Israël et L'Humanité - Sentiments des Israélites à l'égard de l'êtranger

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§ 4.

SENTIMENTS DES ISRAÉLITES À L'ÉGARD DE L'ETRANGER.

Nous croyons clore dignement cette étude de la situation de Gentil vis-à-vis de la Loi israélite en signalant une disposition singulière du Deutéronome, qui serait même incompréhensible si l'étranger était méprisé par Moïse comme on l'a prétendu.

La loi constitutive de la monarchie juive contient une interdiction qui est faite pour surprendre: celle de couronner roi d'Israël un étranger. « Tu mettras sur toi un roi que choisira l'Eternel, ton Dieu, tu prendras un roi du milieu de tes frères; tu ne pourras pas te donner un étranger qui ne soit pas ton frère [1]. Il fallait bien, pour justifier un tel avertissement que l'idée que se faisaient les Israélites ou que du moins ils devaient se faire, selon l'esprit du Pentateuque, du Gentil polythéiste, fût infiniment plus libérale et plus philosophique que celle de l'antiquité en général au sujet de l'étranger. Elle devait, être même bien supérieure aux conceptions qui prévalent de notre temps chez les peuples les plus civilisés, pour lesquels la qualité de concitoyen semble tellement indispensable pour pouvoir respirer à la dignité royale que personne n'imagine qu'il en puisse être autrement. Dans quel pays trouverait-on un article de la constitution politique pour interdire, comme dans le Pentateuque, le trône aux étrangers? Il a certes fallu un sentiment humanitaire presque exagéré pour que cela ait été jugé nécessaire.

On a beaucoup discuté sur la signification du mot réa « compagnon, ami, semblable » que la loi mosaïque emploie en plusieurs endroits et que l'on traduit à tort par « prochain » dans le fameux verset: « Tu aimeras ton réa comme toi-même [2] ». Mais si ce mot n'a que les acceptions que nous venons d'indiquer, le passage ne laisse pas de concerner le non juif aussi bien que l'Israélite. « Ne te venge point, est-il dit, et ne garde point de rancune contre les enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton réa comme toi-même [3]». Ce n'est pas un motif apparemment que le sujet change dans [4]la seconde moitié du verset. Si, comme dans la première, l'écrivain sacré avait exclusivement en vue l'Israélite, ce changement d'ailleurs superflu pourrait induire en erreur et le mot réa ferait au surplus double emploi avec l'autre nom ahicha ton frère, employé pour désigner spécialement le Juif. Les exemples où ce terme de « semblable, ami, compagnon » est appliqué également au non juif abondent dans les écrits rabbiniques: «Je lui dis: Mon fils, n'opprime pas ton semblable (réa) qui est comme ton frère et ton frère qui est comme ton semblable; nous apprenons par là qu'il est interdit de voler le goï [5]».

Nous ne nions pas que la tradition talmudique, surtout légale, n'exclue le goïde ceux que comprend la désignation de réa. Mais il faut voir dans quelles conditions. Lorsque la Bible par exemple parle du bœuf d'un propriétaire qui a blessé celui d'un autre, les rabbins disent qu'il n'est pas question du bœuf du goï, parce que l'Ecriture se sert de la dénomination de réa. On en a fait un chef d'accusation contre les Pharisiens, comme s'ils mettaient les Gentils hors la loi en livrant leurs biens au caprice et à la haine de leurs ennemis. Une pareille mesure offrirait une si flagrante contradiction avec les autres dispositions légales si bienveillantes que nous avons étudiées qu'il est impossible que tel soit le sens du commentaire rabbinique. Ne voit-on pas d'ailleurs que si la blessure de l'animal du goï ne donne droit à aucune indemnité, il en est de même, d'après la loi pour celui du temple et peut-on dire qu'il y ait trace, dans ces règlements, d'une inimitié ou simplement d'une prévention défavorable à l'égard du Gentil, puisque celui-ci se trouve traité comme l'administration du sanctuaire elle-même?

Mais ce n'est pas tout. Quel est donc le Gentil qui se trouve exclu par cette loi du droit aux dommages et intérêts? Serait-ce le prosélyte de justice? Non, car il est considéré comme un parfait israélite. Serait-ce le prosélyte de la porte? Pas davantage. Les commentaires[6] établissent qu'il ne s'agit que du païen qui n'a pas accepté les sept préceptes noachiques, qui ne respecte par conséquent ni la propriété, ni la vie de ses semblables et qui se place ainsi lui-même dans un état de rébellion contre les lois fondamentales de l'humanité.

Enfin, de quoi s'agit-il exactement dans le cas qui nous occupe? [7]. Est-ce d'un droit légal de la part du propriétaire lésé ou d'un acte de charité fraternelle à l'égard du maître de l'animal, cause de dommage? C'est à cette dernière hypothèse que se rangent les commentateurs. Il n'est donc pas étonnant que l'on ne prescrive aucune indemnité envers celui qui ne professe pas lui-même les principes de la morale la plus élémentaire.

Nous n'ajouterons qu'un mot au sujet de la signification du mot réa: c'est que, dans l'Exode, il est donné pendant la captivité d'Egypte, à l'Egyptien lui-même [8], c'est-à-dire au Gentil dont Israël avait précisément alors à subir les plus durs traitements. L'emploi ainsi fait de ce nom, de même que la disposition du Deutéronome relative à l'exclusion du Gentil des fonctions royales, prouve assez qu'en dehors de toute considération religieuse, les Israélites ne nourrissaient que des sentiments de bienveillance à l'égard de l'étranger.


References

  1. Deutéronome, XVII, 15.
  2. Lévitique, XIX, 18
  3. Lévitique XIX, 18.
  4. Page 607
  5. Seder Eliahou rabba, XV, p. 23, 2.
  6. Beer haggola, p.43, 4.
  7. Page 608
  8. Exode, XI .2