Difference between revisions of "Israël et L'Humanité - Introduction"

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INTRODUCTION
 
INTRODUCTION
  
Tout le monde s'accorde à dire que nous traverrsons une grande crise religieuse, mais on ne remarque pas sauf généralement que celle‑ci se présente BOUS un triple aspect. En effet, ait conflit entre la religion et la science qui est à pétât aigu et dont, par conaé­quent, on se préoccupe davantage, s'ajoutent l'antagonisme des re. ligions entre elles et le travail cV6volution qui slopêre simulta, nément au sein de chaque Billise.
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===Chapitre I.===
  
La lutte entre les religions a commencé avec le christianisme. Avant quqI proclamât le Dieu unique et une seule foi pour toute l'humanité, chaque peuple avait ses dieux particuliers et recon. naissait Pempire légitime des divinités étraugitres sur les autres contrées; bien loin de chercher à en supplanter le culte comme faux et impi~, il croyait que le devoir de chaque nation était d'adorer les dieux qui présidaient à ses destinées. Avec le abri­etiani8me au contraire, et c'est son plus grand titre de gloire, il n'y a plus qu'une acide religion qui puisse procurer ‑le salut et tout autre culte devient sacrilège.
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Tout le monde s'accorde à dire que nous traversons une grande crise religieuse, mais on ne remarque pas aussi généralement que celle ci se présente sous un triple aspect. En effet, au conflit entre la religion et la science qui est à l'état aigu et dont, par conséquent, on se préoccupe davantage, s'ajoutent l'antagonisme des religions entre elles et le travail d'évolution qui s'opère simultanément au sein de chaque Eglise.
  
Mais si cette nécessité d'unité religieuse ut comprise de tous, l'accord ne s'est pourtant pas fait sur le choix de la véritable re, ligion. Aprês avoir triomphé de Fantique paganisme, le christia­nisme n'est pu encore parvenu à convertir à ses croyances tous les membres de la famille humaine. Nous ne parlons pas du grandes religions de l'Orient et des religions païennes qui subsistent encore dans les autres parties du monde. Bien que le nombre de leurti
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La lutte entre les religions a commencé avec le christianisme. Avant qu'il proclamât le Dieu unique et une seule foi pour toute l'humanité, chaque peuple avait ses dieux particuliers et reconnaissait l'empire légitime des divinités étrangères sur les autres contrées; bien loin de chercher à en supplanter le culte comme faux et impie, il croyait que le devoir de chaque nation était d'adorer les dieux qui présidaient à ses destinées. Avec le christianisme au contraire, et c'est son plus grand titre de gloire, il n'y a plus qu'une seule religion qui puisse procurer le salut et tout autre culte devient sacrilège.
  
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Mais si cette nécessité d'unité religieuse fut comprise de tous, l'accord ne s'est pourtant pas fait sur le choix de la véritable religion. Après avoir triomphé de l'antique paganisme, le christianisme n'est pas encore parvenu à convertir à ses croyances tous les membres de la famille humaine. Nous ne parlons pas des grandes religions de l'Orient et des religions païennes qui subsistent encore dans les autres parties du monde. Bien que le nombre de leurs<ref>Page 3</ref> adhérents surpasse de beaucoup celui de toutes les Eglises chrétiennes réunies, il n'est pas douteux qu'elles ne soient depuis longtemps en pleine décadence et que leur influence ne soit nulle ou fort restreinte; ce n'est pas à elles que l'avenir appartient. Les religions, qui comptent, ce sont celles qui sont issues de l'hébraïsme; nous ne dirons pas, comme on le fait d'ordinaire, issues de la Bible, parce qu'elles sortent vraiment de  l' hébraïsme tout entier, Bible et Tradition, et parce que leur vitalité, leur activité présente et leur avenir dépendent autant de ce qu'elles doivent à la Tradition que de ce qu'elles doivent à la Bible, peut être même davantage. Malheureusement ces filles de la même mère sont loin de s'entendre, et c'est ainsi qu'à l'antagonisme entre la civilisation moderne et la religion vient s'ajouter celui des religions entre elles.
  
4                                      INTRODUCTION
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Du moins la paix régna‑t‑elle dans chacun de ces différents cultes? Nullement. Des tendances diverses travaillent incessamment à troubler l'harmonie intérieure des Eglises. Partout où une autorité extérieures n'impose pas silence aux voix discordantes, les divergences se manifestent au grand jour; elles étaient librement leurs professions de foi dont le nombre ne cesse de se multiplier. Telle est la division des esprits en matière religieuse qu'on en est arrivé à considérer comme l'unique solution possible l'absence de toute croyance dogmatique, c'est à dire qu'on fait un gage de concorde de ce qui est précisément la preuve la plus manifeste de la désunion et du morcellement spirituel.
  
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Dans les Eglises mêmes où une autorité s'oppose à toute velléité d'indépendance, l'unité n'est qu'apparente. Ou se tait, on se réfugie dans l'équivoque, on se soumet, mais en réalité on ne s'entend pas. Il arrive aussi parfois que la proclamation de nouveaux dogmes pousse hors de l'Eglise des hommes qui en étaient naguère encore les membres les plus dévoués. Et ces nouveaux dogmes eux‑mêmes, que sont‑ils, sinon des variations? Variations consacrées par l'autorité suprême et présentées par elle comme de simples définitions, mais qui n'en révèlent pas moins des modifications profondes survenues dans l'état des croyances, avec cette particularité que les organes officiels qui proclamant ces dogmes, sanctionnent des innovations, au moment même où ils prétendent assurer l'immutabilité de la foi. Ainsi la crise intérieure des Eglises achève de compliquer les deux autres conflits.
 
 
adhérents surpasse de beaucoup celui de toutes les Eglius chr6. tiennes réunies, il n'est pu douteux qu'elles ne soient depuis longtemps en plaine décadence et que leur influence ne sait nulle ou fort restreinte; os West pas à elles que Pavenir appartient. Les religions, qui comptent, ce saut celles qui sont issues de Ph6. braisons; nous ne dirons pas, comme on le fait d'ordinaire, lunes de la Bible, pares qu'elles sortent vraiment de V hébraïsme tout entier, Bible et Tradition, et parce que leur vitalité, leur activitê présente et leur avenir dépendent autant de ce qu'elles doivent àla Tradition que de ce qu'elles doivent à la Bible, peut‑être même davantage. Malheureusement ces filles de la même mère sont loin de slentendre, et clest ainsi quà Pantagouleme entre la civilisation moderne et la religion vient sajouter miel des religions entre elles.
 
 
 
Du moins la paix Mga~t‑elle dans chacun de ces différents cultut Nullement. Des tendances diverses travaillent incessant­ment à troubler Pharmacie intérieure des EgliBes. Partout où une autorité extérieurs Wimpose pas silence aux voix discordantes, les divergences os manifestent au grand jour; elles étalent librement lents professions de foi dont le nombre ne cesse de sa multiplier. Telle est la division des esprits en matière religieuse qu'on en est wrivé à considérer comme Panique "lotion possible Pabsence de toute croyance dogmatique, c'est‑à‑dire qu'on fait tut gage de con. moede de es qui est précisément la preuve la plus manifeste de la désunion et du morcellement spirituel.
 
 
 
Dans les Eglises mêmes où une autorité s'oppose à toute vol. Mité d'indépendance, l'unité n'est qu'apparente. Ou se tai4 on se réfugie dans l'équivoque, on se soumet, mais en réalité on ne s'entend pae. Il arrive aussi parfois que la proclamation de non. veaux dogmes pousse hors de Il Egliu des hommes qui en étaient naguère encore lu membres les plus dévoués. Et ces nouveaux dogmes eux‑mêmes, que sont‑ils, sinon des variational Variations consacrées par Pautorit6 suprême et présentées par elle comme de simples déflnitions, mais qui Won révèlent pas moins des modifl­rations profondes survenues dans l'état des croyanuls, avec cette particularité que les organes officiels qui proclamant ces dogmes, sanctionnent des innovations, au moment même où ila prétendent assurer Pimmutabilité de la foi. Ainsi la crise intérieure du Eglieu achève de compliquer les deux autres confite.
 
 
 
Mais au fond, nous l'avons dit, il s'agit dlatte unie et même crise, qui n'ut pu autre chose que la lutte entre la foi et la
 
 
 
 
 
=ROIWOMON                                                        5
 
 
 
 
 
 
raison, sait que              en voulant juger le monde et la société,
 
 
 
as trouve a~ prises avec les croyaum traditionnelles, soit qu'elle
 
 
 
se mette à étudier, à la lumière de la critique historique, de Fex&
 
 
 
gêse et de la science, les prétentions contradictoires des diverses
 
 
 
religions, soit colin qu'on travaillant au sein même de chaque
 
 
 
Eglise, elle y provoque le libre examen et~ incapable de se con.
 
 
 
tenter des anciennes formules, pousse les esprits à en rechercher
 
 
 
de nouvelles qui lui permettent de es réeonailier avec la foi.
 
 
 
 
 
 
IL
 
 
 
 
 
 
La mise une fois constatée, on se demande quelle en sers, l'issue. La rupture depuis longtemps commences entre le ciel et la terre, Vidéal religieux et la réalité historique, sera‑t‑elle con. sommée pour jamaiel Le combat gêoulai» entre les formes rivales que la religion hébraïque a revêtues n'a~t‑il qu'un résultat pu­rement négatif et la raison humains devra‑t‑elle prononcer leur commune déchéancel En d'autres termes nommes‑nous à la veille de voir le monothéisme juif convaincu d'impuissance sous ses trois formes, hébraïque, chrétienne et musulmane, et balayé de la fâce de la terre comme le polythéisme l'a été il y a dix‑neuf siêclest Et cette hypothèse se vëriflânt, que mettra‑t‑on. à sa placet Serace le rationalismel Oe n'est pas ici 16 lien de discuter à fond la pas. aibilitê de cette substitution. On a écrit ou V inzaffisancs du ra, tionalisme par comme religion bien des pages érudites. On a montré avec raison qu'il ne saurait jamais être la religion du grand nombre et «il cet incapable de satisfaire les besoins du coeur humain. BWs une étude plus attentive nous ferait découvrir sans peine des arguments plus sérieux encore, plus philosophiques, plus profonds.
 
 
 
On venait en effet que la Religion, adoration et culte de l'Abmln, ne peut être un simple produit de l'esprit humain; son rôle étant de contenter la raison, de lui ouvrir des horizons inconnus et de l'initier à me vie supérieure, Il faut, Po" être Pezpmeu'OR de la vérité totale, qu~eUe embrasse non seulement tout Pensemble des choses Intelligibles, mais encore os côté mystérieux de péter. nelle existence qui surpasse et surpassera toujours nos sens et nos facultés, autrement dit il faut qu'elle soit révélée. On vomit que toute religion rationaliste, nécessairement changeante comme
 
 
 
 
 
6                                      MTROMICTION
 
 
 
la raison elle‑même dont elle émanerait, est une impossibilité, eu Padoration implique la croyance inébranlable que son objet est la vérité immuable, sans quoi ce serait une adoration toute provi­soire et l'on a quelque peine à se représenter Il humanité prosternée devant mi autel qu'elle aurait la certitude de voir renversé demain.
 
 
 
Qu'on ne se méprenne pu cependant sur notre pensée; nom ne voulons pas dire que la Révélation eue fois admise, Fesprit humain se trouve pou toujours arrêté dans sa marche et qu'il nlait pai à étudier de plus eu plus, soit la nécessité de cette rêvé­lotion, soit le sens et la portée qul il lui faut attribuer, de même qu' il a à examiner aussi les titres et la valeur des diverses rêvé­lotions qui réclament son adhésion religieuse. Nous affirmons Roule­ment qWau sein d'me religion révélée, l'esprit humain croit adorer la vérité absolue, taudis qu'il est de Ilessence d'une religion ra, tionaliste de ne permettre aucune confiance, de ce genre et de nloffrir à ses fidèles que des abris momentanés. L'histoire est là, d'ailleurs pour nous prouver que tous les essais de cultes purement rationalistes ont sombré "ne l'impuissance et le ridicule et que la nécessité d'une religion révélée es fonde aussi bien su la na, turc de Ilbomme que sur celle de Dieu.
 
 
 
Aurons‑nons donc un nouveau Sinan Une Loi nouvelle nous viendra‑t‑elle, du ciell Il n'est personne qui attende de ce côt6‑lâ le salut de Phmmitê. Ceux qui croient aux révélations anciennes ne pensent pas pouvoir sans infidélité en espérer une nouvelle et ceux qui n'y veulent voir que des légendes ne muaient admettre aujourd'hui la possibilité de ce qWils aient dans le passé. D'autre part, les penseurs indépendants, tout en admettant le principe et la nécessité Wmm Révélation, "nt bien loin de considérer celle‑ci à la manière des simples comme un phénomène miraculeux dé­taché de la vie,. du développement historique de Il humanité, sans aucun lien avec l'organisation psychologique de la nature humaine. Ils comprennent que la Révélation, si elle exi8tû~ ne peut être queunique, comme cette autre révélation matérielle qui est la nw turc et qu'elle doit être, comme cûIle~i, immuable. Ils savent enflu qu'elle 'n'est possible qu'au début de l'humanité, ou une faculté toute spéciale, la spontanéité, fonctionne, à ces premiers âges, en religion comme dans toutes les branches de l'activité humains; elle ces" ensuite pour ne plus revenir, lorsque la vie spirituelle et matérielle est soin établie sur ces bases. Les seules traces de cette faculté primitive, dernières lueurs d'on flambeau qui s'éteint,
 
 
 
 
 
I~DUcTION                                                                7
 
 
 
nous apparaissent plus tard, à de très mus intervalles, chez ces êtres à part qui, dans l'état adulte de l'humanité, semblent con­server les privilêg~ de son enfance, ou qui, du sommet où les place leur exceptionnel génie, voient poindre à l'extrême horizon l'aube des créations nouvelles.
 
 
 
. Si donc il Wy a pins de révélation à attendre à notre époque, s?iI ne faut plus compter ni sur le judaisme, ni sur le christia, clama on Pislamisme, si la raison toute seule est incapable de créer un culte durablê~ quel sera l'avenir religieux de l'humanité? Se pasBera,t‑elle de toute religiont Nous serions surpris qu'il se ren. contrât encore quelques esprits sérieux capables d'admettre la pas. sibilitë deune, telle solution et de la croire définitive.
 
 
 
    Soit que Von ait la foi, soit que l'on ne veuille voir "na les
 
 
 
croyances religieuses qu'une décevante illusion, personne en effet
 
 
 
ne songe à nier cet instinct puissant qui pansu tout être pensant
 
 
 
à adorer quelque chou de supérieur. 0monnut donc parviendra‑ton
 
 
 
à donner satisfaction à cet instinc4 Pun des plus forts Sans e«»~
 
 
 
tredit et~ selon la direction qu'oe lui imprime, Pua des plus fê.
 
 
 
coude de notre espècel Le genre humain se ve~aîtAI condamné,
 
 
 
dans la fonction la plus sublime de sa constitution spirituelle, à
 
 
 
une Soif inapaisée et la nature nIaurmt~elle enfanté la plus parfaite
 
 
 
do Bes créatures que pour Ilmeujétir à une révoltante contradiction
 
 
 
dont aucune autre de Boa oeuvres u~offre le moindre exemplal Et
 
 
 
quel Som le sort de Phomme ainsi mutilêl que deviendront les
 
 
 
institutions sociales qui toutes ont à leur base un principe fourni
 
 
 
par la science par excellence, qu'on l'appelle la métaphysique ou
 
 
 
la religiont On a dit à très juste raison que la métaphysique n'est
 
 
 
que; de la théologie en robe courts; elle ne gardera pas long­
 
 
 
temps droit de cité, aprêa que la religion proprement dite aura
 
 
 
été définitivement congédiée. Le malheur est que le droit, la justice,
 
 
 
la beauté morale, la vertn~ la liberté, llbêwïsme~ le sacrifice ne
 
 
 
"nt pas autre chou que de la métaphysique en pratique ‑ et Von
 
 
 
ne voit pu en vérité comment de telles notions pourront encore
 
 
 
être con~é«, quand on en aura tari Punique source.
 
 
 
Assurément tout le monde n'apergoit pas immédiatement la résultat final d'un principe posé. La Société a une telle force d%iertie qu'il faut toujours plus ou moins de temps pour que les transformatiom; opérées pu les idées qu'elle accepte apparaissent enfla dans toute leur étendue, mais la logique tire toujours à la longue les conséquences des prémisses. Déjà même certains libres
 
 
 
 
 
8                                      fflTfflDUCnON
 
 
 
 
 
 
penseurs ont pris hardiment leur parti de voir la morale dhipa, rattre avec la métaphysique et céder la place à l'intérêt personnel comme unique rêgle de conduite. Ainsi s'enchaînent fatalement les négâtions~ précipitant les hommes sans religion jusqu'au bord deun abîme deoù l'oeil recule épouvanté.
 
 
 
On se demande donc von qui se tournera l'humanité, quand elle sera rejeté comme surannés tous les cultes traditionnels et que, néanmoins, le besoin de religion se fera de plus en plus Ira. pêrieusement sentir. Pour résoudre ce problème une double re>, cherche est nécessaire et nous y convions maintenant nos lecteurs.
 
 
 
 
 
 
IIL
 
 
 
 
 
 
      Toutes les religions, que la libre pensée proclame aujourd'hui
 
 
 
déchues, ont‑elles fait Iowa preuves dlane manière complots, et en
 
 
 
second lieu, est‑ce bien comme religions universelles qu'elles ont
 
 
 
exercé leur action dans l'histoire? En ne qui concerne le elcristis,
 
 
 
aime et Vislamieme, cela n'est Pas douteux. Or ces deux religions
 
 
 
ayant présenté pour ainsi dire une double version d'un même or!.
 
 
 
ginal, Phêbraîsme, puisque l'une et l'autre a prétendu réaliser la
 
 
 
véritable religion d1araël, il semble que oef"i se trouve à son
 
 
 
toute et w le fait même, doublement convaimme d'impuissance.
 
 
 
Il n'en es * t rien cependant. Si le christianisme et l'islamisme ont
 
 
 
donné au monde tout ce que ils étaient susceptibles de lui apporter,
 
 
 
on n'en peut pas dire autant du judaïsme traduit par eux de la
 
 
 
faÇOIR la Plus infflmplête et la plus défectueuse. On ne somrait
 
 
 
prétendre surtout que le judaïsme ait jamais fait ses preuves sens
 
 
 
Paspect de religion universelle. Mais le judaïsme est‑il une religion
 
 
 
universellet
 
 
 
A cette question répond un fait vraiment unique dans Phistoire r0liglOuss, trop méconnu cependant et que nos modestes efforts tondront à mettre en lamiêre: c'est que la judaïsme a donné neds. sauce à, deux puissantes religions qui, dès leur apparition, n'est aspirê à rien moins qu'à convertir le genre humain tout entier. Peut‑on soutenir que cette tendance commune au christianisme et à l'iglamiOmO soit étrange" à la religion juive, mère de l'un et de Pautrel Où donc auraient‑ils puisé ce principe inconnu à vmti. quilA POlithëigt$ et contraire à son gëuiel Serait‑ee chez las phi. losophest Obacun mit que les fondateurs de cas deux religions
 
 
 
 
 
1WRODUCUON                                                      9
 
 
 
n'ont point cherché auprès d'aux leurs inspiratione. Se pourratwL quUls le possédassent comme un bien propre dont ils ne seraient redevables à personnel Mais en es cas on ne voit pu comment, avec des aspirations entièrement nouvelles, ils auraient pu se donner pour les représentants authentiques, pour les légitimes héritiers du jadalame, déclarent solennellement, comme ils l'ont fait l'un et poutre, que leur rôle me bornait à réaliser ses promesses. Il est àpeine besoin d'ajouter que tout, daim la vie de Unes comme dans colis de Mahomet, S'oppose à cette hypothèse d'une conception or!. glands an détachent du fond commun. Veilleurs le génie lui‑même a besoin Wune culture appropriée et de circonstances favorables pour S'élever à de telles hauteurs et si Vid6o première de cet empire universel don âmes n'avait point existé en Israël, c'ut en vain que des hommes, si grands qu'ils fassent, Pueraient prêchée; ils n'auraient trouvé ni apôtres pour propager leurs doctrines, ni fidèles pour les embrasser. On ne peut pas dire que ce principe, mal défini au débu4 s'est peu à peu précisé comme toutes les conceptions nouvelles, après eue longue période d'évolution, car pour ne parler que du christianisme, dont Fialamisme plus tard n'a fait que suivre l'exemple, il est certain que mon ardeur de prosélytisme les poussé de suite vers les Gentils aussi bien que vers les Israélites.
 
 
 
Si le jndaisme Wavait été qu~un culte purement national comme ceux des peuples polythéistes, qui du moins, nous l'avons dit, n'excluaient point les dieux rivaux, il n'aurait pu donner naissance à deux religions aux aspirations vraiment universelles. Mais il est bien plus absurde encore de supposer qu'avec sa foi au Dieu unique il pouvait se désintéresser du sort de Pbmmitê, mi bien que J6sus et Mahomet auraient été obligés de chercher ailleurs que chu lui V idée d'une seule religion pour tous les hommes. Car si l'on peut admettre qWun dieu local devienne à la longue, en triomphant de us concurrents, le Dieu universel dans la pensée de su adore­leurs, il est absurde d'imaginer un Dieu unique qui se serait at­taché exclusivement une meule nation en rejetant irrévocablement roue les autre 8 peuples.
 
 
 
Mais alors, nous dira,t‑on, qu'est‑te que cette substitution de la Gentilitê à Israël proclamée par le christianisme au moment où il se, sépare définitivement du jadvIsme 1 N'est‑ce pas la foi chr6­tienne et universelle qui prend la place de la foi juive et natio­nalet Non, cut la rupture de Pasaoriation de deux idées qui
 
 
 
 
 
10                                    n~DUCWION
 
 
 
 
 
 
n,avaient jamais cessé de coexister chez les juifs, ù,est le sacrifice de la seconde à la première, c'est la déchéance prononcée contre luaël, le peuple pillitre, au profit des Gentils qui deviennent dé­surnais, par leur croyance en Jésus, le seul véritable peuple de Dieu.
 
 
 
On nous objectera peut‑être: que signifient donc ces deux ten­dauces qui divisèrent les premiers chrétiens, alors que les ma voulaient conserver intégralement la judaïsme et que 188 autres proclamaient la complète abolition de l'ancien culte 1 Elles" son­goivent fort bien, si Von admet lhypothèse que l'idée d'une re­ligion universelle faisait à ce mornentlà, pour la première fois son apparition dans le monde sur los raines, du nationalisme religieux; au contraire, ces luttu semblent inexplicables dans le cas où les deux notions auraient coexisté auparavant, Mais si Pou prête un peu d'attention au grand fait que nous allons signaler, il ut facile de as détremper.
 
 
 
Nous recherchions tout à l'hem si la judaïsme est une religion universelle et nous répondions affirmativement. Ce n'est pu ainsi sa réalité que la question devait être posée. Nous devions nous demander plutôt: le judaï~ a‑t‑il une religion univergelle ? C'est dans cette manière de formuler le problème que 80 trouve PexPli­ration du plu grand phénomène religieux de PantiquitiS, la clef des disputes aux premiers siècles de Père chrétienne, la solution de la crise que traversent actuellement les différent" Bglim et, pour tout dire, la dernière espérance religieuse de Phumainité. Et clest pa~ que nous Poutendious ainsi que nous avoue répondu sous hésitation que le judaïsme est me religion universelle, car autrement les faits nous auraient immédiatement infligé un ula­tant démenti. A Pexception du dogme et de toute la partie me­mie, il n'y a rien en effet dans la législation mosaïque qui un­vienne à un culte universel. Tout y porte Vempreinte du partieu­luisme la plus exclusif et il suffit d'imaginer le judaïsme embrausi pu tout le monde et fonctionnant dans la plénitude de sa vie et de us organes pour se convaincre qu'il n'est point, somme culte, destiné à te" les peuples. tant les impossibilités pratiques et les anomalies apparaîtraient alors nombreuses et choquantes. Et c'est es qui a toujours trompé et us qui trompe encore tant d'esprits de bonne foi sur la véritable nature de Il hébraïsme et même sur la conception juive de la Divinité, au point qWils ne "vont voir dans la religion dIsraël qu'au culte purement national. Mais il
 
 
 
 
 
INTRODUMON                                                        il
 
 
 
leur est facile de revenir de leur erreur en recherchent avec nous, comme nous les y invitons, si le judaïsme nea pas les éléments d'une religion universelle. Ils reconnaîtront alors qu'il pmmêde en effet, qu'il contient dans son sein, de même que la fleur cache le fruit, la religion réservée au genre humain tout entier, et dont la législation mosaïque, en apparence si incompatible avec cette haute destinée, neest que Pêcoerce ou l'enveloppe extérieure.
 
 
 
C'est pour la conservation et l'établissement de cette religion que le judaïsme a vécu, qu'il a lutté et souffert, c'est avec elle et par elle qu'il est appelé à, triompher. Etudier de près ce grand ph6nombne, découvrir les rapports qui unissent en Israël le culte national et le culte universel, montrer Faction et la réaction de Pun sur l'autre, tel est en grande partie la sujet même de eût ouvrage.
 
 
 
 
 
 
IV.
 
 
 
 
 
 
Nous devons faire remarquer loi tout d'abord que la consti­tution îPune religion universelle, but final du judaïsme, exigeait de lui un sureroit de rigueur dans ses dispositions p"ticulsHates. C'est à Phamanitê future qalit songeait; il fallait donc nâcessair~ ment qWil sisolât davantage du milieu actuel. Comme il n'outre. voyait que dans un très lointain avenir la réalisation de ses aspi­rations, Il devait prémunir d'autant mieux ses fiflêleS centre les périls, les faiblesses et les surprises deau long et pénible voyage4 afin que, la moment venu, il fussent en état de @'"quitter di­gnement de leur mission. 11 S'était formé un Idéal que tout tondait à compromettre autour de lui; il convenait donc qu'il se tint an­goûtent à l'écart de oc qui pouvait le détourner lui‑même du but désiré. Dans sa carrière séculaire, il dut arriver à Israël ce qui advient à m esprits supérieure qui ne peuvent travailler au bien général une soulever certains mécontentements, ni entretenir en eux la fiamme sacrée de l'amour pour tous les hommes sans fuir un peu l'affligeant spectacle de leurs bassesses.
 
 
 
Et c'est ainsi que le peuple le plus cosmopolite, le seul qui se soit élevé dans Pautiquité à la conception sublime du Dieu unique et d'une seule humundté et qu~ à toute époque et dans tous les lieux, se soit donné la tâche de reconstituer la famille humaine, a été considéré comme le plus égoïste, non seulement pu les anciens
 
 
 
 
 
12
 
 
 
qui Wont jamais rien compris à ses principes et à Bas institution% mais encore par la plupart de ceux qui étudiant aujourd'hui son histoire. Tel est, nous le répétons, le sert des vrais mis de Il bu­mendié. Leur éloignement de la foule Bat traité de misanthropie et l'on prend pour de l'orgueil le respect qu'ils ont de la dignité humaine et pour de la haine leur dégoût de tout as qui est vil. Mais les apparences ne ancraient tromper l'observateur impartial qui n'a pu de peine à reconnaltre précisément dans ces prétendus défauts les marques d'me pende et noble passion.
 
 
 
En outre, si l'on examine de près cette législation massique qui semble élever entre Israël et le goeure humain une inû~ehi& sable baniêre, on découvre bientôt la raison de ces lois pardon­fiers& d'autant plu uvûres et plus étroites que le but à atteindre était plus sublime et plus éloigné aussi. Le culte spécial d'Israël était la sauvegarde, la moyen de réalisation de le vraie religion nul­verselle on nuchisme, pour employer le mot des rabbin&, et nous trouvons la l'explication de tout as qui autrement demeure in­compréhensible dans les doctrines, les lois et V histoire du peuple juif. C'est aussi ce qui nous permet de comprendre l'avénement du christianisme, ce grand fait de P histoire, qui sans cela "rait un effet sans cause on. pont parler plus exactement, an effet contraire à sa cause, puisque de la religion en apparence la moins cosmopolite, la moins humanitaire, seraient issus le culte et la doctrine les plus universels que le monde ait jamais vus. Et pour rendre Pênigme plus insoluble encore, as serait en invoquant les croyances d'Israël, en se réclamant de ses proplôtes, en se donnant pour le continuateur de Bas traditiousl que le christianisme aurait revendiqué l'empire des âmes et qu'il aurait lutté et remporté tant de victoires.
 
 
 
Mais non, tout est infiniment pl" simple. Ce qui a enfanté la prédication chrétienne, c'est cette foi en la religion universelle que les juifs croyaient contenue au germe dans leur antique doctrine et dont il@ devaient un jour établir le règne. C'est elle qui a donné aux disciples de JfMus la conviction d'être les organes d'une mission providentielle et le courage d'en poursuivre jusquau bout du monde l'accomplissement. Sur ce point‑lâ l'accord entre israélites et l4u6­tiens fat inaltérable. Au plus fort des disputes sur la notion de Dieu et du Messie, su la question de Pabolition on de Pimmuta, bilitê de la Loil alors que les querelles éclataient et s'envenimaient jusqulâ produire cette mission qui date depuis du siimles, jamais
 
 
 
 
 
I~DUCT[0N                                                            13
 
 
 
 
 
 
il Wy eut entre eux des divergences d'idées sur les aspirations universelles qui leur étaient communes, sur la devoir d'évangéliser les nations et de Iffl amener au culte du vrai Dieu. Sans cette croyance fondamentale et familière aux uns comme aux autres, tout est mystère et contradiction dans PbiBtoire des premiers siècles du christianisme; aveu elle au contraire, tout devient in­telligible et logique dans la succession dei événements.
 
 
 
Qui doue d'aflleurB l'a jamais mise en dontel La science, bien loin de le fairee cherche imiquoment dans la judaïsme les auftécé­dents de la religion chrétienne. On p«d~ durant 1" ~ diverses p6­riodes de son développement, admettre tel emprunt fait à des sources étrangêres~ folle influence nouvelle dans la formation de ses dogmes, amis quant aux conditions mêmes de sa naissance, on ne saurait, de Paven des critiques, les trouver ailleurs que dans l'hébraïsme. Les diverses orthodoxies chrétiennes sont pareillement unanimes sur ce point. Pour elles, comme pour la science indé­pendants, le christianisme est la légitime héritier de la religion d'Isral: c'est son idéal qu'il s'est eforc6 deatteindre, ce sont ses promesses de vocation des Gentils qWil a voulu réaliser, c'est son Messie, son messianisme qu'il a prétendu apporter aux nations. Voilà un fait sur lequel tout le monde est daccord.
 
 
 
Après avoir ainsi précisé notre pensée, abordons maintenant l'examen des questions que nous nous posions tout à l'houe; voyons si le judaïsme, comme les religions issuea de lui, a fait ses preuves et s'il les a faites comme étant ou possédant la religion univer­mile. Ce n'est point du mosaïsme, en tant que loi sacerdotale propre à Israël, que nous avons à nous oecuper ici. Certes, nul ne contestera que cette religion‑lâ a bien fait me preuves At dans quelles conditions vraiment extraordinairesl Son étonnante vitalité, sa sève inépuisable, sa force de résistance, d'abord contre les Juifs ûnx~mêmes, peuple rebelle Wil en fat, et qu7ello est parvenue pourtant à plier à son joug au point deon faire nu peuple de martyrs, puis contre le monde entier ligué au couis des siècles pou portemines, tout nous donne lien de croire qu'une telle re­figlou avait une raison iVôtre et un grand but à atteindre, autre­ment il serait insensé de parler encore d'me philosophie de Vhia­foire. Mais c'est cette religion universelle, dont Phébraisme gardait le dêp6t sacré, que nous devons étudier ici plus particulièrement pour rechercher si vraiment elle a déjà donné au monde tout ce que, d'après ses principes, on était en droit d'en attendre.
 
 
 
 
 
14
 
 
 
 
 
 
L'insuffisance et la disparition progressive des divers polir. théismes anciens et modernes ne prouvent rien contre la valeur qu'on peut encore attribuer pour Pavenir à la religion hébraïque, car entre elle et les divers cultes païens il uey a aucun point de contact; Popposition est au contraire absolue et jamais un culte de cette nature ne s'cet présenté comme le successeur légitime du judaïsme. Cette chute du polythéisme apparait même comme Peu­complissement des promesses des Prophêtes, comme une pr6p& ration du rigne messianique qu' ils ont annoncé.
 
