Israël et L'Humanité - Conception juive de la vie sociale

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Conception juive de la vie sociale.


Il nous reste à examiner quelle idée les Juifs se faisaient de la vie sociale et de son bat, car il est évident que cette question est étroitement liée à, celle de la souveraineté politique.

< Dans les idées des anciens philosophes, dit M. Marey, les institutions de PEtat devaient avoir moins pour but de régler et de défendre les intérêts que de conduire les citoyens à, la vertu... Quand on admet qu'un gouvernement n'est qu'un règlement d'in­révélé, il est naturel d'y appeler directement ou par voie repré­sentative tous les intéressés, mais du moment que le gouvernement est regardé comme un moyen d'éducation, la forme absolue ou aristocratique doit prévaloir. Les bons seuls, comme disait Socrate peuvent avoir on main la direction des affaires. Platon soutient donc que Oest à un petit nombre d'hommes et dans quelques cas à un seul qu'on doit confier le gouvernement (') >. Pour Aristote la souveraineté politique réside naturellement, et d'une manière supérieure à toute loi, dans la famille ou dans l'individu uni sur­passe les autres par sa vertu. est homme‑lâ ou cette famille a une sorte de caractère divin parmi les hommes. Voilâ ce que IlEcrituru a voulu indiquer en honorant les juges, les grands et les saints du nom de dieux (2) et ce que les Rabbins de 7enr côté ont dit de tant de manières au sujet de la supériorité des hommes de science et de sainteté par rapport au vulgaire (% ce qui leur a été si vivement reproché.


aeligi... d' 1, Gë", te'. ,, P. "S. E.& 1111, 27; Psaune LxXx~ 1~ 6,

C) Eeüde xix, 6; L6viUque, xix, 2, sqq.


RAPPORTS DE LA RiBLIGION ET DE L'ZTAT 661

C'est là le seul véritable droit divin, quoique les partisans du Pouvoir absolu d'un seul aient vu dans ce fait une consécration de leur théorie. Bossuet a écrit que c'est des grands que PEcriture Parle lorsqu'elle dit: « Vous êtes des dieux >. Dans ma certain sens cela n'est pu tout à fait faux, puisque le pouvoir absolu lui‑même, surtout S'il a pour lui le consentement général, représente le droit.

Quoi qu'il en soit, la vertu et l'intérêt apparaissent dorm comme les deux suprêmes principes de gouvernement, le premier dans l'antiquité et le second dans les temps modernes. Quelle est l'opinion du judaïsme dans ce grave débatl Deux caractères saillants de son économie intime, telle qu'elle ressort des Beritwes, vont nous donner la solution do cette question. D'un côté, le judaïsme se distingue par la moralité des citoyens; c'est elle qu'il a constam­ment en vue et sous ce rapport on a raison de voir en lui une véritable théocratie. La perfection spirituelle, religieuse si l'on veut, est bien la raison d'être de ses .>nstitutions en même temps que le but final qu'il poursuit ('). D'un autre côte, comme par nos singulière contradiction, il n'y a rien en lui, rien du moins dans as constitution politique qui aille au‑delà de ce monde et vise autre chose que les intérêts matériels et même individuels: lon. gévité et postérité nombreuse, richesse, puissance et renommée, telles sont les principales pour ne pas dire les uniques récompenses qu'il promet à la fidélité de ses adeptes. Si l'on se borne à lnter~ roger superficiellement ses doctrines, ce serait même la le but auquel tendraient tous les moyens qu'il met en couvre, y compris cette perfection spirituelle qu'il prêche incessamment. (le résultat tangible une, fois obtenu, il ne semble pas que ses aspirations S'étendent Plus loin. Est‑ce vraiment lâ son dernier mot et cette subordination, disons même cet asservissement des éléments spiri­tuels aux intérêts matériels, parfois les plus vulgaires, représentent ils bien le fond de ma pensée? La réponse à cette question peut être aveu autant de raison aformative ou négative selon le point de vue auquel on se place, selon que l'on considère Moïse uni­quement comme législateur des Hêbreux avec ses livres constituant le code national dIsraël, ou comme successeur des patriarches et révélateur de la loi individuelle avec la Tradition qui en est le principal organe~


(~) SItI, 49,


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Cette réserve étant faite, on admettra bien quie, ce qui importe avant tout dons notre présente étude, c'est le premier de ces aspects. Il n'est pas douteux que sous ce rapport‑là l'intérêt général ne soit le véritable but de la législation; la spiritualité n'est qu'au moyen. Est‑ce à dire que les intérêts supérieurs de l'être humain se trouvent rabaissés au niveau des choses inférieures? Le bien serait.il sacrifié a l'utile et ce qui a une valeur éternelle S'eau­emait‑il devant ce qui n'est que passagèrement importantl Et serait‑ce Moïse, révélateur ai prophète, qui prononcerait cette dé­chéance de tout ce que l'humanité regarde comme le plus prêcieuxl A Dieu ne plaise! Que se cache4‑il donc sous cette flagrante cou­tradiction, sens cet assujettissement des choses spirituelles aux choses temporelles si caractéristique dans le Poutateuquel Une vérité fort simple, mais capitale aussi. C'est que dans la société politique, le bien, la perfection morale ne doivent être formules en loi quo dans la mesure, où ils contribuent au bien‑être de la coIlectivîI~. Le but auquel la spiritualité doit s'y trouver pr6or­donnée ne peut pas s'étendre plus loin que ce monde, précisément puce que la société politique, contrairement aux destinées de Pûme humaine, n'a pas d'autre existence que celle dici‑bas. Ainsi l'Biot ne doit protéger la vertu par ses sanctions légales qu'autant que celles ci sont nécessaires à, la conservation de la société. Cela n1ëm~ pêche point dailleurs que ces règles de conservation générale n'aient, elles aussi, une fin supérieure, en ce sous qu'elles consti. tuent toujours pour l'individu le moyen le plus efficace d'atteindre sa propre perfection.

