu'ici encore la loi du progrès fait sentir sa double action sur la constitution de la société humaine et sur le développement de l'idée initiale, c'est-à-dire sur le côté extérieur comme sur le côté spirituel de l'humanité ainsi qu'aux premiers jours de la création. Elle dirige à la fois l'ordre créatif et l'ordre évolutif. Dans le premier, l'homme apparaît comme la dernière et en même temps la plus parfaite œuvre de Dieu. Dans l'autre, nous voyons l'évolution des germes constitutifs amener dans les règnes végétal et animal la perfection du type spécifique et le développement de la société humaine aboutir à la constitution du sacerdoce d'Israël qui relie entre elles les nations et qui doit réaliser l'unité future de l'humanité. Dans le domaine spirituel, l'évolution de l'idée créatrice produit la Loi du Sinaï et de même que Hegel a pu dire que l'Idée prend conscience d'elle-même dans l'homme, de même nous croyons que l'idée du monde, non pas l'idée absolue, Dieu le Père, qui la possède dans sa plénitude, mais le Logos, prend conscience de son existence et se manifeste. Cette manifestation n'a pas lieu dans tous les hommes ou dans tel ou tel individu, mais dans l'homme de la révélation, dans le modèle offert à notre méditation, dans un idéal terrestre, un livre dont on ne pénètre jamais complètement les enseignements, mais qui toujours mieux écouté devient de plus en plus intelligible. C'est là ce que les Rabbins ont voulu dire quand ils ont déclaré que sans la Thora les lois mêmes qui règlent les cieux et la terre n'existeraient point [2] ou quand ils ont vu dans le sixième jour de la Genèse une allusion au sixième jour de Sivan, [3] date de la révélation sinaïtique, dans lequel fut vraiment achevée d'après eux l'œuvre de la création.[4]Nous lisons dans le Schaarè Ora ces paroles qui résument assez bien tout ce qui précède et qui prouvent que nous ne faisons qu'exposer la doctrine juive authentique: « Il ne convenait pas qu'Israël fût créé, sinon après toutes les autres nations » ce qui est en harmonie avec la nature de la création, car l'homme qui est l'élite des espèces inférieures et en vue duquel tout a été crée, n'est apparu que le dernier; de même vous ne trouverez pas de nation au monde qui soit apparue après Israël » . Il serait plus juste de dire qu'Israël est la dernière nation de l'orient et que, soit par la date de son apparition, soit par sa position géographique, il a occupé une place intermédiaire entre le monde ancien et le monde moderne, entre les nations orientales et les peuples de l'occident, de même que par sa religion particulière il sert de passage, de trait d'union entre les uns et les autres. Qu'on se souvienne en effet de ce que nous avons dit de la nature synthétique ou éclectique du dogme hébraïque conciliant, selon la Kabbale, les deux tendances aryenne et sémitique et du rôle spécial que nous avons attribué à ce dogme de s'assimiler par affinité élective toutes les parcelles de vérité éparses dans les diverses religions des Gentils. On reconnaîtra alors que dans le domaine religieux et moral, comme dans l'ordre de l'histoire, Israël est véritablement au centre de la circonférence et que c'est avec raison qu'il a été appelé le cœur de l'humanité. Il forme le point dans lequel celle-ci s'unifie et le moyen par lequel elle s'unit à Dieu que le Midrasch appelle le cœur d'Israël, « Où apprenons-nous, dit-il, que Dieu est le cœur d'Israël? Au psaume qui dit: Le Créateur est mon cœur, Dieu est mon partage pour l'éternité [5]» .

Les Rabbins n'ont pas manqué de signaler cette position centrale occupée par Israël vis-à-vis des Gentils. Ils nous disent que la Palestine est le cœur du monde, Jérusalem le coeur de la Palestine, le Temple le cœur de Jérusalem et enfin que la pierre sur laquelle reposait l'arche d'alliance est le cœur du Saint des saints et par conséquent le centre de l'univers, car, ajoutent-ils, c'est cette pierre qui a servi de fondement à la création du monde entier. La même idée se trouve énoncée non moins clairement dans un Midrasch, qui exprime d'une manière touchante les aspirations universalistes du judaïsme: «  Rabbi Bérahia commença par ce verset (du Cantique des Cantiques): Nous avons une petite sœur. Quelle [6]est, dit-il; cette petite sœur? C'est (la famille) d'Abraham qui de tous ceux qui viennent en ce monde se fit autant de frères [7]». Ce sont les peuples gentils qui, d'après le Midrasch, tiennent ce langage et appellent petite sœur la famille d'Abraham. D'autres Docteurs ont dit expressément que les soixante-dix nations de ce monde se rattachent à Abraham et à sa descendance [8].

Un puissant penseur italien, Gioberti, semble avoir eu une admirable intuition de la doctrine juive, lorsqu'il a écrit cette parole que nous citons comme un résumé de cette même doctrine: « Israël est le noyau de l'unification du genre humain [9] ». Voilà pourquoi les Rabbins ont donné à Israël le nom d'Adam par excellence, car, ont-ils dit, c'est par lui que l'individualité d'Adam reparaît et c'est en se groupant autour de lui que va se reconstituer l'humanité déchue.


References

  1. Page 403
  2. Schabbat, 33 <super>a</super>, Pesahim 68 <super>b</super>
  3. Jalkout S. dans Bereschit I , 31
  4. Page 404
  5. Ps. LXXIII, 26
  6. Page 405
  7. Midrasch rabba, 39, 3.
  8. V. Menahem de Recanati, sur Lech Lecha, XLIII, 2
  9. Filosofia del soprannaturale, p. 135.