 
 
Mais en face des deux grandes religions auxquelles il a donné naissance, la situation de Phébraleme est bien différente. Elles ont Prétendu toutes deux réaliser Il idéal des voyante dIsraël et comme ni Pune ni Pantre ne se trouve aujourd'hui d'accord ni avec la science, ni avec la conscience moderne, on pourrait croire que Panêt de condamnation qui las frappe implique aussi Fincapuitë définitive du judaïsme lui‑même, en sorte que c'en aurait fait des religions bibliques sous tom lems aspects. Non seulement ces deux formes du messianisme juif auraient épuisé l'idéal hébraïque, mais comme on suppose généralement qu'elles constituaient sur lui un remarquable progrês, leur insuffisance une foie démontrée entrai. curait à plus forte raison l'irrémédiable déchéance de la religion mère: puisqulelle, leur était inférieurs. Nous espérons établir par cet ouvrage, si Dieu nom vient en aide, ce queil faut penser de cette condamnation. Nous venons si Phébraisme n'a plus rien àapprendre à l'humanité qui a tout appris de lui, mais dès main. tenant quelques mnald6rations générales nous Paraissent n6u~ sains,
 
 
 
Et d'abord, de qui tient‑on es prétendu idéal hébraïque qulon prétend aujourd'hui convaincu deimpuissancet A put quelques très rues et récentes exceptions, on ne sait de l'hébraïsme que ce que le christianisme et l'islamisme en ont fait connaître; oe "nt ces deux religions qui l'ont présenté au monde et c'est d'aprila l'image qu'elles en ont donnée qu'on l'a jugé tantôt admirable, tantôt digne de mépris. On peut maire que Pimage a été exacts on douter de sa fidélité. Toujours est‑il que le judaïsme n'est entré àaucun moment en contact immédiat avec l'humanité; sauf eue
 
 
 
 
 
MRODUCTION                                                      15
 
 
 
 
 
 
période, deailleurs très remarquable, de prosélytisme actif (lune le siècle qui précéda Papparition du christianisme, il n'out jamais Iloccasion de se révéler directement au monde et d'entreprendre lui‑même, sans intermédiaire plus on moins fidèle, la réalisation de Bon véritable idéal.
 
 
 
          De fait, Vexactitude de Vimage que le christianisme et Fiels,
 
 
 
  misme ont donnée da messianisme, d'Israël West rien moins que
 
 
 
      prouvée; elle West même nullement probable. Il faudrait rewn.
 
 
 
          naître avant tout une origine divine à Vous et Ventre de ces
 
 
 
    religions pour admettre que Phébraïsme ait pu parvenir sa" ait&
 
 
 
  ration aux fidèles des dom Eglises. Sans au éclatant miracle cela
 
 
 
      ut an effet de toute impossibilité. Qu'on se représente la Syna,
 
 
 
      gogne, juive à la naissance du christianismee avec m Baitures,
 
 
 
ses traditions, eau nombreuses et savantes écoles et us docteurs
 
 
 
  qui remontant, pu une chaîne ininterrompue, juaqu'any prophète$
 
 
 
        de la Oaptivité babylonienne et même, seil faut 160 an croire,
 
 
 
jusqu7au Sinaï.. Depuis de longs siècles, ils ne font qu'étudier naît
 
 
 
  et jour, propager et appliquer la doctrine de la Thora. Un homme
 
 
 
      surgit tout à coup; il s'appelle Jésus. EBt‑oe un Diouf oBt~e un
 
 
 
          hommel S'il est Dieu, tout est dit; ou il en saura évidemment
 
 
 
    davantage que tous les docteur& de tous les âges sur la nature
 
 
 
    de la vraie religion. Mais si Jésus était Dieu, sommes‑nous sûrs
 
 
 
    pour cela que l'idée qWon s'est faite dam son Eglise du messis,
 
 
 
      nierne prêché par lui Boit celle queil an avait lui‑mêmet Pour le
 
 
 
      mire, Il faudrait que IPinfaillibiât6 du fondateur du christianisme
 
 
 
eût été accordée à ses emmesours Immédiats et aux successeurs de
 
 
 
ses                              nosjours, car ces Juifs ignorante, étrangers
 
 
 
  eux: foyers de la doctrine hébraïque, tels qulon nous dépeint las
 
 
 
  apôtres et les hommes de la première génération chrétienne, ne
 
 
 
pouvaient, sus eue suastance céleste toute particuliers, conserver
 
 
 
Vidéal de Israël et l'interpréter e=ctemen4 sans s'en écarter jamais.
 
 
 
Il est logique d'admettre, comme le fait précisément PE911se catho­
 
 
 
      lique romaine, la plus conséquente de factice les Eglises chr6­
 
 
 
tiennes, qu'une institution divine doit demeurer préservée de toute
 
 
 
  erreur, que Dieu ne se borne pu à parlare mais qWil doit assurer
 
 
 
la conservation Invariable de sa parole. Mais qu'on y prenne garde.
 
 
 
          Si ce principe est vrai, il faut eommenoer par le reconnaître
 
 
 
          pour le judaïsme lui‑même; il faut croire que la voix du Sinaï
 
 
 
        ne pouvait manquer Ae retentir deâge, en âge et (lue Dieu a
 
 
 
      garanti à la religion israélite cette infaillibilité, Butte assistance
 
 
 
 
 
surnaturelle que PEgIW romaine juge nécessaire de s'attribuer aujourd'hui.
 
 
 
8i au contraire Jésus nétait glivun homme, comme le pensent non seulement toutes les autres religions et tous les rationalistes, mais encore les Eglius chrétiennes, si nombreuses de nos jours, pour lesquelles la divinité du héros des Evangiles a crus d'être au, dogme, est‑il raisonnable de supposer qu'en jugeant le chris­tianisme on juge du même coup Phêbreisme et que celui‑ci a été si parfaitement compris et si Mêleugent représenté au cours des siècles par la religion chrétienne que la chute de oeIIo~«i entraîne inévitablement la déchéance de celle qui lui a donné naissancel Quoil sans aucun miracle. sans intervention directs de Dieue nu jeune homme médiocrement Instruit peut‑il sgarroger le droit de parler au nom d'une trê8 ancienne nation eni pleine possession glu ses monuments scripturaires et de ses traditionst Bien plus, peut‑il contredire ses enseignements les plus formule et malgré les solennelles protestations de tout an peuple prétendre être "a sur pargolet Et Ior8qu~iI s'agit de connaltre la vraie nature du judaïsme, le bon "ne permet‑il d'admettre que lés successeurs du jeune novateur, pour la plupart d'origine peionne, soient pr& fériis aux représentants authentiques de l'antique roligiont Et si le mond finit pu trouver, à tort on à raison, que les progrès de l'intelligence humaine ont dépassé sur certains points Fidéal chrétien, est‑il juste d'englober celui d'Israël dans le même arrêt de condamnationt VêquitiS la plue élémentaire comme la simple logique, le respect pour la vérité et Vinterêt même de notre avenir religieux s'opposant formellement à am, telle confusion.
 
 
 
Quel est donc cet hébraïsme gleon a cru posséder et connaître à fond pendant des siècles, en sorte qu'on ieen murait plus rien apprendre de nouveaul Ce West qu'un hébraïsme de seconde main, découronné, arraché à la &ourse même de sa vie et exposé de la façon la plus inexpérimentée et sang le moindre ménagement àVaction profondément modiffante et dêlêtêre de préjugés, de duc. trines et de civilisations qui n'avaient rien de commun avec, lui. N'est‑il pu plus que douteux que dans de telles conditions Pessal[ de réalisation du messianisme juif ait pu seffectuer d'nos maniêre clomplûte et satisfaisangtel En vérité, une religion ne vaut que par ce quelle proclame elle‑même et non pu ce que d'autres prêchent en son nom. Il ne suffit pas de dire: Voilât le messianisme annoncé Pm les prophètes dIsraël; il faut examiner Wil a été bien compris,
 
 
 
 
 
ffl~DUOTION                                                        17
 
 
 
bien interprété et surtout enseigné et appliqué av" une urupu­
 
 
 
lemsa exactitude. Vienne le jour où l'humanité commence à alaper­
 
 
 
cavoir que ce prétendu messianisme ne répond plus & Pidêe qWelle
 
 
 
se forme d'une institution divine, que doit‑elle fairet Peut‑elle
 
 
 
uns injustice rejeter, les yeux fermés, le véritable hébraïsme, "as
 
 
 
prétexte qWOR lui a présenté jadis comme le réalisant une religion
 
 
 
qui se trouve aujourd'hui en contradiction avec us croyances les
 
 
 
plu fondamentales et ses plus chères aspirationst Non certes;
 
 
 
son devoir comme son intérêt, &est de remonter aux sources et
 
 
 
de prendre directement connaissance des textes et des traditions
 
 
 
israélites qui concernant le règne messianique, la religion un1ver~
 
 
 
mile promise aux nations; c'est d'étudier jaequ'ê quel point Fidêat
 
 
 
de rhumanitê, d'après le judaïsme, le christianione véritable, a été
 
 
 
atteint par ceux qui se sent arrogé "a titres, ses droits et sa
 
 
 
mission.
 
 
 
Si cet examen impartial démontre que la religion chrétienne a pleinement réalisé le mesahmisme d1Israël~ ce sera le ose de condamner celui‑ci et de rejet" la Bible comme nus sauras défi­nitivement épuisée. Mais si l'ou découvre au contraire, entre Phê­braï8me et les essais d'universalisation qui On Ont été fuite, uns différance telle que Pou puisse continuer à croire à la valeur propre de la Révélation mosaïque et de son idéal messianique, s'il est même possible de rester chrétien, dans la plus large acception du mot, sans abdiquer pour cela la qualité d'homme raisonnable et de citoyen, quel bonheur inespéré! quelle perspective pour l'avenir religieux de l'humanité! et pu conséquent quel coupable aveugle. ment que dé négliger cette chance de salut et de condamner le judaïsme sacs l'avoir jamais écouté!
 
 
 
 
 
 
VI.
 
 
 
 
 
 
C'est pour faire entendre dans la crise présente la voix d'Israël, que ce livre a été écrit Pour atteindre notre bat, une double dé­monstration seimpose à nous, car nous no" adressons à la fois aux rationalistes et aux moBsiaidates on chrétiens des diverses Eglius. Aux premiers, trop enclins à, dénier au judaïsme tout caractère d'aniversidisme, nous avoue à Prouver que cette religion est tout autre chose qu'un culte particulariste ou national comme ceux dont Pautiquitê no" offre tant dexemples, qu'elle constitue au
 
 
 
 
 
 
 
18                                      INTRODUMION
 
 
 
 
 
 
contraire une exception frappante et que cette dérogation aux lois de l'histoire est à elle seule une preuve en faveur de la ré. vélatiOn, c'est‑à‑dire de Porigine supérieure de la religion d'Israël Otp Pm OOW1éq«nt~ de M Valeur et de un rôle spécial dans les destinées de Pliumanitê, A~ seconds, nous aurons à «p~ cette loi noaeltide, ou universelle que le judaïsme a précieusement cou. servée et qui a été le point de départ et la fume impulsive de la Prédication chrétienne dans lu monde; nous leur montrerons quelle cet la véritable conception juive de Phomme, des peuples et de l~humaitê organisée au un tout harmonique. Les une et les autres ne peuvent que gagner à cette étude; ils reconnattront, noue en avoue le ferme espoir, que lhébraïsme, auquel l'humanité jadis a déjà fait appel, lui offre aujourd'hui encore une sucre de salut.
 
 
 
On ne saurait contester que lorsqu'une forme religieuse a fait son temps, O~«t encore à elle cependant qu'il faut recourir, pour chercher à établir, sur quelque terrain inexploré et à poids de quelque germe préexistant, la forme qui doit lui succéder. Les re. ligions dites naturelles on parement rationnelles Wont pu de prise profonde sur l'âme humaine. Il y a me loi de continuité à la, queue on ne peut su soustraire et les innovations ne nainsant viables qu'autant qu'elles ont été longuement préparées au sein du précédentes institutions. Par conséquent, la religion de Favenir doit avoir sa base dans quelque religion positive et traditionnelle, investie du mystérieux prestige de l'antiquité. Or, de toutes lu religions anciennes, le judaïsme est la seule qui déclare posséder un idéal religieux pour l'humanité tout entière et, pu un privi. lêge exceptionnel, il a déjà donné naissance aux deux grandes re. lWions qui es partagent actuellement la monde civil!" et qui croient avoir pour elles l'avenir. La transformation à opérer sera donc d'autant plus facile et plus naturelle qu'il s'agit en réalité de l'idéal que le christianisme et l'islamisme ont cherché à faire prévaloir. Seulement leur oeuvre n'est qu'une, copie qui doit être mise en face de t'original; partout où elle se trouvera inadêle, partout OÙ 8118 aura péché soit par excâs, suit par défaut, partout enfin où il sera établi que des idées êtrangbres ont réussi à s'lu. traduire, la notification s'imposers, d'unemême. Il ne s'agit ni de démolition, ni de révolution religion", ni de reconstruction à, non. venu; il ne doit y avoir ni déchirement, ni solution de continuité; le christianisme sors, toujours ce qu'il prétend âtre: le messianisme, seulement, dans toutes nus parties défectueuse, il se sera réformé.
 
 
 
 
 
EsTRODUCTION                                                  19
 
 
 
Tous oeux que préoccupe l'avenir de l'humanité rêvent pour elle une religion qui respecte pleinement et les besoins (je la foi et les principes essentiels de la raison moderne, mais ils compren. nent aussi la nécessité de rattacher cette religion au passé et de maintenir les anciennes croyancae dans tout ce qu'elles ont de compatible avec ces mêmes principes. « Il est naturel, di ]Iart~ Mann, que ces «efforts se rattachent aux religions traditionnelles, soit pores que ce serait une entreprise hasardés et inexécutable de tout recommencer, soit pores que l'idée de la mti"ité h4W rique West imposée à la consedence moderne comme celle deum bien inappréciable, impossible à remplacer et tel que, pour le conserver, somme concession admissible ne doit paraître excessive » (1).
 
 
 
Mais comme les diverse& tentatives de conciliation entre la raison, la civilisation et la foi paraissent pâles auprès du rayon de lumière qui brille à Phorizon, dûs que Pon es tourne du côté de l'idéal hébraïque! Les combinaisons artificielleme les synthèses compliquées qu'on imagine, loin de pouvoir satisfaire les besoins de Phumanitê, apparaissent plutôt comme un indice d'extrême épui­sement religieux; tout est arbitraire, dômusu, hétérogène, uns prestige ni autûritê~ même sur la conscience de oeux qui inventent cas systèmes. Avec la doctrine hébraïque au contraire, qui forme an tout parfaitement homogène et qui présente avec les deux plus grandes religions existantes toute l'affinité désirable, puisqu'elle en cet la mère incontestée, c'est la religion la plu ancienne qui va devenir la plus nouvelle; c'est de la source Woà a JaRli déjà tant d'eue. fécondante qu'on nouveau jet bienfaisant va sortir.
 
 
 
Et dailleurs en face du christianisme et de PiWamisme, du premier surtout aveu eu dur" de dix‑neuf siècles, sa chatue inin. terrompue dapôtres, de pères, de doeteurs, avec sa majestueuse hiérarchie, son origine prétendus divine et Bon infaillibilité, il faut bien convenir que toute religion ai raisonnable, si philosophique, si morale soit‑elle, fera toujours pauvre figure tant que Bas fonde. ment& ne reposeront que sur la Boule raison. Pour rivaliser avec ces cultes puissants, il faut autre chose que des créations indivi­duelles plu on moins ingénieuses. A du religions si anciennes, il en faut pouvoir opposer une autre dlune durée plus respectable encore. En face de leur longue et vénérable tradition et des preuves d'origine surnaturelle qu'elles allèguent, il s'agit de produire me
 
 
 
 
 
 
(1) ~ "iig" & tlm,,W, trad. franq. 6dit. Alom, p. 9.
 
 
 
 
 
20                                    IMPRODUCTION
 
 
 
 
 
 
autre tradition plus antique et plus auguets et des titres plus authentiquement divins. Enfin, pour remplacer une autorité qui se déclare infailible et qui ne se constitue que l'an un de Père chré. tienne on de Phêgire en infligeant, par une einguliêre contra diction, an démenti au principe même dont elle se réclwne~ on doit chercher une autre infaillibilité bien plus sérieuse qui,. com­manade avec Phistoire, de ]'homme sur la ter", ne taira qu'avec lui. Or, nous le demandons encore à tous c,eux qu?intêressent les besoins religieux de Phumanité, ûxist~&il en dehors dajudaï.anie, non dans sa puits ethnique, mais dans su qu'il a d'universel, une autre religion qui soit en état de répondre à ces conditions, sans lesquelles on ne saurait rien constituer de "lido et de durable?
 
 
 
 
 
 
Vil.
 
 
 
 
 
 
Et maintenant nous nous tournois vers les fils des de" grande messianismes, chrétien et cammisans. gil~t aux chrétiens sa par­ticulier que nous voudrions adresser me franche etnspeetnouse PaVOI6 et Dieu mit si c'est avec la crainte dans le coeur que nos âvances ne soient prises pour de Phypocrisie. Nonl nul homme impartial et raisonnable us peut s'empêcher de reconnaître et d'apprécier comme Il convient la haute valeur de sus deux grandes religions et plus spécialement du christianisme. Il neest Pm de juif digne de ce nom qui ne se réjouisse de la grande transfor­mation opérée par elles dans un monde que Bouillaient autrefois tact deerreurs et de mishres morale&. On ne saurait entendre 1" noms les plus augustes et les plus chus du judaïsme, les échos de 068 livres sacrés, le souvenir de Bos grands êvênements, ses hYmnes et ses prophéties sur la bouche de tant de millions dan. close Payons do toute race réunis pour adorer le Dieu d'Israël dans les églises et, dans les mosquées, sans sa sentir. pénétré donc légitime fierté, de reconnaissance et d'amour envers le Dieu qui a opéré de ai grande miracles. Quant à nous, il ne nous est jamais arrivé d'entendre sur les 1êvres &uu prêtre las pesantes de David uns éprouver de tels sentiments. Jamais la lecture de certains passages (lu Evangiles ne nous a laissé froid~ la simplicité, la grandeur, la tendresse Mais que respirent ces pages nous boula. versaient jusqu?au fond de l'âme; des larmes involontaires coulaient de nus yeux et nous eussions été facilement gagné par le charme
 
 
 
 
 
MRODuanoN                                                        21
 
 
 
de ce Ilwe, si une grâce partienlièm ne nous avait figit triompher
 
 
 
de la grâce elle‑même et si nom n'avions été familiarisé depuis
 
 
 
longtemps avec ces émotions par les écrits de nos dooteurB, Pm
 
 
 
FlIaggada surtout dont IlEvaugilû s'est qu'un feuillet détaché et
 
 
 
qui, avec lui et sans lui, a conquis et conquerra le monde comme
 
 
 
va dit Renan.
 
 
 
Nous nous abandonnions alors d'autant Plu librement à mg douce@ impressions que nous avions conscience de rentrer dans un domaine qui nous appwtient~ de jouir ainsi de notre propre bien et dêtre d'autant plus juif que nous rendions mieux justice au christianisme. Bt nous disions alors: qu'importe, que lm pas­sions humaines se soient conjurées ici comme partout pour accomplir leur couvro néfaste! qu'importe qWentre, juifs et chrétiens la haine et les pré~E4 les faiblesses et les crimes aient crensê un abîme de s6paratimil les deux religions elles‑mêmes sont et resteront soeurs. Les croyance$ et les aspirations de l'âme ne connaissent pas nos aveugles répulsions et . si elle$ saut au fond unies et solidaires, nulle puissance au monde ne les pourrait séparer dêd­nitivement; bien au contraire, elle@ &auront, au moment voulu, rapprocher lei intelligences elles‑mêmes, aÜlk que, dans la Batiffl contemplation de la vérité historique et dogmatique, elles recon. agissent leur parenté originelle et, par une alliance raisonnable, se remettent à travailler en commun à, Paecomplissemeut de leurs grandes destinées.
 
 
 
Pourquoi cet bspoir ne se réaliserait‑il pointl Pourquoi le judaïsme et le christianisme waniraient‑ils Pas leurs efforts en vue de l'avenir religieux de l'humanité? Pourquoi le christianisme éprouverait,il une difficulté à Wentendre avec cette religion dent il est issu, dont il reconnaît la vérité fondamentale et qui possède, à un plus haut degré que lui, toutes lu qualités dont,il est si fier: Vantiquité, la continuité historique, l'autorité et la vitalité? Qu'il dédaigne de sabaissa à des transactions avec Pesprit du 'siècle, qu'il se fasse un point d'honneur de ne pas céder aux sera­mations de la "gesse humaine, cela an comprend. Mais qu'y aurait‑il d'humiliant pour lui à condescendre à de franches expli­cations avec le judaïsme dans le but de redressa des encore dogmatiques et de dissiper de funestes mlegtendust L'Eglim catholique nlwt‑elle pas fait maintés fois à d'obscurs hérésiarques Phonneur de discuter avec eux dans ses concilest Et si de ces délibérations avec la religion‑mârs pouvait sortir un christianisme
 
 
 
 
 
22                                      TN~o»1TMoN
 
 
 
qui conserverait wu caractère d'autorité divine, que dis‑jol au christianisme d%utant plus orthodoxe qWil se serait "trempé due une orthodoxie plus ancienne que lui, mais qui satisferait, comme nous le croyons fermement, mieux que les Eglius chrétiennes actuelles, les besoins des esprits et qui serait mieux en état de Parer aux périls de l'avenir, quel heureux présage n'en pourraiton Pu concevoir pour Phumauitê! quelle solution aussi simple qalad­mirable du grand problème roligieuxi
 
 
 
Si nom parlons particulièrement du christianisme, c'est qu'il représente une partie considérable de l'humanité. Professé par les Ratio" les plus civilisées, il est une des plus savantes "Il. gion& Il a été la premier à vouloir incarner parmi les gentils Pid6al des prophètes et il tend encore à es répandre de plus en plus. C'est donc à lui qWappartient l'honneur du principal essai de religion universelle, comme c'est à lui aussi qu'incombe la responsabilité de l'échec.
 
 
 
 
 
 
viii.
 
 
 
 
 
 
Mais, nous obJmt6ra‑t~m, le christianisme est si loin de vouloir chercher force et lumière dans Pantique, religion hébraïque, qu'il ne reconnalt même plus à celle‑ci le droit d'exister. N'a‑t‑il pas érigé en principe, dès les premiers siècles, l'abolition de la Loil N'~t‑il pu wmmoneê par prononcer avant tout la condamnation et la déchéance d'Iaraëll Os n'est malheureusement que trop vrai. Aussi estimons‑nous que c'est lâ précisément le premier point àéclaircir.
 
 
 
Reportons‑nous par la pensée am premiers jours du ehri8tia­nisme pour en refaire brièvement Phistoire. Pour des muses qu'il serait trop long d'exposer, il Wy ont à cette époque, sur la question de la loi, que deux tendances en présence. La plus ancienne est celle qui voulait rendre la loi mosaïque obligatoire pour les gentils au même titre que pour les juifs de naissance. L'autre, de date postérieure, et qui a finalement prévalu, en proclamait l'abolition indistinctement pour lm ans et pour les autres. L'idée dominante, dam Fane comme dans Pautre de ces tendances opposées, était que le judaïsme devait donner au monde la religion universelle, soit que la loi particulière des juifs dût s'appliquer à tous, soit que l'on eût à tirer de ce statut aboli dans son ensemble là nouvelle
 
 
 
 
 
T~urolnow                                            23
 
 
 
loi commune sny juifs et aux gentils. On %%ccordait des deux c6tês à reconnâ1tre qu'il ne devait exister aucune opposition entre l'ancien et le nouveau culte et qu'en somme hébraïsme et messia. nisme étaient une "nie et même religion. Il y ont bien entre ces deux tendances extrêmes un moyen terme proposé par Paul comme expédient transitoire et qui consistait à, tolêrtr provisoirement les rites juifs désormais dénuée de toute valeur et de toute efficacité, mais il était ai inconséquent et sa durée fat si remis qu'il ne mérite pas flue nous nous y arrêtions davantage.
 
 
 
Des deux solutions indiquées plus haut, c'est donc VaIsolition de la loi pour tout le monde qui @1fflt,impoBée~ malgré les proton­tations légitimes qu'elle soulevait. Pour apprécier convenablement es fait capital, Il faut Vêtudier en lui‑même et dans sas consé­quences.
 
 
 
Dommdo~nous tout d'abord si entre le judaïsme et 16 abris­tiantamE4 entre le culte ethnique des israélites et le culte des gentils, entre la loi mosaïque et la loi noachide ou universelle, il Wy avait pu d'union possible sans l'une ou Vautre de ces deux solutions. La pensée hébraïque n'avait‑elle pas conqu deautres rapports nos­maux entre le mosaïsme et le measianismet Le premier devaitAI devenir universel aux temps messianiques, on bien devait‑il faire place à la loi dite noschide, 9appliquant à tous les hommes en dehors d'Israëlq A laquelle les juifs eux‑mêmes sa seraient désor­mais trouvés wumisl Ni lewt ni Vautre des systèmes mis en avant par les deux grandes écoles de Jacques et de Paul ne répondait à Vidéal hébraïque. Les païens ne devaient pas être tenus à Pobur. vation de la loi mosaïque comme Jacques l'aurait voulu, et Paul était dans la vrai en le combattant. Les juifs ne devaient pu non plus abandonner leur religion comme le demandait Paul, et Jacques avait parfaitement raison de ne les en point dispenser. Oes esprits, qui ne brillaient pas précisément par lem connaissance des due. trines juives, avaient donc à la fois tort et raison respectivement. Il tour manquait à tous deux d'avoir approfondi davantage la vêri. table conception hébraïque du rêgne messianique.
 
 
 
Quelle était donc cotte conceptiont Le présent ouvrage Fêta, blira, nom l'espérons, d~une maniêre complète. Pour PhébraUme, le monde est comme une grande famille où le père vit en contact immédiat avec ses enfants qui sont les différentes nations de la terre. Parmi ces enfants, il y a un premier‑né qui, conformément aux anciennes institutions, était le prêtre de La famille, chargé de
 
 
 
 
 
24 '                                                ffl~0DUM0N
 
 
 
 
 
 
faire exécuter les ordres du père et de le remplacer en son absence. C'était lui qui administrait les choses sacrée@, qui officiait, oeî6ei~ gnait, bénissait, et en reconnaissance de ces services, il recevait une double part dans l'héritage paternel et la comméeration on imposition des mains, sorte d'investiture religieuse que le père accordait parfois, à la place du premier‑né, à celui (rentre "a fils qu'il enjugeait plus digne. Telle est la conception juive du monde. Au ciel un seul Dieu, père commun de tous les hommes, et sur la terre une famille de peuples parmi lesquels Israël est le premier‑né, chargé d'enseigner et d'administrer la vraie religion de l'humanité dont il est le prêtre. Cette religion est la loi de Noê: clest celle que le genre humain embrassera aux jours du Mesoie et qu'Israël a la mission de conserver et de faire prévaloir à son heure, Mais comme peuple‑prêtre, comme nation consacrée à la vie parement religieuse, Israël a des devoirs spéciaux, des obligations partira­libres qui "nt comme une morte de loi monastique, de règle claus­trale, de constitution ecclésiastique qui lui reste personnelle en raison de ses hautes fonctions.
 
 
 
Quelle était donc la ligne toute tracée qu'auraient dû suivre les premiers chrêtienst C'était de s'on tenir strictement à la conception juive: la loi de Moïse pour les juifs, la loi nosehide pour les gentils. Au lieu de cela, qu?estril arrivêt Soit par suite de l'ignorance des apôtres que l'on saccords à reconnaître comme dénuée de toute culture, soit par l'effet de la surexcitation des passions, soit enon que cette loi no"hide, qui Wavait jamais encore requ d'application générale, fût à peu près inconnue, on ne prêcha que les deux soin. tions extrêmes, elest‑A~diro &un côté, la suppression pure et simple de la loi mosaïque et de l'autre, la soumission de tous à. cette même loi. On ne distingue que bien rarement, comme par exemple dans deux passages du livre des Actes (xv, 19,20 et xxi, 25), une faible tracs du véritable système hébraïque à travers toutes les discussions et les divisions religieuses de cette époque.
 
 
 
Ce n'est pu ici le lien d'examiner au point de vuathêologique la question de l'abolition générale du mosaïsme qui a prévalu dans les idées chrétiennes, ni Wétudier les conséquences fâcheuses qui résultèrent pour le christianisme lui‑même de la suppression d'une loi où la pulls cérémonielle dont on pensait s'affranchir unique. ment, était tout à fait inséparable de la partie morale et doctrinale. Les sectes qu4.par leurs excès, ne tardèrent pu à scandaliser PEgIùw~ les erreurs grossières dans lesquelles tomba la foi populaire,
 
 
 
 
 
~DUMGN                                                                25
 
 
 
les discordes qui dêchirbrent et ensanglantèrent le monde chrétien sur la question de la foi et des oeuvres, sur ilefficaweité de la grâce et (le la rédemption, Bar le libre arbitre et le serf arbitre, les ohm. ritéi que présentent aujourd'hui encore les dogmes du christia, nisme, sent lâ pour attester que el cet permis aux hommes d'être illogiques, les lois de l'histoire out au contraire une logique intrinséque et qu'avec les observances ritaêliques, la morale et la doctrine même de la Bible devaient fatalement tomber du même coup.
 
 
 
Il ôtait inévitable aussi quOIsraël disparût du nombre des na. tiens et son sacerdoce avec lui.
 
 
 
Or, si le judaïsme avait pris au sérieux la condamnation pro­noneêe, Phiimanitê trouverait aujourdhui tarie la source doù le christianisme Bat sorti; L'arbre qui a produit tant de fraits et dont la sêve en promettait tant d'autres encore aurait été déraciné et il serait impossible de vérifier maintenant la provenance et. la qualité des rejetons que Von prétend lui attribuer. Le monde serait actuellement obligé de choisir, uns autre alternative possible, entre la catholicisme romain, la forme la plus logique du christianisme, et la libre pensée.
 
  
Nous nous occuperons plus tard des objections des rationalistes qui nous disent que si le christianisme a fait son temps, le judaïsme, qui lui a donné naissance et sur lequel il rêaH ait un progrès, est
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Mais au fond, nous l'avons dit, il s'agit d'une seule et même crise, qui n'est pas autre chose que la lutte entre la foi et la<ref>Page 4</ref>  raison, soit que celle‑ci, en voulant juger le monde et la société, se trouve aux prises avec les croyances traditionnelles, soit qu'elle se mette à étudier, à la lumière de la critique historique, de l'exégèse et de la science, les prétentions contradictoires des diverses religions, soit enfin qu'en travaillant au sein même de chaque Eglise, elle y provoque le libre examen et, incapable de se contenter des anciennes formules, pousse les esprits à en rechercher de nouvelles qui lui permettent de se réconcilier avec la foi.
  
la
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===Chapitre II.===
  
â.bien plus forte raison une forme p6riméù et que d'ailleurs, comme religion sémitique, il est incompatible avec le génie et les leu. dunes@ des peuples aryens. Olut aux chrétiens que nous nous adressons présentement et noue les conjurons d'examiner. sérieuse. ment si le judaïsme n'a pas en raison de ne point, souscrira àIlarrêt.de condamnation porté rentre lui. Une flagrante contradiction se révêle, en effet dans les discussions des premiers elêcles sur la rejection d'Israël. D'un côté, on affirme que le christianisme est fondé sur le judaïsme; toutes les voix de l'Oglim s'mordent pour dire que ce sont les promesses des prophêtes qui se "ut réalisées dans le christianisme et par son moyen. Or qu'est‑ce que les pros phéties aijnongaientlQill6raël, gardien du messianisme, serait, lors de Bon avênement, considéré par les Gentils convertis comme priâtre de l'humanité et que Bon individualitAcomme peuple de Dieu serait d'autant plus assurée que la vérité, de as, mission serait gênéra, lement reconnue.
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La crise une fois constatée, on se demande quelle en sera l'issue. La rupture depuis longtemps commencée entre le ciel et la terre, l'idéal religieux et la réalité historique, sera‑t‑elle consommée pour jamais? Le combat séculaire entre les formes rivales que la religion hébraïque a revêtues n'aura‑t‑il qu'un résultat purement négatif et la raison humaine devra‑t‑elle prononcer leur commune déchéance? En d'autres termes sommes‑nous à la veille de voir le monothéisme juif convaincu d'impuissance sous ses trois formes, hébraïque, chrétienne et musulmane, et balayé de la face de la terre comme le polythéisme l'a été il y a dix neuf siècles? Et cette hypothèse se vérifiant, que mettra‑t‑on à sa place? Sera‑ce le rationalisme? Ce n'est pas ici le lieu de discuter à fond la possibilité de cette substitution. On a écrit sur l'insuffisance du rationalisme pur comme religion bien des pages érudites. On a montré avec raison qu'il ne saurait jamais être la religion du grand nombre et qu'il est incapable de satisfaire les besoins du cœur humain. Mais une étude plus attentive nous ferait découvrir sans peine des arguments plus sérieux encore, plus philosophiques, plus profonds.
  
