Israël et L'Humanité - Symbolisme du temple de Jérusalem

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CHAPITRE QUATRIÈME.

LA RELIGION UNIVERSELLE

DANS LE CULTE MOSAÏQUE

I.

Symbolisme du Temple de Jérusalem.

Les traces des aspirations universelles du judaïsme que nous avons relevées dans l'histoire de Jérusalem et dans l'idée qu'Israël se faisait de sa capitale religieuse, nous apparaissent également lorsque nous étudions le Temple, sa construction et son organisation. C'est une bien ancienne croyance hébraïque que la maison de Dieu dans la ville sainte était une image et comme un résumé de tout l'univers. L'examen attentif de son architecture et de ses différents services révèle, sans contestation possible, son caractère éminemment symbolique et ici, comme presque toujours, l'orthodoxie juive, nous dirons même le mysticisme israélite, n'a qu'à renvoyer à la science et à la critique indépendante ceux qui seraient tentés de mettre en doute la réalité historique de ce symbolisme. L'archéologie en effet le retrouve dans tous les cultes anciens et il n'y a aucune raison de penser que l'hébraïsme fait seul exception à cette règle. Ce qui est discutable, c'est uniquement l'interprétation, que l'on en peut donner et c'est là que la critique doit nécessairement intervenir. Elle ne peut accepter par exemple que sous bénéfice d'inventaire toutes les idées philosophiques, théologiques, messianiques, que le christianisme a prétendu greffer sur le tronc du judaïsme. A quel titre nous ferait-on admettre ce qui n'a aucun fondement biblique certain et ne peut par conséquent [1]reposer, en dernière analyse, que sur l'autorité contestable de celui qui l'enseigne? Le seul motif raisonnable serait l'existence d'une nouvelle révélation divine, mais alors, avant de nous faire adopter une seule des interprétations symboliques qu'il nous propose, il faudrait qu'on nous fournit auparavant la démonstration générale de la divinité du christianisme; cela revient à dire que ce qui, dans l'esprit des théologiens chrétiens, est la preuve de leur religion, doit au contraire être préalablement prouvé par elle. D'autre part, faire appel à la tradition, c'est souscrire d'avance à l'autorité de la critique et en accepter les arrêts. Car entre deux traditions contradictoires, c'est évidemment la science qui doit décider quelle est la plus authentique. Il n'est même pas besoin de beaucoup d'érudition pour établir que de deux traditions soi-disant nationales, dont l'une n'est représentée que par une douzaine d'hommes qui se font gloire de leur propre ignorance et l'autre par Israël tout entier avec ses générations de Docteurs, c'est incontestablement celle-ci qui doit l'emporter sur la première de tout le poids de l'autorité et de la science. L'autre toutefois ne doit pas être négligée, soit quelle dépose en faveur d'un symbolisme quelconque tout en s'écartant de la véritable tradition nationale, soit qu'elle se trouve sur tel ou tel point en parfait accord avec cette dernière.

C'est pourquoi nous reproduisons à ce propos les paroles d'un auteur catholique, M. Fornari: « Le tabernacle était un résumé de la création, une image du monde édifié par le divin architecte. L'entrée s'ouvrait à l'Orient et donnait accès dans une vaste enceinte dans laquelle se trouvaient le lieu des ablutions et l'autel des holocaustes... Ainsi était figurée la séparation existant entre le genre humain et le peuple sacerdotal... Ainsi le lieu saint, c'est-à-dire l'ensemble du milieu ne représentait pas l'homme en général, mais spécialement l'israélite; le parvis, tout le reste de la famille d'Adam, et l'ensemble de l'édifice, tout notre univers [2] ». Bien d'autres écrivains dont les œuvres n'ont aucun but d'apologétisme ont parlé de la même manière de l'architecture du Temple, d'accord en cela avec les sources rabbiniques d'après lesquelles le tabernacle a été construit sur le plan de l'univers de façon à en reproduire les différentes parties [3]. Un éminent naturaliste, le Dr Nank, a appelé de son côté l'attention du monde savant sur [4] les connaissances anatomiques que révèle la structure du temple mosaïque [5] et un auteur juif qui cite ses longues explications, observe avec raison: « Ces choses qu'un illustre savant proclame de nos jours, ont été enseignées aux siècles passés par un grand nombre de nos Docteurs et particulièrement par les plus grands Kabbalistes dans leur symbologie [6] ».

Nous n'entrerons pas dans le détail des innombrables témoignages que nous fourniraient les Rabbins postérieurs au Talmud et qui, s'ils ne sont pas les organes de la Tradition, en interprètent du moins l'esprit. Ibn Esra, Nahmanide, Maïmonide, R. Lévi Ben Gherschom et tant d'autres, pour ne pas parler de Philon et de Josèphe inspirés, eux aussi, par les traditions nationales, confirment tous à l'envi la conception de religion universelle qui se révèle dans le culte mosaïque et en particulier dans la forme de son Temple. Nous nous bornerons à citer des idées rabbiniques, qui sans concerner précisément le plan du sanctuaire, ne sont pas la preuve la moins solennelle de l'universalisme juif. Le Talmud de Jérusalem enseigne que la terre dont Dieu s'est servi pour créer l'homme a été tirée de l'emplacement sur lequel devait s'élever un jour l'autel de Jérusalem. « R. Jehuda, fils de Pazi a dit: Une poignée de terre a été tirée par Dieu de l'emplacement de l'autel et il en créa le premier homme disant: C'est afin que, créé de la terre de l'autel, il puisse subsister [7]». Et ailleurs nous trouvons ces belles paroles que nous avons déjà mentionnées. « C'est au lieu où l'homme devait obtenir son pardon qu'il a été créé ».

D'après une légende assez étrange et qui se retrouve d'ailleurs dans les traditions musulmanes, à l'endroit même où David éleva l'autel, on trouva la tête d'Adam, et cette circonstance n'empêcha pas, paraît-il, elle détermina au contraire le choix que David fit de l'aire d'Aravna ou du mont Moria comme place désignée pour le Temple futur. C'est toujours la même préoccupation qui se manifeste: celle d'associer l'humanité tout entière au culte mosaïque.[8]


References

  1. Page 529
  2. Della vita di Cristo, II, p.549.
  3. V. Midrasch Tadsche et le Jalkut
  4. Page 530
  5. Séance de l'académie de Riga du 5 décembre 1864.
  6. Le Maggid, ann. 5675, p. 390
  7. Traité Nazir, 3.
  8. Page 531