Israël et L'Humanité - Situation de Jérusaima dans la conception israélite

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V.

Situation de Jérusalem dans la conception israélite.

Après avoir étudié le passé de Jérusalem dans l'histoire biblique, voyons quelle idée les Juifs se faisaient de leur capitale religieuse. Quelle était d'après eux sa position géographique? Il n'est pas douteux que pour les Rabbins elle occupe le point central de la terre et cette croyance est confirmée par un texte d'Ezéchiel: « Ainsi parle le Seigneur, l'Eternel: C'est là cette Jérusalem, que j'ai placée au milieu des peuples et autour de laquelle j'ai disposé les autres pays [1]».

Mais on dira peut-être que cette idée n'est pas particulière au judaïsme et qu'elle se retrouve chez d'autres nations tant anciennes que modernes. Les philosophes eux-mêmes l'ont accueillie autrefois. Platon ne dit-il pas à propos de l'oracle de Delphes, qu'il est placé au centre du monde et que pour cette raison tous les hommes doivent l'écouter? L'orgueil national ou religieux explique suffisamment ce fait. On croyait à l'excellence de son propre pays, et comme la position centrale paraît en toutes choses un signe de supériorité, chacun l'attribuait à sa patrie ou au sanctuaire de son culte. Nous ne nions ni le fait ni l'explication qu'on lui donne. Nous dirons seulement qu'ils supposent ensemble une secrète raison d'être qui n'est autre que l'unité humaine, la conception du monde des nations. Si notre pays doit être considéré comme le centre de la terre habitée, c'est que l'humanité forme un corps, et si cette position centrale est censée représentée par la situation géographique, c'est que la terre et l'humanité constituent un tout comme l'âme et le corps, avec un centre et une circonférence. Enfin, s'il existe un organisme social, il doit tendre à l'unité et celle-ci doit se réaliser surtout par son organe central, ce qui revient à dire qu'Israël par cela seul qu'il se considère comme le centre, est le lien de l'humanité.

Or c'est ici qu'éclate, et des deux côtés à la fois, la différence entre les idées païennes et les idées israélites. Le paganisme n'avait [2]pas conscience de la portée de cette notion populaire, tandis que dans le judaïsme elle faisait partie de tout un ensemble de doctrines avec lesquelles elle s'harmonisait; unité du Créateur, puisqu'il y a unité de plan; unité de l'origine humaine, puisqu'il y a unité entre les hommes et entre les nations. Si l'on voulait découvrir des analogies avec l'anthropocentrisme hébraïque, c'est plutôt dans les temps modernes qu'il faudrait les rechercher. Il y a, semble-t-il, chez les peuples un instinct qui les pousse à former un organisme ayant pour ainsi dire son centre de gravité. C'est ce que l'on appelle en langage politique, l'hégémonie. Jamais cette idée n'a été plus en faveur que dans notre civilisation actuelle. Ce qui la justifie, c'est le sentiment de la nécessité d'une direction centrale qui faisait complètement défaut chez les païens et qui, au contraire, constituait le point le plus saillant du programme israélite. Dans la conception juive, cette situation d'Israël dans le monde était celle du maître au milieu de ses disciples, du prêtre entouré des fidèles; elle impliquait donc des devoirs sociaux tout particuliers et ne flattait pas simplement, comme chez les nations païennes, l'amour-propre national.

Ce rôle que le judaïsme, de l'aveu de tous, a assumé a-t-il un rapport quelconque avec la position géographique de la Palestine? En d'autres termes, cette situation est-elle en harmonie avec la mission d'Israël? Des esprits, qui ne se présentent pas précisément comme les interprètes des idées rabbiniques, le reconnaissent expressément: « Jérusalem, dit Salvador, se trouvait providentiellement assise au point de jonction de l'Asie, de l'Afrique et de l' Europe [3] ». Mais quelle que soit la valeur de ce fait, il ne faut pas oublier l'observation du philosophe Gioberti nous disant que les mots circonférence et centre ont en général une valeur simplement métaphorique, qu'elles expriment l'idée de lien entre l'un et le multiple dans les diverses organisations[4]. Ce qui est certain, c'est que la Palestine offre la plus grande variété de climats et des écrivains sérieux ont été jusqu'à dire qu'elle est comme le miroir de la constitution physique du reste de la terre. « La Palestine, écrit M. Renan, a cela de commun avec la Grèce, la Toscane et tous les pays qui ont vu naître des civilisations originales, d'offrir dans l'espace de quelques lieues des différences de caractères [5]les plus tranchées [6]». L'importance historique de telles contrées tient, semble-t-il, à ce qu'elles sont mieux en mesure que les autres de façonner des hommes d'une nature synthétique, capables de s'acclimater partout, et dans le domaine moral lui-même, les idées représenteront une moyenne qui sera comme la résultante des tendances les plus diverses. Il n'y a qu'à se rappeler ce que nous avons dit sur les rapports existant entre les diversités ethniques et les différences théologiques et sur les variétés de cultes locaux et nationaux qui n'excluent cependant pas l'unité, réalisée, d'après l'hébraïsme, dans le centre israélite; on comprend alors combien ces circonstances géographiques sont intéressantes dans la question qui nous occupe, car sans souscrire entièrement à la doctrine de Montesquieu sur l'influence décisive que le climat et le sol exercent sur les habitants d'un pays, on ne peut méconnaître cependant la part considérable qu'ils ont dans la formation des caractères et des institutions. [7]


References

  1. Ezéchiel, V, 5.
  2. Page 526
  3. Paris, Rome et Jérusalem, p. 373.
  4. Introd. à la philos, III, p. 47.
  5. Page 527
  6. Hist. I, p.230.
  7. Page 528