D'un autre okê, on. prétend que si les païens sont entrés dans
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On verrait en effet que la Religion, adoration et culte de l'Absolu, ne peut être un simple produit de l'esprit humain; son rôle étant de contenter la raison, de lui ouvrir des horizons inconnus et de l'initier à une vie supérieure, Il faut, pour être l'expression de la vérité totale, qu'elle embrasse non seulement tout l'ensemble des choses intelligibles, mais encore ce côté mystérieux de l'éternelle existence qui surpasse et surpassera toujours nos sens et nos facultés, autrement dit il faut qu'elle soit révélée. On verrait que toute religion rationaliste, nécessairement changeante comme<ref>Page 5</ref> la raison lui‑même dont elle émanerait, est une impossibilité, car l'adoration implique la croyance inébranlable que son objet est la vérité immuable, sans quoi ce serait une adoration toute provisoire et l'on a quelque peine à se représenter l' humanité prosternée devant un autel qu'elle aurait la certitude de voir renversé demain.
  
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Qu'on ne se méprenne pas cependant sur notre pensée; nous ne voulons pas dire que la Révélation une fois admise, l'esprit humain se trouve pour toujours arrêté dans sa marche et qu'il n'ait pas à étudier de plus en plus, soit la nécessité de cette révélation, soit le sens et la portée qu' il lui faut attribuer, de même qu' il a à examiner aussi les titres et la valeur des diverses révélations qui réclament son adhésion religieuse. Nous affirmons seulement qu'au sein d'une religion révélée, l'esprit humain croit adorer la vérité absolue, tandis qu'il est de l'essence d'une religion rationaliste de ne permettre aucune confiance de ce genre et de n'offrir à ses fidèles que des abris momentanés. L'histoire est là, d'ailleurs pour nous prouver que tous les essais de cultes purement rationalistes ont sombré dans l'impuissance et le ridicule et que la nécessité d'une religion révélée se fonde aussi bien sur la nature de l'homme que sur celle de Dieu.
  
26                                      MMODUOffON
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Aurons‑nous donc un nouveau Sinaï? Une Loi nouvelle nous viendra‑t‑elle, du ciel? Il n'est personne qui attende de ce côté là le salut de l'humanité. Ceux qui croient aux révélations anciennes ne pensent pas pouvoir sans infidélité en espérer une nouvelle et ceux qui n'y veulent voir que des légendes ne sauraient admettre aujourd'hui la possibilité de ce qu'ils nient dans le passé. D'autre part, les penseurs indépendants, tout en admettant le principe et la nécessité d'une Révélation, sont bien loin de considérer celle‑ci à la manière des simples comme un phénomène miraculeux détaché de la vie, du développement historique de l' humanité, sans aucun lien avec l'organisation psychologique de la nature humaine. Ils comprennent que la Révélation, si elle existe ne peut être qu'unique, comme cette autre révélation matérielle qui est la nature et qu'elle doit être, comme celle‑ci, immuable. Ils savent enfin qu'elle n'est possible qu'au début de l'humanité, car une faculté toute spéciale, la spontanéité, fonctionne, à ces premiers âges, en religion comme dans toutes les branches de l'activité humaine; elle cesse ensuite pour ne plus revenir, lorsque la vie spirituelle et matérielle est enfin établie sur ces bases. Les seules traces de cette faculté primitive, dernières lueurs d'un flambeau qui s'éteint,<ref>Page 6</ref> nous apparaissent plus tard, à de très rares intervalles, chez ces êtres à part qui, dans l'état adulte de l'humanité, semblent conserver les privilèges de son enfance, ou qui, du sommet où les place leur exceptionnel génie, voient poindre à l'extrême horizon l'aube des créations nouvelles.
  
Pliglise, c'est que les péehéB des juifs ont obligé Dieu à les rejeter et à transférer us prédilections à un nouvel Israël recruté parmi les Gentils. Quelle idée mesquins du mossianismel Comme si le règne de Dieu q0l devait Inaugurer pouvait consister dans la substitution d~wn Israël à un autre Israël, dlum peuple privilégié à un autre peuple privilégié 1 comme si au contraire les proenfflses messianiques n'étaient pas att"hê" indissolublement à la recon­naissance du saeerdoce israêlitel
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Si donc il n'y a plus de révélation à attendre à notre époque, s'il ne faut plus compter ni sur le judaïsme, ni sur le christianisme ou l'islamisme, si la raison toute seule est incapable de créer un culte durable quel sera l'avenir religieux de l'humanité? Se passera‑t‑elle de toute religion? Nous serions surpris qu'il se rencontrât encore quelques esprits sérieux capables d'admettre la possibilité d'une telle solution et de la croire définitive.
  
Sans doute les circonstances expliquent dans une certaine me. aura cette orreur. Israël refusant d'adhérer aux idées nouvelles et de jouer ma rôle dans la religion universelle que l'on organisait, la physionomie du messianisme hébraïque privé de l'un de ses deux facteurs as trouva complètement altérée et au lien d'une hu. manité convertie à la voix du peuple élu, On imagina nu nouveau peuple de Dieu substitué à l'ancien. Mais le refus qu'appocait Israël aux avances chrétiennes ammât au moins dû faim entrevoir que la religion nouvelle ne remplissait peut‑être pu les conditions du véritable messianisme. Tous les juifs; cou exception pouvaient. ils doue es tromper à l'exception de douze pêcheurs dont on vente la complète ignorancel S'il en était ainsi, les fondements de toute révélation et par conséquent aussi du christimisme et du catho­licime gléeroulemalont Irrémédiablement, car à quoi bon une révé. lation, ai Dieu neen gâraatissaft~ par la suflê, la conservation chez ceux qWil en a uns fois constitues dépositaires et, s~iI n'exerçait pas dans Pordre moral cette Providence qui, malgré la présence iles forces destrnûtri~8, tend sans cessé au maintien de l'harmonie dans l'ordre de la naturel En effet, la croyance à une assistance spéciale de Dieu pour la préservation de la vérité religieuse obea; le peuple à qui il l'a coufiéee se, confond, il ne faut pas I1oubIier~ avec la foi à la Providence en général et au progrès humain en ,particulier.
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Soit que l'on ait la foi, soit que l'on ne veuille voir dans les croyances religieuses qu'une décevante illusion, personne en effet ne songe à nier cet instinct puissant qui pousse tout être pensant à adorer quelque chose de supérieur. Comment donc parviendra‑t‑on à donner satisfaction à cet instinct, l'un des plus forts sans contredit et, selon la direction qu'on lui imprime, l'un des plus féconds de notre espèce?  Le genre humain se verrait‑il condamné, dans la fonction la plus sublime de sa constitution spirituelle, à une soif inapaisée et la nature n'aurait‑elle pas enfanté la plus parfaite de ses créatures que pour l'assujettir à une révoltante contradiction dont aucune autre de ses œuvres n'offre le moindre exemple? Et quel sera le  sort de l'homme ainsi mutilé? que deviendront les institutions sociales qui toutes ont à leur base un principe fourni par la science par excellence, qu'on l'appelle la métaphysique ou la religion? On a dit à très juste raison que la métaphysique n'est que de la théologie en robe courte; elle ne gardera pas longtemps droit de cité, après que la religion proprement dite aura été définitivement congédiée. Le malheur est que le droit, la justice, la beauté morale, la vertu, la liberté, l'héroïsme, le sacrifice ne sont pas autre chose que de la métaphysique en pratique on ne voit pas en vérité comment de telles notions pourront encore être conservées, quand on en aura tari l'unique source.
  
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Assurément tout le monde n'aperçoit pas immédiatement le résultat final d'un principe posé. La société a une telle force d'inertie qu'il faut toujours plus ou moins de temps pour que les transformations opérées par les idées qu'elle accepte apparaissent enfin dans toute leur étendue, mais la logique tire toujours à la longue les conséquences des prémisses. Déjà même certains libres<ref>Page 7</ref> penseurs ont pris hardiment leur parti de voir la morale disparaître avec la métaphysique et céder la place à l'intérêt personnel comme unique règle de conduite. Ainsi s'enchaînent fatalement les négations, précipitant les hommes sans religion jusqu'au bord d'un abîme d'où l'œil recule épouvanté.
  
IX.
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On se demande donc vers qui se tournera l'humanité, quand elle aura rejeté comme surannés tous les cultes traditionnels et que, néanmoins, le besoin de religion se fera de plus en plus impérieusement sentir. Pour résoudre ce problème une double recherche est nécessaire et nous y convions maintenant nos lecteurs.
  
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===Chapitre III.===
  
si maintenant nous considérons lphêbra;isme comme institution, demandouwnous encore eni a eu raison de s'obstiner à vivre de as, vie propre, bien qu'on 18 Proclamât irrêvû~blOmOnt dêchu. Le seul fait d'avoir si longtemps subsisté ne lui donne‑t‑il pas misent Les religions comme les notions ne vivent que si leur existence a eue raison d'être et la vie du judaïsme durant ces dix‑neuf
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Toutes les religions, que la libre pensée proclame aujourd'hui déchues, ont elles fait leurs preuves d'une manière complète, et en second lieu, est ce bien comme religions universelles qu'elles ont exercé leur action dans l'histoire? En ne qui concerne le christianisme et l'islamisme, cela n'est pas douteux. Or ces deux religions ayant présenté pour ainsi dire une double version d'un même original, l' hébraïsme,  puisque l'une et l'autre a prétendu réaliser la véritable religion d'Israël, il semble que celle‑ci se trouve à son tour , et par le fait même, doublement convaincue d'impuissance. Il n'en est rien cependant. Si le christianisme et l'islamisme ont donné au monde tout ce qu' ils étaient susceptibles de lui apporter, on n'en peut pas dire autant du judaïsme traduit par eux de la façon  la plus incomplète et la plus défectueuse. On ne saurait prétendre surtout que le judaïsme ait jamais fait ses preuves sous l'aspect de religion universelle. Mais le judaïsme est il une religion universelle?
  
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A cette question répond un fait vraiment unique dans l'histoire religieuse, trop méconnu cependant et que nos modestes efforts tendront à mettre en lumière: c'est que le judaïsme a donné naissance à deux puissantes religions qui, dès leur apparition, n'ont aspiré à rien moins qu'à convertir le genre humain tout entier. Peut on soutenir que cette tendance commune au christianisme et à l'islamisme soit étrange à la religion juive, mère de l'un et de l'autre? Où donc auraient‑ils puisé ce principe inconnu à l'antiquité et contraire à son génie? Serait‑ce chez les philosophes? Chacun sait que les fondateurs de ces deux religions<ref>Page 8 </ref> n'ont point cherché auprès d'eux leurs inspirations. Se pourrait‑il qu'ils le possédassent comme un bien propre dont ils ne seraient redevables à personne? Mais en ce cas on ne voit pas comment, avec des aspirations entièrement nouvelles, ils auraient pu se donner pour les représentants authentiques, pour les légitimes héritiers du judaïsme, déclarent solennellement, comme ils l'ont fait l'un et l'autre, que leur rôle se bornait à réaliser ses promesses. Il est à peine besoin d'ajouter que tout, dans la vie de Jésus comme dans celle de Mahomet, s'oppose à cette hypothèse d'une conception originale se détachant du fond commun. D'ailleurs le génie lui‑même a besoin d'une culture appropriée et de circonstances favorables pour s'élever à de telles hauteurs et si l'idée première de cet empire universel des âmes n'avait point existé en Israël, c'est en vain que des hommes, si grands qu'ils fussent, l'auraient prêchée; ils n'auraient trouvé ni apôtres pour propager leurs doctrines, ni fidèles pour les embrasser. On ne peut pas dire que ce principe, mal défini au début, s'est peu à peu précisé comme toutes les conceptions nouvelles, après une longue période d'évolution, car pour ne parler que du christianisme, dont l'islamisme plus tard n'a fait que suivre l'exemple, il est certain que son ardeur de prosélytisme l'a poussé de suite vers les Gentils aussi bien que vers les Israélites.
  
TWRODUMON                                                    27
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Si le judaïsme n'avait été qu'un culte purement national comme ceux des peuples polythéistes, qui du moins, nous l'avons dit, n'excluaient point les dieux rivaux, il n'aurait pu donner naissance à deux religions aux aspirations vraiment universelles. Mais il est bien plus absurde encore de supposer qu'avec sa foi au Dieu unique il pouvait se désintéresser du sort de l'humanité, si bien que Jésus et Mahomet auraient été obligés de chercher ailleurs que chez lui l'idée d'une seule religion pour tous les hommes. Car si l'on peut admettre qu'un dieu local devienne à la longue, en triomphant de ses concurrents, le Dieu universel dans la pensée de ses adorateurs, il est absurde d'imaginer un Dieu unique qui se serait attaché exclusivement une seule nation en rejetant irrévocablement tous les autres peuples.
  
siècles n'a été ni moins puissante, ni moins active, ni moins fê~ coude qu'auparavant. Comment expliquer nu tel phénomène, si cette religion Wavait plus de mission à remplirl Comment admettre dans l'univers, où il n'y a rien d'inutile, une suparifluité si êton­cantal Accepterons‑nonsi l'explication queen donne parfois Portho. doxie chrétienne, celle d9un châtiment infligé aux juifs pour leur endureissementl Mais ce serait offenser la Providence et s'exposer à nu démenti que la eivi[!mtion~ grâce à Di«u~ ne chargerait de noua infliger. Prolonger l'existence uniquement en vue de prolonger la souffrance, voilà qui est indigne de Dieu comme de Phomme.
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Mais alors, nous dira‑t‑on, qu'est‑ce que cette substitution de la Gentilité à Israël proclamée par le christianisme au moment où il se sépare définitivement du judaïsme? N'est‑ce‑pas la foi chrétienne et universelle qui prend la place de la foi juive et nationale? Non, c'est la rupture de l'association de deux idées qui<ref>Page 9</ref>n,avaient jamais cessé de coexister chez les juifs, ù,est le sacrifice de la seconde à la première, c'est la déchéance prononcée contre luaël, le peuple pillitre, au profit des Gentils qui deviennent désurnais, par leur croyance en Jésus, le seul véritable peuple de Dieu.
  
Souscrirons‑nong à Pantre hypothèse un peu plus humaine, d'après laquelle les juifs auraient été providentiellement conservés comme témoins de la vérité du christianismet La prouve serait bien insuffisants, car Pexisteum dIsraël Wompêche pas une cri­tique andmiense de mettre en doute les grande événements de Phi%toire juive qui servant de fondement à la religion chrétienne et Pou peut » demander desilleurs si la disparition définitive des israélites rebelles Woumit pas mieux établi les prétendues vérités chrétiennes que leur persévérante opposition au cour@ des siècl«. La miraculeuse conservation d'Israël, semblable à un arbre vigon. reux que n'ont pu abattre les orages et dont les vente ont dimê. miné sur toute la surface de la terre les fécondantes semences, demeure donc un insoluble problème, aussi longtemps que l'on s'obstine à déclarer sa religion épuisée et &ans avenir. Mats si las religions qui ont voulu ta supplanter "nt loin de répondre aux aspirations des temps modernes, est‑on certain que le judaïsme ne renferme rien de plus satisfaisutl Ne voit‑on pas qu'il serait contraire à toutes les lois de Phistoire que cette religion, si radi. calement différente du paganisme, ait passé tout entière et dans toute sa pureté dans le culte chrétien, qui a remplacé le polythéisme au min du monde gréco‑romain, et que des païens de naissance aient pu. non mulemeut glamimil« complètement. tout Pidéal hé­braïque, mais encore le surima"rt Ce serait également contraire à la loi que Dieu, d'après la conception chrétienne, West imposée dans ses communicatione, au genre humain et selon laquelle il se plie à la capacité des esprits et suit une voie progressive dans le développement de la révélation, loi qui, au début même de l'Egliu chrétienne, Wa cessé de régler la conduite des apôtres, soit dam; la position quMs prirent vis‑à‑vis du judaïsme, soit dans l'enseignement tics mystères chrétiens aux païens convertis.
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On nous objectera peut être: que signifient donc ces deux tendauces qui divisèrent les premiers chrétiens, alors que les ma voulaient conserver intégralement la judaïsme et que 188 autres proclamaient la complète abolition de l'ancien culte 1 Elles" songoivent fort bien, si Von admet lhypothèse que l'idée d'une religion universelle faisait à ce mornentlà, pour la première fois son apparition dans le monde sur los raines, du nationalisme religieux; au contraire, ces luttu semblent inexplicables dans le cas où les deux notions auraient coexisté auparavant, Mais si Pou prête un peu d'attention au grand fait que nous allons signaler, il ut facile de as détremper.
  
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Nous recherchions tout à l'hem si la judaïsme est une religion universelle et nous répondions affirmativement. Ce n'est pu ainsi sa réalité que la question devait être posée. Nous devions nous demander plutôt: le judaï~ a t il une religion univergelle ? C'est dans cette manière de formuler le problème que 80 trouve PexPliration du plu grand phénomène religieux de PantiquitiS, la clef des disputes aux premiers siècles de Père chrétienne, la solution de la crise que traversent actuellement les différent" Bglim et, pour tout dire, la dernière espérance religieuse de Phumainité. Et clest pa~ que nous Poutendious ainsi que nous avoue répondu sous hésitation que le judaïsme est me religion universelle, car autrement les faits nous auraient immédiatement infligé un ulatant démenti. A Pexception du dogme et de toute la partie memie, il n'y a rien en effet dans la législation mosaïque qui unvienne à un culte universel. Tout y porte Vempreinte du partieuluisme la plus exclusif et il suffit d'imaginer le judaïsme embrausi pu tout le monde et fonctionnant dans la plénitude de sa vie et de us organes pour se convaincre qu'il n'est point, somme culte, destiné à te" les peuples. tant les impossibilités pratiques et les anomalies apparaîtraient alors nombreuses et choquantes. Et c'est es qui a toujours trompé et us qui trompe encore tant d'esprits de bonne foi sur la véritable nature de Il hébraïsme et même sur la conception juive de la Divinité, au point qWils ne "vont voir dans la religion dIsraël qu'au culte purement national. Mais il<ref>Page 10</ref> leur est facile de revenir de leur erreur en recherchent avec nous, comme nous les y invitons, si le judaïsme n'a pas les éléments d'une religion universelle. Ils reconnaîtront alors qu'il possède en effet, qu'il contient dans son sein, de même que la fleur cache le fruit, la religion réservée au genre humain tout entier, et dont la législation mosaïque, en apparence si incompatible avec cette haute destinée, n'est que l'écorce ou l'enveloppe extérieure.
  
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C'est pour la conservation et l'établissement de cette religion que le judaïsme a vécu, qu'il a lutté et souffert, c'est avec elle et par elle qu'il est appelé à triompher. Etudier de près ce grand phénomène, découvrir les rapports qui unissent en Israël le culte national et le culte universel, montrer l'action et la réaction de l'un sur l'autre, tel est en grande partie le sujet même de cet ouvrage.
  
Pu la nature même des choses, si l'on tient compte de la gra, dation inévitable dans toute évolution historique, te christianisme, dans les conditions où il s'est établi devait rester plus ou moins inférieur au judaïsme et West à celui~ei, comme à la reàgion‑mê", que les chrétiens devraient avoir recours pour résoudre leurs doutes et tiarwher leurs difficultés doctrinales. Il y aura en effet toujours pliu; de ressemblance entre le jndaïsme et le christianisme pri­mitife> qu'il n'en peut exister entre ~Ini~oi et la religion chrétienne telle que les siêeloo et les mille infinences étrangères l'ont défini­tivement constituée. En un mot, il faut transporter sur la terrain dogmatique la même méthode d'investigation que l'on s'accords àrecoumître si utile et si raisonnable sur le terrain historique et critique et qui consiste à interpréter le christianisme par le judaïsme.
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===Chapitre IV.===
  
      En comparant le christianisme actuel et Phêbraismo tel que
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Nous devons faire remarquer ici tout d'abord que la constitution d'une religion universelle, but final du judaïsme, exigeait de lui un surcroit de rigueur dans ses dispositions particularistes. C'est à l'humanité future qu'il songeait; il fallait donc nécessairement qu'il s'isolât davantage du milieu actuel. Comme il n'entrevoyait que dans un très lointain avenir la réalisation de ses aspirations, Il devait prémunir d'autant mieux ses fidèles contre les périls, les faiblesses et les surprises d'un long et pénible voyage, afin que, le moment venu, ils fussent en état de s'acquitter dignement de leur mission. Il s'était formé un idéal que tout tendait à compromettre autour de lui; il convenait donc qu'il se tint sagement à l'écart de ce qui pouvait le détourner lui‑même du but désiré. Dans sa carrière séculaire, il dut arriver à Israël ce qui advient à ces esprits supérieurs qui ne peuvent travailler au bien général sans soulever certains mécontentements, ni entretenir en eux la flamme sacrée de l'amour pour tous les hommes sans fuir un peu l'affligeant spectacle de leurs bassesses.
  
lffljniâ l'ont conservé, nous avons à démontrer, au triple point
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Et c'est ainsi que le peuple le plus cosmopolite, le seul qui se soit élevé dans l'antiquité à la conception sublime du Dieu unique et d'une seule humanité et qui, à toute époque et dans tous les lieux, se soit donné la tâche de reconstituer la famille humaine, a été considéré comme le plus égoïste, non seulement par les anciens<ref>Page 11</ref> qui n'ont jamais rien compris à ses principes et à ses institutions, mais encore par la plupart de ceux qui étudient aujourd'hui son histoire. Tel est, nous le répétons, le sort des vrais amis de l'humanité. Leur éloignement de la foule est traité de misanthropie et l'on prend pour de l'orgueil le respect qu'ils ont de la dignité humaine et pour de la haine leur dégoût de tout ce qui est vil. Mais les apparences ne sauraient tromper l'observateur impartial qui n'a pas de peine à reconnaître  précisément dans ces prétendus défauts les marques d'une grande et noble passion.
  
de vue du dogme, de la morale et de la loi sociale, qu'il est aven­
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En outre, si l'on examine de près cette législation mosaïque qui semble élever entre Israël et le genre humain une infranchissable barrière, on découvre bientôt la raison de ces lois particulières d'autant plus sévères et plus étroites que le but à atteindre était plus sublime et plus éloigné aussi. Le culte spécial d'Israël était la sauvegarde, le moyen de réalisation de la vraie religion universelle ou noachisme, pour employer le mot des rabbins, et nous trouvons là  l'explication de tout ce qui autrement demeure incompréhensible dans les doctrines, les lois et l'histoire du peuple juif. C'est aussi ce qui nous permet de comprendre l'avènement du christianisme, ce grand fait de l' histoire, qui sans cela serait un effet sans cause ou, pour parler plus exactement, un effet contraire à sa cause, puisque de la religion en apparence la moins cosmopolite, la moins humanitaire, seraient issus le culte et la doctrine les plus universels que le monde ait jamais vus. Et pour rendre l'énigme plus insoluble encore, ce serait en invoquant les croyances d'Israël, en se réclamant de ses prophètes, en se donnant pour le continuateur de ses traditions, que le christianisme aurait revendiqué l'empire des âmes et qu'il aurait lutté et remporté tant de victoires.
  
tageux, dans l'intérêt de l'humanité, que le judaïsme ait survécu
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Mais non, tout est infiniment simple. Ce qui a enfanté la prédication chrétienne, c'est cette foi en la religion universelle que les juifs croyaient contenue au germe dans leur antique doctrine et dont ils devaient un jour établir le règne. C'est elle qui a donné aux disciples de Jésus la conviction d'être les organes d'une mission providentielle et le courage d'en poursuivre jusqu'au bout du monde l'accomplissement. Sur ce point là  l'accord entre israélites et chrétiens fut inaltérable. Au plus fort des disputes sur la notion de Dieu et du Messie, sur la question de l'abolition de l'immutabilité de la Loi, alors que les querelles éclataient et s'envenimaient jusqu' à produire cette mission qui date depuis des siècles, jamais<ref>Page 12 </ref> il n'y eut entre eux des divergences d'idées sur les aspirations universelles qui leur étaient communes, sur le devoir d'évangéliser les nations et de les amener au culte du vrai Dieu. Sans cette croyance fondamentale et familière aux uns comme aux autres, tout est mystère et contradiction dans l'histoire des premiers siècles du christianisme; avec elle au contraire, tout devient intelligible et logique dans la succession des événements.
  
à l'arrêt de condamnation dont on a voulu le frapper. Et pour ne
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Qui donc d'ailleurs l'a jamais mise en doute? La science, bien loin de le faire cherche uniquement dans le judaïsme les antécédents de la religion chrétienne. On peut, durant les diverses périodes de son développement, admettre tel emprunt fait à des sources étrangères telle influence nouvelle dans la formation de ses dogmes, mais quant aux conditions mêmes de sa naissance, on ne saurait, de l'aveu des critiques, les trouver ailleurs que dans l'hébraïsme. Les diverses orthodoxies chrétiennes sont pareillement unanimes sur ce point. Pour elles, comme pour la science indépendante, le christianisme est le légitime héritier de la religion d' Israël: c'est son idéal qu'il s'est efforcé d'atteindre, ce sont ses promesses de vocation des Gentils qu'il a voulu réaliser, c'est son Messie, son messianisme qu'il a prétendu apporter aux nations. Voilà un fait sur lequel tout le monde est d'accord.
  
parler présentement que du dogme, est‑il besoin d'étayer de preuves
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Après avoir ainsi précisé notre pensée, abordons maintenant l'examen des questions que nous nous posions tout à l'heure; voyons si le judaïsme, comme les religions issues de lui, a fait ses preuves et s'il les a faites comme étant ou possédant la religion universelle. Ce n'est point du mosaïsme, en tant que loi sacerdotale propre à Israël, que nous avons à nous occuper ici. Certes, nul ne contestera que cette religion là a bien fait ses preuves et dans quelles conditions vraiment extraordinaires! Son étonnante vitalité, sa sève inépuisable, sa force de résistance, d'abord contre les Juifs eux‑mêmes, peuple rebelle s'il en fut, et qu'elle est parvenue pourtant à plier à son joug au point d'en faire un peuple de martyrs, puis contre le monde entier ligué au cours des siècles pour l'exterminer, tout nous donne lieu de croire qu'une telle religion avait une raison d' être et un grand but à atteindre, autrement il serait insensé de parler encore d'une philosophie de l'histoire. Mais c'est cette religion universelle, dont l' hébraïsme gardait le dépôt sacré, que nous devons étudier ici plus particulièrement pour rechercher si vraiment elle a déjà donné au monde tout ce que, d'après ses principes, on était en droit d'en attendre.<ref>Page 13 </ref>
  
nombreuses Il«"Ilence de la doctrine hébraïque, puisque le chris.
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===Chapitre V===
  
tianisme, loin de nier * les vérités qu'elle renferme, nous dêchve
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L'insuffisance et la disparition progressive des divers polythéismes anciens et modernes ne prouvent rien contre la valeur qu'on peut encore attribuer pour l'avenir à la religion hébraïque, car entre elle et les divers cultes païens il n'y a aucun point de contact; L'opposition est au contraire absolue et jamais un culte de cette nature ne s'est présenté comme le successeur légitime du judaïsme. Cette chute du polythéisme apparait même comme l'accomplissement des promesses des Prophètes, comme une préparation du règne messianique qu' ils ont annoncé.
  
en avoir légitimement hâritél
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Mais en face des deux grandes religions auxquelles il a donné naissance, la situation de
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l' hébraïsme est bien différente. Elles ont prétendu toutes deux réaliser l'idéal des voyants d'Israël et comme ni l'une ni l'autre ne se trouve aujourd'hui d'accord ni avec la science, ni avec la conscience moderne, on pourrait croire que l'arrêt de condamnation qui les frappe implique aussi l'incapacité définitive du judaïsme lui‑même, en sorte que c'en aurait fait des religions bibliques sous tous leurs aspects. Non seulement ces deux formes du messianisme juif auraient épuisé l'idéal hébraïque, mais comme on suppose généralement qu'elles constituaient sur lui un remarquable progrès, leur insuffisance une fois démontrée entraine‑ rait à plus forte raison l'irrémédiable déchéance de la religion mère: puisqu'elle leur était inférieure. Nous espérons établir par cet ouvrage, si Dieu nous vient en aide, ce qu'il faut penser de cette condamnation. Nous venons si l'hébraïsme n'a plus rien à apprendre à l'humanité qui a tout appris de lui, mais dès maintenant quelques considérations générales nous paraissent nécessaires.
  
On prétend parfuisA1 est vraie que les mystères chrétiens ont réalisé un progrès dans la vraie connaissance de Dieu. Mais quels que soient les rapports que Pon imagine entre ces mystêres et les enseignements de lemoien hébraïsme, on ne va pas jusqu'à leur attribuer sur ceux~ci aucune supériorité essentielle. On affirme seulement que les vérités qui préexistaient dans la judaïsme an­tique n'étaient point généralement connues; mais lors même qu'elles auraient été le ~privilêge d'une élite, elles n'eu constitueraient pu moins aujourdehui, d'aprêa le christianisme lui‑même, le oriterium nécessaire pou juger les doctrines qWil propose. Quant à ceux qui no" parlent de nouvelle révélation, ne voienkils pas que si les mystêres chrétiens étaient véritablement une nouveauté, toute l'économie de la révélation divine se trouverait bouleversée 1 Il ne âlagirait plus sa effet d'ans révélation unique et parfaite sortant, comme la création physique, de la souveraine intelligence de Dieu, mais bien de révélations fragmentaires, saceeosives et pu consé. queut perfettibles comme les in8titations et les sciences humaines.
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Et d'abord, de qui tient‑on ce prétendu idéal hébraïque qu'on prétend aujourd'hui convaincu d'impuissance? A part quelques très rares et récentes exceptions, on ne sait de l'hébraïsme que ce que le christianisme et l'islamisme en ont fait connaître; ce sont ces deux religions qui l'ont présenté au monde et c'est d'après l'image qu'elles en ont donnée qu'on l'a jugé tantôt admirable, tantôt digne de mépris. On peut dire que l'image a été exacte ou douter de sa fidélité. Toujours est il que le judaïsme n'est entré à aucun moment en contact immédiat avec l'humanité; sauf une <ref>Page 14</ref> période, d'ailleurs très remarquable, de prosélytisme actif dans le siècle qui précéda l'apparition du christianisme, il n'eut jamais l'occasion de se révéler directement au monde et d'entreprendre lui‑même, sans intermédiaire plus on moins fidèle, la réalisation de son véritable idéal.
  
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De fait, l'exactitude de l'image que le christianisme et l'islamisme ont donnée du messianisme d'Israël n'est rien moins que prouvée; elle n'est même nullement probable. Il faudrait reconnaître avant tout une origine divine à l'une et l'autre de ces religions pour admettre que l'hébraïsme ait pu parvenir sans altération aux fidèles des deux Eglises. Sans un éclatant miracle cela est en  effet de toute impossibilité. Qu'on se représente la Synagogue juive à la naissance du christianisme, avec ses Ecritures, ses traditions, ses nombreuses et savantes écoles et ses docteurs qui remontant, par une chaîne ininterrompue, jusqu'aux prophètes de la Captivité babylonienne et même, s'il faut les en croire, jusqu'au Sinaï. Depuis de longs siècles, ils ne font qu'étudier nuit et jour, propager et appliquer la doctrine de la Thora. Un home surgit tout à coup; il s'appelle Jésus. Est un Dieu? Est‑ce un homme? S'il est Dieu, tout est dit; car il en saura évidemment davantage que tous les docteurs de tous les âges sur la nature de la vraie religion. Mais si Jésus était Dieu, sommes‑nous sûrs pour cela que l'idée qu'on s'est faite dans son Eglise du messianisme, prêché par lui soit celle qu'il en avait lui‑même? Pour le croire, il faudrait que l'infaillibilité du fondateur du christianisme eût été accordée à ses successeurs immédiats et aux successeurs de ses successeurs jusqu'à nos jours, car ces Juifs ignorants, étrangers aux foyers de la doctrine hébraïque, tels qu'on nous dépeint les apôtres et les hommes de la première génération chrétienne, ne pouvaient, sans une assistance céleste toute particulière, conserver l'idéal d' Israël et l'interpréter exactement sans s'en écarter jamais. Il est logique d'admettre, comme le fait précisément l'Eglise catholique romaine, la plus conséquente de toutes les Eglises chrétiennes, qu'une institution divine doit demeurer préservée de toute erreur, que Dieu ne se borne plus à parler mais qu'il doit assurer la conservation invariable de sa parole. Mais qu'on y prenne garde. Si ce principe est vrai, il faut commencer par le reconnaître pour le judaïsme lui‑même; il faut croire que la voix du Sinaï ne pouvait manquer de retentir d'âge en âge et que Dieu a garanti à la religion israélite cette infaillibilité, cette assistance<ref>Page 15</ref> surnaturelle que l'Eglise romaine juge nécessaire de s'attribuer aujourd'hui.
  