Il n'est pas douteux d'autre part que la perfection individuelle ne réagisse à son tour sur l'état (le la société en augmentant ses forces et ses moyens d'action, en sorte que, par une influence réci proque, société et individu se prêtent mutuellement une incessante coopération, empreinte toutefois dans chacun d'eux d'un caractère particulier; c'est par sa moralité que l'individu est utile à la société et c'est par le bien‑être qu'elle lui offre que la société profite àIlindividu~ Il va de soi que nous parlons ici au point de vue général et que nous n'entendons pas nier que la société ne puisse infiner sur la moralité de ses membres, ni que ceux‑ci ne travaillent eux aussi au bien‑être de la société. Les deux grands principes de gouvernement, la vortn et l'intérêt, jouent tour à tour le double rôle de moyen et de fin: la vertu, qui est une fin pour l'individu, apparaît comme nu moyen en ce qui concerne la société, et l'intérêt,


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qui est la fin de la société, est pour l'individu un moyen. Voila comment les don, caractères du judaïsme en apparence inconci­liables, la spiritualité la plus élevés et IA matérialisme le plus choquant ne sont que les,deux parties d'un même système, les deux faces sous lesquelles il faut envisager la vie sociale, l'intérêt étant, d'une part, la lin et la limite de l'action politique et la vertu devant être considérée, d'autre part, comme la règle de conduite et la fin de l'individu. L'intérêt par la vertu et la vertu par l'intérêt, telle est la formule téléologique de la vie sociale.

Il ne peut nous être interdit de rêver nue synthèse plus haute encore et d'aspirer à l'unité. Et d'abord, en envisageant la vertu d'un certain côté, on ne saurait contester qu'elle n'est qu'un intérêt d'une plus noble nature sans doute, mais enfin un intérêt véritable et que l'intérêt lui‑même, ne serait‑ce que parce qu'il est la satis­faction d'un besoin légitime, n'est que l'accomplissement d'un devoir envers nous‑mêmes, un perfectionnement de notre nature, c'est‑à­dire une vertu encore, bien que d'un ordre inférieur. De plus, si Dons sortons de la sphère de ces deux idées directrices pour nous placer à un point de vue plus élevé, nous comprenons que ces deux principes se fondent eux‑mêmes un un troisième qui les em~ brasse l'un et l'autre on qui, si l'on préfère, leur sort de fin der. mère: nous parlons de l'ordre universel, au regard duquel la vertu même n'est qu'un moyen ou du moins le côté subjectif de la question.

Nous touchons ici aux plus sublimes doctrines de la théosophie juive qui nous signale dans l'empire du divin dans le monde, dans l'ordre universel, la lin ultime et véritable de l'oeuvre humaine, en unissant sans cesse l'idéal au Itéel, le Logos au Cosmos, le Créateur à l'ensemble du créé, ou, selon la formule kabbalistique e le Saint, bêni soit‑il, à sa Sehechina 0) ~.

Cet ordre universel dont l'ordre de la cité U50st qu!une image et une réalisation partielle s'établit non seulement, comme ce dRr~ nier, par le moyen des institutions civiles et politiques, mais par l'couvre humaine tout entiers, morale, religieuse, liturgique, voire même ascétique, comme par la vie sociale, scientifique et artistique, par la foi aussi bien que pu la raison, celle‑ci nous conduisent jus«aux confus indéfiniment recalée des connaissances humaines,


(1) "Ilrijl.~vi étin J~‑IM implip ‑lin, =ws


celle‑là projetant notre action au~delâ des demiêres limites bas. ginables jusqu~au sein de l'inconnaissable.

On voit comment le judaïsme, par son organisation intime et par les doctrines dont il a fait pour son propre compte l'application, offre à l'humanitê des indications précisasse sur les principes qui doivent rêgler les rapporte de la religion et de PEtat. Pûmt~êtrA aussi estimer~t‑on avec Emm~ aprùs tout ce que nous ovons exposé, que dans le conflit entre l"Eglise et la société civile qui agite actuellement 108 nations WOocident, celles~ci, comme dans la crise de la dogmatique thrêtienue, auraient tout intêrêt à faire. taire leurs préjugés et à rechercher, en remontant à la source même de leur civilisation et de leurs croyances, quelle "lotion fat jadis proposée pu Phébraisme dans ces graves questions.


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References