INTRODUCTEON                                                    139
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Si au contraire Jésus n'était qu'un homme, comme le pensent non seulement toutes les autres religions et tous les rationalistes, mais encore les Eglises chrétiennes, si nombreuses de nos jours, pour lesquelles la divinité du héro des Evangiles a cessé d'être un dogme, est‑il raisonnable de supposer qu'en jugeant le christianisme on juge du même coup l'hébraïsme et que celui ci a été si parfaitement compris et si fidèlement représenté au cours des siècles par la religion chrétienne que la chute de celle‑ci entraine inévitablement la déchéance de celle qui lui a donné naissance! Quoi! sans aucun miracle, sans intervention directe de Dieu, un jeune homme médiocrement instruit peut il s'arroger le droit de parler au nom d'une très ancienne nation en pleine possession de ses monuments scripturaires et de ses traditions? Bien plus, peut‑il contredire ses enseignements les plus formulés et malgré les solennelles protestations de tout un peuple prétendre être cru sur parole? Et lorsqu'il s'agit de connaître la vraie nature du judaïsme, le bon sens permet‑il d'admettre que les successeurs du jeune novateur, pour la plupart d'origine païenne, soient préférés aux représentants authentiques de l'antique religion? Et si le monde finit par trouver, à tort ou à raison, que les progrès de l'intelligence humaine ont dépassé sur certains points l'idéal chrétien, est‑il juste d'englober celui d'Israël dans le même arrêt de condamnation? L'équité la plus élémentaire comme la simple logique, le respect pour la vérité et l'intérêt même de notre avenir religieux s'opposant formellement à une telle confusion.
  
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Quel est donc cet hébraïsme qu'on a cru posséder et connaître à fond pendant des siècles, en sorte qu'on n'en saurait plus rien apprendre de nouveau? Ce n'est qu'un hébraïsme de seconde main, découronné, arraché à la source même de sa vie et exposé de la façon la plus inexpérimentée et sans le moindre ménagement à l'action profondément modifiante et délétère de préjugés, de doctrines et de civilisations qui n'avaient rien de commun avec lui. N'est‑il pas plus que douteux que dans de telles conditions l'essai de réalisation du messianisme juif ait pu s'effectuer d'une manière complète et satisfaisante? En vérité, une religion ne vaut que par ce quelle proclame lui‑même et non par ce que d'autres prêchent en son nom. Il ne suffit pas de dire: Voilà le messianisme annoncé par les prophètes d'Israël; il faut examiner s'il a été bien compris,<ref>Page 16</ref> bien interprété et surtout enseigné et appliqué avec une scrupuleuse exactitude. Vienne le jour où l'humanité commence à s'apercevoir que ce prétendu messianisme ne répond plus à l'idée qu'elle se forme d'une institution divine, que doit‑elle faire? Peut‑elle sans injustice rejeter, les yeux fermés, le véritable hébraïsme, sous prétexte qu'on lui a présenté jadis comme le réalisant une religion qui se trouve aujourd'hui en contradiction avec ses croyances les plus fondamentales et ses plus chères aspirations? Non certes; son devoir comme son intérêt, c'est de remonter aux sources et de prendre directement connaissance des textes et des traditions israélites qui concernent le règne messianique, la religion universelle promise aux nations; c'est d'étudier jusqu' à quel point l'idéal de l'humanité, d'après le judaïsme, le <i>christianisme</i> véritable, a été atteint par ceux qui se sont arrogé ses titres, ses droits et sa mission.
  
Ainsi donc, pour être logique, le christianisme lui‑môme, au lieu de su considérer comme la religion détiùitive de Ubamanitê, devrait s'attendre, dans un délai plus on moins éloigné, à être remplacé par une autre. Dûs Pieutant que, dans Vintention de combattre le judaïsme, on abandonne Vidés d'une révélation unique, qui, sans modification fondamentale, se développe au cours des âges, il ne reste plus que l'hypothèse de religions se supplantant l'une Vautre tour à tour aussi longtemps que durera Fêvolution de l'humanité. Arrêter à un moment déterminé de l'histoire, au profit d'une forme religieuse quelconque, cette série de révélations, c'est lit un système si inconsistant qu'il ne mérite pu un sérieux examen.
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Si cet examen impartial démontre que la religion chrétienne a pleinement réalisé le messianisme d'Israël, ce sera le cas de condamner celui‑ci et de rejeter la Bible comme une source définitivement épuisée. Mais si l'on découvre au contraire, entre l'hébraïsme et les essais d'universalisation qui en ont été faits, une différence telle que l'on puisse continuer à croire à la valeur propre de la Révélation mosaïque et de son idéal messianique, s'il est même possible de rester chrétien, dans la plus large acception du mot, sans abdiquer pour cela la qualité d'homme raisonnable et de citoyen, quel bonheur inespéré! quelle perspective pour l'avenir religieux de l'humanité! et par conséquent quel coupable aveuglement que de négliger cette chance de salut et de condamner le judaïsme sans l'avoir jamais écouté!
  
Il existe bien ans autre thâorie.beanwap plus juste etqui tient le milieu entre l'idée d'une seule révélation et celle de rêvélations successives, mais elle ne sort nullement, comme on 19 voudrait, la cause de Pabolition de le; Loi. iYest le système des germes prêexis­tante, desprêB lequel le%, formes religieuses qui as succèdent ne font que développer de plus en plus parfaitement les principes et les institutions contenus en germe dans la révélation primi­tive. Ainsi la christianisme n'aurait fait que perfectionner es qui existait dans l'hébraïsme, sang que Von soit nullement obligé d'en chercher Vorigins dans les dogmes et les pratiques du polythéisme oriental. Mais ai la théorie de Pêvolatiou religieuse est vraie en elle‑même, elle n'on est pas moins inapplicable quand il s'agit des rapports entre le christianisme et le judaïsme. Les documents êvaa­géliques nous parlent en effet deune révélation proprement dite accompagnée de véritables Prodiges, ce qui, peur une simple êvo­lution, serait un moyen bien extraordinaire, hou de toute pro­portion avec le but tracé d'avance pu la sagesse divine. D'ailleurs, cette loi de développement ne peut être intermittente; c'ut un mouveme,rit continu qui tend à manifester progressivement au dehors ce qui existait d'une manière latents et ce serait faire injure à la Providence que d'exiger à chaque pas, dans cette marche lu­cassants, de nouveaux miracles, comme si la loi une fois tracée ne devait pas recevoir son accomplissement. Bn outre, ce système exclut un point d'arrêt définitif à un moment quelconque de Vide. toire au profit de l'une de ces étapes religieuses que parcourt l'humanité. Et surtout Il faut renoncer à toute idée de solution de continuité ou d'antagonisme entre la forme précédente et celle qui lui succède, comme il Wen existe évidemment que trop entre
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===Chapitre VI.===
  
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C'est pour faire entendre dans la crise présente la voix d'Israël, que ce livre a été écrit. Pour atteindre notre but, une double démonstration s'impose à nous, car nous nous adressons à la fois aux rationalistes et aux messianistes ou chrétiens des diverses Eglises. Aux premiers, trop enclins à dénier au judaïsme tout caractère d'universalisme, nous avons à prouver que cette religion est tout autre chose qu'un culte particulariste ou national comme ceux dont l'antiquité nous offre tant d'exemples, qu'elle constitue au<ref>Page 17</ref> contraire une exception frappante et que cette dérogation aux lois de l'histoire est à elle seule une preuve en faveur de la révélation, c'est à dire de l'origine supérieure de la religion d'Israël et, par conséquent de sa valeur et de son rôle spécial dans les destinées de l'humanité, Aux seconds, nous aurons à exposer cette loi noachide, ou universelle que le judaïsme a précieusement conservée et qui a été le point de départ et la force impulsive de la prédication chrétienne dans le monde; nous leur montrerons quelle est la véritable conception juive de l'homme, des peuples et de l'humanité organisée en un tout harmonique. Les uns et les autres ne peuvent que gagner à cette étude; ils reconnaîtront, nous en avons le ferme espoir, que l'hébraïsme, auquel l'humanité jadis a déjà fait appel, lui offre aujourd'hui encore une ancre de salut.
  
30                                                  INTUODUCMON
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On ne saurait contester que lorsqu'une forme religieuse a fait son temps, c'est encore à elle cependant qu'il faut recourir, pour chercher à établir, sur quelque terrain inexploré et à l'aide de quelque germe préexistant, la forme qui doit lui succéder. Les religions dites naturelles ou purement rationnelles n'ont pas de prise profonde sur l'âme humaine. Il y a une loi de continuité à laquelle on ne peut se soustraire et les innovations ne naissent viables qu'autant qu'elles ont été longuement préparées au sein du précédentes institutions. Par conséquent, la religion de l'avenir doit avoir sa base dans quelque religion positive et traditionnelle, investie du mystérieux prestige de l'antiquité. Or, de toutes les religions anciennes, le judaïsme est la seule qui déclare posséder un idéal religieux pour l'humanité tout entière et, par un privilège exceptionnel, il a déjà donné naissance aux deux grandes religions qui se partagent actuellement la monde civilisé et qui croient avoir pour elles l'avenir. La transformation à opérer sera donc d'autant plus facile et plus naturelle qu'il s'agit en réalité de l'idéal que le christianisme et l'islamisme ont cherché à faire prévaloir. Seulement leur œuvre n'est qu'une copie qui doit être mise en face de l'original; partout où elle se trouvera infidèle, partout où elle aura péché soit par excès, soit par défaut, partout enfin où il sera établi que des idées étrangères ont réussi à s'introduire, la notification s'imposera, d'lui‑même. Il ne s'agit ni de démolition, ni de révolution religieuse, ni de reconstruction à  nouveau; il ne doit y avoir ni déchirement, ni solution de continuité; le christianisme sera toujours ce qu'il prétend être: le messianisme, seulement, dans toutes ses parties défectueuse, il se sera réformé.<ref>Page 18</ref>
 
 
 
   
 
   
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Tous ceux que préoccupe l'avenir de l'humanité rêvent pour elle une religion qui respecte pleinement et les besoins de la foi et les principes essentiels de la raison moderne, mais ils comprennent aussi la nécessité de rattacher cette religion au passé et de maintenir les anciennes croyances dans tout ce qu'elles ont de compatible avec ces mêmes principes. « Il est naturel, dit Hartmann, que ces efforts se rattachent aux religions traditionnelles, soit parce que ce serait une entreprise hasardée et inexécutable de tout recommencer, soit parce que l'idée de la<i>continuité historique</i> s'est imposée à la conscience moderne comme celle d'un bien inappréciable, impossible à remplacer et tel que, pour le conserver, aucune concession admissible ne doit paraître excessive » <ref> <i> La religion de l'avenir</i>, trad. Franç. Edit. Alcan, p. 9. </ref>
  
le christianisme actuel et la judaïsme. Dirâ‑ton que cet antago. niftnO n'est dÛ qu'à l'aveuglement des Juifs qui n'ont pu voulu reconnaître que le christianisme était nue évolution toute natu. rails du judaïsme, en sorte qWils ont obstinément repoussé le dé. VOIOPPemmt légitime de leur propre religiont Mais il est vraiment inadmissible que le peuple juif, après s'être prêtê ma la moindre OPPOsition à toutes les évolutions antérieures au christianisme, as soit montré si complêtement réfractaire à cette derniers, qu'il n9y ont chez lui pour laccepter qu'une infiMe et obseurs Minorité. Il &niât d'ailleurs de reprendre la comparaison du germe préexistant, sur laquelle on appuie cette théorie, pour voir combien une pa, mille supposition serait absurde.
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Mais comme les diverses tentatives de conciliation entre la raison, la civilisation et la foi paraissent pâles auprès du rayon de lumière qui brille à l'horizon, dès que l'on se tourne du côté de l'idéal hébraïque! Les combinaisons artificielles, les synthèses compliquées qu'on imagine, loin de pouvoir satisfaire les besoins de l'humanité, apparaissent plutôt comme un indice d'extrême épuisement religieux; tout est arbitraire, décousu, hétérogène, sans prestige ni autorité même sur la conscience de ceux qui inventent ces systèmes. Avec la doctrine hébraïque au contraire, qui forme un tout parfaitement homogène et qui présente avec les deux plus grandes religions existantes toute l'affinité désirable, puisqu'elle en est la mère incontestée, c'est la religion la plus ancienne qui va devenir la plus nouvelle; c'est de la source d' où a jailli déjà tant d'eau fécondante qu'un nouveau jet bienfaisant va sortir.
 
 
Il est évident en effet que le développement dan germe ne peut s'opérer d'une manière conforme à sa nature que dans le milieu et à Paide des circonstances où il a pris naissance, c'est‑à‑dire dans un terrain, sous un climat et grâce à des influences et à me culture homogimes, propres W conséquent à favoriser Pépanouis. sement de us qualités apêcifiques. Il serait dom souverainement déraisonnable de prétendre que les germes existants dans le judalame n'ont pu pousser et.graudir quesu milieu de quelques gens du Peuple dont Ilignorance nest contestée pu personne et, plus tard, dans des pays et "ne Paction d'influences étranger« anti­Pathiques à la religion d'Israël. Enfin, ce systâme n'est pu âms danger pour l'apologétique chrétienne qui, pour éviter un êeuei~, tombe en réalité dans une autre dUfieult6. Car que fait‑elle lorsque la critique rationaliste prétend chomher dans les religions adati­ques, bouddhisme, brahmanisme, mazdéisme, Porigine des croyances et des pratiques chrétiennes 1 Elle insiste fortement eur la pré­senoe en Palestime à l'époque de Jésus, des mêmes doctrine& qui prévalurent ensuite dans l'Eglise et elle au conclut à bon droit que c'est plutôt là que partout ailleurs qu'on doit chercher la , oins premiers du christianisme. S'agit‑il au contraire de rehausser vis à~vis du judaisme la valeur de la religion chrétienne et de jus. tifier oell~oit Au risque alors de ne contredire, on signale avW complaisance les différences qui la caractérisent et il est bien entendu que sur tous les points oh elle Wcarte de la foi juive, &cet tout Israël qui est dans Permur et que unie me domaine de pêcheurs illettrés ont été en possession de la pleine vérité ismê. lit~ Nous demandons si me Pareille apologétique tout artificielle ne répugne pas grandement aux règles de la logique et Wil n'ap­
 
  
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Et d'ailleurs en face du christianisme et de l'islamisme, du premier surtout avec sa durée de dix‑neuf siècles, sa chaîne ininterrompue d'apôtres, de pères, de docteurs, avec sa majestueuse hiérarchie, son origine prétendue divine et son infaillibilité, il faut bien convenir que toute religion si raisonnable, si philosophique, si morale soit‑elle, fera toujours pauvre figure tant que ses fondements ne reposeront que sur la seule raison. Pour rivaliser avec ces cultes puissants, il faut autre chose que des créations individuelles plus on moins ingénieuses. A des religions si anciennes, il en faut pouvoir opposer une autre d'une durée plus respectable encore. En face de leur longue et vénérable tradition et des preuves d'origine surnaturelle qu'elles allèguent, il s'agit de produire une<ref>Page 19</ref> autre tradition plus antique et plus auguste et des titres plus authentiquement divins. Enfin, pour remplacer une autorité qui se déclare infaillible et qui ne se constitue que l'an un de l'ère chrétienne on de l'hégire en infligeant, par une singulière contradiction, un démenti au principe même dont elle se réclame, on doit chercher une autre infaillibilité bien plus sérieuse qui, commencée avec l'histoire, de l'homme sur la terre, ne finira qu'avec lui. Or, nous le demandons encore à tous ceux qu' intéressent les besoins religieux de l'humanité, existe‑t‑il en dehors du judaïsme, non dans sa partie ethnique, mais dans ce qu'il a d'universel, une autre religion qui soit en état de répondre à ces conditions, sans lesquelles on ne saurait rien constituer de solide et de durable?
  
IN~DUCMON                                                        . si
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===Chapitre VII.===
  
parait pas aux esprits non prévenus que Védifice religieux qu'elle élêve contient un vice initial de structuré, qui fait douter avec raison de Ba solidité.
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Et maintenant nous nous tournons vers les fils des deux grands messianismes, chrétien et musulman. C'est aux chrétiens en particulier que nous voudrions adresser une franche respectueuse parole et Dieu sait si c'est avec la crainte dans le cœur que nos avances ne soient prises pour de l'hypocrisie. Non! nul homme impartial et raisonnable ne peut s'empêcher de reconnaître et d'apprécier comme il convient la haute valeur de ces deux grandes religions et plus spécialement du christianisme. Il n'est pas de juif digne de ce nom qui ne se réjouisse de la grande transformation opérée par elles dans un monde que souillaient autrefois tant d'erreurs et de misères morales. On ne saurait entendre les noms les plus augustes et les plus chers du judaïsme, les échos de ses livres sacrés, le souvenir de ses grands évènements, ses hymnes et ses prophéties sur la bouche de tant de millions d'anciens païens de toute race réunis pour adorer le Dieu d'Israël dans les églises et, dans les mosquées, sans se sentir pénétré d'une légitime fierté, de reconnaissance et d'amour envers le Dieu qui a opéré de si grande miracles. Quant à nous, il ne nous est jamais arrivé d'entendre sur les lèvres d'un prêtre les psaumes de David sans éprouver de tels sentiments. Jamais la lecture de certains passages des Evangiles ne nous a laissé froid; la simplicité, la grandeur, la tendresse infinie que respirent ces pages nous bouleversaient jusqu'au fond de l'âme; des larmes involontaires coulaient de nos yeux et nous eussions été facilement gagné par le charme<ref>Page 20</ref> de ce livre, si une grâce particulière ne nous avait fait triompher de la grâce lui‑même et si nous n'avions été familiarisé depuis longtemps avec ces émotions par les écrits de nos docteurs, par l'Haggada surtout dont l'Evangile s'est qu'un feuillet détaché et qui, avec lui et sans lui, a conquis et conquerra le monde comme l'a dit Renan.
  
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Nous nous abandonnions alors d'autant plus librement à ces douces impressions que nous avions conscience de rentrer dans un domaine qui nous appartient, de jouir ainsi de notre propre bien et d'être d'autant plus juif que nous rendions mieux justice au christianisme. Et nous disions alors: qu'importe, que les passions humaines se soient conjurées ici comme partout pour accomplir leur œuvre néfaste! qu'importe qu'entre juifs et chrétiens la haine et les préjugés, les faiblesses et les crimes aient creusé un abîme de séparation! les deux religions elles mêmes sont et resteront sœurs. Les croyances et les aspirations de l'âme ne connaissent pas ces aveugles répulsions et si elles sont au fond unies et solidaires, nulle puissance au monde ne les pourrait séparer définitivement; bien au contraire, elles sauront, au moment voulu, rapprocher les intelligences elles‑mêmes, afin que, dans la sereine contemplation de la vérité historique et dogmatique, elles reconnaissent leur parenté originelle et, par une alliance raisonnable, se remettent à travailler en commun à l'accomplissement de leurs grandes destinées.
  
X.
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Pourquoi cet espoir ne se réaliserait‑il point? Pourquoi le judaïsme et le christianisme n'uniraient‑ils pas leurs efforts en vue de l'avenir religieux de l'humanité? Pourquoi le christianisme éprouverait‑il une difficulté à s'entendre avec cette religion dont il est issu, dont il reconnaît la vérité fondamentale et qui possède, à un plus haut degré que lui, toutes les qualités dont il est si fier : l'antiquité, la continuité historique, l'autorité et la vitalité? Qu'il dédaigne de s'abaisser à des transactions avec l'esprit du siècle, qu'il se fasse un point d'honneur de ne pas céder aux sommations de la sagesse humaine, cela se comprend. Mais qu'y aurait‑il d'humiliant pour lui à condescendre à de franches explications avec le judaïsme dans le but de redresser des erreurs dogmatiques et de dissiper de funestes malentendus? L'Eglise catholique n'a‑t'elle pas fait maintes fois à d'obscurs hérésiarques l'honneur de discuter avec eux dans ses conciles? Et si de ces délibérations avec la religion‑mère pouvait sortir un christianisme<ref>Page 21</ref> qui conserverait son caractère d'autorité divine, que dis‑je? un christianisme d'autant plus orthodoxe qu'il se serait retrempé dans une orthodoxie plus ancienne que lui, mais qui satisferait, comme nous le croyons fermement, mieux que les Eglises chrétiennes actuelles, les besoins des esprits et qui serait mieux en état de parer aux périls de l'avenir, quel heureux présage n'en pourrait‑on pas concevoir pour l'humanité! Quelle solution aussi simple qu'admirable du grand problème religieux!
  
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Si nous parlons particulièrement du christianisme, c'est qu'il représente une partie considérable de l'humanité. Professé par les nations les plus civilisées, il est une des plus savantes religions. Il a été la première à vouloir incarner parmi les gentils l'idéal des prophètes et il tend encore à se répandre de plus en plus. C'est donc à lui qu'appartient l'honneur du principal essai de religion universelle, comme c'est à lui aussi qu'incombe la responsabilité de l'échec.
  
Pour échapper à cette redoutable alternative de 8aorifier la raison à la foi on d'immoler la foi à la raison, il faut doue re~n­nattre que le judaïsme providentiellement conservé au cours des siselog a aucors quelque ohm à enseigner A l'humanité. Entre le Syllabus avec ses antathèmes à toutes les conquêtes de la civil!­sation et le besoin inassouvi de croyances religieuses, entre les égarements d'me raison orgueilleuse abandonnée à elle‑même et lu aspirations jamais satisfait« de Pâme humaine tâtonnant per­pétuellement dans le doute comme si Dieu ne sétait point révélé, nous croyons qu'il existe me solution et que Boule l'antique re. ligion hébraïque Bat en état de la fournir. Olest cette conviction qui a inspiré le présent ouvrage.
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===Chapitre VIII.===
  
Deux grands enBoignementa ressortiront> nous en avoue Paspoir, de notre travail. Nous démontrerons, d'ose p%r~ centre les eêgae­tions de la critique rationaliste, que le judaïsme, loin d'être comme elle le prétend une religion panment ethnique, a. un mwtêre nettement universaliste et qu'il n'a cessé de aloccapor de l'huma, nitê et de son destinée& Yautre part, nous établirons comment l'idéal que Phêbraleme s'est fermé de l'homme et de Parganisation sociale non seulement n'a jamais été surpassê~ mais n'a même été approché que de très loin, et que c'est en acceptant cet idêalq en réformant Bon christianisme ut ce modèle~ que l'humanité pourra, une renier ses principes les plus chers, avoir eue foi raisonnable en Dieu et an es révélation.
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Mais, nous objectera‑t'on le christianisme est si loin de vouloir chercher force et lumière dans l'antique religion hébraïque, qu'il ne reconnait même plus à celle ci le droit d'exister. N'a t il pas érigé en principe, dès les premiers siècles, l'abolition de la Loi? N'a‑t il pas commencé par prononcer avant tout la condamnation et la déchéance d'Israël? Ce n'est malheureusement que trop vrai. Aussi estimons nous que c'est là précisément le premier point à éclaircir.
  
Le problême à résoudre peut donc os formuler ainsi:
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Reportons nous par la pensée aux premiers jours du christianisme pour en refaire brièvement l'histoire. Pour des causes qu'il serait trop long d'exposer, il n'y eut à cette époque, sur la question de la loi, que deux tendances en présence. La plus ancienne est celle qui voulait rendre la loi mosaïque obligatoire pour les gentils au même titre que pour les juifs de naissance. L'autre, de date postérieure, et qui a finalement prévalu, en proclamait l'abolition indistinctement pour les uns et pour les autres. L'idée dominante, dans l'une comme dans l'autre de ces tendances opposées, était que le judaïsme devait donner au monde la religion universelle, soit que la loi particulière des juifs dût s'appliquer à tous, soit que l'on eût à tirer de ce statut aboli dans son ensemble là nouvelle<ref>Page 22</ref> loi commune aux juifs et aux gentils. On s'accordait des deux côtés à reconnaître qu'il ne devait exister aucune opposition entre l'ancien et le nouveau culte et qu'en somme hébraïsme et messianisme étaient une seule et même religion. Il y ont bien entre ces deux tendances extrêmes un moyen terme proposé par Paul comme expédient transitoire et qui consistait à, tolérer provisoirement les rites juifs désormais dénués de toute valeur et de toute efficacité, mais il était si inconséquent et sa durée fut si courte qu'il ne mérite pas que nous nous y arrêtions davantage.
  
. Le jmialsmw~ comme toutes les anciennes religions, né con­emnaît‑il que le peuple qui le professait ou bien, contrairement àPoxemple de toute Pautiquité et par Une unique et merveilleuse exception, embr~it‑il dans sa, conception le genre humain tout entierl >
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Des deux solutions indiquées plus haut, c'est donc l'abolition de la loi pour tout le monde qui s'est imposée  malgré les protestations légitimes qu'elle soulevait. Pour apprécier convenablement ce fait capital, Il faut l'étudier en lui‑même et dans ses conséquences.
  
Ce qui revient à nous demander, si, en dehors de Bon but Par­ticulier et Immédiat, le judaïsme a été conga et organisé en vue de rintérêt général. Avant &exposer notre plan, disons deabord qu?il est facile d'observer quelque chose de semblable, soit dans
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Demandons‑nous tout d'abord si entre le judaïsme et le christianisme, entre le culte ethnique des israélites et le culte des gentils, entre la loi mosaïque et la loi noachide ou universelle, il n'y avait pas d'union possible sans l'une ou l'autre de ces deux solutions. La pensée hébraïque n'avait elle pas conçu d'autres rapports normaux entre le mosaïsme et le messianisme? Le premier devait‑il devenir universel aux temps messianiques, on bien devait‑il faire place à la loi dite noachide, s'appliquant à tous les hommes en dehors d'Israël, à laquelle les juifs eux mêmes se seraient désormais trouvés soumis? Ni l'un ni l'autre des systèmes mis en avant par les deux grandes écoles de Jacques et de Paul ne répondait à l'idéal hébraïque. Les païens ne devaient pas être tenus à l'observation de la loi mosaïque comme Jacques l'aurait voulu, et Paul était dans le vrai en le combattant. Les juifs ne devaient pas non plus abandonner leur religion comme le demandait Paul, et Jacques avait parfaitement raison de ne les en point dispenser. Ces esprits, qui ne brillaient pas précisément par leur connaissance des doctrines juives, avaient donc à la fois tort et raison respectivement. Il leur manquait à tous deux d'avoir approfondi davantage la véritable conception hébraïque du règne messianique.
  
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Quelle était donc cette conception? Le présent ouvrage l'établira, nous l'espérons, d'une manière complète. Pour l'hébraïsme, le monde est comme une grande famille où le père vit en contact immédiat avec ses enfants qui sont les différentes nations de la terre. Parmi ces enfants, il y a un premier né qui, conformément aux anciennes institutions, était le prêtre de La famille, chargé de<ref>Page 23</ref> faire exécuter les ordres du père et de le remplacer en son absence. C'était lui qui administrait les choses sacrées, qui officiait, enseignait, bénissait, et en reconnaissance de ces services, il recevait une double part dans l'héritage paternel et la consécration ou imposition des mains, sorte d'investiture religieuse que le père accordait parfois, à la place du premier né, à celui d'entre les fils qu'il en jugeait plus digne. Telle est la conception juive du monde. Au ciel un seul Dieu, père commun de tous les hommes, et sur la terre une famille de peuples parmi lesquels Israël est le premier né, chargé d'enseigner et d'administrer la vraie religion de l'humanité dont il est le prêtre. Cette religion est la loi de Noé: c'est celle que le genre humain embrassera aux jours du Messie et qu'Israël a la mission de conserver et de faire prévaloir à son heure. Mais comme peuple‑prêtre, comme nation consacrée à la vie purement religieuse, Israël a des devoirs spéciaux, des obligations particulières qui sont comme une sorte de loi monastique, de règle claustrale, de constitution ecclésiastique qui lui reste personnelle en raison de ses hautes fonctions.
  
32                                      l"ILODUCIrION
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Quelle était donc la ligne toute tracée qu'auraient dû suivre les premiers chrétiens? C'était de s'en tenir strictement à la conception juive: la loi de Moïse pour les juifs, la loi noachide pour les gentils. Au lieu de cela, qu'est‑il arrivé? Soit par suite de l'ignorance des apôtres que l'on s'accorde à reconnaître comme dénuée de toute culture, soit par l'effet de la surexcitation des passions, soit enfin que cette loi noachide, qui n'avait jamais encore reçu d'application générale, fût à peu près inconnue, on ne prêcha que les deux solutions extrêmes, c'est‑à‑dire d'un côté, la suppression pure et simple de la loi mosaïque et de l'autre, la soumission de tous à cette même loi. On ne distingue que bien rarement, comme par exemple dans deux passages du livre des Actes (XV, 19,20 et XXI, 25), une faible trace du véritable système hébraïque à travers toutes les discussions et les divisions religieuses de cette époque.
  
   
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Ce n'est pas ici le lieu d'examiner au point de théologique la question de l'abolition générale du mosaïsme qui a prévalu dans les idées chrétiennes, ni d'étudier les conséquences fâcheuses qui résultèrent pour le christianisme lui‑même de la suppression d'une loi où la partie cérémonielle dont on pensait s'affranchir uniquement, était tout à fait inséparable de la partie morale et doctrinale. Les sectes qui, par leurs excès, ne tardèrent pas à scandaliser L'Eglise, les erreurs grossières dans lesquelles tomba la foi populaire,<ref>Page 24</ref> les discordes qui déchirèrent et ensanglantèrent le monde chrétien sur la question de la foi et des œuvres, sur l'efficacité de la grâce et de la rédemption, sur le libre arbitre et le serf arbitre, les obscurités que présentent aujourd'hui encore les dogmes du christianisme, sont là pour attester que s'il est permis aux hommes d'être illogiques, les lois de l'histoire ont au contraire une logique intrinsèque et qu'avec les observances rituéliques, la morale et la doctrine même de la Bible devaient fatalement tomber du même coup.
  
le monde dm nations où chaque peuple a un rôle spécial à rem­plir, soit dans la société où chaque individu. (contribue, par son activité personnelle à la prospérité de tous, soit enfin dans l'oui­vus physique dont chacune des parties se trouve coordonnée àl'harmonie de Pensemble. Mais chaque corps concourt au but gê­aérai par le jeu normal de ses qualités essentielles, toute nation travaille pour sa part au progrès de l'humanité en développant son propre génie et l'individu lui‑même se rend utile à la société en servant intelligemment son intérêt particulier. Ici, au contraire, nous voyons une organisation mise au service d'une autre, une re­ligion nationale constituée la gardienne d'une autre religion dm­flués à tous les hommes et Vintêrêt particulier subordonné si complêtement à Vintërêt universel qu'Ezêchiel a pu dire que Dieu régnera par force sur les Juifs qui demandaient à être ~ tous le peuple de la terre. H y a là, W conséquent, dans l'ordre spi. rituel, me morte d'expropriation pour eau» deutilitê publique. Re­muquons enfin. que, dans les exemples précédents, nations et in­dividus concourent Sans le savoir au but éloigné que la nature poursuit en eux et pu eux, tandis qu'Israël avait pleinement conscience de se mission providentielle et humanitaire. Sans doute, il a son existence propos et intérieurs, mais il confère en même temps à la vie universelle, il est pâme des âmes, comme Dieu, selon le mot d'Aristote, est la pensée de la pensée. Ausaî~ doué d'une aptitude particulière pour le divin, d'une faculté religieuse que la science moderne reconnalt de plus en plus comme caracté. ristique de la rue sémitique et spécialement de la race juive, il cet soumis à des devoirs qui neincombont qu% lui seul; il a un culte et dm pratiques à lcmpeût hiératique, disons même th6ur­gique. qui répondent au côté mystérieux de l'univers. Il remplit de la sorte une fonction indispensable à Perdre général. sa vie, encore une fois, est comme celle dû l'âme dans laquelle se résout la vie extérieurs du corps et qui absorbe et fait monter d'un degré cette vie organique en transformant les forces physiques en forces intellectuelles.
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Il était inévitable aussi qu'Israël disparût du nombre des nations et son sacerdoce avec lui. Or, si le judaïsme avait pris au sérieux la condamnation prononcée, l'humanité trouverait aujourd'hui tarie la source d'où le christianisme est sorti; L'arbre qui a produit tant de fruits et dont la sève en promettait tant d'autres encore aurait été déraciné et il serait impossible de vérifier maintenant la provenance et la qualité des rejetons que l'on prétend lui attribuer. Le monde serait actuellement obligé de choisir, sans autre alternative possible, entre le catholicisme romain, la forme la plus logique du christianisme, et la libre pensée.
  
Nous montrerons (loue que dans le judaïsme luniversalisme (comme but et la particularisme comme moyen ont toujours coexisté et que celui‑ci est d'autant plus caractérisé que "nie une religion très concrète, très positive, très personnelle, pouvait servir de dé­pasitaire et d'organe à une religion universelle. On comprendra qu'Israël devait se replier d'autant plus mur lui‑même, concentrer
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Nous nous occuperons plus tard des objections des rationalistes qui nous disent que si le christianisme a fait son temps, le judaïsme, qui lui a donné naissance et sur lequel il réalisait un progrès, est à bien plus forte raison une forme périmée et que d'ailleurs, comme religion sémitique, il est incompatible avec le génie et les tendances des peuples aryens. C'est aux chrétiens que nous nous adressons présentement et nous les conjurons d'examiner, sérieuse‑ ment si le judaïsme n'a pas eu raison de ne point, souscrire à l'arrêt de condamnation porté contre lui. Une flagrante contradiction se révèle, en effet dans les discussions des premiers siècles sur la rejection d'Israël. D'un côté, on affirme que le christianisme est fondé sur le judaïsme; toutes les voix de l'Eglise s'accordent pour dire que ce sont les promesses des prophètes qui se sont réalisées dans le christianisme et par son moyen. Or qu'est ce que les prophéties  annonçaient? Qu' Israël, gardien du messianisme, serait, lors de son avènement, considéré par les Gentils convertis comme prêtre de l'humanité et que son individualité comme peuple de Dieu serait d'autant plus assurée que la vérité de sa mission serait généralement reconnue. D'un autre côté, on prétend que si les païens sont entrés dans<ref>Page 25</ref> L'Eglise, c'est que les péchés des juifs ont obligé Dieu à les rejeter et à transférer ses prédilections à un nouvel Israël recruté parmi les Gentils. Quelle idée mesquine du messianisme! Comme si le règne de Dieu qu'il devait inaugurer pouvait consister dans la substitution d'un Israël à un autre Israël, d'un peuple privilégié à un autre peuple privilégié! Comme si au contraire les promesses messianiques n'étaient pas attachées indissolublement à la reconnaissance du sacerdoce israélite!
  
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Sans doute les circonstances expliquent dans une certaine mesure cette erreur. Israël refusant d'adhérer aux idées nouvelles et de jouer un rôle dans la religion universelle que l'on organisait, la physionomie du messianisme hébraïque privé de l'un de ses deux facteurs se trouva complètement altérée et au lieu d'une humanité convertie à la voix du peuple élu, on imagina un nouveau peuple de Dieu substitué à l'ancien. Mais le refus qu'opposait Israël aux avances chrétiennes aurait au moins dû faire entrevoir que la religion nouvelle ne remplissait peut être pas les conditions du véritable messianisme. Tous les juifs sans exception pouvaient‑ils donc se tromper à l'exception de douze pêcheurs dont on vente la complète ignorance? S'il en était ainsi, les fondements de toute révélation et par conséquent aussi du christianisme et du catholicisme s'écrouleraient irrémédiablement, car à quoi bon une révélation, si Dieu n'en garantissait, par la suite, la conservation chez ceux qu'il en a une fois constitués dépositaires et, s'il n'exerçait pas dans l'ordre moral cette Providence qui, malgré la présence des forces destructrices tend sans cesse au maintien de l'harmonie dans l'ordre de la nature? En effet, la croyance à une assistance spéciale de Dieu pour la préservation de la vérité religieuse chez le peuple à qui il l'a confiée, se confond, il ne faut pas l'oubIier, avec la foi à la Providence en général et au progrès humain en particulier.
  
IN11RODUCTION                                                33
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===Chapitre IX.===
  
d'autant mieux au forces que, pour atteindre le but auquel il
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Si maintenant nous considérons l'hébraïsme comme institution, demandons‑nous encore s'il a eu raison de s'obstiner à vivre de sa vie propre, bien qu'on le proclamât irrévocablement déchu. Le seul fait d'avoir si longtemps subsisté ne lui donne‑t‑il pas raison. Les religions comme les nations ne vivent que si leur existence a une raison d'être et la vie du judaïsme durant ces dix neuf <ref>Page 26</ref> siècles n'a été ni moins puissante, ni moins active, ni moins féconde qu'auparavant. Comment expliquer un tel phénomène, si cette religion n'avait plus de mission à remplir? Comment admettre dans l'univers, où il n'y a rien d'inutile, une superfluité si étonnante? Accepterons‑nous l'explication qu'en donne parfois l'orthodoxie chrétienne, celle d'un châtiment infligé aux juifs pour leur endurcissement? Mais ce serait offenser la Providence et s'exposer à un démenti que la civilisation grâce à Dieu, ne chargerait de nous infliger. Prolonger l'existence uniquement en vue de prolonger la souffrance, voilà qui est indigne de Dieu comme de l'homme.
  
aspirait, il avait de plus grands obstacles à surmonter.
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Souscrirons‑nous à l'autre hypothèse un peu plus humaine, d'après laquelle les juifs auraient été providentiellement conservés comme témoins de la vérité du christianisme? La preuve serait bien insuffisante, car l'existence d'Israël n'empêche pas une critique audacieuse de mettre en doute les grande événements de l'histoire juive qui servant de fondement à la religion chrétienne et l'on peut se demander d'ailleurs si la disparition définitive des israélites rebelles n'aurait pas mieux établi les prétendues vérités chrétiennes que leur persévérante opposition au cours des siècles. La miraculeuse conservation d'Israël, semblable à un arbre vigoureux que n'ont pu abattre les orages et dont les vents ont disséminé sur toute la surface de la terre les fécondantes semences, demeure donc un insoluble problème, aussi longtemps que l'on s'obstine à déclarer sa religion épuisée et sans avenir. Mais si les religions qui ont voulu la supplanter sont loin de répondre aux aspirations des temps modernes, est‑on certain que le judaïsme ne renferme rien de plus satisfaisant? Ne voit‑on pas qu'il serait contraire à toutes les lois de l'histoire que cette religion, si radicalement différente du paganisme, ait passé tout entière et dans toute sa pureté dans le culte chrétien, qui a remplacé le polythéisme au sein du monde gréco‑romain, et que des païens de naissance aient pu non seulement s'assimiler complètement tout l'idéal hébraïque, mais encore le surpasser? Ce serait également contraire à la loi que Dieu, d'après la conception chrétienne, s'est imposée dans ses communications, au genre humain et selon laquelle il se plie à la capacité des esprits et suit une voie progressive dans le développement de la révélation, loi qui, au début même de l'Eglise chrétienne, n'a cessé de régler la conduite des apôtres, soit dans la position qu'ils prirent vis à vis du judaïsme, soit dans l'enseignement des mystères chrétiens aux païens convertis.<ref>Page 27</ref>
  
Mais avant même que nous entrions en matière, la critique rationaliste nous oppose ans fin de non recevoir en contestent pauthentiaité des monuments bibliques sur lesquels nous avons àappuyer nos démonstrations. On voit de suite quelle importance présente cette question dans une thèse qui tend à prouver les aspirations universalistes du jadalisme, l'intuition qu'il a eue cons­tamment des destinées communes de l'humanité et le but qu'il a invariablement poursuivi, qui a été sa cause premiêre et la raison d'être de toute son histoire. Les rationalistes Ils S'en tiennent Pu la. Ils nous opposent leur propre interprétation qui contredit par­p6tuellement les conclusions que nous entendons tirer nous‑même (les Boritures, quelles que soient d'ailleurs l'antiquité et Paulhan­ticit6 des documends sacrés. lis s'efforcent d'établir que les idées exceptionnelles, que nous présentons comme caractéristiques du judaïsme et qui présupposent raisonnablement une origine excep. tionnelle aussi, doivent être nées simplement dans les monuments dont l'autorité «ne saurait être mise en doute, ou du moins ra. menées à une époque beaucoup plus récente chaque fois que Pauthon­ticité des écrits bibliques peut être contactés avec quelque vraiskna­blancs. Mais il n'est pas nêcemaire que nous nous engagions dans une discussion à food eut cette question d'authenticité qui, assu­rément fort importante, décisive même, quand Il s'agit de la rêvé. lation. proprement dite, n'offre pas le même intérêt capital, lorsqu?ou se propose uniquement de rechercher les trucs des doctrines univer. salistes dont nous avons parlé. Il nous suffit que le judaïsme, tel qWil s'est définitivement constitué, c1est~â‑dirù celui que Pon a coutume de qualifier d'orthodoxe, les ait réellement professêes et constamment maintenues dans son enseignement.
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Par la nature même des choses, si l'on tient compte de la gradation inévitable dans toute évolution historique, te christianisme, dans les conditions où il s'est établi devait rester plus ou moins inférieur au judaïsme et c'est à celui‑ci, comme à la religion mère, que les chrétiens devraient avoir recours pour résoudre leurs doutes et trancher leurs difficultés doctrinales. Il y aura en effet toujours plus de ressemblance entre le judaïsme et le christianisme primitif, qu'il n'en peut exister entre celui‑ci et la religion chrétienne telle que les siècles et les mille influences étrangères l'ont définitivement constituée. En un mot, il faut transporter sur le terrain dogmatique la même méthode d'investigation que l'on s'accords à reconnaître si utile et si raisonnable sur le terrain historique et critique et qui consiste à interpréter le christianisme par le judaïsme.
  
Voilà pourquoi nous puiserons indifféremment aux sutures bibliques, rabbiniques, voire môme kabbalistiqueB. Comme nous croyons fermement que le judaïsme orthodoxe seul cet en état de répondre aux besoins religieux de l'humanité, c'est à lui que nous nous adresserons pour savoir si, de même qu'il entretient luron­testablement des aspirations de religion universelle, il posede les moyens nécessaires pour les rêaliser. Nous aurons cependant re, cours de préférence aux sources dont la légitimité et l'antiquité ne peuvent être contestées sérieusement. D'ailleurs ces idées sont si répandues, si fréquentes dans tous les monuments de l'antiquité
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En comparant le christianisme actuel et l'hébraïsme tel que les juifs l'ont conservé, nous avons à démontrer, au triple point de vue du dogme, de la morale et de la loi sociale, qu'il est avantageux, dans l'intérêt de l'humanité, que le judaïsme ait survécu à l'arrêt de condamnation dont on a voulu le frapper. Et pour ne parler présentement que du dogme, est‑il besoin d'étayer de preuves nombreuses l'excellence de la doctrine hébraïque, puisque le christianisme, loin de nier  les vérités qu'elle renferme, nous déclare en avoir légitimement hérité?
 
 
B . . .......... : l'ai a B.W. ‑ d.
 
 
 
 
 
34                                                  INTRODUCTION
 
  
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On prétend parfois, il est vrai, que les mystères chrétiens ont réalisé un progrès dans la vraie connaissance de Dieu. Mais quels que soient les rapports que l'on imagine entre ces mystères et les enseignements de l'ancien hébraïsme, on ne va pas jusqu'à leur attribuer sur ceux‑ci aucune supériorité essentielle. On affirme seulement que les vérités qui préexistaient dans le judaïsme antique n'étaient point généralement connues; mais lors même qu'elles auraient été le privilège d'une élite, elles n'en constitueraient pas moins aujourd'hui, d'après le christianisme lui‑même, le critérium nécessaire pour juger les doctrines qu'il propose. Quant à ceux qui nous parlent de nouvelle révélation, ne voient‑ils pas que si les mystères chrétiens étaient véritablement une nouveauté, toute l'économie de la révélation divine se trouverait bouleversée? Il ne s'agirait plus en effet d'une révélation unique et parfaite sortant, comme la création physique, de la souveraine intelligence de Dieu, mais bien de révélations fragmentaires, successives et par conséquent perfectibles comme les institutions et les sciences humaines.<ref>Page 28</ref>
 
   
 
   
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Ainsi donc, pour être logique, le christianisme lui‑même, au lieu de se considérer comme la religion définitive de l'humanité, devrait s'attendre, dans un délai plus ou moins éloigné, à être remplacé par une autre. Dès l'instant que, dans l'intention de combattre le judaïsme, on abandonne l'idée d'une révélation unique, qui, sans modification fondamentale, se développe au cours des âges, il ne reste plus que l'hypothèse de religions se supplantant l'une l'autre tour à tour aussi longtemps que durera l'évolution de l'humanité. Arrêter à un moment déterminé de l'histoire, au profit d'une forme religieuse quelconque, cette série de révélations, c'est là un système si inconsistant qu'il ne mérite pas un sérieux examen.
  
hébraïque que si même on croyait en devoir rejeter quelques‑uns comme datant en réalité d'une époque beaucoup plus récente, cela ne saurait compromettre en aucune fâ4~on le résultat définitif auquel nous visons. Quant aux différentes interprétations que llexégêu moderne nous oppose, nous croyons pouvoir affirmer que rien ne sera négligé, clin que la vérité se fasse jour à travers les mille difficultés amoncelées centre elle.
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Il existe bien une autre théorie beaucoup plus juste et qui tient le milieu entre l'idée d'une seule révélation et celle de révélations successives, mais elle ne sert nullement, comme on le voudrait, la cause de l'abolition de la Loi. C'est le système des germes préexistants, d'après lequel les formes religieuses qui se succèdent ne font que développer de plus en plus parfaitement les principes et les institutions contenus en germe dans la révélation primitive. Ainsi la christianisme n'aurait fait que perfectionner ce qui existait dans l'hébraïsme, sans que l'on soit nullement obligé d'en chercher l'origine dans les dogmes et les pratiques du polythéisme oriental. Mais si la théorie de l'évolution religieuse est vraie en lui‑même, elle n'en est pas moins inapplicable quand il s'agit des rapports entre le christianisme et le judaïsme. Les documents évangéliques nous parlent en effet d'une révélation proprement dite accompagnée de véritables prodiges, ce qui, pour une simple évolution, serait un moyen bien extraordinaire, hors de toute proportion avec le but tracé d'avance par la sagesse divine. D'ailleurs, cette loi de développement ne peut être intermittente; c'est un mouvement continu qui tend à manifester progressivement au dehors ce qui existait d'une manière latente et ce serait faire injure à la Providence que d'exiger à chaque pas, dans cette marche incessante, de nouveaux miracles, comme si la loi une fois tracée ne devait pas recevoir son accomplissement. En outre, ce système exclut un point d'arrêt définitif à un moment quelconque de l'histoire au profit de l'une de ces étapes religieuses que parcourt l'humanité. Et surtout il faut renoncer à toute idée de solution de continuité ou d'antagonisme entre la forme précédente et celle qui lui succède, comme il n'en existe évidemment que trop entre<ref>Page 29</ref> le christianisme actuel et le judaïsme. Dira‑t‑on que cet antagonisme n'est dû qu'à l'aveuglement des Juifs qui n'ont pu voulu reconnaître que le christianisme était une évolution toute naturelle du judaïsme, en sorte qu'ils ont obstinément repoussé le dé‑ veloppement légitime de leur propre religion? Mais il est vraiment inadmissible que le peuple juif, après s'être prêté sans la moindre opposition à toutes les évolutions antérieures au christianisme, se soit montré si complètement réfractaire à cette dernière, qu'il n'y eut chez lui pour l'accepter qu'une infime et obscure minorité. Il suffit d'ailleurs de reprendre la comparaison du germe préexistant, sur laquelle on appuie cette théorie, pour voir combien une pareille supposition serait absurde.
  
Nous nous proposons donc dans cet ouvrage de rechercher le mutêre universaliste de l'Hébraïsme,
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Il est évident en effet que le développement d'un germe ne peut s'opérer d'une manière conforme à sa nature que dans le milieu et à l'aide des circonstances où il a pris naissance, c'est‑à‑dire dans un terrain, sous un climat et grâce à des influences et à une culture homogènes, propres par conséquent à favoriser l'épanouissement de ses qualités spécifiques. Il serait donc souverainement déraisonnable de prétendre que les germes existants dans le judaïsme n'ont pu pousser et grandir au milieu de quelques gens du peuple dont l'ignorance n'est contestée par personne et, plus tard, dans des pays et sous l'action d'influences étrangères antipathiques à la religion d'Israël. Enfin, ce système n'est pas sans danger pour l'apologétique chrétienne qui, pour éviter un écueil, tombe en réalité dans une autre difficulté. Car que fait‑elle lorsque la critique rationaliste prétend chercher dans les religions asiatiques, bouddhisme, brahmanisme, mazdéisme, l'origine des croyances et des pratiques chrétiennes? Elle insiste fortement sur la présence en Palestine à l'époque de Jésus, des mêmes doctrines qui prévalurent ensuite dans l'Eglise et elle en conclut à bon droit que c'est plutôt là que partout ailleurs qu'on doit chercher la racine première du christianisme. S'agit‑il au contraire de rehausser vis à vis du judaïsme la valeur de la religion chrétienne et de justifier celle‑ci? Au risque alors de se contredire, on signale avec complaisance les différences qui la caractérisent et il est bien entendu que sur tous les points ou elle s'écarte de la foi juive, c'est tout Israël qui est dans l'erreur et que seule une douzaine de pêcheurs illettrés ont été en possession de la pleine vérité israélite? Nous demandons si une pareille apologétique tout artificielle ne répugne pas grandement aux règles de la logique et s'il n'ap‑parait<ref>Page 30</ref>  pas aux esprits non prévenus que l'édifice religieux qu'elle élève contient un vice initial de structure, qui fait douter avec raison de sa solidité.
  
Tout d'abord dans le domaine spéculatif, clestâ‑dire dans l'idée que le judaïsme s'est formée:
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===Chapitre X.===
  
1.0 de Dieu et des dieux;
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Pour échapper à cette redoutable alternative de sacrifier la raison à la foi ou d'immoler la foi à la raison, il faut donc reconnaître que le judaïsme providentiellement conservé au cours des siècles a encore quelque chose à enseigner à l'humanité. Entre le <i> Syllabus </i> avec ses anathèmes à toutes les conquêtes de la civilisation et le besoin inassouvi de croyances religieuses, entre les égarements d'une raison orgueilleuse abandonnée à lui‑même et les aspirations jamais satisfaites de l'âme humaine tâtonnant perpétuellement dans le doute comme si Dieu ne s'était point révélé, nous croyons qu'il existe une solution et que seule l'antique religion hébraïque est en état de la fournir. C'est cette conviction qui a inspiré le présent ouvrage.
  
2.de l'homme;
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Deux grands enseignements ressortiront, nous en avons l'espoir, de notre travail. Nous démontrerons, d'une part, contre les allégations de la critique rationaliste, que le judaïsme, loin d'être comme elle le prétend une religion purement ethnique, a un caractère nettement universaliste et qu'il n'a cessé de s'occuper de l'humanité et de ses destinées. D'autre part, nous établirons comment l'idéal que l'hébraïsme s'est formé de l'homme et de l'organisation sociale non seulement n'a jamais été surpassé, mais n'a même été approché que de très loin, et que c'est en acceptant cet idéal, en réformant son christianisme sur ce modèle, que l'humanité pourra, sans renier ses principes les plus chers, avoir une foi raisonnable en Dieu et en sa révélation.
  
8.0 des nations;
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Le problème à résoudre peut donc se formuler ainsi:<br>
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«Le judaïsme, comme toutes les anciennes religions, ne concernait‑il que le peuple qui le professait ou bien, contrairement à l'exemple de toute l'antiquité et par une unique et merveilleuse exception, embrassait‑il dans sa conception le genre humain tout entier? »
  
4.0 de l'humanité et de an Du derniêre;
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Ce qui revient à nous demander, si, en dehors de son but particulier et immédiat, le judaïsme a été conçu et organisé en vue de l'intérêt général. Avant d'exposer notre plan, disons d'abord qu'il est facile d'observer quelque chose de semblable, soit dans<ref>Page 31</ref>le monde des nations où chaque peuple a un rôle spécial à remplir, soit dans la société où chaque individu contribue, par son activité personnelle à la prospérité de tous, soit enfin dans l'univers physique dont chacune des parties se trouve coordonnée à l'harmonie de l'ensemble. Mais chaque corps concourt au but général par le jeu normal de ses qualités essentielles, toute nation travaille pour sa part au progrès de l'humanité en développant son propre génie et l'individu lui‑même se rend utile à la société en servant intelligemment son intérêt particulier. Ici, au contraire, nous voyons une organisation mise au service d'une autre, une religion nationale constituée la gardienne d'une autre religion destinée à tous les hommes et à  l'intérêt particulier subordonné si complètement à l'intérêt universel qu'Ezéchiel a pu dire que Dieu régnera par force sur les Juifs qui demandaient à être <i> comme tous le peuple de la terre </i>. Il y a là, par conséquent, dans l'ordre spirituel, une sorte d'expropriation pour cause d'utilité publique. Remarquons enfin que, dans les exemples précédents, nations et individus concourent sans le savoir au but éloigné que la nature poursuit en eux et par eux, tandis qu'Israël avait pleinement conscience de sa mission providentielle et humanitaire. Sans doute, il a son existence propre et intérieure, mais il coopère en même temps à la vie universelle, il est l'âme des âmes, comme Dieu, selon le mot d'Aristote, est la pensée de la pensée. Aussi, doué d'une aptitude particulière pour le divin, d'une faculté religieuse que la science moderne reconnaît de plus en plus comme caractéristique de la race sémitique et spécialement de la race juive, il est soumis à des devoirs qui n'incombent qu' à lui seul; il a un culte et des pratiques à l'aspect hiératique, disons même théurgique, qui répondent au côté mystérieux de l'univers. Il remplit de la sorte une fonction indispensable à l'ordre général. Sa vie, encore une fois, est comme celle de l'âme dans laquelle se résout la vie extérieure du corps et qui absorbe et fait monter d'un degré cette vie organique en transformant les forces physiques en forces intellectuelles.
  
En second lieu, dans le do mine pratique, nous voulons dire dans la conception que Pon West faite:
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Nous montrerons donc que dans le judaïsme l'universalisme comme but et le particularisme comme moyen ont toujours coexisté et que celui ci est d'autant plus caractérisé que seule une religion très concrète, très positive, très personnelle, pouvait servir de dépositaire et d'organe à une religion universelle. On comprendra qu'Israël devait se replier d'autant plus sur lui‑même, concentrer<ref>Page 32</ref> d'autant mieux au forces que, pour atteindre le but auquel il aspirait, il avait de plus grands obstacles à surmonter.
  
1~O de la loi;
+
Mais avant même que nous entrions en matière, la critique rationaliste nous oppose une fin de non recevoir en contestant l'authenticité des monuments bibliques sur lesquels nous avons à appuyer nos démonstrations. On voit de suite quelle importance présente cette question dans une thèse qui tend à prouver les aspirations universalistes du judaïsme, l'intuition qu'il a eue constamment des destinées communes de l'humanité et le but qu'il a invariablement poursuivi, qui a été sa cause première et la raison d'être de toute son histoire. Les rationalistes ne s'en tiennent pas là. Ils nous opposent leur propre interprétation qui contredit perpétuellement les conclusions que nous entendons tirer nous même des écritures, quelles que soient d'ailleurs l'antiquité et l'authenticité des documents sacrés. Ils s'efforcent d'établir que les idées exceptionnelles, que nous présentons comme caractéristiques du judaïsme et qui présupposent raisonnablement une origine exceptionnelle aussi, doivent être niées simplement dans les monuments dont l'autorité ne saurait être mise en doute, ou du moins ra‑menées à une époque beaucoup plus récente chaque fois que l'authenticité des écrits bibliques peut être contestée avec quelque vraisemblance. Mais il n'est pas nécessaire que nous nous engagions dans une discussion à fond sur cette question d'authenticité qui, assurément fort importante, décisive même, quand il s'agit de la révélation proprement dite, n'offre pas le même intérêt capital, lorsqu'on se propose uniquement de rechercher les traces des doctrines universalistes dont nous avons parlé. Il nous suffit que le judaïsme, tel qu'il s'est définitivement constitué, c'est‑à‑dire celui que l'on a coutume de qualifier d'orthodoxe, les ait réellement professées et constamment maintenues dans son enseignement.
  
2.0 de la révélation primitive;
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Voilà pourquoi nous puiserons indifféremment aux sources bibliques, rabbiniques, voire même kabbalistiques. Comme nous croyons fermement que le judaïsme orthodoxe seul est en état de répondre aux besoins religieux de l'humanité, c'est à lui que nous nous adresserons pour savoir si, de même qu'il entretient incontestablement des aspirations de religion universelle, il possède les moyens nécessaires pour les réaliser. Nous aurons cependant re‑ cours de préférence aux sources dont la légitimité et l'antiquité ne peuvent être contestées sérieusement. D'ailleurs ces idées sont si répandues, si fréquentes dans tous les monuments de l'antiquité<ref>Page 33</ref> hébraïque que si même on croyait en devoir rejeter quelques uns comme datant en réalité d'une époque beaucoup plus récente, cela ne saurait compromettre en aucune façon le résultat définitif auquel nous visons. Quant aux différentes interprétations que l'exégèse moderne nous oppose, nous croyons pouvoir affirmer que rien ne sera négligé, afin que la vérité se fasse jour à travers les mille difficultés amoncelées centre elle.
  
3.0 de la révélation aux Gentils;
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Nous nous proposons donc dans cet ouvrage de rechercher le caractère universaliste de l'Hébraïsme,
  
4.‑ de la révélation juive elle‑même, soit en ce qui,concerne les lois mosaïques proprement dites, soit pour tout ce qui regarde les lois noachides de la gentifitê.
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Tout d'abord dans le domaine spéculatif, c'est‑à‑dire dans l'idée que le judaïsme s'est formée:
  
Le plan que nous nous tra~,on& comporte ainsi trois grandes divisions principales:
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1.° de Dieu et des dieux;<br>
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2.° de l'homme;<br>
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3.° des nations;<br>
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4.° de l'humanité et de sa fin dernière;
  
I. Dieu;
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En second lieu, dans le domaine pratique, nous voulons dire dans la conception que l'on s'est faite:
  
Il. L'homme;
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1.° de la loi;<br>
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2.° de la révélation primitive;<br>
 +
3.° de la révélation aux Gentils;<br>
 +
4.° de la révélation juive lui‑même, soit en ce qui concerne les lois mosaïques proprement dites, soit pour tout ce qui regarde les lois noachides de la gentilité.
  
111. La Loi.
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Le plan que nous nous traçons comporte ainsi trois grandes divisions principales:
  
Dieu et Phomme~ voilâ las principes du judaïsme, comme de toute religion; le moyen~ par lequel m'établissent les rapports entre Phommo et Dieu, clest la Loi révélée mou son double aspect, juif et universel; l'instrument, &est Israël; enfà~ le but suprêmee eest la régénération de Pliumulté, le royaume de Dieu.
+
I. Dieu;<br>
 +
II. L'homme;<br>
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III. La Loi.
  
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Dieu et l''homme, voilà les principes du judaïsme, comme de toute religion; le moyen, par lequel s'établissent les rapports entre l'homme et Dieu, c'est la Loi révélée sous son double aspect, juif et universel; l'instrument, c'est Israël; enfin, le but suprême c'est la régénération de l'humanité, le royaume de Dieu.
  
Xi.
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===Chapitre XI.===
  
   
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Essayons maintenant de saisir mieux encore la physionomie de l'hébraïsme dont nous venons d'esquisser, les linéaments. il suffira pour cela d'indiquer en quoi il se distingue des deux grandes<ref>Page 34</ref> religions rivales, le polythéisme et le christianisme, soit dans la doctrine, soit dans la forme ou les procédés.
  
Essayons maintenant de saisir mieux encore la physionomie de l'hébraïsme dont nom venons d'esquisser, les linéaments. il suf. gra pour cela ~pi"quer en quoi il se distingue des deux grandes
+
On peut dire que l'une des plus notables différences qui séparant l'hébraïsme du polythéisme, c'est précisément l'universalisme complètement étranger aux divers cultes païens et qui constitue au contraire le caractère spécial et la mission bien définie de la religion d'Israël. Rien de semblable en effet dans le paganisme; là, l'idée de la Divinité se subdivisait, se morcelait à l'infini. Ce n'étaient partout que dieux locaux, nationaux, domestiques, individuels, dieux des diverses parties de l'âme, de ses facultés, de ses passions, voire même des différents états de santé ou de maladie. Le principe d'unification de cette cohue, innombrable, la conception du point central d'où tout émanait et où tout devait revenir, faisait totalement défaut. Il y avait là quelque chose d'analogue au divin sans Dieu d'une certaine école philosophique moderne on encore aux faits de conscience constituant, au dire de quelques psychologues, la conscience entière, sans qu'il y ait un point, un centre, un moi indivisible auquel tous ces faits aboutissent; toujours des phénomènes sans une substance qui les supporte, des actes sous un sujet dont ils forment la manifestation ou la modification. Cela n'empêche pas d'ailleurs qu'il ne faille reconnaître, même dans le polythéisme, sous l'influence de certaines circonstances, l'unité dominante et que l'idée universaliste n'y reprenne de loin en loin ses droits.
  
 +
Il n'est pas possible d'énumérer ici tous les cas où, selon nous, le monothéisme et l'universalisme se font jour au sein des cultes païens. Il nous faudrait parler de leurs origines, soit générales, soit locales, des mystères où se conservait leur doctrine secrète, des occasions exceptionnelles où les divinités des diverses nations entrant en contact étaient reconnues comme identiques par leurs adorateurs, et enfin de la conception, qui se rencontre fréquemment dans les mythes polythéistes, d'une Puissance supérieure à tous les dieux. Toujours est‑il que ce qui prévalait partout dans les croyances populaires, c'est la pluralité et l'antagonisme des dieux sans aucune aspiration vers l'unité religieuse.
  
INTRODUCrION
+
La différence de forme ou de procédé entre le judaïsme et le polythéisme c'est que la conséquence de celle que nous venons de signaler dans leur fond respectif. L'idée de religion universelle étant étrangère à sa théologie, le polythéisme n'a pas et ne saurait avoir de prosélytisme. Non seulement cette notion lui est inconnue<ref>Page 35</ref> mais elle est même incompatible avec son génie religieux, car c'était précisément un devoir pour chaque peuple, pour chaque contrée ou chaque ville, de rester fidèle à ses divinités particulières. Bien plus, nous ne croyons rien exagérer en disant que si l'on va bien au fond des choses, il ne pouvait même être aucunement question chez les païens d'un devoir universel, où cette conception implique très certainement celle d'une volonté unique, existant au dessus de toutes les différences locales et nationales, d'une Loi universelle, supérieure aux divinités elles‑mêmes et émanant d'une source qui les domine toutes également. Or tout cela révèle incontestablement le Dieu unique, souverain législateur dont l'empire s'étend partout et toujours, sur tous les dieux et sur toutes les nations, en un mot le monothéisme et l'essence même de la doctrine hébraïque. Si le sentiment d'un devoir commun à tous se maintenait chez les païens, c'est uniquement parce que l'erreur ne peut  jamais obscurcir complètement la vérité et que la nature impose à l'homme des nécessités inéluctables qu'il ne saurait trans‑ gresser impunément.
  
+
Cet attachement exclusif de chaque peuple à ses divinités particulières était si général dans le monde ancien et paraissait si naturel qu'il arrive aux Juifs de le reconnaître formellement lorsqu'ils parlent des païens, et d'employer eux mêmes le langage qui était alors communément accepté: « Comme tous les peuples marchent, chacun au nom de son dieu, nous marcherons, nous, au nom de l'Eternel, notre Dieu, à perpétuité » <ref> MICHÉE, IV, 5.</ref> Bien que ce verset signifie peut être simplement que la fidélité témoignée par les Gentils à leurs fausses divinités était due, à, plus forte raison, par les Israélites au Dieu véritable, il n'en est pas moins vrai que le fait dont nous parlons s'y trouve proclamé expressément.
 
 
religions rivales, le polythéisme et le christianisme, soit dans la doctrine, "fi dans la forme on Ira procédés.
 
 
 
On peut dire que l'une des plus notables différences qui séparant l'hébraïsme du polythéisme, c'est Précisément
 
 
 
lisme complêtement étranger aux divers cultes payons et qui sous­tiras au contraire le caractêre spécial et la mission bien définie de la religion d'Israël. Bien do semblable en effet dans 16 pagw nisme; la, l'idée de la Divinité se subdivisait, se morcelait à piaffai. (je n'étaient partout que dieux locaux, nationaux, domestiques, individuels, dieux des diverses parties de l'àme, de ses faculté$, de sas passions, voire même (les différents états de santé ou de maladie. Le principe d'unificoution de cette cohne, innombrable, la conception du point central d'où tout émanait et où tout devait revenir, faisait totalement défaut. Il y avait là quelque chose d'ana. logue au divin sans Dieu d'une certaine école philosophique moderne on encore aux faits de conscience constituant, au dire de quelques psychologues, la conscience entiêre, soffl qu'il Y ait un point, un contre, un moi indivisible auquel tous ces faits aboutis­sent; toujours des phênomênes sans une substance qui les sup. Ports, des actes sous un sujet dont lie forment la manifestation on la modification. Cela n'empêche pas d'ailleurs qu'il ne faille reconnaître, même dans le polythéisme, sous Finfluance de certaines circonstances, l'unité dominante et que l'idée universaliste n'y reprenne de loin en loin ses droite.
 
 
 
Il n'est pas possible d'énumérer ici tous les sas; où, selon nous, le monothéisme et l'universalisme se font jour au soin des cultes païens. Il nous faudrait parler de leurs origines, soit générales, sait locales, des mystêres où se conservait leur doctrine secrète, des occasions exceptionnelles où les divinités des diverses nations entrant en contact étaient reconnues comme identiques par leurs adorateurs, et enfin de la conception, qui se rencontre fréquemment dans les mythes polythéistes, (l'une puissance supérieure à tous les dieux. Toujours estil que ce qui prévalait partout dans les croyances populaires, &est la pluralité et l'antagonisme des dieux uns aucune aspiration vers Vanité religieuse.
 
 
 
La différence de forme ou de procédé entre le judaïsme et la polythéisme West que la conséquence de colle que noua venons de signaler dans leur fond respectif. L'idée de religion universelle étant étrangers à sa théologie, le polythéisme Wa pu et ne eau­mit avoir de prosélytisme. Non seulement cette notion lui cet lu.
 
 
 
 
 
connus, mais elle est même incompatible avec son génie religieux, car c'était précisément un devoir pour chaque peuple, pour chaque contrée on chaque ville, de rester fidèle à ses divinités partieu­lières. Bien plus, nous ne croyons rien exagérer ou disant que si l'on va bien au fond des choses, il ne pouvait même être aucu. nement question chez les païens d'un devoir universel, ou cette emâception implique très certainement celle d'une volonté unique, existant au‑dessus de toutes les différences locales et. nationales, d'une Loi universelle, supérieure aux divinités elles‑mêmes et Imm­nant d'une source qui les domine toutes également. Or tout cela révèle incontestablement le Dieu unique, souverain législateur dont l'empire sétend partout et toujours, sur tous les dieux et sur toutes les nations, en un mot le monothéisme et l'essence même de la doctrine hébraïque. Si le sentiment d'un devoir.commun à tous se maintenait chez les païens, c'est uniquement parce que l'erreur ne peut. jamais obscurcir complètement la vérité et que la nature im. pose à l'homme des nécessités inéluctables qu'il ne saurait trans‑, gresser impunément.
 
 
 
06t attachement exclusif de chaque peuple à, ses divinités pari ticulères était si général dans la monde ancien et paraissait si naturel quIl arrive aurJuifs de levecuumaître formoDemen4lorsqulils parlent des païens, et d'employer eux‑mêmes le langage qni était alors communément accepté: C comme tous les peuples marchent, chacun au nom de son dieu, nous marcherons, nous, au nom de 11Bternel, notre Dieu, à perpétuité » ('). Bien que ce verset si­guide peut‑être simplement que la fidélité témoignée par les Gen­tils à leurs fausses divinités était due, à, plus forte raison, par les Israélites au Dieu véritable, il n'en est pas moins vrai que le fait dont nous parlons s'y trouve proclamé expressément.
 
 
 
Il nous reste à dire un mot sur la différence de fond et de forme qui sépare, à ce point de vue spécial, le judaïsme du chris­tifflisme.
 
 
 
Sans doute la doctrine d'une religion universelle "retrouve nettement chez l'un comme chez Fautre, mais ils différent toute. fois considérablement dans la manière de la concevoir.
 
 
 
Dieu, dans l'hébraïsme, n'est pas seulement le Père de tous les hommes considérés chacun dans son individualité, mais il l'est aussi, et au plus haut degré, de ces agglomérations des individus
 
 
 
 
 
 
(') M'CRÊ" IV, 5.
 
 
 
 
 
INTRODUCTION                                                  37
 
 
 
qu'on appelle les nations et de Phumanit6 dans Bon ensemble, envi. sagée comme un vaste organisme, comme une famille dont les divers peuples sont les membru. Cette dernière idée ne figure dans 18 christianisme qu'au se(mna plan; elle y apparalt plutôt comme an pâle reflet des notions bibliques que comme une conception vivante, fêconde et fondamentale, telle qu'elle ressort de tous les monuments du judaïsme dans lesquels, si elle Weffau point Fantre doctrine, elle est du moina, surtout dans les Ecritures, un peu plus accentuée. En un mot, ce q t prêvaut dans l~hêbralme
 
 
 
ni biblique, c'est l'idée d'un Dieu universel des nations, tendis que dans la christianisme au contraire, c'est celle d'un Dieu universel des individus. La ~ne64nence logique de ces aspirations univer­salistes est, dans le judaïsme comme dans le christianisme, une tendance à se propager, à réaliser dans l'histoire Funitê religion" qui est la fond même de leurs dogmes, à amener d'une ra"iêre on de l'autre Phumanitê à reconnaître cette universalité, Caractère essentiel de leurs croyances. Mais ici encore les deux religions Wécutent notablement dans les procédés. Tandis que lejuddisme s'adresse surtout à, la raison, c'est plutôt le sentiment que le chris­tianisme cherche à captiver. Le premier tend à constituer non seulement une Eglise composée d'individus gagnés à, sa doctrine, mais dans cette Eglift même autant de collectivités, autant de na~ tiens que la nature en a formé; le second au contraire n'a Pm d'autre souci que celui des âmes à sauver, eest‑â‑din des Indi­vidus seulement.
 
 
 
ce West pas tout. comme s'applique à, convaincre la raison humaine et que, d'autre part,.il se fonde sur la base indéfectible d'ou nationalité qui as croit investie dans le monde d'une mission providentielle, le prosélytisme juif a toujours été plus ou moins lent~ patient, parfois même passif, respectant jusqu'au acropole non seulement la liberté, mais encore la spontanéité individuelle, préférant que le monde vint à lui gagné par la sublimité de ma doctrines, plutôt que de chercher lui‑même à le convertir. L'attitude du christianisme est toute contraire. Son unique buI~ c'est le salut des âmes qu'il suppose irrémédiablement perdues tant qu'elles n'ont pu accepté ses; enseignements; tous 868 efforts sont donc dirigée, non point à ~nquêrir pas à pu la conviction, mais àVemporter d'un "ni coup en faisant surtout appel au sentiment. Et comme l'instrument de sa propagande a été, hou pas une famille naturelle indissoluble, elut‑â~dire un peuple en possession deune
 
 
 
 
 
88                                                  IMMODUCTION
 
 
 
 
  
histoire, d'me tradition, mais nue poignée de Mêlés sans passé, sarm organisation préétablie, sans racines dans la nation, l'impa­tience, la passion, la pression et trop souvent même la violence ont été les conséquences naturelles de ce vice originel et les mi. rmtêres distinctifs du prosélytisme chrétien.
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Il nous reste à dire un mot sur la différence de fond et de forme qui sépare, à ce point de vue spécial, le judaïsme du christianisme.
  
Ces différences, qui séparent si profondément Phébraïsme du polythéisme d'abord, puis du christianisme lui‑même, correspondent à la double démonstration que nous poursuivons dans cet ouvrage et au double but que nous nous proposons d'atteindre. La Présence de l'idée de religion universelle dans le j udaisme fera reaaortir la nature particulière de la foi dIsraël qui la distingue complètement de toutes les croyances du mondé ancien et qui constitue en sa faveur une exception si merveilleuse que, pour PAxpliquer, fi cet indispensable de recourir à une cause non moins exceptionnelle, La critique rationaliste as, trouve donc en défaut quand elle en. treprend deusujêtir à des lois d'évolution identiques les religions polythéistes et Phébraïsme: telle est notre première démonstration et l'une des conclusions de cette étude. Mais il ne nous suffit pas d'établir l'existence de l'universalisme juif, nous devons encore noue convaincre qu'il est de bon aloi, qu'il évite les défauts des autres, du christianisme par exemple, et que, pu suite, il remplit les conditions nécessaires pour le rendre acceptable à la société moderne: ce sera la seconde partie de notre tâche et la second but auquel nous espérons arriver. Pour tout résumer en un mot~ il faut voir si le judaïsme a parlé de l'humanité et Wil en a bien parlé.
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Sans doute la doctrine d'une religion universelle se retrouve nettement chez l'un comme chez l'autre, mais ils diffèrent toutefois considérablement dans la manière de la concevoir.
  
Que les libres penseurs se rendent bien compte qu'une religion qui répond aux justes exigences de la science et de la civilisation moderne sera toujours le meilleur des rationalismes, non seulement au point de vue philosophique, mais surtout dans la pratique de la vie 1
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Dieu, dans l'hébraïsme, n'est pas seulement le Père de tous les hommes considérés chacun dans son individualité, mais il l'est aussi, et au plus haut degré, de ces agglomérations des individus<ref>Page 36</ref> qu'on appelle les nations et de l'humanité dans son ensemble, envisagée comme un vaste organisme, comme une famille dont les divers peuples sont les membres. Cette dernière idée ne figure dans le christianisme qu'au second plan; elle y apparait plutôt comme un pâle reflet des notions bibliques que comme une conception vivante, féconde et fondamentale, telle qu'elle ressort de tous les monuments du judaïsme dans lesquels, si elle n'efface point l'autre doctrine, elle est du moins, surtout dans les Ecritures, un peu plus accentuée. En un mot, ce qui prévaut dans l'hébraïsme biblique, c'est l'idée d'un Dieu universel des nations, tandis que dans le christianisme au contraire, c'est celle d'un Dieu universel des individus. La conséquence logique de ces aspirations universalistes est, dans le judaïsme comme dans le christianisme, une tendance à se propager, à réaliser dans l'histoire l'unité religieuse qui est le fond même de leurs dogmes, à amener d'une manière ou de l'autre l'humanité à reconnaître cette universalité, caractère essentiel de leurs croyances. Mais ici encore les deux religions s'écartent notablement dans les procédés. Tandis que le judaïsme s'adresse surtout à la raison, c'est plutôt le sentiment que le christianisme cherche à captiver. Le premier tend à constituer non seulement une Eglise composée d'individus gagnés à sa doctrine, mais dans cette Eglise même autant de collectivités, autant de nations que la nature en a formé; le second au contraire n'a pas d'autre souci que celui des âmes à sauver, c'est‑à‑dire des individus seulement.
  
Et puissent les chrétiens ne pas oublier que ce qui puis dans ces pages, c'est Phébraïsme dont le christianisme est issu et dont ils Partagent les croyances et 168 espérances; que les intérêts de PUR et de l'autre sont ainsi solidaires et qu'en définitive ce sera toujours 10 Christianisme, rêfOmê il est vrai sur son Premier modèle, qui Scrâ la religion des peuples gentils!
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ce n'est pas tout. Comme il s'applique à convaincre la raison humaine et que, d'autre part, il se fonde sur la base indéfectible d'une nationalité qui se croit investie dans le monde d'une mission providentielle, le prosélytisme juif a toujours été plus ou moins lent, patient, parfois même passif, respectant jusqu'au scrupule non seulement la liberté, mais encore la spontanéité individuelle, préférant que le monde vint à lui gagné par la sublimité de ses doctrines, plutôt que de chercher lui‑même à le convertir. L'attitude du christianisme est toute contraire. Son unique but, c'est le salut des âmes qu'il suppose irrémédiablement perdues tant qu'elles n'ont pu accepté ses enseignements; tous ses efforts sont donc dirigés, non point à conquérir pas à pas la conviction, mais à l'emporter d'un seul coup en faisant surtout appel au sentiment. Et comme l'instrument de sa propagande a été, non pas une famille naturelle indissoluble, c'est‑à‑dire un peuple en possession d'une<ref>Page 37</ref> histoire, d'une tradition, mais nue poignée de fidèles sans passé, sans organisation préétablie, sans racines dans la nation, l'impatience, la passion, la pression et trop souvent même la violence ont été les conséquences naturelles de ce vice originel et les caractères distinctifs du prosélytisme chrétien.
  
Et il le sera pu le judaïsme lui‑même. La réconciliation rêvés Pm les premiers chrétiens comme une condition de la parousie ou avènement final de Jésus, le retour des Juifs dans le sein de IlEglise, sans lequel les diverses communions chrétiennes, qui
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Ces différences, qui séparent si profondément l'hébraïsme du polythéisme d'abord, puis du christianisme lui‑même, correspondent à la double démonstration que nous poursuivons dans cet ouvrage et au double but que nous nous proposons d'atteindre. La Présence de l'idée de religion universelle dans le judaïsme fera ressortir la nature particulière de la foi d'Israël qui la distingue complètement de toutes les croyances du monde ancien et qui constitue en sa faveur une exception si merveilleuse que, pour  l'expliquer, il est indispensable de recourir à une cause non moins exceptionnelle, La critique rationaliste se trouve donc en défaut quand elle entreprend d'assujettir à des lois d'évolution identiques les religions polythéistes et l'hébraïsme: telle est notre première démonstration et l'une des conclusions de cette étude. Mais il ne nous suffit pas d'établir l'existence de l'universalisme juif, nous devons encore nous convaincre qu'il est de bon aloi, qu'il évite les défauts des autres, du christianisme par exemple, et que, par suite, il remplit les conditions nécessaires pour le rendre acceptable à la société moderne: ce sera la seconde partie de notre tâche et le second but auquel nous espérons arriver. Pour tout résumer en un mot, il faut voir si le judaïsme a parlé de l'humanité et s'il en a bien parlé.
  
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Que les libres penseurs se rendent bien compte qu'une religion qui répond aux justes exigences de la science et de la civilisation moderne sera toujours le meilleur des rationalismes, non seulement au point de vue philosophique, mais surtout dans la pratique de la vie!
  
1141PRODtICTION                              89
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Et puissent les chrétiens ne pas oublier que ce qui parle dans ces pages, c'est l'hébraïsme dont le christianisme est issu et dont ils partagent les croyances et les espérances; que les intérêts de l'un et de l'autre sont ainsi solidaires et qu'en définitive ce sera toujours le christianisme, réformé il est vrai sur son premier modèle, qui sera la religion des peuples gentils!
  
s'efforeent d'y travailler chacune à sa manière, s'ucordent à re. connaître que Voeuvre de la r6demption demeure incomplète, es retour, disons‑nous, eelfectuera, non pu, à la vérité, comme on l'a attendu, mais de lis seule manière s6rieuse, logique et durable, et surtout de la seule façon profitable au genre humain. Os sera la rêunion de PHêbraïsme et des religions qui en sont issues et, selon le mot du dernier des Prophète@, du sceau des Voyants, comme les Docteurs appellent Malubie, le retour du coeur des enfants àà leurs pères.
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Et il le sera par le judaïsme lui‑même. La réconciliation rêvée par les premiers chrétiens comme une condition de la parousie ou avènement final de Jésus, le retour des Juifs dans le sein de l'Eglise, sans lequel les diverses communions chrétiennes, qui<ref>Page 38</ref> s'efforcent d'y travailler chacune à sa manière, s'accordent à reconnaître que l'œuvre de la rédemption demeure incomplète, ce retour, disons nous, s'effectuera, non pas, à la vérité, comme on l'a attendu, mais de la seule manière sérieuse, logique et durable, et surtout de la seule façon profitable au genre humain. Ce sera la réunion de l'hébraïsme et des religions qui en sont issues et, selon le mot du dernier des Prophètes, du sceau des Voyants, comme les Docteurs appellent Malachie, le retour du cœur des enfants à leurs pères.<ref>Page 39</ref>
  
 
==References==
 
==References==

Latest revision as of 10:40, 17 June 2010

INTRODUCTION

Chapitre I.

Tout le monde s'accorde à dire que nous traversons une grande crise religieuse, mais on ne remarque pas aussi généralement que celle ci se présente sous un triple aspect. En effet, au conflit entre la religion et la science qui est à l'état aigu et dont, par conséquent, on se préoccupe davantage, s'ajoutent l'antagonisme des religions entre elles et le travail d'évolution qui s'opère simultanément au sein de chaque Eglise.

La lutte entre les religions a commencé avec le christianisme. Avant qu'il proclamât le Dieu unique et une seule foi pour toute l'humanité, chaque peuple avait ses dieux particuliers et reconnaissait l'empire légitime des divinités étrangères sur les autres contrées; bien loin de chercher à en supplanter le culte comme faux et impie, il croyait que le devoir de chaque nation était d'adorer les dieux qui présidaient à ses destinées. Avec le christianisme au contraire, et c'est son plus grand titre de gloire, il n'y a plus qu'une seule religion qui puisse procurer le salut et tout autre culte devient sacrilège.

Mais si cette nécessité d'unité religieuse fut comprise de tous, l'accord ne s'est pourtant pas fait sur le choix de la véritable religion. Après avoir triomphé de l'antique paganisme, le christianisme n'est pas encore parvenu à convertir à ses croyances tous les membres de la famille humaine. Nous ne parlons pas des grandes religions de l'Orient et des religions païennes qui subsistent encore dans les autres parties du monde. Bien que le nombre de leurs[1] adhérents surpasse de beaucoup celui de toutes les Eglises chrétiennes réunies, il n'est pas douteux qu'elles ne soient depuis longtemps en pleine décadence et que leur influence ne soit nulle ou fort restreinte; ce n'est pas à elles que l'avenir appartient. Les religions, qui comptent, ce sont celles qui sont issues de l'hébraïsme; nous ne dirons pas, comme on le fait d'ordinaire, issues de la Bible, parce qu'elles sortent vraiment de l' hébraïsme tout entier, Bible et Tradition, et parce que leur vitalité, leur activité présente et leur avenir dépendent autant de ce qu'elles doivent à la Tradition que de ce qu'elles doivent à la Bible, peut être même davantage. Malheureusement ces filles de la même mère sont loin de s'entendre, et c'est ainsi qu'à l'antagonisme entre la civilisation moderne et la religion vient s'ajouter celui des religions entre elles.

Du moins la paix régna‑t‑elle dans chacun de ces différents cultes? Nullement. Des tendances diverses travaillent incessamment à troubler l'harmonie intérieure des Eglises. Partout où une autorité extérieures n'impose pas silence aux voix discordantes, les divergences se manifestent au grand jour; elles étaient librement leurs professions de foi dont le nombre ne cesse de se multiplier. Telle est la division des esprits en matière religieuse qu'on en est arrivé à considérer comme l'unique solution possible l'absence de toute croyance dogmatique, c'est à dire qu'on fait un gage de concorde de ce qui est précisément la preuve la plus manifeste de la désunion et du morcellement spirituel.

Dans les Eglises mêmes où une autorité s'oppose à toute velléité d'indépendance, l'unité n'est qu'apparente. Ou se tait, on se réfugie dans l'équivoque, on se soumet, mais en réalité on ne s'entend pas. Il arrive aussi parfois que la proclamation de nouveaux dogmes pousse hors de l'Eglise des hommes qui en étaient naguère encore les membres les plus dévoués. Et ces nouveaux dogmes eux‑mêmes, que sont‑ils, sinon des variations? Variations consacrées par l'autorité suprême et présentées par elle comme de simples définitions, mais qui n'en révèlent pas moins des modifications profondes survenues dans l'état des croyances, avec cette particularité que les organes officiels qui proclamant ces dogmes, sanctionnent des innovations, au moment même où ils prétendent assurer l'immutabilité de la foi. Ainsi la crise intérieure des Eglises achève de compliquer les deux autres conflits.

Mais au fond, nous l'avons dit, il s'agit d'une seule et même crise, qui n'est pas autre chose que la lutte entre la foi et la[2] raison, soit que celle‑ci, en voulant juger le monde et la société, se trouve aux prises avec les croyances traditionnelles, soit qu'elle se mette à étudier, à la lumière de la critique historique, de l'exégèse et de la science, les prétentions contradictoires des diverses religions, soit enfin qu'en travaillant au sein même de chaque Eglise, elle y provoque le libre examen et, incapable de se contenter des anciennes formules, pousse les esprits à en rechercher de nouvelles qui lui permettent de se réconcilier avec la foi.

Chapitre II.

La crise une fois constatée, on se demande quelle en sera l'issue. La rupture depuis longtemps commencée entre le ciel et la terre, l'idéal religieux et la réalité historique, sera‑t‑elle consommée pour jamais? Le combat séculaire entre les formes rivales que la religion hébraïque a revêtues n'aura‑t‑il qu'un résultat purement négatif et la raison humaine devra‑t‑elle prononcer leur commune déchéance? En d'autres termes sommes‑nous à la veille de voir le monothéisme juif convaincu d'impuissance sous ses trois formes, hébraïque, chrétienne et musulmane, et balayé de la face de la terre comme le polythéisme l'a été il y a dix neuf siècles? Et cette hypothèse se vérifiant, que mettra‑t‑on à sa place? Sera‑ce le rationalisme? Ce n'est pas ici le lieu de discuter à fond la possibilité de cette substitution. On a écrit sur l'insuffisance du rationalisme pur comme religion bien des pages érudites. On a montré avec raison qu'il ne saurait jamais être la religion du grand nombre et qu'il est incapable de satisfaire les besoins du cœur humain. Mais une étude plus attentive nous ferait découvrir sans peine des arguments plus sérieux encore, plus philosophiques, plus profonds.

On verrait en effet que la Religion, adoration et culte de l'Absolu, ne peut être un simple produit de l'esprit humain; son rôle étant de contenter la raison, de lui ouvrir des horizons inconnus et de l'initier à une vie supérieure, Il faut, pour être l'expression de la vérité totale, qu'elle embrasse non seulement tout l'ensemble des choses intelligibles, mais encore ce côté mystérieux de l'éternelle existence qui surpasse et surpassera toujours nos sens et nos facultés, autrement dit il faut qu'elle soit révélée. On verrait que toute religion rationaliste, nécessairement changeante comme[3] la raison lui‑même dont elle émanerait, est une impossibilité, car l'adoration implique la croyance inébranlable que son objet est la vérité immuable, sans quoi ce serait une adoration toute provisoire et l'on a quelque peine à se représenter l' humanité prosternée devant un autel qu'elle aurait la certitude de voir renversé demain.

Qu'on ne se méprenne pas cependant sur notre pensée; nous ne voulons pas dire que la Révélation une fois admise, l'esprit humain se trouve pour toujours arrêté dans sa marche et qu'il n'ait pas à étudier de plus en plus, soit la nécessité de cette révélation, soit le sens et la portée qu' il lui faut attribuer, de même qu' il a à examiner aussi les titres et la valeur des diverses révélations qui réclament son adhésion religieuse. Nous affirmons seulement qu'au sein d'une religion révélée, l'esprit humain croit adorer la vérité absolue, tandis qu'il est de l'essence d'une religion rationaliste de ne permettre aucune confiance de ce genre et de n'offrir à ses fidèles que des abris momentanés. L'histoire est là, d'ailleurs pour nous prouver que tous les essais de cultes purement rationalistes ont sombré dans l'impuissance et le ridicule et que la nécessité d'une religion révélée se fonde aussi bien sur la nature de l'homme que sur celle de Dieu.

Aurons‑nous donc un nouveau Sinaï? Une Loi nouvelle nous viendra‑t‑elle, du ciel? Il n'est personne qui attende de ce côté là le salut de l'humanité. Ceux qui croient aux révélations anciennes ne pensent pas pouvoir sans infidélité en espérer une nouvelle et ceux qui n'y veulent voir que des légendes ne sauraient admettre aujourd'hui la possibilité de ce qu'ils nient dans le passé. D'autre part, les penseurs indépendants, tout en admettant le principe et la nécessité d'une Révélation, sont bien loin de considérer celle‑ci à la manière des simples comme un phénomène miraculeux détaché de la vie, du développement historique de l' humanité, sans aucun lien avec l'organisation psychologique de la nature humaine. Ils comprennent que la Révélation, si elle existe ne peut être qu'unique, comme cette autre révélation matérielle qui est la nature et qu'elle doit être, comme celle‑ci, immuable. Ils savent enfin qu'elle n'est possible qu'au début de l'humanité, car une faculté toute spéciale, la spontanéité, fonctionne, à ces premiers âges, en religion comme dans toutes les branches de l'activité humaine; elle cesse ensuite pour ne plus revenir, lorsque la vie spirituelle et matérielle est enfin établie sur ces bases. Les seules traces de cette faculté primitive, dernières lueurs d'un flambeau qui s'éteint,[4] nous apparaissent plus tard, à de très rares intervalles, chez ces êtres à part qui, dans l'état adulte de l'humanité, semblent conserver les privilèges de son enfance, ou qui, du sommet où les place leur exceptionnel génie, voient poindre à l'extrême horizon l'aube des créations nouvelles.

Si donc il n'y a plus de révélation à attendre à notre époque, s'il ne faut plus compter ni sur le judaïsme, ni sur le christianisme ou l'islamisme, si la raison toute seule est incapable de créer un culte durable quel sera l'avenir religieux de l'humanité? Se passera‑t‑elle de toute religion? Nous serions surpris qu'il se rencontrât encore quelques esprits sérieux capables d'admettre la possibilité d'une telle solution et de la croire définitive.

Soit que l'on ait la foi, soit que l'on ne veuille voir dans les croyances religieuses qu'une décevante illusion, personne en effet ne songe à nier cet instinct puissant qui pousse tout être pensant à adorer quelque chose de supérieur. Comment donc parviendra‑t‑on à donner satisfaction à cet instinct, l'un des plus forts sans contredit et, selon la direction qu'on lui imprime, l'un des plus féconds de notre espèce? Le genre humain se verrait‑il condamné, dans la fonction la plus sublime de sa constitution spirituelle, à une soif inapaisée et la nature n'aurait‑elle pas enfanté la plus parfaite de ses créatures que pour l'assujettir à une révoltante contradiction dont aucune autre de ses œuvres n'offre le moindre exemple? Et quel sera le sort de l'homme ainsi mutilé? que deviendront les institutions sociales qui toutes ont à leur base un principe fourni par la science par excellence, qu'on l'appelle la métaphysique ou la religion? On a dit à très juste raison que la métaphysique n'est que de la théologie en robe courte; elle ne gardera pas longtemps droit de cité, après que la religion proprement dite aura été définitivement congédiée. Le malheur est que le droit, la justice, la beauté morale, la vertu, la liberté, l'héroïsme, le sacrifice ne sont pas autre chose que de la métaphysique en pratique on ne voit pas en vérité comment de telles notions pourront encore être conservées, quand on en aura tari l'unique source.

Assurément tout le monde n'aperçoit pas immédiatement le résultat final d'un principe posé. La société a une telle force d'inertie qu'il faut toujours plus ou moins de temps pour que les transformations opérées par les idées qu'elle accepte apparaissent enfin dans toute leur étendue, mais la logique tire toujours à la longue les conséquences des prémisses. Déjà même certains libres[5] penseurs ont pris hardiment leur parti de voir la morale disparaître avec la métaphysique et céder la place à l'intérêt personnel comme unique règle de conduite. Ainsi s'enchaînent fatalement les négations, précipitant les hommes sans religion jusqu'au bord d'un abîme d'où l'œil recule épouvanté.

On se demande donc vers qui se tournera l'humanité, quand elle aura rejeté comme surannés tous les cultes traditionnels et que, néanmoins, le besoin de religion se fera de plus en plus impérieusement sentir. Pour résoudre ce problème une double recherche est nécessaire et nous y convions maintenant nos lecteurs.

Chapitre III.

Toutes les religions, que la libre pensée proclame aujourd'hui déchues, ont elles fait leurs preuves d'une manière complète, et en second lieu, est ce bien comme religions universelles qu'elles ont exercé leur action dans l'histoire? En ne qui concerne le christianisme et l'islamisme, cela n'est pas douteux. Or ces deux religions ayant présenté pour ainsi dire une double version d'un même original, l' hébraïsme, puisque l'une et l'autre a prétendu réaliser la véritable religion d'Israël, il semble que celle‑ci se trouve à son tour , et par le fait même, doublement convaincue d'impuissance. Il n'en est rien cependant. Si le christianisme et l'islamisme ont donné au monde tout ce qu' ils étaient susceptibles de lui apporter, on n'en peut pas dire autant du judaïsme traduit par eux de la façon la plus incomplète et la plus défectueuse. On ne saurait prétendre surtout que le judaïsme ait jamais fait ses preuves sous l'aspect de religion universelle. Mais le judaïsme est il une religion universelle?

A cette question répond un fait vraiment unique dans l'histoire religieuse, trop méconnu cependant et que nos modestes efforts tendront à mettre en lumière: c'est que le judaïsme a donné naissance à deux puissantes religions qui, dès leur apparition, n'ont aspiré à rien moins qu'à convertir le genre humain tout entier. Peut on soutenir que cette tendance commune au christianisme et à l'islamisme soit étrange à la religion juive, mère de l'un et de l'autre? Où donc auraient‑ils puisé ce principe inconnu à l'antiquité et contraire à son génie? Serait‑ce chez les philosophes? Chacun sait que les fondateurs de ces deux religions[6] n'ont point cherché auprès d'eux leurs inspirations. Se pourrait‑il qu'ils le possédassent comme un bien propre dont ils ne seraient redevables à personne? Mais en ce cas on ne voit pas comment, avec des aspirations entièrement nouvelles, ils auraient pu se donner pour les représentants authentiques, pour les légitimes héritiers du judaïsme, déclarent solennellement, comme ils l'ont fait l'un et l'autre, que leur rôle se bornait à réaliser ses promesses. Il est à peine besoin d'ajouter que tout, dans la vie de Jésus comme dans celle de Mahomet, s'oppose à cette hypothèse d'une conception originale se détachant du fond commun. D'ailleurs le génie lui‑même a besoin d'une culture appropriée et de circonstances favorables pour s'élever à de telles hauteurs et si l'idée première de cet empire universel des âmes n'avait point existé en Israël, c'est en vain que des hommes, si grands qu'ils fussent, l'auraient prêchée; ils n'auraient trouvé ni apôtres pour propager leurs doctrines, ni fidèles pour les embrasser. On ne peut pas dire que ce principe, mal défini au début, s'est peu à peu précisé comme toutes les conceptions nouvelles, après une longue période d'évolution, car pour ne parler que du christianisme, dont l'islamisme plus tard n'a fait que suivre l'exemple, il est certain que son ardeur de prosélytisme l'a poussé de suite vers les Gentils aussi bien que vers les Israélites.

Si le judaïsme n'avait été qu'un culte purement national comme ceux des peuples polythéistes, qui du moins, nous l'avons dit, n'excluaient point les dieux rivaux, il n'aurait pu donner naissance à deux religions aux aspirations vraiment universelles. Mais il est bien plus absurde encore de supposer qu'avec sa foi au Dieu unique il pouvait se désintéresser du sort de l'humanité, si bien que Jésus et Mahomet auraient été obligés de chercher ailleurs que chez lui l'idée d'une seule religion pour tous les hommes. Car si l'on peut admettre qu'un dieu local devienne à la longue, en triomphant de ses concurrents, le Dieu universel dans la pensée de ses adorateurs, il est absurde d'imaginer un Dieu unique qui se serait attaché exclusivement une seule nation en rejetant irrévocablement tous les autres peuples.

Mais alors, nous dira‑t‑on, qu'est‑ce que cette substitution de la Gentilité à Israël proclamée par le christianisme au moment où il se sépare définitivement du judaïsme? N'est‑ce‑pas la foi chrétienne et universelle qui prend la place de la foi juive et nationale? Non, c'est la rupture de l'association de deux idées qui[7]n,avaient jamais cessé de coexister chez les juifs, ù,est le sacrifice de la seconde à la première, c'est la déchéance prononcée contre luaël, le peuple pillitre, au profit des Gentils qui deviennent désurnais, par leur croyance en Jésus, le seul véritable peuple de Dieu.

On nous objectera peut être: que signifient donc ces deux tendauces qui divisèrent les premiers chrétiens, alors que les ma voulaient conserver intégralement la judaïsme et que 188 autres proclamaient la complète abolition de l'ancien culte 1 Elles" songoivent fort bien, si Von admet lhypothèse que l'idée d'une religion universelle faisait à ce mornentlà, pour la première fois son apparition dans le monde sur los raines, du nationalisme religieux; au contraire, ces luttu semblent inexplicables dans le cas où les deux notions auraient coexisté auparavant, Mais si Pou prête un peu d'attention au grand fait que nous allons signaler, il ut facile de as détremper.

Nous recherchions tout à l'hem si la judaïsme est une religion universelle et nous répondions affirmativement. Ce n'est pu ainsi sa réalité que la question devait être posée. Nous devions nous demander plutôt: le judaï~ a t il une religion univergelle ? C'est dans cette manière de formuler le problème que 80 trouve PexPliration du plu grand phénomène religieux de PantiquitiS, la clef des disputes aux premiers siècles de Père chrétienne, la solution de la crise que traversent actuellement les différent" Bglim et, pour tout dire, la dernière espérance religieuse de Phumainité. Et clest pa~ que nous Poutendious ainsi que nous avoue répondu sous hésitation que le judaïsme est me religion universelle, car autrement les faits nous auraient immédiatement infligé un ulatant démenti. A Pexception du dogme et de toute la partie memie, il n'y a rien en effet dans la législation mosaïque qui unvienne à un culte universel. Tout y porte Vempreinte du partieuluisme la plus exclusif et il suffit d'imaginer le judaïsme embrausi pu tout le monde et fonctionnant dans la plénitude de sa vie et de us organes pour se convaincre qu'il n'est point, somme culte, destiné à te" les peuples. tant les impossibilités pratiques et les anomalies apparaîtraient alors nombreuses et choquantes. Et c'est es qui a toujours trompé et us qui trompe encore tant d'esprits de bonne foi sur la véritable nature de Il hébraïsme et même sur la conception juive de la Divinité, au point qWils ne "vont voir dans la religion dIsraël qu'au culte purement national. Mais il[8] leur est facile de revenir de leur erreur en recherchent avec nous, comme nous les y invitons, si le judaïsme n'a pas les éléments d'une religion universelle. Ils reconnaîtront alors qu'il possède en effet, qu'il contient dans son sein, de même que la fleur cache le fruit, la religion réservée au genre humain tout entier, et dont la législation mosaïque, en apparence si incompatible avec cette haute destinée, n'est que l'écorce ou l'enveloppe extérieure.

C'est pour la conservation et l'établissement de cette religion que le judaïsme a vécu, qu'il a lutté et souffert, c'est avec elle et par elle qu'il est appelé à triompher. Etudier de près ce grand phénomène, découvrir les rapports qui unissent en Israël le culte national et le culte universel, montrer l'action et la réaction de l'un sur l'autre, tel est en grande partie le sujet même de cet ouvrage.

Chapitre IV.

Nous devons faire remarquer ici tout d'abord que la constitution d'une religion universelle, but final du judaïsme, exigeait de lui un surcroit de rigueur dans ses dispositions particularistes. C'est à l'humanité future qu'il songeait; il fallait donc nécessairement qu'il s'isolât davantage du milieu actuel. Comme il n'entrevoyait que dans un très lointain avenir la réalisation de ses aspirations, Il devait prémunir d'autant mieux ses fidèles contre les périls, les faiblesses et les surprises d'un long et pénible voyage, afin que, le moment venu, ils fussent en état de s'acquitter dignement de leur mission. Il s'était formé un idéal que tout tendait à compromettre autour de lui; il convenait donc qu'il se tint sagement à l'écart de ce qui pouvait le détourner lui‑même du but désiré. Dans sa carrière séculaire, il dut arriver à Israël ce qui advient à ces esprits supérieurs qui ne peuvent travailler au bien général sans soulever certains mécontentements, ni entretenir en eux la flamme sacrée de l'amour pour tous les hommes sans fuir un peu l'affligeant spectacle de leurs bassesses.

Et c'est ainsi que le peuple le plus cosmopolite, le seul qui se soit élevé dans l'antiquité à la conception sublime du Dieu unique et d'une seule humanité et qui, à toute époque et dans tous les lieux, se soit donné la tâche de reconstituer la famille humaine, a été considéré comme le plus égoïste, non seulement par les anciens[9] qui n'ont jamais rien compris à ses principes et à ses institutions, mais encore par la plupart de ceux qui étudient aujourd'hui son histoire. Tel est, nous le répétons, le sort des vrais amis de l'humanité. Leur éloignement de la foule est traité de misanthropie et l'on prend pour de l'orgueil le respect qu'ils ont de la dignité humaine et pour de la haine leur dégoût de tout ce qui est vil. Mais les apparences ne sauraient tromper l'observateur impartial qui n'a pas de peine à reconnaître précisément dans ces prétendus défauts les marques d'une grande et noble passion.

En outre, si l'on examine de près cette législation mosaïque qui semble élever entre Israël et le genre humain une infranchissable barrière, on découvre bientôt la raison de ces lois particulières d'autant plus sévères et plus étroites que le but à atteindre était plus sublime et plus éloigné aussi. Le culte spécial d'Israël était la sauvegarde, le moyen de réalisation de la vraie religion universelle ou noachisme, pour employer le mot des rabbins, et nous trouvons là l'explication de tout ce qui autrement demeure incompréhensible dans les doctrines, les lois et l'histoire du peuple juif. C'est aussi ce qui nous permet de comprendre l'avènement du christianisme, ce grand fait de l' histoire, qui sans cela serait un effet sans cause ou, pour parler plus exactement, un effet contraire à sa cause, puisque de la religion en apparence la moins cosmopolite, la moins humanitaire, seraient issus le culte et la doctrine les plus universels que le monde ait jamais vus. Et pour rendre l'énigme plus insoluble encore, ce serait en invoquant les croyances d'Israël, en se réclamant de ses prophètes, en se donnant pour le continuateur de ses traditions, que le christianisme aurait revendiqué l'empire des âmes et qu'il aurait lutté et remporté tant de victoires.

Mais non, tout est infiniment simple. Ce qui a enfanté la prédication chrétienne, c'est cette foi en la religion universelle que les juifs croyaient contenue au germe dans leur antique doctrine et dont ils devaient un jour établir le règne. C'est elle qui a donné aux disciples de Jésus la conviction d'être les organes d'une mission providentielle et le courage d'en poursuivre jusqu'au bout du monde l'accomplissement. Sur ce point là l'accord entre israélites et chrétiens fut inaltérable. Au plus fort des disputes sur la notion de Dieu et du Messie, sur la question de l'abolition de l'immutabilité de la Loi, alors que les querelles éclataient et s'envenimaient jusqu' à produire cette mission qui date depuis des siècles, jamais[10] il n'y eut entre eux des divergences d'idées sur les aspirations universelles qui leur étaient communes, sur le devoir d'évangéliser les nations et de les amener au culte du vrai Dieu. Sans cette croyance fondamentale et familière aux uns comme aux autres, tout est mystère et contradiction dans l'histoire des premiers siècles du christianisme; avec elle au contraire, tout devient intelligible et logique dans la succession des événements.

Qui donc d'ailleurs l'a jamais mise en doute? La science, bien loin de le faire cherche uniquement dans le judaïsme les antécédents de la religion chrétienne. On peut, durant les diverses périodes de son développement, admettre tel emprunt fait à des sources étrangères telle influence nouvelle dans la formation de ses dogmes, mais quant aux conditions mêmes de sa naissance, on ne saurait, de l'aveu des critiques, les trouver ailleurs que dans l'hébraïsme. Les diverses orthodoxies chrétiennes sont pareillement unanimes sur ce point. Pour elles, comme pour la science indépendante, le christianisme est le légitime héritier de la religion d' Israël: c'est son idéal qu'il s'est efforcé d'atteindre, ce sont ses promesses de vocation des Gentils qu'il a voulu réaliser, c'est son Messie, son messianisme qu'il a prétendu apporter aux nations. Voilà un fait sur lequel tout le monde est d'accord.

Après avoir ainsi précisé notre pensée, abordons maintenant l'examen des questions que nous nous posions tout à l'heure; voyons si le judaïsme, comme les religions issues de lui, a fait ses preuves et s'il les a faites comme étant ou possédant la religion universelle. Ce n'est point du mosaïsme, en tant que loi sacerdotale propre à Israël, que nous avons à nous occuper ici. Certes, nul ne contestera que cette religion là a bien fait ses preuves et dans quelles conditions vraiment extraordinaires! Son étonnante vitalité, sa sève inépuisable, sa force de résistance, d'abord contre les Juifs eux‑mêmes, peuple rebelle s'il en fut, et qu'elle est parvenue pourtant à plier à son joug au point d'en faire un peuple de martyrs, puis contre le monde entier ligué au cours des siècles pour l'exterminer, tout nous donne lieu de croire qu'une telle religion avait une raison d' être et un grand but à atteindre, autrement il serait insensé de parler encore d'une philosophie de l'histoire. Mais c'est cette religion universelle, dont l' hébraïsme gardait le dépôt sacré, que nous devons étudier ici plus particulièrement pour rechercher si vraiment elle a déjà donné au monde tout ce que, d'après ses principes, on était en droit d'en attendre.[11]

Chapitre V

L'insuffisance et la disparition progressive des divers polythéismes anciens et modernes ne prouvent rien contre la valeur qu'on peut encore attribuer pour l'avenir à la religion hébraïque, car entre elle et les divers cultes païens il n'y a aucun point de contact; L'opposition est au contraire absolue et jamais un culte de cette nature ne s'est présenté comme le successeur légitime du judaïsme. Cette chute du polythéisme apparait même comme l'accomplissement des promesses des Prophètes, comme une préparation du règne messianique qu' ils ont annoncé.

Mais en face des deux grandes religions auxquelles il a donné naissance, la situation de l' hébraïsme est bien différente. Elles ont prétendu toutes deux réaliser l'idéal des voyants d'Israël et comme ni l'une ni l'autre ne se trouve aujourd'hui d'accord ni avec la science, ni avec la conscience moderne, on pourrait croire que l'arrêt de condamnation qui les frappe implique aussi l'incapacité définitive du judaïsme lui‑même, en sorte que c'en aurait fait des religions bibliques sous tous leurs aspects. Non seulement ces deux formes du messianisme juif auraient épuisé l'idéal hébraïque, mais comme on suppose généralement qu'elles constituaient sur lui un remarquable progrès, leur insuffisance une fois démontrée entraine‑ rait à plus forte raison l'irrémédiable déchéance de la religion mère: puisqu'elle leur était inférieure. Nous espérons établir par cet ouvrage, si Dieu nous vient en aide, ce qu'il faut penser de cette condamnation. Nous venons si l'hébraïsme n'a plus rien à apprendre à l'humanité qui a tout appris de lui, mais dès maintenant quelques considérations générales nous paraissent nécessaires.

Et d'abord, de qui tient‑on ce prétendu idéal hébraïque qu'on prétend aujourd'hui convaincu d'impuissance? A part quelques très rares et récentes exceptions, on ne sait de l'hébraïsme que ce que le christianisme et l'islamisme en ont fait connaître; ce sont ces deux religions qui l'ont présenté au monde et c'est d'après l'image qu'elles en ont donnée qu'on l'a jugé tantôt admirable, tantôt digne de mépris. On peut dire que l'image a été exacte ou douter de sa fidélité. Toujours est il que le judaïsme n'est entré à aucun moment en contact immédiat avec l'humanité; sauf une [12] période, d'ailleurs très remarquable, de prosélytisme actif dans le siècle qui précéda l'apparition du christianisme, il n'eut jamais l'occasion de se révéler directement au monde et d'entreprendre lui‑même, sans intermédiaire plus on moins fidèle, la réalisation de son véritable idéal.

De fait, l'exactitude de l'image que le christianisme et l'islamisme ont donnée du messianisme d'Israël n'est rien moins que prouvée; elle n'est même nullement probable. Il faudrait reconnaître avant tout une origine divine à l'une et l'autre de ces religions pour admettre que l'hébraïsme ait pu parvenir sans altération aux fidèles des deux Eglises. Sans un éclatant miracle cela est en effet de toute impossibilité. Qu'on se représente la Synagogue juive à la naissance du christianisme, avec ses Ecritures, ses traditions, ses nombreuses et savantes écoles et ses docteurs qui remontant, par une chaîne ininterrompue, jusqu'aux prophètes de la Captivité babylonienne et même, s'il faut les en croire, jusqu'au Sinaï. Depuis de longs siècles, ils ne font qu'étudier nuit et jour, propager et appliquer la doctrine de la Thora. Un home surgit tout à coup; il s'appelle Jésus. Est un Dieu? Est‑ce un homme? S'il est Dieu, tout est dit; car il en saura évidemment davantage que tous les docteurs de tous les âges sur la nature de la vraie religion. Mais si Jésus était Dieu, sommes‑nous sûrs pour cela que l'idée qu'on s'est faite dans son Eglise du messianisme, prêché par lui soit celle qu'il en avait lui‑même? Pour le croire, il faudrait que l'infaillibilité du fondateur du christianisme eût été accordée à ses successeurs immédiats et aux successeurs de ses successeurs jusqu'à nos jours, car ces Juifs ignorants, étrangers aux foyers de la doctrine hébraïque, tels qu'on nous dépeint les apôtres et les hommes de la première génération chrétienne, ne pouvaient, sans une assistance céleste toute particulière, conserver l'idéal d' Israël et l'interpréter exactement sans s'en écarter jamais. Il est logique d'admettre, comme le fait précisément l'Eglise catholique romaine, la plus conséquente de toutes les Eglises chrétiennes, qu'une institution divine doit demeurer préservée de toute erreur, que Dieu ne se borne plus à parler mais qu'il doit assurer la conservation invariable de sa parole. Mais qu'on y prenne garde. Si ce principe est vrai, il faut commencer par le reconnaître pour le judaïsme lui‑même; il faut croire que la voix du Sinaï ne pouvait manquer de retentir d'âge en âge et que Dieu a garanti à la religion israélite cette infaillibilité, cette assistance[13] surnaturelle que l'Eglise romaine juge nécessaire de s'attribuer aujourd'hui.

Si au contraire Jésus n'était qu'un homme, comme le pensent non seulement toutes les autres religions et tous les rationalistes, mais encore les Eglises chrétiennes, si nombreuses de nos jours, pour lesquelles la divinité du héro des Evangiles a cessé d'être un dogme, est‑il raisonnable de supposer qu'en jugeant le christianisme on juge du même coup l'hébraïsme et que celui ci a été si parfaitement compris et si fidèlement représenté au cours des siècles par la religion chrétienne que la chute de celle‑ci entraine inévitablement la déchéance de celle qui lui a donné naissance! Quoi! sans aucun miracle, sans intervention directe de Dieu, un jeune homme médiocrement instruit peut il s'arroger le droit de parler au nom d'une très ancienne nation en pleine possession de ses monuments scripturaires et de ses traditions? Bien plus, peut‑il contredire ses enseignements les plus formulés et malgré les solennelles protestations de tout un peuple prétendre être cru sur parole? Et lorsqu'il s'agit de connaître la vraie nature du judaïsme, le bon sens permet‑il d'admettre que les successeurs du jeune novateur, pour la plupart d'origine païenne, soient préférés aux représentants authentiques de l'antique religion? Et si le monde finit par trouver, à tort ou à raison, que les progrès de l'intelligence humaine ont dépassé sur certains points l'idéal chrétien, est‑il juste d'englober celui d'Israël dans le même arrêt de condamnation? L'équité la plus élémentaire comme la simple logique, le respect pour la vérité et l'intérêt même de notre avenir religieux s'opposant formellement à une telle confusion.

Quel est donc cet hébraïsme qu'on a cru posséder et connaître à fond pendant des siècles, en sorte qu'on n'en saurait plus rien apprendre de nouveau? Ce n'est qu'un hébraïsme de seconde main, découronné, arraché à la source même de sa vie et exposé de la façon la plus inexpérimentée et sans le moindre ménagement à l'action profondément modifiante et délétère de préjugés, de doctrines et de civilisations qui n'avaient rien de commun avec lui. N'est‑il pas plus que douteux que dans de telles conditions l'essai de réalisation du messianisme juif ait pu s'effectuer d'une manière complète et satisfaisante? En vérité, une religion ne vaut que par ce quelle proclame lui‑même et non par ce que d'autres prêchent en son nom. Il ne suffit pas de dire: Voilà le messianisme annoncé par les prophètes d'Israël; il faut examiner s'il a été bien compris,[14] bien interprété et surtout enseigné et appliqué avec une scrupuleuse exactitude. Vienne le jour où l'humanité commence à s'apercevoir que ce prétendu messianisme ne répond plus à l'idée qu'elle se forme d'une institution divine, que doit‑elle faire? Peut‑elle sans injustice rejeter, les yeux fermés, le véritable hébraïsme, sous prétexte qu'on lui a présenté jadis comme le réalisant une religion qui se trouve aujourd'hui en contradiction avec ses croyances les plus fondamentales et ses plus chères aspirations? Non certes; son devoir comme son intérêt, c'est de remonter aux sources et de prendre directement connaissance des textes et des traditions israélites qui concernent le règne messianique, la religion universelle promise aux nations; c'est d'étudier jusqu' à quel point l'idéal de l'humanité, d'après le judaïsme, le christianisme véritable, a été atteint par ceux qui se sont arrogé ses titres, ses droits et sa mission.

Si cet examen impartial démontre que la religion chrétienne a pleinement réalisé le messianisme d'Israël, ce sera le cas de condamner celui‑ci et de rejeter la Bible comme une source définitivement épuisée. Mais si l'on découvre au contraire, entre l'hébraïsme et les essais d'universalisation qui en ont été faits, une différence telle que l'on puisse continuer à croire à la valeur propre de la Révélation mosaïque et de son idéal messianique, s'il est même possible de rester chrétien, dans la plus large acception du mot, sans abdiquer pour cela la qualité d'homme raisonnable et de citoyen, quel bonheur inespéré! quelle perspective pour l'avenir religieux de l'humanité! et par conséquent quel coupable aveuglement que de négliger cette chance de salut et de condamner le judaïsme sans l'avoir jamais écouté!

Chapitre VI.

C'est pour faire entendre dans la crise présente la voix d'Israël, que ce livre a été écrit. Pour atteindre notre but, une double démonstration s'impose à nous, car nous nous adressons à la fois aux rationalistes et aux messianistes ou chrétiens des diverses Eglises. Aux premiers, trop enclins à dénier au judaïsme tout caractère d'universalisme, nous avons à prouver que cette religion est tout autre chose qu'un culte particulariste ou national comme ceux dont l'antiquité nous offre tant d'exemples, qu'elle constitue au[15] contraire une exception frappante et que cette dérogation aux lois de l'histoire est à elle seule une preuve en faveur de la révélation, c'est à dire de l'origine supérieure de la religion d'Israël et, par conséquent de sa valeur et de son rôle spécial dans les destinées de l'humanité, Aux seconds, nous aurons à exposer cette loi noachide, ou universelle que le judaïsme a précieusement conservée et qui a été le point de départ et la force impulsive de la prédication chrétienne dans le monde; nous leur montrerons quelle est la véritable conception juive de l'homme, des peuples et de l'humanité organisée en un tout harmonique. Les uns et les autres ne peuvent que gagner à cette étude; ils reconnaîtront, nous en avons le ferme espoir, que l'hébraïsme, auquel l'humanité jadis a déjà fait appel, lui offre aujourd'hui encore une ancre de salut.

On ne saurait contester que lorsqu'une forme religieuse a fait son temps, c'est encore à elle cependant qu'il faut recourir, pour chercher à établir, sur quelque terrain inexploré et à l'aide de quelque germe préexistant, la forme qui doit lui succéder. Les religions dites naturelles ou purement rationnelles n'ont pas de prise profonde sur l'âme humaine. Il y a une loi de continuité à laquelle on ne peut se soustraire et les innovations ne naissent viables qu'autant qu'elles ont été longuement préparées au sein du précédentes institutions. Par conséquent, la religion de l'avenir doit avoir sa base dans quelque religion positive et traditionnelle, investie du mystérieux prestige de l'antiquité. Or, de toutes les religions anciennes, le judaïsme est la seule qui déclare posséder un idéal religieux pour l'humanité tout entière et, par un privilège exceptionnel, il a déjà donné naissance aux deux grandes religions qui se partagent actuellement la monde civilisé et qui croient avoir pour elles l'avenir. La transformation à opérer sera donc d'autant plus facile et plus naturelle qu'il s'agit en réalité de l'idéal que le christianisme et l'islamisme ont cherché à faire prévaloir. Seulement leur œuvre n'est qu'une copie qui doit être mise en face de l'original; partout où elle se trouvera infidèle, partout où elle aura péché soit par excès, soit par défaut, partout enfin où il sera établi que des idées étrangères ont réussi à s'introduire, la notification s'imposera, d'lui‑même. Il ne s'agit ni de démolition, ni de révolution religieuse, ni de reconstruction à nouveau; il ne doit y avoir ni déchirement, ni solution de continuité; le christianisme sera toujours ce qu'il prétend être: le messianisme, seulement, dans toutes ses parties défectueuse, il se sera réformé.[16]

Tous ceux que préoccupe l'avenir de l'humanité rêvent pour elle une religion qui respecte pleinement et les besoins de la foi et les principes essentiels de la raison moderne, mais ils comprennent aussi la nécessité de rattacher cette religion au passé et de maintenir les anciennes croyances dans tout ce qu'elles ont de compatible avec ces mêmes principes. « Il est naturel, dit Hartmann, que ces efforts se rattachent aux religions traditionnelles, soit parce que ce serait une entreprise hasardée et inexécutable de tout recommencer, soit parce que l'idée de lacontinuité historique s'est imposée à la conscience moderne comme celle d'un bien inappréciable, impossible à remplacer et tel que, pour le conserver, aucune concession admissible ne doit paraître excessive » [17]

Mais comme les diverses tentatives de conciliation entre la raison, la civilisation et la foi paraissent pâles auprès du rayon de lumière qui brille à l'horizon, dès que l'on se tourne du côté de l'idéal hébraïque! Les combinaisons artificielles, les synthèses compliquées qu'on imagine, loin de pouvoir satisfaire les besoins de l'humanité, apparaissent plutôt comme un indice d'extrême épuisement religieux; tout est arbitraire, décousu, hétérogène, sans prestige ni autorité même sur la conscience de ceux qui inventent ces systèmes. Avec la doctrine hébraïque au contraire, qui forme un tout parfaitement homogène et qui présente avec les deux plus grandes religions existantes toute l'affinité désirable, puisqu'elle en est la mère incontestée, c'est la religion la plus ancienne qui va devenir la plus nouvelle; c'est de la source d' où a jailli déjà tant d'eau fécondante qu'un nouveau jet bienfaisant va sortir.

Et d'ailleurs en face du christianisme et de l'islamisme, du premier surtout avec sa durée de dix‑neuf siècles, sa chaîne ininterrompue d'apôtres, de pères, de docteurs, avec sa majestueuse hiérarchie, son origine prétendue divine et son infaillibilité, il faut bien convenir que toute religion si raisonnable, si philosophique, si morale soit‑elle, fera toujours pauvre figure tant que ses fondements ne reposeront que sur la seule raison. Pour rivaliser avec ces cultes puissants, il faut autre chose que des créations individuelles plus on moins ingénieuses. A des religions si anciennes, il en faut pouvoir opposer une autre d'une durée plus respectable encore. En face de leur longue et vénérable tradition et des preuves d'origine surnaturelle qu'elles allèguent, il s'agit de produire une[18] autre tradition plus antique et plus auguste et des titres plus authentiquement divins. Enfin, pour remplacer une autorité qui se déclare infaillible et qui ne se constitue que l'an un de l'ère chrétienne on de l'hégire en infligeant, par une singulière contradiction, un démenti au principe même dont elle se réclame, on doit chercher une autre infaillibilité bien plus sérieuse qui, commencée avec l'histoire, de l'homme sur la terre, ne finira qu'avec lui. Or, nous le demandons encore à tous ceux qu' intéressent les besoins religieux de l'humanité, existe‑t‑il en dehors du judaïsme, non dans sa partie ethnique, mais dans ce qu'il a d'universel, une autre religion qui soit en état de répondre à ces conditions, sans lesquelles on ne saurait rien constituer de solide et de durable?

Chapitre VII.

Et maintenant nous nous tournons vers les fils des deux grands messianismes, chrétien et musulman. C'est aux chrétiens en particulier que nous voudrions adresser une franche respectueuse parole et Dieu sait si c'est avec la crainte dans le cœur que nos avances ne soient prises pour de l'hypocrisie. Non! nul homme impartial et raisonnable ne peut s'empêcher de reconnaître et d'apprécier comme il convient la haute valeur de ces deux grandes religions et plus spécialement du christianisme. Il n'est pas de juif digne de ce nom qui ne se réjouisse de la grande transformation opérée par elles dans un monde que souillaient autrefois tant d'erreurs et de misères morales. On ne saurait entendre les noms les plus augustes et les plus chers du judaïsme, les échos de ses livres sacrés, le souvenir de ses grands évènements, ses hymnes et ses prophéties sur la bouche de tant de millions d'anciens païens de toute race réunis pour adorer le Dieu d'Israël dans les églises et, dans les mosquées, sans se sentir pénétré d'une légitime fierté, de reconnaissance et d'amour envers le Dieu qui a opéré de si grande miracles. Quant à nous, il ne nous est jamais arrivé d'entendre sur les lèvres d'un prêtre les psaumes de David sans éprouver de tels sentiments. Jamais la lecture de certains passages des Evangiles ne nous a laissé froid; la simplicité, la grandeur, la tendresse infinie que respirent ces pages nous bouleversaient jusqu'au fond de l'âme; des larmes involontaires coulaient de nos yeux et nous eussions été facilement gagné par le charme[19] de ce livre, si une grâce particulière ne nous avait fait triompher de la grâce lui‑même et si nous n'avions été familiarisé depuis longtemps avec ces émotions par les écrits de nos docteurs, par l'Haggada surtout dont l'Evangile s'est qu'un feuillet détaché et qui, avec lui et sans lui, a conquis et conquerra le monde comme l'a dit Renan.

Nous nous abandonnions alors d'autant plus librement à ces douces impressions que nous avions conscience de rentrer dans un domaine qui nous appartient, de jouir ainsi de notre propre bien et d'être d'autant plus juif que nous rendions mieux justice au christianisme. Et nous disions alors: qu'importe, que les passions humaines se soient conjurées ici comme partout pour accomplir leur œuvre néfaste! qu'importe qu'entre juifs et chrétiens la haine et les préjugés, les faiblesses et les crimes aient creusé un abîme de séparation! les deux religions elles mêmes sont et resteront sœurs. Les croyances et les aspirations de l'âme ne connaissent pas ces aveugles répulsions et si elles sont au fond unies et solidaires, nulle puissance au monde ne les pourrait séparer définitivement; bien au contraire, elles sauront, au moment voulu, rapprocher les intelligences elles‑mêmes, afin que, dans la sereine contemplation de la vérité historique et dogmatique, elles reconnaissent leur parenté originelle et, par une alliance raisonnable, se remettent à travailler en commun à l'accomplissement de leurs grandes destinées.

Pourquoi cet espoir ne se réaliserait‑il point? Pourquoi le judaïsme et le christianisme n'uniraient‑ils pas leurs efforts en vue de l'avenir religieux de l'humanité? Pourquoi le christianisme éprouverait‑il une difficulté à s'entendre avec cette religion dont il est issu, dont il reconnaît la vérité fondamentale et qui possède, à un plus haut degré que lui, toutes les qualités dont il est si fier : l'antiquité, la continuité historique, l'autorité et la vitalité? Qu'il dédaigne de s'abaisser à des transactions avec l'esprit du siècle, qu'il se fasse un point d'honneur de ne pas céder aux sommations de la sagesse humaine, cela se comprend. Mais qu'y aurait‑il d'humiliant pour lui à condescendre à de franches explications avec le judaïsme dans le but de redresser des erreurs dogmatiques et de dissiper de funestes malentendus? L'Eglise catholique n'a‑t'elle pas fait maintes fois à d'obscurs hérésiarques l'honneur de discuter avec eux dans ses conciles? Et si de ces délibérations avec la religion‑mère pouvait sortir un christianisme[20] qui conserverait son caractère d'autorité divine, que dis‑je? un christianisme d'autant plus orthodoxe qu'il se serait retrempé dans une orthodoxie plus ancienne que lui, mais qui satisferait, comme nous le croyons fermement, mieux que les Eglises chrétiennes actuelles, les besoins des esprits et qui serait mieux en état de parer aux périls de l'avenir, quel heureux présage n'en pourrait‑on pas concevoir pour l'humanité! Quelle solution aussi simple qu'admirable du grand problème religieux!

Si nous parlons particulièrement du christianisme, c'est qu'il représente une partie considérable de l'humanité. Professé par les nations les plus civilisées, il est une des plus savantes religions. Il a été la première à vouloir incarner parmi les gentils l'idéal des prophètes et il tend encore à se répandre de plus en plus. C'est donc à lui qu'appartient l'honneur du principal essai de religion universelle, comme c'est à lui aussi qu'incombe la responsabilité de l'échec.

Chapitre VIII.

Mais, nous objectera‑t'on le christianisme est si loin de vouloir chercher force et lumière dans l'antique religion hébraïque, qu'il ne reconnait même plus à celle ci le droit d'exister. N'a t il pas érigé en principe, dès les premiers siècles, l'abolition de la Loi? N'a‑t il pas commencé par prononcer avant tout la condamnation et la déchéance d'Israël? Ce n'est malheureusement que trop vrai. Aussi estimons nous que c'est là précisément le premier point à éclaircir.

Reportons nous par la pensée aux premiers jours du christianisme pour en refaire brièvement l'histoire. Pour des causes qu'il serait trop long d'exposer, il n'y eut à cette époque, sur la question de la loi, que deux tendances en présence. La plus ancienne est celle qui voulait rendre la loi mosaïque obligatoire pour les gentils au même titre que pour les juifs de naissance. L'autre, de date postérieure, et qui a finalement prévalu, en proclamait l'abolition indistinctement pour les uns et pour les autres. L'idée dominante, dans l'une comme dans l'autre de ces tendances opposées, était que le judaïsme devait donner au monde la religion universelle, soit que la loi particulière des juifs dût s'appliquer à tous, soit que l'on eût à tirer de ce statut aboli dans son ensemble là nouvelle[21] loi commune aux juifs et aux gentils. On s'accordait des deux côtés à reconnaître qu'il ne devait exister aucune opposition entre l'ancien et le nouveau culte et qu'en somme hébraïsme et messianisme étaient une seule et même religion. Il y ont bien entre ces deux tendances extrêmes un moyen terme proposé par Paul comme expédient transitoire et qui consistait à, tolérer provisoirement les rites juifs désormais dénués de toute valeur et de toute efficacité, mais il était si inconséquent et sa durée fut si courte qu'il ne mérite pas que nous nous y arrêtions davantage.

Des deux solutions indiquées plus haut, c'est donc l'abolition de la loi pour tout le monde qui s'est imposée malgré les protestations légitimes qu'elle soulevait. Pour apprécier convenablement ce fait capital, Il faut l'étudier en lui‑même et dans ses conséquences.

Demandons‑nous tout d'abord si entre le judaïsme et le christianisme, entre le culte ethnique des israélites et le culte des gentils, entre la loi mosaïque et la loi noachide ou universelle, il n'y avait pas d'union possible sans l'une ou l'autre de ces deux solutions. La pensée hébraïque n'avait elle pas conçu d'autres rapports normaux entre le mosaïsme et le messianisme? Le premier devait‑il devenir universel aux temps messianiques, on bien devait‑il faire place à la loi dite noachide, s'appliquant à tous les hommes en dehors d'Israël, à laquelle les juifs eux mêmes se seraient désormais trouvés soumis? Ni l'un ni l'autre des systèmes mis en avant par les deux grandes écoles de Jacques et de Paul ne répondait à l'idéal hébraïque. Les païens ne devaient pas être tenus à l'observation de la loi mosaïque comme Jacques l'aurait voulu, et Paul était dans le vrai en le combattant. Les juifs ne devaient pas non plus abandonner leur religion comme le demandait Paul, et Jacques avait parfaitement raison de ne les en point dispenser. Ces esprits, qui ne brillaient pas précisément par leur connaissance des doctrines juives, avaient donc à la fois tort et raison respectivement. Il leur manquait à tous deux d'avoir approfondi davantage la véritable conception hébraïque du règne messianique.

Quelle était donc cette conception? Le présent ouvrage l'établira, nous l'espérons, d'une manière complète. Pour l'hébraïsme, le monde est comme une grande famille où le père vit en contact immédiat avec ses enfants qui sont les différentes nations de la terre. Parmi ces enfants, il y a un premier né qui, conformément aux anciennes institutions, était le prêtre de La famille, chargé de[22] faire exécuter les ordres du père et de le remplacer en son absence. C'était lui qui administrait les choses sacrées, qui officiait, enseignait, bénissait, et en reconnaissance de ces services, il recevait une double part dans l'héritage paternel et la consécration ou imposition des mains, sorte d'investiture religieuse que le père accordait parfois, à la place du premier né, à celui d'entre les fils qu'il en jugeait plus digne. Telle est la conception juive du monde. Au ciel un seul Dieu, père commun de tous les hommes, et sur la terre une famille de peuples parmi lesquels Israël est le premier né, chargé d'enseigner et d'administrer la vraie religion de l'humanité dont il est le prêtre. Cette religion est la loi de Noé: c'est celle que le genre humain embrassera aux jours du Messie et qu'Israël a la mission de conserver et de faire prévaloir à son heure. Mais comme peuple‑prêtre, comme nation consacrée à la vie purement religieuse, Israël a des devoirs spéciaux, des obligations particulières qui sont comme une sorte de loi monastique, de règle claustrale, de constitution ecclésiastique qui lui reste personnelle en raison de ses hautes fonctions.

Quelle était donc la ligne toute tracée qu'auraient dû suivre les premiers chrétiens? C'était de s'en tenir strictement à la conception juive: la loi de Moïse pour les juifs, la loi noachide pour les gentils. Au lieu de cela, qu'est‑il arrivé? Soit par suite de l'ignorance des apôtres que l'on s'accorde à reconnaître comme dénuée de toute culture, soit par l'effet de la surexcitation des passions, soit enfin que cette loi noachide, qui n'avait jamais encore reçu d'application générale, fût à peu près inconnue, on ne prêcha que les deux solutions extrêmes, c'est‑à‑dire d'un côté, la suppression pure et simple de la loi mosaïque et de l'autre, la soumission de tous à cette même loi. On ne distingue que bien rarement, comme par exemple dans deux passages du livre des Actes (XV, 19,20 et XXI, 25), une faible trace du véritable système hébraïque à travers toutes les discussions et les divisions religieuses de cette époque.

Ce n'est pas ici le lieu d'examiner au point de théologique la question de l'abolition générale du mosaïsme qui a prévalu dans les idées chrétiennes, ni d'étudier les conséquences fâcheuses qui résultèrent pour le christianisme lui‑même de la suppression d'une loi où la partie cérémonielle dont on pensait s'affranchir uniquement, était tout à fait inséparable de la partie morale et doctrinale. Les sectes qui, par leurs excès, ne tardèrent pas à scandaliser L'Eglise, les erreurs grossières dans lesquelles tomba la foi populaire,[23] les discordes qui déchirèrent et ensanglantèrent le monde chrétien sur la question de la foi et des œuvres, sur l'efficacité de la grâce et de la rédemption, sur le libre arbitre et le serf arbitre, les obscurités que présentent aujourd'hui encore les dogmes du christianisme, sont là pour attester que s'il est permis aux hommes d'être illogiques, les lois de l'histoire ont au contraire une logique intrinsèque et qu'avec les observances rituéliques, la morale et la doctrine même de la Bible devaient fatalement tomber du même coup.

Il était inévitable aussi qu'Israël disparût du nombre des nations et son sacerdoce avec lui. Or, si le judaïsme avait pris au sérieux la condamnation prononcée, l'humanité trouverait aujourd'hui tarie la source d'où le christianisme est sorti; L'arbre qui a produit tant de fruits et dont la sève en promettait tant d'autres encore aurait été déraciné et il serait impossible de vérifier maintenant la provenance et la qualité des rejetons que l'on prétend lui attribuer. Le monde serait actuellement obligé de choisir, sans autre alternative possible, entre le catholicisme romain, la forme la plus logique du christianisme, et la libre pensée.

Nous nous occuperons plus tard des objections des rationalistes qui nous disent que si le christianisme a fait son temps, le judaïsme, qui lui a donné naissance et sur lequel il réalisait un progrès, est à bien plus forte raison une forme périmée et que d'ailleurs, comme religion sémitique, il est incompatible avec le génie et les tendances des peuples aryens. C'est aux chrétiens que nous nous adressons présentement et nous les conjurons d'examiner, sérieuse‑ ment si le judaïsme n'a pas eu raison de ne point, souscrire à l'arrêt de condamnation porté contre lui. Une flagrante contradiction se révèle, en effet dans les discussions des premiers siècles sur la rejection d'Israël. D'un côté, on affirme que le christianisme est fondé sur le judaïsme; toutes les voix de l'Eglise s'accordent pour dire que ce sont les promesses des prophètes qui se sont réalisées dans le christianisme et par son moyen. Or qu'est ce que les prophéties annonçaient? Qu' Israël, gardien du messianisme, serait, lors de son avènement, considéré par les Gentils convertis comme prêtre de l'humanité et que son individualité comme peuple de Dieu serait d'autant plus assurée que la vérité de sa mission serait généralement reconnue. D'un autre côté, on prétend que si les païens sont entrés dans[24] L'Eglise, c'est que les péchés des juifs ont obligé Dieu à les rejeter et à transférer ses prédilections à un nouvel Israël recruté parmi les Gentils. Quelle idée mesquine du messianisme! Comme si le règne de Dieu qu'il devait inaugurer pouvait consister dans la substitution d'un Israël à un autre Israël, d'un peuple privilégié à un autre peuple privilégié! Comme si au contraire les promesses messianiques n'étaient pas attachées indissolublement à la reconnaissance du sacerdoce israélite!

Sans doute les circonstances expliquent dans une certaine mesure cette erreur. Israël refusant d'adhérer aux idées nouvelles et de jouer un rôle dans la religion universelle que l'on organisait, la physionomie du messianisme hébraïque privé de l'un de ses deux facteurs se trouva complètement altérée et au lieu d'une humanité convertie à la voix du peuple élu, on imagina un nouveau peuple de Dieu substitué à l'ancien. Mais le refus qu'opposait Israël aux avances chrétiennes aurait au moins dû faire entrevoir que la religion nouvelle ne remplissait peut être pas les conditions du véritable messianisme. Tous les juifs sans exception pouvaient‑ils donc se tromper à l'exception de douze pêcheurs dont on vente la complète ignorance? S'il en était ainsi, les fondements de toute révélation et par conséquent aussi du christianisme et du catholicisme s'écrouleraient irrémédiablement, car à quoi bon une révélation, si Dieu n'en garantissait, par la suite, la conservation chez ceux qu'il en a une fois constitués dépositaires et, s'il n'exerçait pas dans l'ordre moral cette Providence qui, malgré la présence des forces destructrices tend sans cesse au maintien de l'harmonie dans l'ordre de la nature? En effet, la croyance à une assistance spéciale de Dieu pour la préservation de la vérité religieuse chez le peuple à qui il l'a confiée, se confond, il ne faut pas l'oubIier, avec la foi à la Providence en général et au progrès humain en particulier.

Chapitre IX.

Si maintenant nous considérons l'hébraïsme comme institution, demandons‑nous encore s'il a eu raison de s'obstiner à vivre de sa vie propre, bien qu'on le proclamât irrévocablement déchu. Le seul fait d'avoir si longtemps subsisté ne lui donne‑t‑il pas raison. Les religions comme les nations ne vivent que si leur existence a une raison d'être et la vie du judaïsme durant ces dix neuf [25] siècles n'a été ni moins puissante, ni moins active, ni moins féconde qu'auparavant. Comment expliquer un tel phénomène, si cette religion n'avait plus de mission à remplir? Comment admettre dans l'univers, où il n'y a rien d'inutile, une superfluité si étonnante? Accepterons‑nous l'explication qu'en donne parfois l'orthodoxie chrétienne, celle d'un châtiment infligé aux juifs pour leur endurcissement? Mais ce serait offenser la Providence et s'exposer à un démenti que la civilisation grâce à Dieu, ne chargerait de nous infliger. Prolonger l'existence uniquement en vue de prolonger la souffrance, voilà qui est indigne de Dieu comme de l'homme.

Souscrirons‑nous à l'autre hypothèse un peu plus humaine, d'après laquelle les juifs auraient été providentiellement conservés comme témoins de la vérité du christianisme? La preuve serait bien insuffisante, car l'existence d'Israël n'empêche pas une critique audacieuse de mettre en doute les grande événements de l'histoire juive qui servant de fondement à la religion chrétienne et l'on peut se demander d'ailleurs si la disparition définitive des israélites rebelles n'aurait pas mieux établi les prétendues vérités chrétiennes que leur persévérante opposition au cours des siècles. La miraculeuse conservation d'Israël, semblable à un arbre vigoureux que n'ont pu abattre les orages et dont les vents ont disséminé sur toute la surface de la terre les fécondantes semences, demeure donc un insoluble problème, aussi longtemps que l'on s'obstine à déclarer sa religion épuisée et sans avenir. Mais si les religions qui ont voulu la supplanter sont loin de répondre aux aspirations des temps modernes, est‑on certain que le judaïsme ne renferme rien de plus satisfaisant? Ne voit‑on pas qu'il serait contraire à toutes les lois de l'histoire que cette religion, si radicalement différente du paganisme, ait passé tout entière et dans toute sa pureté dans le culte chrétien, qui a remplacé le polythéisme au sein du monde gréco‑romain, et que des païens de naissance aient pu non seulement s'assimiler complètement tout l'idéal hébraïque, mais encore le surpasser? Ce serait également contraire à la loi que Dieu, d'après la conception chrétienne, s'est imposée dans ses communications, au genre humain et selon laquelle il se plie à la capacité des esprits et suit une voie progressive dans le développement de la révélation, loi qui, au début même de l'Eglise chrétienne, n'a cessé de régler la conduite des apôtres, soit dans la position qu'ils prirent vis à vis du judaïsme, soit dans l'enseignement des mystères chrétiens aux païens convertis.[26]

Par la nature même des choses, si l'on tient compte de la gradation inévitable dans toute évolution historique, te christianisme, dans les conditions où il s'est établi devait rester plus ou moins inférieur au judaïsme et c'est à celui‑ci, comme à la religion mère, que les chrétiens devraient avoir recours pour résoudre leurs doutes et trancher leurs difficultés doctrinales. Il y aura en effet toujours plus de ressemblance entre le judaïsme et le christianisme primitif, qu'il n'en peut exister entre celui‑ci et la religion chrétienne telle que les siècles et les mille influences étrangères l'ont définitivement constituée. En un mot, il faut transporter sur le terrain dogmatique la même méthode d'investigation que l'on s'accords à reconnaître si utile et si raisonnable sur le terrain historique et critique et qui consiste à interpréter le christianisme par le judaïsme.

En comparant le christianisme actuel et l'hébraïsme tel que les juifs l'ont conservé, nous avons à démontrer, au triple point de vue du dogme, de la morale et de la loi sociale, qu'il est avantageux, dans l'intérêt de l'humanité, que le judaïsme ait survécu à l'arrêt de condamnation dont on a voulu le frapper. Et pour ne parler présentement que du dogme, est‑il besoin d'étayer de preuves nombreuses l'excellence de la doctrine hébraïque, puisque le christianisme, loin de nier les vérités qu'elle renferme, nous déclare en avoir légitimement hérité?

On prétend parfois, il est vrai, que les mystères chrétiens ont réalisé un progrès dans la vraie connaissance de Dieu. Mais quels que soient les rapports que l'on imagine entre ces mystères et les enseignements de l'ancien hébraïsme, on ne va pas jusqu'à leur attribuer sur ceux‑ci aucune supériorité essentielle. On affirme seulement que les vérités qui préexistaient dans le judaïsme antique n'étaient point généralement connues; mais lors même qu'elles auraient été le privilège d'une élite, elles n'en constitueraient pas moins aujourd'hui, d'après le christianisme lui‑même, le critérium nécessaire pour juger les doctrines qu'il propose. Quant à ceux qui nous parlent de nouvelle révélation, ne voient‑ils pas que si les mystères chrétiens étaient véritablement une nouveauté, toute l'économie de la révélation divine se trouverait bouleversée? Il ne s'agirait plus en effet d'une révélation unique et parfaite sortant, comme la création physique, de la souveraine intelligence de Dieu, mais bien de révélations fragmentaires, successives et par conséquent perfectibles comme les institutions et les sciences humaines.[27]

Ainsi donc, pour être logique, le christianisme lui‑même, au lieu de se considérer comme la religion définitive de l'humanité, devrait s'attendre, dans un délai plus ou moins éloigné, à être remplacé par une autre. Dès l'instant que, dans l'intention de combattre le judaïsme, on abandonne l'idée d'une révélation unique, qui, sans modification fondamentale, se développe au cours des âges, il ne reste plus que l'hypothèse de religions se supplantant l'une l'autre tour à tour aussi longtemps que durera l'évolution de l'humanité. Arrêter à un moment déterminé de l'histoire, au profit d'une forme religieuse quelconque, cette série de révélations, c'est là un système si inconsistant qu'il ne mérite pas un sérieux examen.

Il existe bien une autre théorie beaucoup plus juste et qui tient le milieu entre l'idée d'une seule révélation et celle de révélations successives, mais elle ne sert nullement, comme on le voudrait, la cause de l'abolition de la Loi. C'est le système des germes préexistants, d'après lequel les formes religieuses qui se succèdent ne font que développer de plus en plus parfaitement les principes et les institutions contenus en germe dans la révélation primitive. Ainsi la christianisme n'aurait fait que perfectionner ce qui existait dans l'hébraïsme, sans que l'on soit nullement obligé d'en chercher l'origine dans les dogmes et les pratiques du polythéisme oriental. Mais si la théorie de l'évolution religieuse est vraie en lui‑même, elle n'en est pas moins inapplicable quand il s'agit des rapports entre le christianisme et le judaïsme. Les documents évangéliques nous parlent en effet d'une révélation proprement dite accompagnée de véritables prodiges, ce qui, pour une simple évolution, serait un moyen bien extraordinaire, hors de toute proportion avec le but tracé d'avance par la sagesse divine. D'ailleurs, cette loi de développement ne peut être intermittente; c'est un mouvement continu qui tend à manifester progressivement au dehors ce qui existait d'une manière latente et ce serait faire injure à la Providence que d'exiger à chaque pas, dans cette marche incessante, de nouveaux miracles, comme si la loi une fois tracée ne devait pas recevoir son accomplissement. En outre, ce système exclut un point d'arrêt définitif à un moment quelconque de l'histoire au profit de l'une de ces étapes religieuses que parcourt l'humanité. Et surtout il faut renoncer à toute idée de solution de continuité ou d'antagonisme entre la forme précédente et celle qui lui succède, comme il n'en existe évidemment que trop entre[28] le christianisme actuel et le judaïsme. Dira‑t‑on que cet antagonisme n'est dû qu'à l'aveuglement des Juifs qui n'ont pu voulu reconnaître que le christianisme était une évolution toute naturelle du judaïsme, en sorte qu'ils ont obstinément repoussé le dé‑ veloppement légitime de leur propre religion? Mais il est vraiment inadmissible que le peuple juif, après s'être prêté sans la moindre opposition à toutes les évolutions antérieures au christianisme, se soit montré si complètement réfractaire à cette dernière, qu'il n'y eut chez lui pour l'accepter qu'une infime et obscure minorité. Il suffit d'ailleurs de reprendre la comparaison du germe préexistant, sur laquelle on appuie cette théorie, pour voir combien une pareille supposition serait absurde.

Il est évident en effet que le développement d'un germe ne peut s'opérer d'une manière conforme à sa nature que dans le milieu et à l'aide des circonstances où il a pris naissance, c'est‑à‑dire dans un terrain, sous un climat et grâce à des influences et à une culture homogènes, propres par conséquent à favoriser l'épanouissement de ses qualités spécifiques. Il serait donc souverainement déraisonnable de prétendre que les germes existants dans le judaïsme n'ont pu pousser et grandir au milieu de quelques gens du peuple dont l'ignorance n'est contestée par personne et, plus tard, dans des pays et sous l'action d'influences étrangères antipathiques à la religion d'Israël. Enfin, ce système n'est pas sans danger pour l'apologétique chrétienne qui, pour éviter un écueil, tombe en réalité dans une autre difficulté. Car que fait‑elle lorsque la critique rationaliste prétend chercher dans les religions asiatiques, bouddhisme, brahmanisme, mazdéisme, l'origine des croyances et des pratiques chrétiennes? Elle insiste fortement sur la présence en Palestine à l'époque de Jésus, des mêmes doctrines qui prévalurent ensuite dans l'Eglise et elle en conclut à bon droit que c'est plutôt là que partout ailleurs qu'on doit chercher la racine première du christianisme. S'agit‑il au contraire de rehausser vis à vis du judaïsme la valeur de la religion chrétienne et de justifier celle‑ci? Au risque alors de se contredire, on signale avec complaisance les différences qui la caractérisent et il est bien entendu que sur tous les points ou elle s'écarte de la foi juive, c'est tout Israël qui est dans l'erreur et que seule une douzaine de pêcheurs illettrés ont été en possession de la pleine vérité israélite? Nous demandons si une pareille apologétique tout artificielle ne répugne pas grandement aux règles de la logique et s'il n'ap‑parait[29] pas aux esprits non prévenus que l'édifice religieux qu'elle élève contient un vice initial de structure, qui fait douter avec raison de sa solidité.

Chapitre X.

Pour échapper à cette redoutable alternative de sacrifier la raison à la foi ou d'immoler la foi à la raison, il faut donc reconnaître que le judaïsme providentiellement conservé au cours des siècles a encore quelque chose à enseigner à l'humanité. Entre le Syllabus avec ses anathèmes à toutes les conquêtes de la civilisation et le besoin inassouvi de croyances religieuses, entre les égarements d'une raison orgueilleuse abandonnée à lui‑même et les aspirations jamais satisfaites de l'âme humaine tâtonnant perpétuellement dans le doute comme si Dieu ne s'était point révélé, nous croyons qu'il existe une solution et que seule l'antique religion hébraïque est en état de la fournir. C'est cette conviction qui a inspiré le présent ouvrage.

Deux grands enseignements ressortiront, nous en avons l'espoir, de notre travail. Nous démontrerons, d'une part, contre les allégations de la critique rationaliste, que le judaïsme, loin d'être comme elle le prétend une religion purement ethnique, a un caractère nettement universaliste et qu'il n'a cessé de s'occuper de l'humanité et de ses destinées. D'autre part, nous établirons comment l'idéal que l'hébraïsme s'est formé de l'homme et de l'organisation sociale non seulement n'a jamais été surpassé, mais n'a même été approché que de très loin, et que c'est en acceptant cet idéal, en réformant son christianisme sur ce modèle, que l'humanité pourra, sans renier ses principes les plus chers, avoir une foi raisonnable en Dieu et en sa révélation.

Le problème à résoudre peut donc se formuler ainsi:
«Le judaïsme, comme toutes les anciennes religions, ne concernait‑il que le peuple qui le professait ou bien, contrairement à l'exemple de toute l'antiquité et par une unique et merveilleuse exception, embrassait‑il dans sa conception le genre humain tout entier? »

Ce qui revient à nous demander, si, en dehors de son but particulier et immédiat, le judaïsme a été conçu et organisé en vue de l'intérêt général. Avant d'exposer notre plan, disons d'abord qu'il est facile d'observer quelque chose de semblable, soit dans[30]le monde des nations où chaque peuple a un rôle spécial à remplir, soit dans la société où chaque individu contribue, par son activité personnelle à la prospérité de tous, soit enfin dans l'univers physique dont chacune des parties se trouve coordonnée à l'harmonie de l'ensemble. Mais chaque corps concourt au but général par le jeu normal de ses qualités essentielles, toute nation travaille pour sa part au progrès de l'humanité en développant son propre génie et l'individu lui‑même se rend utile à la société en servant intelligemment son intérêt particulier. Ici, au contraire, nous voyons une organisation mise au service d'une autre, une religion nationale constituée la gardienne d'une autre religion destinée à tous les hommes et à l'intérêt particulier subordonné si complètement à l'intérêt universel qu'Ezéchiel a pu dire que Dieu régnera par force sur les Juifs qui demandaient à être comme tous le peuple de la terre . Il y a là, par conséquent, dans l'ordre spirituel, une sorte d'expropriation pour cause d'utilité publique. Remarquons enfin que, dans les exemples précédents, nations et individus concourent sans le savoir au but éloigné que la nature poursuit en eux et par eux, tandis qu'Israël avait pleinement conscience de sa mission providentielle et humanitaire. Sans doute, il a son existence propre et intérieure, mais il coopère en même temps à la vie universelle, il est l'âme des âmes, comme Dieu, selon le mot d'Aristote, est la pensée de la pensée. Aussi, doué d'une aptitude particulière pour le divin, d'une faculté religieuse que la science moderne reconnaît de plus en plus comme caractéristique de la race sémitique et spécialement de la race juive, il est soumis à des devoirs qui n'incombent qu' à lui seul; il a un culte et des pratiques à l'aspect hiératique, disons même théurgique, qui répondent au côté mystérieux de l'univers. Il remplit de la sorte une fonction indispensable à l'ordre général. Sa vie, encore une fois, est comme celle de l'âme dans laquelle se résout la vie extérieure du corps et qui absorbe et fait monter d'un degré cette vie organique en transformant les forces physiques en forces intellectuelles.

Nous montrerons donc que dans le judaïsme l'universalisme comme but et le particularisme comme moyen ont toujours coexisté et que celui ci est d'autant plus caractérisé que seule une religion très concrète, très positive, très personnelle, pouvait servir de dépositaire et d'organe à une religion universelle. On comprendra qu'Israël devait se replier d'autant plus sur lui‑même, concentrer[31] d'autant mieux au forces que, pour atteindre le but auquel il aspirait, il avait de plus grands obstacles à surmonter.

Mais avant même que nous entrions en matière, la critique rationaliste nous oppose une fin de non recevoir en contestant l'authenticité des monuments bibliques sur lesquels nous avons à appuyer nos démonstrations. On voit de suite quelle importance présente cette question dans une thèse qui tend à prouver les aspirations universalistes du judaïsme, l'intuition qu'il a eue constamment des destinées communes de l'humanité et le but qu'il a invariablement poursuivi, qui a été sa cause première et la raison d'être de toute son histoire. Les rationalistes ne s'en tiennent pas là. Ils nous opposent leur propre interprétation qui contredit perpétuellement les conclusions que nous entendons tirer nous même des écritures, quelles que soient d'ailleurs l'antiquité et l'authenticité des documents sacrés. Ils s'efforcent d'établir que les idées exceptionnelles, que nous présentons comme caractéristiques du judaïsme et qui présupposent raisonnablement une origine exceptionnelle aussi, doivent être niées simplement dans les monuments dont l'autorité ne saurait être mise en doute, ou du moins ra‑menées à une époque beaucoup plus récente chaque fois que l'authenticité des écrits bibliques peut être contestée avec quelque vraisemblance. Mais il n'est pas nécessaire que nous nous engagions dans une discussion à fond sur cette question d'authenticité qui, assurément fort importante, décisive même, quand il s'agit de la révélation proprement dite, n'offre pas le même intérêt capital, lorsqu'on se propose uniquement de rechercher les traces des doctrines universalistes dont nous avons parlé. Il nous suffit que le judaïsme, tel qu'il s'est définitivement constitué, c'est‑à‑dire celui que l'on a coutume de qualifier d'orthodoxe, les ait réellement professées et constamment maintenues dans son enseignement.

Voilà pourquoi nous puiserons indifféremment aux sources bibliques, rabbiniques, voire même kabbalistiques. Comme nous croyons fermement que le judaïsme orthodoxe seul est en état de répondre aux besoins religieux de l'humanité, c'est à lui que nous nous adresserons pour savoir si, de même qu'il entretient incontestablement des aspirations de religion universelle, il possède les moyens nécessaires pour les réaliser. Nous aurons cependant re‑ cours de préférence aux sources dont la légitimité et l'antiquité ne peuvent être contestées sérieusement. D'ailleurs ces idées sont si répandues, si fréquentes dans tous les monuments de l'antiquité[32] hébraïque que si même on croyait en devoir rejeter quelques uns comme datant en réalité d'une époque beaucoup plus récente, cela ne saurait compromettre en aucune façon le résultat définitif auquel nous visons. Quant aux différentes interprétations que l'exégèse moderne nous oppose, nous croyons pouvoir affirmer que rien ne sera négligé, afin que la vérité se fasse jour à travers les mille difficultés amoncelées centre elle.

Nous nous proposons donc dans cet ouvrage de rechercher le caractère universaliste de l'Hébraïsme,

Tout d'abord dans le domaine spéculatif, c'est‑à‑dire dans l'idée que le judaïsme s'est formée:

1.° de Dieu et des dieux;
2.° de l'homme;
3.° des nations;
4.° de l'humanité et de sa fin dernière;

En second lieu, dans le domaine pratique, nous voulons dire dans la conception que l'on s'est faite:

1.° de la loi;
2.° de la révélation primitive;
3.° de la révélation aux Gentils;
4.° de la révélation juive lui‑même, soit en ce qui concerne les lois mosaïques proprement dites, soit pour tout ce qui regarde les lois noachides de la gentilité.

Le plan que nous nous traçons comporte ainsi trois grandes divisions principales:

I. Dieu;
II. L'homme;
III. La Loi.

Dieu et lhomme, voilà les principes du judaïsme, comme de toute religion; le moyen, par lequel s'établissent les rapports entre l'homme et Dieu, c'est la Loi révélée sous son double aspect, juif et universel; l'instrument, c'est Israël; enfin, le but suprême c'est la régénération de l'humanité, le royaume de Dieu.

Chapitre XI.

Essayons maintenant de saisir mieux encore la physionomie de l'hébraïsme dont nous venons d'esquisser, les linéaments. il suffira pour cela d'indiquer en quoi il se distingue des deux grandes[33] religions rivales, le polythéisme et le christianisme, soit dans la doctrine, soit dans la forme ou les procédés.

On peut dire que l'une des plus notables différences qui séparant l'hébraïsme du polythéisme, c'est précisément l'universalisme complètement étranger aux divers cultes païens et qui constitue au contraire le caractère spécial et la mission bien définie de la religion d'Israël. Rien de semblable en effet dans le paganisme; là, l'idée de la Divinité se subdivisait, se morcelait à l'infini. Ce n'étaient partout que dieux locaux, nationaux, domestiques, individuels, dieux des diverses parties de l'âme, de ses facultés, de ses passions, voire même des différents états de santé ou de maladie. Le principe d'unification de cette cohue, innombrable, la conception du point central d'où tout émanait et où tout devait revenir, faisait totalement défaut. Il y avait là quelque chose d'analogue au divin sans Dieu d'une certaine école philosophique moderne on encore aux faits de conscience constituant, au dire de quelques psychologues, la conscience entière, sans qu'il y ait un point, un centre, un moi indivisible auquel tous ces faits aboutissent; toujours des phénomènes sans une substance qui les supporte, des actes sous un sujet dont ils forment la manifestation ou la modification. Cela n'empêche pas d'ailleurs qu'il ne faille reconnaître, même dans le polythéisme, sous l'influence de certaines circonstances, l'unité dominante et que l'idée universaliste n'y reprenne de loin en loin ses droits.

Il n'est pas possible d'énumérer ici tous les cas où, selon nous, le monothéisme et l'universalisme se font jour au sein des cultes païens. Il nous faudrait parler de leurs origines, soit générales, soit locales, des mystères où se conservait leur doctrine secrète, des occasions exceptionnelles où les divinités des diverses nations entrant en contact étaient reconnues comme identiques par leurs adorateurs, et enfin de la conception, qui se rencontre fréquemment dans les mythes polythéistes, d'une Puissance supérieure à tous les dieux. Toujours est‑il que ce qui prévalait partout dans les croyances populaires, c'est la pluralité et l'antagonisme des dieux sans aucune aspiration vers l'unité religieuse.

La différence de forme ou de procédé entre le judaïsme et le polythéisme c'est que la conséquence de celle que nous venons de signaler dans leur fond respectif. L'idée de religion universelle étant étrangère à sa théologie, le polythéisme n'a pas et ne saurait avoir de prosélytisme. Non seulement cette notion lui est inconnue[34] mais elle est même incompatible avec son génie religieux, car c'était précisément un devoir pour chaque peuple, pour chaque contrée ou chaque ville, de rester fidèle à ses divinités particulières. Bien plus, nous ne croyons rien exagérer en disant que si l'on va bien au fond des choses, il ne pouvait même être aucunement question chez les païens d'un devoir universel, où cette conception implique très certainement celle d'une volonté unique, existant au dessus de toutes les différences locales et nationales, d'une Loi universelle, supérieure aux divinités elles‑mêmes et émanant d'une source qui les domine toutes également. Or tout cela révèle incontestablement le Dieu unique, souverain législateur dont l'empire s'étend partout et toujours, sur tous les dieux et sur toutes les nations, en un mot le monothéisme et l'essence même de la doctrine hébraïque. Si le sentiment d'un devoir commun à tous se maintenait chez les païens, c'est uniquement parce que l'erreur ne peut jamais obscurcir complètement la vérité et que la nature impose à l'homme des nécessités inéluctables qu'il ne saurait trans‑ gresser impunément.

Cet attachement exclusif de chaque peuple à ses divinités particulières était si général dans le monde ancien et paraissait si naturel qu'il arrive aux Juifs de le reconnaître formellement lorsqu'ils parlent des païens, et d'employer eux mêmes le langage qui était alors communément accepté: « Comme tous les peuples marchent, chacun au nom de son dieu, nous marcherons, nous, au nom de l'Eternel, notre Dieu, à perpétuité » [35] Bien que ce verset signifie peut être simplement que la fidélité témoignée par les Gentils à leurs fausses divinités était due, à, plus forte raison, par les Israélites au Dieu véritable, il n'en est pas moins vrai que le fait dont nous parlons s'y trouve proclamé expressément.

Il nous reste à dire un mot sur la différence de fond et de forme qui sépare, à ce point de vue spécial, le judaïsme du christianisme.

Sans doute la doctrine d'une religion universelle se retrouve nettement chez l'un comme chez l'autre, mais ils diffèrent toutefois considérablement dans la manière de la concevoir.

Dieu, dans l'hébraïsme, n'est pas seulement le Père de tous les hommes considérés chacun dans son individualité, mais il l'est aussi, et au plus haut degré, de ces agglomérations des individus[36] qu'on appelle les nations et de l'humanité dans son ensemble, envisagée comme un vaste organisme, comme une famille dont les divers peuples sont les membres. Cette dernière idée ne figure dans le christianisme qu'au second plan; elle y apparait plutôt comme un pâle reflet des notions bibliques que comme une conception vivante, féconde et fondamentale, telle qu'elle ressort de tous les monuments du judaïsme dans lesquels, si elle n'efface point l'autre doctrine, elle est du moins, surtout dans les Ecritures, un peu plus accentuée. En un mot, ce qui prévaut dans l'hébraïsme biblique, c'est l'idée d'un Dieu universel des nations, tandis que dans le christianisme au contraire, c'est celle d'un Dieu universel des individus. La conséquence logique de ces aspirations universalistes est, dans le judaïsme comme dans le christianisme, une tendance à se propager, à réaliser dans l'histoire l'unité religieuse qui est le fond même de leurs dogmes, à amener d'une manière ou de l'autre l'humanité à reconnaître cette universalité, caractère essentiel de leurs croyances. Mais ici encore les deux religions s'écartent notablement dans les procédés. Tandis que le judaïsme s'adresse surtout à la raison, c'est plutôt le sentiment que le christianisme cherche à captiver. Le premier tend à constituer non seulement une Eglise composée d'individus gagnés à sa doctrine, mais dans cette Eglise même autant de collectivités, autant de nations que la nature en a formé; le second au contraire n'a pas d'autre souci que celui des âmes à sauver, c'est‑à‑dire des individus seulement.

ce n'est pas tout. Comme il s'applique à convaincre la raison humaine et que, d'autre part, il se fonde sur la base indéfectible d'une nationalité qui se croit investie dans le monde d'une mission providentielle, le prosélytisme juif a toujours été plus ou moins lent, patient, parfois même passif, respectant jusqu'au scrupule non seulement la liberté, mais encore la spontanéité individuelle, préférant que le monde vint à lui gagné par la sublimité de ses doctrines, plutôt que de chercher lui‑même à le convertir. L'attitude du christianisme est toute contraire. Son unique but, c'est le salut des âmes qu'il suppose irrémédiablement perdues tant qu'elles n'ont pu accepté ses enseignements; tous ses efforts sont donc dirigés, non point à conquérir pas à pas la conviction, mais à l'emporter d'un seul coup en faisant surtout appel au sentiment. Et comme l'instrument de sa propagande a été, non pas une famille naturelle indissoluble, c'est‑à‑dire un peuple en possession d'une[37] histoire, d'une tradition, mais nue poignée de fidèles sans passé, sans organisation préétablie, sans racines dans la nation, l'impatience, la passion, la pression et trop souvent même la violence ont été les conséquences naturelles de ce vice originel et les caractères distinctifs du prosélytisme chrétien.

Ces différences, qui séparent si profondément l'hébraïsme du polythéisme d'abord, puis du christianisme lui‑même, correspondent à la double démonstration que nous poursuivons dans cet ouvrage et au double but que nous nous proposons d'atteindre. La Présence de l'idée de religion universelle dans le judaïsme fera ressortir la nature particulière de la foi d'Israël qui la distingue complètement de toutes les croyances du monde ancien et qui constitue en sa faveur une exception si merveilleuse que, pour l'expliquer, il est indispensable de recourir à une cause non moins exceptionnelle, La critique rationaliste se trouve donc en défaut quand elle entreprend d'assujettir à des lois d'évolution identiques les religions polythéistes et l'hébraïsme: telle est notre première démonstration et l'une des conclusions de cette étude. Mais il ne nous suffit pas d'établir l'existence de l'universalisme juif, nous devons encore nous convaincre qu'il est de bon aloi, qu'il évite les défauts des autres, du christianisme par exemple, et que, par suite, il remplit les conditions nécessaires pour le rendre acceptable à la société moderne: ce sera la seconde partie de notre tâche et le second but auquel nous espérons arriver. Pour tout résumer en un mot, il faut voir si le judaïsme a parlé de l'humanité et s'il en a bien parlé.

Que les libres penseurs se rendent bien compte qu'une religion qui répond aux justes exigences de la science et de la civilisation moderne sera toujours le meilleur des rationalismes, non seulement au point de vue philosophique, mais surtout dans la pratique de la vie!

Et puissent les chrétiens ne pas oublier que ce qui parle dans ces pages, c'est l'hébraïsme dont le christianisme est issu et dont ils partagent les croyances et les espérances; que les intérêts de l'un et de l'autre sont ainsi solidaires et qu'en définitive ce sera toujours le christianisme, réformé il est vrai sur son premier modèle, qui sera la religion des peuples gentils!

Et il le sera par le judaïsme lui‑même. La réconciliation rêvée par les premiers chrétiens comme une condition de la parousie ou avènement final de Jésus, le retour des Juifs dans le sein de l'Eglise, sans lequel les diverses communions chrétiennes, qui[38] s'efforcent d'y travailler chacune à sa manière, s'accordent à reconnaître que l'œuvre de la rédemption demeure incomplète, ce retour, disons nous, s'effectuera, non pas, à la vérité, comme on l'a attendu, mais de la seule manière sérieuse, logique et durable, et surtout de la seule façon profitable au genre humain. Ce sera la réunion de l'hébraïsme et des religions qui en sont issues et, selon le mot du dernier des Prophètes, du sceau des Voyants, comme les Docteurs appellent Malachie, le retour du cœur des enfants à leurs pères.[39]

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